
Ixx D I S C
de refferrer ou de dilater la pupille beaucoup
plus que les autres animaux ne le peuvent
fa ir e , de n’admettre que très-peu de rayons,
ou d’en raffembler un grand nombre qui fe
réfraélenc s'unifient en traverfant les h u meurs
de l’oeil , & vont peindre l’image des
objets fur la rétine. Parmi les animaux qui
n’ont pas cette faculté , il y en a qui voient
bien à un petit jour & pendant la n u it , qui
voient encore , mais m a l, & qui fouffrent en
voyant de jour ; tels font les Chauve-Souris
parmi les quadrupèdes , le Crapaud volant
parmi les oifeaux.
C e s -animaux clignotent de jo u r , v o ie n t,
fe dirigent , mais fottvent mal , témoignent
q u ’ils fouffrent ,. & fe jettent dans l’ombre
aaffi tôt qu'ils le peuvent; il paraît qu’une
partie des infeéles de nuit eft dans le même
cas ; ils peuvent fupporter quelques inftans
le jour , mais il les fatigue , & ils l’évitent
autant qu’ils peuvent ; ainfi les Phalènes troublées
, pendant le jour , dans leur retraite
o b fcu re, s’en fu ie n t, volent à quelque diftan-
ce , & fe replacent dans l’ombre le plutôt
qu ’il leur eft poftible. L e degré de fenfibilité
des yeux décide du tems où ces infeétes ,
ainfi que les animaux qui leur relfemblent,
voient le mieux.
Les détails qu’on vient de lire préfentent,
au premier a fp e â , une grande différence entre
les yeux des in feé les, & ceux des autres
animaux , mais en comparant le mécanifme ,
en réduifanr les différences à leur valeur , on
trouve que la vue eft , dans les infeéles , le
réfultat des mêmes moyens que dans les autres
animaux & celui d’un appareil peu différent.
En e ffe t, quant aux parties acceffoires ,
nous avons vu comment la nature y a fuppléé.
Q uan t à i’organifation de l’oeil une membrane
donne entrée aux ra yo n s, une humeur les
réfraéte , ils peignent à leur foyer l’image des
objets fur des fibres qui font des expanfions
des nerfs optiques ; dans les autres animaux,
il y a deux membranes , deux humeurs , de
plus ; le foyer fe raffemble fur une expanfion
médullaire des nerfs, étendue en forme de
O U R S
membrane fur la rétine , au lieu de fe formulée
fur des fibres qui font une expanfion en
lignes divergentes de la fubftance des nerfs. C e
mécanifme eft le même , l’appareil a beaucoup
de rapport, la différence ne confifteque
dans le nombre des parties, mais une feule peut
avoir autant d ’aélion , produire autant d’effet
que trois. Quant aux facettes qu’on peut regarder
comme autant d’yeux , au nombre prodigieux
qu’un infeéte femble en a v o ir, fi l’on
fe rappelle ce que nous avons dit à l’occafion
des animaux q u i , quoiqu’ayant deux yeux ,
ne voient pas les objets d ou bles, il fera facile
de comprendre que les milliers d’yeux des in-
fect.es ne produifant que la même impreflïon
fur les nerfs , ceux-ci n’en rranfmettent
q u 'u n e, & que les infeéles voient les objets
uniques par le moyen de leurs yeux multipliés,
comme s’ils ne les apperçevoient que par le
moyen d ’un feul.
Avant de terminer cet important a rticle,
nous remarquerons que , d’après la pofition
des yeux à réfeau x, leur forme , leur faillie
, leur o b liq u ité, ils préfentent des portions
d e leur furface à tous tes points de
l’horizon ; que leurs facettes font chacune un
oe il, que leur nombre eft fi g ra n d , qu’il
s’en trouve de direéfs à tous les points d ’où
peuvent venir des rayons lumineux ; d ’où
il fuit qu’à la faveur de ces yeux les infeéles
diftinguent en même-tems tous les objets qui
peuvent les environner, de quelque côté que
ce fo it, en d ev a n t, en arrière, latéralement,
en d eflù s, en deffous ; les autres animaux
ne recevant que les rayons qui arrivent ou d i-
reéls , ou peu obliques au centre de leurs
y e u x , tous ceux qui s’y portent latéralement
étant perdus pour eux , ne fauroient d iftin-
guer que les objets qu’ils ont en fa c e , qui
font dans la ligne direéle avec le centre de
leurs yeux ou voifins de cettë lig n e , & q u i
réfléchiffent des rayons qui y font peu in -
inclinés ; ils ne peuvent donc voir en mêm e-
tems qu’un petit nombre d’objets qui occupent
à-peu-près la même pofition , & ils
ne diftinguent pas les corps nombreux qui
peuvent être en m êm e-tems autour d’eux
P R É L I M I N A I R E .
