
verrons dans un inftant, qu’un autre in-
leéie , plus redoutable encore , qui ne vit
pas ordinairement dans les maifons, mais
'qui y entre quelquefoisj procure au moins,
en dédommagement des torts qu’il fait ,
l’avantage de détruire toutes les Blattes retirées
dans l’habitation où il pénètre.
Cet infeétè , que les. colons confondent
avec la Fourmi, dont il a la forme, & en
grande partie les habitudes, qu’ils nomment .
tantôt Fourmis , tantôt Poux de bois , eft le
Thermes des infeétologiffes. On en trouve
une efpèce en Europe, mais peu nombreufe,
8c qui n’y fait aucune fenfation ; dans les
climats chauds dus deux continens, le genre
du Thermes contient plulieurs efpèces; eiles
font très-nombreufes en individus, & ceux-
ci exercent les plus grands ravages. Les
Thermes vivent en fociëté , composées de
trois fortes, la mère , les mâles & les mulets;
les uns , fuivanr les efpècss , élèvent-, à la
furface de la terre, des habitations coniques,
hautes, de trois & quatre pieds , ils les font
d’un ciment qu’ils détrempent, fi folide que
les hommes & les plus grands animaux peuvent
monter fur ces tertres fans les faire
crouler; il y en a toujours plufieurs de raffem-
blés près les uns des autres , on les prendrait
de loin pour des huttes de nègres , & leur
àïîêmblage pour un village de ces afriquains;
d’autres Thermes travaillent fous terre, &
y fconftruifent des chemins couverts , fous
lefquels ils habitent. Dans le courant de
l ’année les Thermes vivent aux dépens des
plantes & des arbres voifius de leurs habitations,
& il eft facile de concevoir les dégâts
qu’ils font par leur multitude; Mais tous les
ans , à une faifon marquée, il fort de chaque
logement une1 colonie qui va s’établir ailleurs ;
elle marche far , une colonne très-ferrée de
plufieurs pieds d’e large & dJune très-gritnde
lbngueur ; cés individus ne s’expofent point
à l’air, mais ilséûn'fttuifenr, à mefure qu’ils
avancent , Un chemin couvert , fous lequel
ils continuent leur route ; ils y emploient
toutes les'fubftances proprès.à le Couftruire
qu’ils renciîrîtrent, & le nombre des ouvriers
fait que l’ouvrage s’exécute fort promptement
: les Thermes pouffent toujours leur
route devant eux , fans que les obftacles les
arrêtent ou les faffent changer de direéfion ;
fi c’eft un arbre, ils le percent & paffent à
travers ; fi c’eft un mur , ils en font autant ;
s’ils rencontrent une poutre , ils la percent,
ou en travers, ou dans route fa longueur,
félon qu’elle fe préfente , & ils la criblent
ou la détruifent tout à fait ; .cette opération
ne leur coûte pas une nuit : il arrive donc
quelquefois qu’ils eaufent la chute d’un bâtiment,
d’une manière d’autant plus inquiétante
qu’on ne peut s’appercevoir la veille de
leur approche, 8c qu’ils ont exécuté leur fouille
en peu d'heures. Cet accident eft à craindre
fur-tout lorfque les Thermes rencontrent des
édifices, dont les matériaux, trop folides vers
le bas , leur coûteraient trop à percer ; alors
ils élèvent, fur ces bâtimens , un chemin
couvert, & ne commencent apercer que. quand
ils trouvent moins de réfiftance. Il y a des
efpèces , qu i, entrées dans une habitation ,
s’y arrêtent quelque tems , s’y répandent
de tous côtés , & y dévorent tout ce qu’ils
rencontrent , meubles , animaux mêmes vi-
vans, & les plus forts qui fuccombetit fous
le nombre; c’eft dans ces occafions que les.
Thermes, qui pénètrent pat-tour, purgent
les maifons des Blattes qui les infeftoient
& des Serpens qui y étoient auflî retirés.
