
pug'nance pour la chair ; quelques efpèces au-
roientpu porter à l’écart le placenta & le cordon,
fouiller la terre & les enfouir ; mais le
plus grand nombre des efpèces n’auroit pas
eu les moyens d’exécuter cette. opération ,
elle auroit détourné la mère, & l’auroir forcée
à s’abfentet dans un tems où fa préfence
ne ceffè pas d’être nécelfaire à fes petits'. Les
foins qu’elle continue de leur donner confif-
tent à les lécher, pour enlever le dépôt vif-
queux des eaux dans lefquelles ils ont été
plongés dans fori fein ; pendant ces différentes
opérations elle communique à fes petits
, auprès defquels elle fe tient couchée ,
la chaleur dont ils ont befoin ; elle leur pré-
fente enfuite fes mamelles, qui fe rempliffent
de lait au même-tems que fes petits ont befoin
de teter. Leurs premiers excrémens font
liquides & vifqueux, il ferait impoffible de
les ramaffer & de les rejettér , ils .nuiraient
& par leur humidité & par leur odeur, la
mère à leur afpeéf, ou n’éprouve pas de répugnance
, ou elle la formante , peut-être
même ont-ils pour elle de | l’attrait ; elle les
enlève & elle en nettoie la couche & le fondement
de fes enfaus avec fa langue. Quand,
par la fuite, les excrémens prennent de la
confiftance , ou les petits lès dépofent fur les
bords de la couche, ou la me're , dans les
premiers tems , les rejette avec fes dents.,
ou les pouffe avec fes pieds au dehors & les
écarte. Quant à l’urine , elle s’imbibe dans le
terrein dans les premiers jours , & les petits
la rendent enfuite ou fur les bords de la couche
, ou ils en fortent pour la dépofer ; s’il
furvient quelque danger , la mère fe lève
pour les prévenir : s’il paroît quelqu’ennemî,
elle s’avance à-fa rencontre , le combat & le
met en fuite, ou fuccombe fous fes efforts;
mais ni la fupériorité de l’ennemi., ni l’in-
tenfîté du danger ,,ni la douleur des bleffu-
rés, ne la déterminent à abandonner fespetits,
elle meurt auprès d’eux en les défendant. C e pendant
, la néceffiré de pourvoir à fa fub-
fiftance & à la leur., la force de les quitcer
pour chercher une proie & s’en nourrir : elle
s’écarte le moins , elle les rejoint le plutôt :
qu’il lui eft poffible ; elle ne s’éloigne qu’à la
diftance où elle peut entendre les cris de fa
famille ; mais fi la difette de proie, la chaffe
la conduifenr plus loin , fes petits ont encore
peu à.rifquer ; leur couche eft un lieu redouté
des autres animaux carnaciers plus foi-
bles, dont ils n’approchent pas volontiers ,
parce qu’il eft incertain fi la mère eft abfente ,
parce que fi elle l’eft, fon retour peut être
prochain , & ce qui rend l’état des petits encore
plus fu r, parce que leur chair n’eft pas,
en général , du goût des animaux carnivores.
Ainfi l’abfence de la mère , parmi les grandes
efpèces d’animaux carnaciers , n’accroît pas
beaucoup les dangers que courent les petits.
Quand ils commencent à grandir , & que le
lait n’eft plus pour eux fine nourriture fuffi-
fante , la mère leur apporte ou une proie entière
, ou les membres de celle quelle a déchirée
, & ils font curée dans la couche ;
mais quand ils font en état de marcher ,, ils
en fortent pour fuivre la mère , pour s’éxer-
cer & fe fortifier autour d’elle , pour profiter
de la proie qu’elle abat ; bien-tot ils s’ef-
faient à pourfuivre celles qui font foibles , &
ils en attaquent de plus fortes par la fuite; la
mère les ramène d’abord tous les foirs ,
à la couche qui les a reçus en naiflant ; mais
quand ils font afféz forts, ils paffent les nuits
ou à chaffer avec elle , ou ils fe repofent en
commun dans un lieu où ils s’arrêtent enfem-
ble ; leur fociété dure jufqu’à ce que les-pe-
tirs aient acquis à-peu-près tout leur accroif-
fement,qibils commencent à fentirun befoin
qui fe renouvelle pour la mère : c’eft celufde
fe reproduire; fon impreflion-plusvivequecelle
de tous les autres fentimens , les fait oublier.
La famille fe fépare , parce que ce nouveau
fentiment ne permet ,pas d’autre affociatioa
que celle de deux individus de fexe différent.
