
nière d’agir des autres infedtes, les degrés de
leurs propriétés , les avantages & les incon-
véniens qui en pourroienc réfulcer ne font pas
également connus j & ne pourraient l’être
que par l’obfervation. 11 eft donc prudent de
s’en tenir aux Cantharides. Peut-être feulement
dans le cas d’atonie extrême pourroit-
on elfsyer de qnelqu’autre infecte plus actif?
Ann de ne pas perdre cet objet de vue, je
placerai en cet endroit, l’infeéte appellé par
M. Geoffroy , Profcarabé , par Linné, Méloe,
& fouvent défigné par le nom de Meloe
Maïalis. Cette deuxième dénomination lui
eft fur-tour donnée dans les pays du Nord,
parce qu’on ne commence à le voir qu’au
mois d"e mai ; mais il paraît bien plutôt dans
nos contrées moins feptentrionales. C'eft un
fcrt gros inleéle, lourd , fans aîles , très-
commun au mois d’avril fur les plantes dans
les prairies & les jardins. Voye\ fa defcrip.
& fon hift. au mot Proscaraxé. Il entre en
médecine vétérinaire dans la compofition de
plufieurs cauftiques, & il paffe pour en augmenter
la force: pris intérieurement,comme
quelques gens ont eu la témérité de le faire ,
il excite , même à dofe égale , des douleurs
plus vives, des fymptômes plus fâcheux , un
piffement de fang plus abondant que la
Cantharide. II doit donc être entièrement
banni de la elaffe des remèdes internes , &
l’on pourrait au plus effàyer dans une extrême
atonie, ou les Cantharides n’auroient pas
réufïî , l’effet de fa poudre appliquée en topique
, ou la teinture qu’on pourrait en
extraire employée de même.
Ce même infeéke pafloit, dès le tems de
Matiole , qui en parle , pour le fpécifique de
la jgge , mais on favoit déjà l’inconvénient
qu’il a d’exciter le piffement de fang. Ce
prétendu fpécifique étoirparfaitement oublié ,
quand, il y a quelques années , tous les papiers
périodiques de [’Europe l’annoncèrent '
tomme une découverte & une reffource affu-
rée contre une maladie affreufe, qui avoir
jufqu’alofs éludé tous les fecouts. Cetenthou-
fiafme étoit fondé fur ce qu’un particulier ,
peut être de bonne foi dans l’erreur, avoir
trompé un grand roi. C etoit le fameux Frédéric
qui , abufé par les apparences, avoir
acheté le remède , 8c l’avoit rendu public
pour le bien de toutes les nations. Un pareil
bienfait eft digne des rois , & les dédommage
ainfique le genre humain, dans la fuite
des générations, du fang qu’ils ont quelquefois
le malheur d’être forcés de faire répandre.
Combien une pareille viéfoire fur les
maux de l’humanité doit leur plaire plus que
des conquêtes ! Malheureufemeut le grand
& heureux Frédéric ne jouit pas en cette oc-
cafion de ce genre de' fatisfaâion. L’expérience
démentit par tout l’efficacité du prétendu
fpécifique , retombé depuis dans l’oubli
où il croit plongé depuis long-rems , &
dont quelque particulier le tirera dans un
tems éloigné ; car c’eft ainfi que les prétendus
& faux fpccifiques font de tems en tems
annoncés , vantés, adoptés, qu’ils font oublies
pour un tems , annoncés de nouveau,
tandis que le petit nombre des véritables ,
une fois qu’il èft connu, ne ceffe pas de l’être,
& que l’ ufage en eft général. Dans le tems
que l’enthoufiafme, pour le Méloë maïalis
étoit général, afin de connoître plus sûrement
cet infeéte , je priai M . d’Alembert qui
avoit beaucoup de relations en Pruffe ,-de l’y
demander & de me le procurer. Il s’adrelîà
au roi qui lui fit palier un bocal contenant
un Méloe préparé comme il le falloit pour
en faire ufage au befoin. C ’eft-à-dire, qu’en
prenant ce Scarabé on lui avoit coupé la tête
avec des cifeaux , & qu’on avoit jette le
corps dans du miel : je tirai le Méloë du bocal
, je le lavai, & je vis que c’étoit cé Pro-
fearabébronzé que nous trouvons quelquefois,
dont pjufieurs naturaliftes font une efpèce ,
8c que' je ne crois qu’une variété. Mais
quand ce ferait une efpèce , elle n’a pas
plus d’efficacité que le Profcarabé commun.