En vain , quand on s’appereoit de l’approche
d’une colonne de Thermes, voudroic-on la
diffiper & lui difputer l’entrée d’une habitation
; la colonne fe rompt & fe. reforme
au-deffùs de l’endroit où l’on s’oppofë à fa
marche. On prend la précaution , dans cette
occafion, d’enlever promptement les meubles
, de faire fottir les animaux , l’on n’eft
pas fâché alors d’un paflfage qui dure vingt-
quatre heures , & qui nettoie l’habitation
de tous les Serpens & les rnfeftes qui y étoient
réfugiés ; mais quand on eft furpris , comme
cela arrive fouvent, le paffage des Thermes
coûte au moiris',1 'en une nuit, la perte de'
beaucoup de meubles, celle des bibliothèques
en particulier , & de la plupart dès vêre-
mens. C ’eft donc avec fondement que j ’ai
mis cet infeéte au nombre de ceux qui exer
cent les ravages les plus funeftes. On accufe
communément les Fourmis de dévafter les
plantations, & en particulier celle de cannes
à fucre : on ne nous a pas allez bien fait
connonre les infeéte s qui exercent ces ra-
vages , pour décider fi ce font en effet des
Fourmis, ou, comme j’mcline à le croire,
des Thermes; il n’eft pas aifé non plus,
dans l’érat aétnel de la feience, de déterminer
files Colonies qui voyagent en certains
tems, ne font pas les unes compofées de
Fourmis , les autres de Thermes : il paraît
affez probable que les Colonies, qui ne marchent
que fous dés chemins couverts, & qui
percent tout ce qu’elles rencontrent, font
compofees de Thermes; tandis que celles
qui marchent à découvert, qui fe répandent
dans les différentes parties d’une habitation,
font compofées de Fourmis : leur taille bien
plus forte, leur nombre bien plus grand
dans les pays chauds que dans nos provinces,
les mettent en état d’exercer des dégâts qu’elles
ne peuvent eau fer dans nos contrées,
ou elles ne font guère qu’incommodes; car
dans la campagne, elles font fort peu de
tort aux végétaux ; & dans les maifons,
quand elles y pénètrent, leurs dégâts con-
fiftènt à infeâer d’une odeur' défagréable
quelque^ , comeftibles auxquels elles ont
touché , & en particulier les fubftances fu-
crées ; à faire aigrir les fyrops, les gêlées.,
les confitures, &c.
Les derniers infeéles dont il me refie à
parler, font les Sauterelles ; elles font
quelque mal par-tout par leur voracité
& le dégât qu’elles font des végétaux ;
mais il y a des lieux où elles fe multiplient
au point d’y détruire abfolument toutes les
récoltés, comme il eft arrivé deux fois à 1 ifle de Bourbon : ce qui eft plus ordinaire,
c’eft qu’une efpèce de ces infectes, que les
naturaliftes ont nommée Voyageufe, Migra-
tària , & peut-être plufieurs efpèces , paroif-
fent tout-à-coup dans différentes contrées ,
fans qu’on fâche d’où el'es viennent, qu’elles
y dévaftent toute la campagne, la dépouillent
entièrement, & queTafpeéten devient.fubi-
tement lemblable à ce qu’il eft dans l ’hiver.
Cette apparition des Sauterelles eft fur-tout
fréquente dans les pays chauds, mais elle a
quelquefois lieu dans les climats froids; elles
voyagent en volant à une médiocre hauteur,
leur nombre eft fi grand, qu’elles forment un
nuage qui répand au loin une ombre épaiffe ;
pat-tout où ces nuages s’abattent, la def-
truétion totale des végétaux eft la fuite de
leur féjour. Ces palfages font fouvent la caufe
de la difette & de la famine dans des contrées
fort étendues, où les récoltes de toute
efpece ont été détruites. On a remarque que
communément , ces nuages formidables de
Sauterelles font emportés dans la fui te de leurs
voyages, par des vents qui les pouffent fur des
lacs ou fur la mer; & qu’ils y périlfenr. Mais
il arrive au ffi quelquefois que.les Sa uterellcsqui
voyagent touchent au terme,de leur yie fur le
continent, alopleu.rscqrpscoiwrent une grande
etendue de:terrein ; ils font amoncelés, ils fe
corrompent, & il en exhale une odeur & des
miafmes auxquels on a fouvent attribué des
maladies épidémiques qui ont fuccédé à l’ap-
paririon & à la mort des Sauterelles; ainfi cet
infecte, le plus formidable de tous, caufe &
la famine & la mortalité.
Après avoir reconnu les avantages que nous
retirons de quelques infectes, les ravages qu’un
très-grand nombre exerce,, fi nous cherchons
quelle place ils occupent dans la nature, à
quelle ufage elle les deftine, nous ttouve-
verons qu’en ne les confidérant que fépairé—
ment, qu’ifolés, leur periteffe, leur manque
de pouvoir, méritent l’oubli & le mépris dans
lefquels ils, font auprès de la plupart des
hommes f'mais fi nous les envifageons par
maffe, fi nous avons égard à la multiplicité
des efpèces , à leur prodigieufe fécondité ,
au 'n'ombre incalculable des individus, alors
nous ferons convaincus qu’ils occupent une
très-grande place dans la nature, qu’ils font
an des puiffàns agens qu’elle fait fervir à
fes vues, & ils nous 'paraîtront à ces titres
mériter toute notre attention. En effet, il eft