
ment vécu à caufe de leur faculté de fe nourrit
de différens végétaux. Ces Papillons ne
font donc peut-être répandus par-tout où les
européens fréquentent , que parce qu’ils les
ont primitivement tranfportés , parce qu’ils
ont trouvé de quoi vivre, & qu’ils fe font
mulripliés fur toutes les terres ; mais expo-
fés à quelques circonftances différentes ,
comme à un changement de nourriture, de
température , ils font devenus , dans les
différentes régions , des variétés des mêmes
efpèces. Quant ait Caff.de , il s’attache à
l’artichau , au cardon , deux des végétaux
qu’on n’a pas' manqué de tenter de tranf-
porter , comme des plus agréables & des
plus utiles ; à- leur défaut , il vit fur le
chardon. C ’en eft allez pour qu’on conçoive
que cet infeéte a été tranfporté , & qu’il a
trouvé par-tout un aliment qui lui con-
venoit.
La Chenille du Papillon Belle-Dame vit
fut le chardon , c’elf fur cette plante qu’on la
trouve ordinairement ; mais l’analogie entre
le chardon , I’artichau & le cardon , ne peut-'
elle pas faire penfer que cette Chenille vit
quelquefois aufli fur ces deux dernières plantes,
commele Caffidequi s’en nourrit ordinai-
.rement, s’accommode cependant dachardon ?
N’eft - ce pas par la raifon que la Belledame
aura été tranfportée , qu elle fe trouve en
beaucoup de climats , qu’elle y eft fort ref-
femblante , & quelle ne préfente que de
légères variétés. Quant aux mouches bleues de
la viande, aux mouches verres des latrines ,
on conçoit aifément combien de fois les
oeufs , les larves, les chryfalides des premières
auront été embarquées avec les chairs def-
tinées à la confommation des équipages ;
■ comment elles fe feront introduites dans les
vaiifeaux , y auront vécu du fuc des alimens
qu’on y prépare, & elles auront été tranf-
portées à la deftination des équipages : fi la
traverfée a été courte , les mouches auront
été tranfportées vivantes, leurs larves, leurs
chryfalides dans l’aétion de fe développer ; fi
fi la traverfée a été longue , qu’on ait paffé
fous des climats froids , les mouches fe feront
engourdies pendant ce paflàge, le développement
de leurs chryfalides n’aura été que
fufpendu, le retour à une température douce
aura ranimé les mouches & les chryfalides:
les larves feules auront péri. Comme cet in-
feéle eft d’une efpèce qui fe régénère d’autant
plus promptement que la chaleutLefl: plus
forte , les générations auront été rapides &
multipliées dans les pays chauds, Si fous les
climats tempérés où froids, elles auront été
plus lentes , fufpendues de la faifon froide
au retour de la chaleur. Les mouches vertes
des latrines fe feront introduites dans les bâ-
ttmens , s’y feront conlervées-, y auront multiplié
à l’entrée des égoûts , des lieux communs,
à fond de cale fut le bord des planches
au-defious defquelles de l’eau s’introduit
a travers le doublage des vaiifeaux & s’y cor-
rom p : elles auront fubi les mêmes circonftances
que les mouches bleues , & leur ef-
pece aura été tranfportée, fefera accoutumée
au nouveau climat de la même manière. II ne
relie que les Punaifes de jardin ; mais on fait
que ces infeéles s’attachent à un grand nombre
de plantes différentes & c’eft allez pour
qu’on-conçoive que plufieurs efpèces ont pu
être tranfportées.
