acclimater le Ver à foie que comme ces
animaux rares qu’on foigne par curiofité ,
qu ou habitue plutôt à la température des
habitations qu’à celle du climat, donc on
affaiblit l’efpèce plutôt qu’on ne la fortifie.
, Il ne fauroit être douteux que dans les pays
donc le Ver à foie eft originaire, il ny-vive
expofé aux iufluences du climat , que dans
1 efpace d’une année ou d’une génération à
, l’autre il n’y éprouve des alcératii ns de chaud
& de froid, de fécherèfle & d’humidité.
Les premières, dira-1- on, font peu marquées,
& ' toutes; autres que dans nos c.imats ; mais
elles n’influent pas fur les oeufs, & fort peu
fur les chryfa'ides : les fect des, au corn
traire , font plus confidérables dans les pays
chauds, mais 1 humidité n’y eft pas açcom
pagnée de froid comme dans nos régions.
Cetce dernière circonftance n’tft bien farale
qu’aux larves, & il rtfte avéré que l’efpèce
du Ver à foie a la foicé uéceflaire pour fup
porter des viciflitudes qui ont lieu en plein
air. N ; fl: ce pas une obfervation confiante
que des individus de même efpèce , dont
on habitue dès la naiffance les uns à l’influence
de Kair libre, dont on élève les autres
à l’intérieur des habitations, les premiers
font plus forts , les féconds beaucoup plus
foibles, que les uns ne font point incommodés
par des viciflitudes dans l’athmof-
phcre très-marquées , tandis que les autres
le font par de légers" changemens qui s’y
fuccèdenr. M. Daubenton n’a -t- il pas démontré
qu’on affoibliflbit l’efpèce du Mouton
au lieu de la fortifier, en la tenant fous
le toît & à la chaleut de la bergerie ; qu'au
contraire on augmente fa vigueur en l’expo-
fanc à l'air libre, même dans les contrées
ftoides? Cependant le Mouton eft originaire
des climats chauds ; il eft toute l'année fournis
aux influences de l’air ; le Ver à foie
ne peut avoir à les craindre que dans l’écat de
larve ; il n’y a rien à en redouter pour fes oeufs,
& fort peu pour lui tant qu’il eft en chry-
fal.de. Ce font de puiflans motifs de croire
qu'on fortifieroic l’efpèce du Ver à foie, en
l'expofanr à l’a ir, comme il eft arrivé à l’égard
de celle du Mouton, & que celui qui
conduirait bien cet eflài parviendrait à ren-
dre au pubfic le même fervice par rapport
au Ver a foie, dont la fociété eft redevable
àM. Daubenton par rapport au mouron ? Ce
que vous propofez , me dira-r on , a déjà été
tenté & n’a pas réuflî. Je réponds que l’effai n’a
ete fait ni de la maniéré dont il devoir l’être*
ni qu on n y a mis la conftance néceflaire.
Ce n’eft qu’après quarante ans d'obfervations
& de travaux, que M.Da benton a démontré
l’utilité de fa découverte a 1 égard du Mouton
, & l’on veut conclure pour le Ver i
foie-après une tentative d’un an ! 11 faudrait
donc faire cet eflai de la manière qui
convient, & le fuivre avec la conftance né-
celfaire. D abord ce ne ferait pas dans les
provinces froides qu’il fiudroit faire les premières
tentatives, mais dans les.plus belles
contiées des provinces méridionales ; c’eft-là,
fi-je les habitois , qu’au pr ntems , quand
les feuilles du mûrier commenceraient à fe
développer ; j’attacherais à fes branches des
nids de moufle. da"hs lefquelles j’aurais placé
des oeufs de Ver à ’foie. Je polerois ces nids
à l’expofitib:: du levant ou du midi,-!& de
façon que des branches fupérieures ou latérales
les.gaiantilfent de la pluie, leur pro-
curaflent quelques heures d’ombre , j’atren-
drois que les oeufs vinifent à éclorre ; je laif-
ferois les jeunes larves chercher & trouver
elles-mêmes leçr nourriture; je les laiflerois
filer à la fin de cet état ou fur les branches
du murier, ou fur des huilions que j’aurais
élevés auprès à deflein; je laiflerois les Papillons
fo.rfir de leur, coque & dépofer leurs
oeufs; ils choifiroient fûrement rendroic le
plus favorable; j’accendrois le prinrems fui-
vant, & fi les mûriers fe couvraient de vers,
j’aurois déjà beaucoup avancé mon expérience.
