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évident que c’eft par la deftrudion que la
nature entretient la reproduction ,- qu’elle fa-
crific les individus à la confervation des ef-
pèces parmi les animaux, qu’elle perpétue
la vie pat la mort, & qu’elle Fait rentrer dans
la circulation des êtres mécaniques ceux de
ces êtres qu’ëlle a celle de vivifier, & leurs
différentes parties. Les infedes concourent
pour beaucoup à remplir ces différentes vues.
i° . Ils fervent de nourriture à plufieurs
quadrupèdes -, les fourmiliers. i ° . Ils font
celle d’un grand nombre d’oifeaux; la plupart
en font avides en tout teins, & parmi
ceux qui n’en font pas leur principale nourriture
, étant-adultes , il y en a beaucoup
qui ne peuvent vivre que d’infedes dans
les commencemens, ou qui ne pourraient
en être privés fans périr; tels font \es Fai-
fans, les Perdrix, les Cailles, Sec. Mais tous
ces animaux, qui n’exifteroient pas fi les
infectes ne les alimentoient, fervent" eux-
mêmes de pâture à d’autres animaux. 30. Plufieurs
des parties des animaux privés de la
v ie , & les végétaux deffcchés, ne fe^ dé*
truiroient, ne rentreraient dans la circulation
des êtres que bien lentement , fi
les infedes 11e les confommoient, & , en
les aflimilant à leur'fubftanee, ne les ref-
tituoient promptement à la nature. Ainfi
les poils, les tendons, les cartilages, la peau ,
les plumes , &c. defléchés, feraient un fond
mort pour long-rems ; mais les infedes , en
g’en nourriffanf, font promptement rentrer
les molécules de ces fubftances, leurs élé-
mens , dans la malfe générale. Ajoutons qu’ils
accélèrent la décompofition des chairs , des
fubftances animales & végétales dont [un
mouvement fpontané défunit les parties.' Durant
ce mouvement,, ces fubftances exhalent
une odeur fétide, des vapeurs qui chargent,
corrompent l’ait au loin, & qui peuvent produire
beaucoup de maladies. Les infeétes,
eu hâtant la décompofition des fubftances
privées de vie, en fermentation, diminuent
la durée & l’étendue des niques qui peuvent
en ré fui ter. Ils femblent donc avoir été chargés
de nettoyer en partie la furface du globe
;de toutes les matières qui s’y corrompent,
& de prévenir par-là l’infedion de l’air qui
aurait été la fuite d’une décompofition trop
lente.
Si nous ajoutons à cet emploi celui d’être
l’aliment d’un grand nombre d’animaux, de
s’entretenir eux-mêmes parla deftrudion des
individus d’efpèces différentes de la leur, de
reftreindre par. là le nombre de ces individus,
qui aurait pu devenir trop grand, nous rècon-
noîtronsque ïesinfedes, confid.érésen malfe,
occupent en effet une grande place fur le
globe , & qu’ils concourent pour beaucoup
à remplir deux des vues de la nature que
nous pouvons nous flatter de connoître ; car
combien en peur - elle avoir qui nous, four
cachées, & auxquelles il eft poffible que les
infectes concourent !-
«C:
Q U A T R I E M E D I S C O U R S .
De la manière rfobjerver , de ramaffer les infectes, d'en faire une collection J de la faire pajjer d'un lieu à un autre , SC de la çonjerver.
X-i-A plupart des perfonnes qui font des
collections d’infeétes fe bornent à en ra-
malfer les différentes efpèces, à lès préparer
& les confier.-:: chacun à fa manière. Cette
occupation peut faire connoître les efpèces
différentes; mais il 11’en réfui ce aucune inf-
trudion fur l’hiftoire des infedes , hi en général
, ni en particulier, fur leur rapport
avec les autres infedes, les autres animaux
& les différentes prodüdions de la nature.
Cependant ce font ces rapports des objets
les uns avec les autres, qu’il eft le plus in-
téreffanc & le plus fatisfaifant de connoître,
& c’eft à proporcion qu’on les connoît mieux,
en plus grand nombre, qu’on eft plus avancé
dans l’étude de la nature. Il lie. fuffit donc
pas de ramaffer les objets,& en particulier
les infedes : ce premier foin eft indifpenfa-
b le , mais il n’eft que la première condition
de l’étude qu’on doit fe propofer. .
Il faut encore comparer les objets entre
eux , pour les diftinguer, obferver les habitudes
des animaux, pour connoître leur
hiftoire, & enfin les comparer avec les autres
prodüdions, pour faille les rapports qui
les rapprochent ou les différences qui les
fcparent. .C’eft fous ces divers points de vue
que je me propofe de traiter de la manière
de ramaffer, d’obferver les infedes, d’en
former & d’en confecver une coliedion.
O11 peut ramaffer. les infedes ou dans leur
état de perfedion, & c’eft cequ.’on fait le plus
communément , ou leur: larves, leurs chry-
falides & même leurs oeufs; dans ce dernier
cas 011 élève les larves dans des boîtes, en leur
fourniffant ce dont elles ont befoin. Par ce
Hiftoire Naturelle, Infectes.Tome IV.
moyen on obtient différens avantages : i 8.on
a les infedes plus frais dans leur état de
perfedion ; a°. on a plus de facilité à les
obferver & à fuivre leur manière d’être ,
mais on connoît moins leur adion fur les
autres fubftances; on eft moins sûr de leurs
habitudes, car la privation de la liberté
doit, par rapport aux infedes, comme par
rapport aux autres animaux , altérer les habitudes.
Ajoutons que le nombre des infectes
qu’on peut nourrir en fine forte de do-
mefticité, eft fort borné; on ignore , ou on
ne peut pas fournit aux autres ce qui leur
eft nécelîaire. Le plus grand avantage qu’on
retire du foin d’élever des infedes, eft donc
de les avoir mieux confervés; mais c’eft en
les obfervaut en liberté qu’on découvre
mieux , qu’on connoît plus sûrement leur
manière d’être, leurs rapports avec les autres
prodüdions, & qu’on parvient à rendre
leur hiftoire pluscompierre- Le meilleur eft
donc de remarquer les lieux où les infedes
fe font fixés d’eux- mêmes , de les y obferver
, de les fuivre dans leurs différens
états & dans leurs diverfes manoeuvres.
Cette étude des infedes demande beaucoup
de cems & de patience : auffi ne la
confeillons nous qu’aux perfonnes 'féden-
taires , au moins pour quelque ' rems ,
dans les endroits où ‘elles obfervent ; les
voyageurs ne fauroienr la mettre en ufage
que dans les lieux, ou .ils féjournenr, ou
plutôt où ils fe fixent pour un certain tems.
Nous commencerons donc par rapporter ce
qu’un obfervateur libre d’employer tous les
momens néceffairesà fuivre les infedes , nous
paraît devoir fe propofer, & enfuice ce que
nous croyons poffible au voyageur.
a