Après avoir obfervé combien il eft difficile
de déterminer fi les efpèces d’infec-
tes qu on trouve en des régions éloiguées ,
qui s attachent à des fubûances qu’on a cou-
tume d’embarquer, ou qui Pont été fouvent,
font les mêmes qu’on a tranfportées d’un Lieu
a un autre, qui s’y -font acclimatées, ou fi
elles font originaires des pays ou on les'trou-
ve ; fi les efpèces qui , étant dans le même
cas , & ne parodiant que des variétés dans
les différentes régions, en font effectivement
ou des efpeces drftinétes ; je comparerai les
infeéles des différentes contrées qui fe cor-
refpondent , tant ceux qui font différens que
ceux qui fe relk*.mblenr , ou qui font évidemment
de même efpcce, fans qu’on puilîe
foupçonner qu’ils aient été tranfportés, parce
qu iis s attachent a des fubitances qu’on embarque
barque pas, ôc qu’en s’introduira ne eux-mêmes
dans les bâcmiens ils y périroient faute
de vivres. -
Les infe&es obfervés jufqu’à prefent fous
la zone torride dans l'ancien continent , ou
apportés de ces mêmes contrées , ôc ceux
qu’on a rencontrés fous la zone torride dans
le nouveau monde , qu’on en a envoyés ou
qu’on a décrits , diffèrent non-feulement en
ce que c’eft fur le nouveau continent qu’on
trouve les plus grandes efpèces , que les in--
fedtes y font, en général, d’une plus grande
taille, mais encore en ce que les individus font
évidemment d’efpèces différentes , quoique
des mêmes genres. Si l’on excepte les infedtes
qui fe trouvent fous Tune ôc J’aucre zone,
ainfi que dans nos contrées , mais qu’on a de
fortes raifons de foupçonner d’avoir été tranfportés
d’un pays à un autre, je ne crois pas
qu’on connoifïe jufqu’à. préfent d’autres
infeétes qui naifient fous la éône torride,
dans l’ancien ôc le nouveau continent , que
les trois efpèces fuivantes, le Chatanfon Pal-
mifte, Curculio Palmarum, le Buprejlis-Gigan-
t&us , le Cérambix velatinus. Tous trois font
plus grands en Amérique , mais les deux
premiers font Tailleurs fi femblables, qu’il
n’eft pas pofîible de croire qu’ils,foient fur
l’un Ôc fur l’autre continent de deux efpèces
différentes ; le troifième offre tous les rapports
entre ceux des deux contrées, excepté
là taille plus grande , & une bande d’un verd
moins brillant, plus fombre le long des eli-
tres , fur celui d’Amérique. Mais le Curculio
Palmarum , le Cérambix velatinus vivent l’un
fur le palmier , l’autre fur l’oranger ; le Bu -
pre/lis GigarttAus vit en Amérique fur le cocotier.
Quoiqu’on ne tranfporté plus guère
aujourd’hui de palmiers ôc d’orangers des Indes
en Amérique , ôc de cocotiers de l’Améri-
queaux Indes, il eft très-probable que ces transports
ont eu lieu dans les commencemens }
qu’on a cherché à multiplier, en Amérique, les
efpèces de palmiers, ces arbres fi généralement
utiles,qu’on a de même defiré de varier les
efpèces d’orangers , ôc qu’on n’a pas négligé
le transport du cocotier comme une richelfe
de plus pour le pays où on l’auroit acclimaté:
Hijloïre Naturelle, Infeéles. Tome /,
ainfi l’on peut raifonnablement préfumer que
les trois efpèces d’infedes qui fe trouvent les
mêmes fous la zone torride, fur l’ancien ôc
le nouveau continent , ont été tranfportées
d’un continent à 1 autre ; qu’elles s’y font
confervées parce qu’elles y ont rencontré une
température Ôc des vivres analogues : mais
ces trois efpèces d’infeétes, jointes à celles
donc nous avons démontré plus haut la vrai-
femblance du tranfport, font un nombre fi
petit par rapport à la totalité des infeéles 3
que quand même nous nous tromperions fuc
la Conjeéture que ces efpèces ont été transportées
, il feroit encore généralement vrai
que la loi d’après laquelle les quadrupèdes ôc
les oifeaux fédentaires, ou ceux qui pa ffenc
leur vie dans l’enceinte des contrées où ils
font nés , font différens fous la zone torride
de l’ancien & du nouveau monde , s’étend
jufqties fur les infeéles qui vivent fous cette
même-zone. Si notre conjeéture fur le tranfport
de quelques efpèces d’infeéles eft vraie,
l’exécution de cette loi eft ftriéte à la rigueur,
& l'on peur dire , fans fe tromper, que les
infeéles font différens fous la zone torride ,
dans l’ancien & le nouveau monde.
En comparant les infeéles qui fe trouvent
fur les deux continens foiis les zones tempérées
& la zone glacée , outre les efpèces
qu’on peut fuppofer avoir été tranfportées,
on reconnoxt un allez grand nombre d’efpèces
qui font les mêmes, & un nombre " coiifi-
dérabie qui ne patoiffent être que de /impies
variétés. Mais, par rapport aux efpèces
qu’il eft probable de croire qu’on a tranfportées
des zones tempérées ou glacées,
fous la zone torride , telles que les efpèces
des Papillons brafficaires, les Punaifes de
jardin, &c , il n’eil nullement néceffaire de
recourir à ce tranfport pour expliquer la rencontre
de ces infeéles fous les zones tempérées
fur l’ un & l’autre continent : il eft
probable que ces efpèces font de chaque côté
originaires des régions où on les trouve, qui
fe correfpondem & qui font à peu près fous
les mêmes parallèles ; la nature y a fait naître
des infeéles de même efpèce , comme jl y
gg