Cette fécondé armée, j’enleverois une
partie des larves, je laiflerois les autres fur
les mûriers ; je porterais les premières dans
le même endroit ou j’éleverois à l’intérieur
des larves qui y feraient’nées , je les tiendrais
dans les mêmes circonftances à tous
égards, & j’obferverois fi les larves nées à
l’air ne feraient pas plus fortes que les larves
nées en dedans, s’il périrait moins des premières
; je comparerais fréquemment les
unes & les autres ; je tâcherais de favoir
dans le principe leur nombre refpeétif, &
je comparerais le nombre des cocons qu’elles
fourniraient, la quantité de foie qu’on
retirerait d’un nombre égal de ces cocons ,
la qualité des deux fortes de foie.
Si dès la fécondé année, il étoit avéré
que j’eufle fortifié la race, en la laiflanc à
l’a it, j’eflaierois de l’y abandonner tout-à-
fair; ou fi je n’avois que fortifié la race &
diminué le nombre- des individus, comme
cela pourrait arriver , comme la chofe a
lieu parmi ces nations, dont la première
éducation eft extrêmement dure, qui ne font
compofées que d’individus robuftes & endurcis,
parce queles individusfoibles ont péri
dans le premier âge, & n’avoient pas cette vigueur
que la rudefle de la première éducation
augmente, alors je me bornerais à avoir au
dehors des élèves qui me fournîflent des oeufs
ou de la graine d’une race plus vigoùreufe,
qui réfifteroit mieux, au dedans, aux caufes
qui ont coutume d’y faire périr la race foible
qui y eft née. N ’obtins-je que ce feul avantage,
c’en ferait un grand; mais il eft fort
probable que je parviendrais à fortifier la
race au 'dehors, fans diminuer le nombre
des individus : cependant, comme il peut
arriver que les années où jeferais mes premiers
eflais, fuflent ou très-favorables, ou très-
contraires, je ne me regarderais commefûr
de la réuflîre, ou forcé -de renoncer à mon
projet, que quand j’aurois continué mes expériences
pendant un allez grand nombre d’années
, pour que je puffe raifonnablement
penfer que les races, fujet de mes tentatives
, autoient été foumifes à toutes les circonftance
« qui peuvent avoir lieu dans les
contrées où -j’aurais fait mes expériences. Si
elles avaient pleinement réufti.rétabliflement
du Ver à foie ferait afluré dans ces mêmes,
contrées, & fa propagation portée aufli loin
quelle puifle l’être; alors il conviendrait
de tiret des oeufs ou de la graine des pays
ou l’efpèce a-uroit-acquis toute fa confiftance,
Hijloire Naturelle , Infectes. Tome I.
& de tenter de proche en proche les mêmes
expériences. Il y £ bien de Ja probabilité
qu’elles réufGroient fucceflîvement, jufqu’à
de très-grandes diftance-s , mais en procédant
lentement, en ne les brufquant pas.
C ’eft ainfi, en me fervant toujours du même
exemple , que le Mouton originaire des pays
chauds s’eft acclimaté de proche en proche
jufque fous des climats très-rigoureux, que
fon efpèce s’e'ft fortifiée par l ’adtion de l’air
extérieur; c’eft de même, parmi les oifeaux,
que la Poule 8c le Paon, torts deux originaires
des Indes, fe font habitués dans la
plupart des contrées. II n’y a peut être pas
d’efpèce à qui il n’en n'arriva autant en
procédant par degrés ; mais on n’y parviendra
jamais par un paffage brufque. .
On objsélera encore , contre ma propo-
fition , la quantité de vers que les oifeaux
détruiraient , fi les vers reftoient expofés à
l’air libre. Mais les oifeaux ne font-ils pas
aufli avides des autres Chenilles que du
Ver à foie; on fait cependant qu’ils n'en
détruifent qu’un petit nombre, à proportion
de celles qui leur échappent quand les
arbres en font bien chargés & comme ils
le feraient de vers à'foie.-Si l’on veut encore
éviter cet incdVivénient, ou le rendremoindre,
examinons quels font les oifeaux principalement
deftruâeiirs des Chenilles ? Le Moineau
franc tient, dans cet ordre, le premier
rang : on peut à peu près placer de
la manière fuivante les autres oifeaux ,
les Mélanges , le Roflîgnol , le Roitelet,
le Chardonneret, là Rouge-gorge, les Pinçons,
les Verdiers. Voilà en général les plus
redoutables ennemis des Chenilles. Le Moineau
franc vit autour des habitations, il s’en
écarte peu., on ne le trouve -abondamment
ni dans la campagne ni dans les bois; les
Méfanges , qui font les plus à craindre après
lui, font routes retirées dans les bois pendant la
belle faifon, y font leur nid, & n’en fortenc
quaTautomne ; lé Roflîgnol, le Roitelet &
la Rouge-gorge fe retirent aufli de préférence
dans les bois pendant l ’été. En plaçant donc
les plantations de mûriers à une médiocre
hh