dans des pofitions différentes. En tournant
la tête, & en regardant en arrière, ce qu’ils
ne peuvent faire qu’imparfaitement , ils
ceffent de voir les objets placés devant eux;
en regardant ceux qui font d un cote, ils ne
voient pas ceux qui font de l’autre ; en levant
la tète ils perdent de vue ce qui-eft en bas, &
en la baiffànt, ce qui la domine, ce-qui eft
au-deffus d’eux; le mouvement limité de
dé leurs yeux dans l’orbite leur fait découvrir
fucceflîvement quelques points différens
de. l’horizon ; mais à mefure qu'ils en découvrent
de nouveaux , ils ne diftinguent plus
ceux vers lefquels leurs yeux étoient tournés f
l’inftant d’auparavant; ils ne voient donc ja- >
mais, & dans aucun cas , qu’un petit nombre
d’objets, à la fois&en même-terris. Les infec- ;
tes ont donc été traités à cet égard plus favorablement
qu’aucun des autres animaux. L’organe
de leur vue, qui, en apparence, fembloit
moins travaillé , moins parfait, produit de
plus nombreux effets , & leur procure plus
d’avantages. Auftî peut-on affurer que la vue
eft le feus dominant dans les infeéles, le feul
qui paroiffe porté au point de la perféélion ,
Si celui qui les dédommage de la foibleffe des
autres. Cette- précaution ou’ ce mécanifme
étoit néceffaire-pour des animaux plus foi-
bles, qui ,-éxpofés par leur moins de force
à plus de dangers, ayant plus à éviter, avoiens-
befoin d’être avertis plutôt, plus inftantané-
ment, & enmême-tems, des rifques qu’ils
pouvoient courir, de quelques côtés qu’ils
en fuffent menacés. C ’eft donc à cette vue
fi étendue., dirigée à la fois vers tous les
points de l’horizon , qu’il faut attribuer en
partie, ■ & peut-être en totalité, la mobilité
des infe'éles , leur promptitude à paffer d’une
place à une autre ; & en effet, ceux en qui
cecaraétère eft prédominant Si plus marqué,
que dans beaucoup d’autres, font précife-
ment ceux dont les yeux font plus gros, plus
failians, plus fphériques, compofés de facettes
plus nombreufes , comme les P a p illo n s, les
Mouches , les D em oifelles , les Scarabés , la
plupart lents & peu aélifs, ont les yeux for més
d’une manière moins favorable pour
diftinguer à la lois un auftî grand nombre
Ixx)
d’obje’ts ; mais couverts d’un têt dur Si réfutant
qui les met-à l’abri d’un grand nombre
d’aceidens auxquels les premiers infeéles
fuccomberoient, ils n’avoient pas befoin
d’une vue auftî parfaite.
Il eft probable , & l’on pourrait-dire démontré
, que le nombre , la pofit'on des yeux
liftes, dans les infeéles qui n’ont pas d’yeux
à- réfeau , fuppléent aux avantages que ces
derniers yeux procurent ; que dans ceux qui
ont en même-tems des yeux à réfeau & des
yeux liftés , ces derniers font un avantage
de plus ; auftî fe rencontrent-ils. le plus ordinairement
dans les plus foibles , comme
plufieurs efpèces de Mouches à quatre ou à
deux aîles , & fut-tout dans les plus petites.
D e U ouie, du goût, & de Vodorat.
Je réunis l’otiie , l ’odorat & le goût en
un feul arricle, parce que les organes de ces
fens nous font, inconnus dans.les infeéles :
il eft-donc inutile que je les décrive dans
les autres animaux , puifque je n’aurois pas
dé comparaifoii à en faire dans ceux.qui
font l’objet de mon travail.
Il patent affez vtaifemblable, même prouvé
, que quelques infeéles ont le fen's de
l'ouie. Le bruit que. font les femelles de certaines
efpèces, en frottant des parties de leur
corps les unes contre les autres, ou en frappant
d’une partie for une autre , attire les
mâles ; c’eft un cri d’àppèl1, comme il y en
a parmi certaines efpèces d’oifeaux ; tels-
font, entre les infeéles, les Sauterelles, les
Criquets , Jes Cigales. Lorfqu’ufie prairie ,
couverte d’herbes épaiffes, retentit du bruit
des Sauterelles , fi Ton marche dans cette
prairie, ou fi,fans marcher, fixeà une place,
' on I frappe fortement dans fes mains, on
pouffe un fou fort & éclatant, ou fi l’on fait
un grand bruit de quelque manière que ce
foit, le glapiffément des Sauterelles ce (Te à
une affez grande diftançe pour qu'on ne l’entende
plus; il demeure fufpendu quelques
momens, recommence bientôt, & il celle