La mère s’éloigne la première", parce que le
befoin commence par elle & lui commande
plus impérieufement ; ce font enfuite les jeunes
mâles , parce que plutôt formés, ils font
plus preffes de jouir, & qu’ils cherchent des
femelles plus âgées , qui répondent à leur de-
fir. Enfin les jeunes femelles fe féparent, parce
qu’elles-mêmes éprouvent le befoin qui a dif-
perfé la famille. S’il etf-eft quelqu’une parmi
les quadrupèdes , comme le Chevreuil, parmi
les oifeaux, comme le Pigeon Se la Tourterelle,
dans laquelle les petits, naiffans communément
par couple, ordinairement mâle & femelle
, demeurent unis toute leur vie , c’eft
qûe les deux jumeaux parviennent en même-
tems au terme de leur accroiffèment, fentent
enfemble le même befoin , & font en état de
répondre' mutuellement à leurs defirs.
Un grand nombre des faits que je viens de
rapporter , convient également non-feulement
aux femelles quadrupèdes carnivores de
taille moyenne, mais à celles des efpèces les
plus foibles ; il convient de même aux femelles
des quadrupèdes herbivores , quelque.foit
leur taille ; tels font le foin de retrancher le
cordon ombilical , de prévenir les- fuites de
fa putréfatftiôn , ainfi que celle du placenta ,
d’entretenir la couche propre , d’allaiter les
petits , de lés réchauffer , de les défendre ,
de leur apporter de la nourriture félon fon '
efpèce , ou de les conduire pour en chercher
avec eux , &c. Et tels font auffi les motifs,
la durée de leur union , telle eft la caufe de
leur féparation. Je ne répéterai donc pas les
faits généraux qui fe retrouveraient dans l’hif-
toite de chaque efpèce; je ne m’attacherai
qu’aux faits particuliers.
A proportion que, les efpèces font moins
fortes, les femelles , prêtes . à mettre bas,
cherchent des retraites plus folitaires , plus
cachées, plus profondes, & elles y préparent
avec plus de foins une couche plus commode
pour des petits plus délicats. Les femelles de
moyenne taille entrent plus avant dans les
cavernes , les antres , où elles fe cachent
dans le tronc des arbres creux,elles amalfent
des feuilles , dés plantes fèches autour de
leur couche, & d’en couvrent pour en dérober
la vue , elles étendent fur le fond de
la mouffe ou d’autres matières propres à former
un coucher mollet & chaud, quelques-
unes le couvrent du poil qu’elles s’arrachent
elles mêmes fous le ventre , qui tient peu
alors, à caufe de la diftention de la peau.
Dans les momens d’abfence elles couvrent
leurs petits des mêmes matières fur lefquelles
ils font couchés , elles les dérobent à la vue
des ennemis, & elles confervent la chaleur.
Parmi les efpèces qui fouillent la terre
pour s’y préparer des retraites en tout tems ,
ou qui habitent de même pendant toute leur
vie dans des trous que les individus rencontrent
& dont ils1 profitent, les femelles ou
pouffent leur fouille plus profondément dans
des lieux plus folitaires, ou cherchent des
repaires tout formés dans des endroits plus
fombres, moins fréquentés ; elles y préparent
la couche de leurs petits en y portant les
différentes matières qu’elles peuvent rencontrer
, comme des feuilles fèches, de la
moufle , des floccons de laine ou de poils
qui fe font attachés aux haies, aux arbres
épineux , aux halliers près defquels des animaux
ont paffé. Mais toutes ont foin de
s’éloigner, autant quelles le peuvent, des
lieux fréquentés par des animaux même de
leur efpèce ; les femelles des efpèces qui
vivent, comme le Lapin, en une forte de
fociété , ou qui fe retirent en commun dans
le même repaire, lorfqu’elles font prêtes à
mettre bas, le quittent, s’en éloignent &
préparent en un endroit, auffi- caché qu’il
eft poffible, une. couche pour leurs petits.
Les quadrupèdes & les animaux en général ,
excepté, quelques infeâtes qui vivent en fociété,
n’ont aucun attachement pour leurs
femblables, ni aucun égard pour la foibleffe
des petits de leur propre efpèce. Il n’y a
que la femelle en général, & parmi les oifeaux,
le père & la mère à qui chaque famille
foit chère. Non-feulement elle eft ÎU%
différente aux autres individus de même efpèce
, mais il la détrüifent pour peu quelle
les importune , & plufieurs l’infuTtent fans
fujet. C ’eft pour prévenir les fuites de ce
mépris ou de cette averfion des animaux en
général pour les jeunes de leur efpèce ,. &
des cruautés des ennemis d’efpèces différentes,
que les mères prennent tant de foin
de fe retirer èn des lieux cachés, d’y mettre
bas leurs petits dans la retraite , & de ne
les conduire, tant qu’ils font foibles, qu’à