Car M. d’Alembert écrivit en même - tems
à quelqu’un de fort inftruit de lui marquer
s’il y avoit un fait bien conftaté qui prouvât
que le Méloë eût guéri un homme atteint de
la rage ; on lui répondit qu’il n’y avoit pas
un feul fait de ce genre; qu’on ferait attentif
à faifir ceux qu’on annoncerait, 8c qu’on lui
ferait part du premier qui „ferait en effet
avéré. On ne lui en a annoncé aucun en plu-
fieurs années. g
Les Cloportes font mis au nombre des
remèdes diurétiques & apéritifs ; on les prêtent
dans les cas où l’indication eft d’atténuer
la lymphe , en particulier dans plufieurs maladies
des yeux , comme la cataraéle commençante
, des taches qu’on y découvre , ou
que le malade voit voltiger. On emploie les
Cloportes ou vivans , ou deffèchés & réduits
en poudre , on préfère ceux qu’on
trouve dans les chantiers fous le bois, dans
les forêts fous les amas de feuilles?, à ceux
des caves. Quand on les emploie vivans ou
les écrafe dans des bouillons ou des lues de
plantés qui ont une qualité analogue. On
croit qu’ils ont quelque propriété employés
de cette façon ; mais ce qui prouve qu’ils en
ont bien peu , c’eft que ceux même qui y ont
le plus de confiance , qui les preferivent avec
le plus d’efpoir , loin d’en borner le nombre,
àffurent qu’on ne peut pécher par excès:
en forte qu’un malade eft fort embarraffé d’en
pouvoir faire ramaffer fuffifammenc, & qu’à
entendre celui qui prefcric. les Cloportes , le
manque de réufftte vient toujours de ce que
le malade n’en a pas pris affez : quant à la
poudre du même infeéte , on la mêle & on
la réduit eh bols avec d’autres médicamens
qui rempliffent la même indication. Mais
c’eft aujourd’hui un remède regardé comme
abfolument inett & bien peu ordonné. Si le
Cloporte a une propriété, il la doit à une partie
volatile qui fe diffipe par la déification :
en général,c’eft un de ces médicamens accrédités
, on ne fait pourquoi, qu’une longue
adoption a foutenus , & que l'oblervation
efface du catalogue des remèdes , dans des
rems plus éclairés : il en eft à-peu-près de
même de quelques infeétes dont il nous telle
à dire un mot.
Les Ecreviffes paffent pour apéritives, &
pour être un de ces remèdes qu’on déligne
par la dénomination vague de députatotres
du fang : on les preferit écrafés dans des
bouillons qui en extraient le jus.
On prépare avec les Scorpions deux fortes
d'huile : l’une qu’on nomme Jimple , l’autre
compofée ; il fdffil pour la première de jetrer
les Scorpions vivans dans l’huile d’olive, de
les y lailîèr mourir , & de conferver- cette
huile, qu’on emploie contre la piquure de
ces mêmes infedtes en embrocation fur la
partie qui a été piquée. C ’eft uu remède li
ufité dans les provinces méridionales où les
Scorpions font fort communs , qu’il n’y a
guère de maifon où on ne le conferve tout
prêc. Cependant les médecins de ces mêmes
provinces que j’ai confultés à ce fujet en y
voyageant, m’ont affûté que cette huile n’a-
voit aucune propriété particulière ; que la
piquure du Scorpion n’étoir pas plus dange-
reufe que celle de l’Abeille , que l'huile L
comme relâchante tempérait les fymptômes
& la douleur, mais que les Scorpions n’y
ajoutent rien.
L’ijuile de Scorpion compofée mérite
bien ce nom ; on y emploie les Scorpions
qui ont fervi à la compofition de l’huile
(impie , l’huile d’olives , tant d’autres ,
ingtédiens , & la préparation en eft fi longue,
que pour faire l’énumération & la def-
cription de ces objets, il me faudtoit employer
une page. Je me contente donc d’ob-
ferver que les Scorpions font en fi petit nombre,
en raifon de la rnaffe totale, qu’ils fe
trouvent mêlés avec tant d'autres ingtédiens,
qu’il eft fort difficile d’imaginer à quoi ils peuvent
fervir : d’ailleurs, on a raffemblé pour la
compofition de cette huile toutes les fubf-
tances qui paffent pour alexipharmaques ;
c’eft la comhinaifon de tous ou prefque tous
les remèdes qu’on vante comte les venins.
En général, un pareil remède univerfel peut-il
être bon ,& par quelle bizarrerie mêle-t on un
animal qu’on croit venimeux à un médicament
qu’on deftine contre la piquure, la morfure
des animaux venimeux, ou les plaies faites
avec des armes empojfonnées ?