
exxxviîj D I S C
plutôt par l’incubation interrompue de la
mère , dans les oeufs dépofés les premiers
jours , fans que le germe pérît pat les intervalles
de froid auxquels l’abfence de la
mère expofe les oeufs, fans que ces petits
formés plutôt, rompiffent la coquille avant
ceux dont le développement aurait commencé
plutard ? N’eft-ce pas la formation achevée &
complète du jeune oifeau qui détermine né-
celfairement fa fortie de l’oeuf? puifque tous
les petits d’une couvée rompent la coquille
le même jour, c’eft donc que les germes
ont commencé à fe développer tous en même-
tems ; s’il y avoir quelque.différence de tems
dans ce développement, les petits , formés
dans les oeufs dépofés les premiers, fortiroient
de la coquille deux ou trois jours parmi les
petits oifeaux, & dix-huit ou vingt jours dans
les efpèces de la Perdrix & du Faifan, avant
les pouflins nés des oeufs pondus les derniers.
En ne couvant que par intervalles jufqu’à
ce que la ponte foie finie, la mère prévient
l ’inconvénient d’un développement du germe,
d’une naiflance de petits à tems inégaux. 11
en auroit réfulté du trouble, de la confu-
fion dans la couvée , & peut- être l’impof-
fibilité de l ’élever. Des jeunes, âgés de plu-
fieurs jours, eu(Tent accablé fous leur poids
des petits qui n’auroient fait que de naître ;
dans les efpèces qui dégorgent de la nourriture
f, celle qui convient aux nouveaux
nés aurait été trop peu fubftantive pour
les petits plus âgés, & les alimens propres
à ceux-ci eulfent été indigeftes pour les
autres : dans les efpèces parmi lefquelles les
petits cherchent eux-mêmes leur nourriture
en fuivant leur mère, il y en auroit eu de
nés & quelle auroit eu befoin d’accompagner
hors du nid , tandis qu’elle n’auroit pas
dû le quitter, à caufe des oeufs dont les petits
n’auroient pas encore été fortis.
En vain objeélera-t-on que dans les couvées
des oifeaux qu’on nourrit , il y a des
petits qui naiflènt à un , deux jours d’intervalle
les uns des autres. Jugez-vous des animaux
qui vivent en liberté, par ceux que
vous avez réduits en captivité ? Si vous les
O U R S
comparez pour en reconnoître les différences;
cette méthode eft fure, autrement elle n’eft
pas bonne, & ne conduit pas à des réfultars
vrais. Au lieu du Serin qui vit dans l’appartement,
examinezla Poule , moins éloignée
dans la baffe-cour , de l’étac naturel; tous
fes pouflins font nés au plus tard dans l’intervalle
de douze ou quinze heure; ; la femme
à laquelle le foin en eft confié le fair, & fi
elle lài(Te jufqu’au lendemain les oeufs dont
il n’eft pas forti de petits, c’eft par furabon-
dance de précautions; mais paffe vingt-quatre
heures elle ôte tous ces oeufs comme inutiles.
L’attention de la mère de ne couver avec aflî-
duiré qu’après que la ponce eft complète ,
étoit donc d’une importance extrême, & il
eft facile d’en juger par les inconvéniens qui
auraient eu lieu fi elle y avoir manqué par un
attachement précoce & mal entendu pour fa
famille. La durée dè l’incubation varie ,
comme celle de la geftarion, fuivant la grandeur
des efpèces : les plus petites ne couvent
que pendant douze à quatorze jours, d ’autres
pendant dix-huit, plufieurs pendanc vingt
à vingt & un jours, & quelques-unes jùf-
qu’à vingt-neuf & trente. Pendant que l’incubation
a lieu, la mère ne quitte le nid que lejour,
jamais la nuit; elle ne fe lève dans la journée
qu'une fois ou deux pour chercher en hâte
de la nourriture; dans plufieurs efpèces le mâle
lui en apporte par intervalles , & la lui préfente
fur le nid , mais pas en affez grande
quantité pour l’alimenter; cependant ce n’eft
que parmi les efpèces qui dégorgent des alimens
à leurs petits ou qui vivent de proie.
Les mâles ne fourniffent rien aux femelles
qui font granivores & d’efpèces qui ne dégorgent
pas; elles pourvoient elles-mêmes à
leur nourriture en totalité. Mais tous les mâles,
excepté parmi un petit nombre d’efpèces,
fe tiennent près du nid pendant le tems de
l’incubation, ils volent à l’entour , ils veillent-
à fa fureté fuivant leur pouvoir. Une preuve
qu’ils y veillent, c’eft qu’ils s’agitent, c’eft
qu'ils donnenc des marques d'inquiétude ,
qu’ils pouffent des cris de plainte à l’approche
d’un ennemi ; qu’au lieu de prendre la fuite,
ils vont à fa rencontre, ils volent autour de
lui, ils l’attaquent les premiers s’il n’eft pas
trop puiffanc, & s’il ne paroîc pas impofltble
de le mettre en fuite : au lieu de la timidité
& de la promptitude à fuir qui leur fout
ordinaires, les males ofent attaquer des
ennemis plus forts qu’eux, devant lefqùels
ils enflent fui de très-loin en toute autre
occafion. Ainfi des Moineaux , des Fauvettes
ofent fe mefurerà des Pie-grièches’, & celles-
ci à la plupart des oifeaux de proie , & fou-
vent le courage fuppléant à la force, décide
le combat en faveur du plus foible & de la
caufe la plus jufte. Mais fi le mâle eft abfenc,
s’il eft vaincu & forcé de fe retirer, la femelle
, plus enflammée encore que lui, oppofe
plus de réfiftance à l’ennemi, & ne lui cède
ou qu’en tombant fous fes coups, ou parce que
fes bleflures la mettent hors d’état de continuer
le combat. Nous venons de nous occuper
d’un moment de trouble & d’inquie-
tude. lylais dans les tems de calme, quand la
tranquillité règne autour du nid , qu’il; ne
paroît pas d’ennemi 8c que le ciel eft découvert
& ferin , le mâle fe tient fouvenc
pofé fur quelque branche près du nid; il y
fait entendre fon chanr ou les accens propres
à fon efpèce dont la continuité eft une
forte de ramage. On a dit que c’étoit pour
complaire à fa femelle, pour charmer l’ennui
de [’incubation. Mais qui fait fi la femelle
s’ennuie , fi un foin qui lui plaît qu’elle
ptend librement, la contraint & lui coûte?
Il n’y a pas d’apparence. Le mâle ne chante-il
pas touc Amplement parce que fes befoins
font remplis, qu’il jouit de toute fa vigueur,
qu’il eft par conféquenc heureux, & que le
chant eft l’expreflion du contentement intérieur
? C ’eft par cette raifon qu’il chante hors
de la faifon des couvées ; quand l’air eft
doux, que les vivres ne lui manquent pas ,
& qu’il ne fait pas entendre fon ramage
quand il fouffre de la rigueur de la faifon,
que les alimens font rares , & qu’il n’eft pas
fatisfair, parce qu’il n’eft pas heureux. Quoi
qu’il en fuit, il paffe les nuits près du nid,
& continue la même manière de vivre pendant
le tems que l’incubation dure.
Ce que je viens de rapporte! ne concerne
•
que les efpèces qui s’untflent par couple, 8c
dans lefquelles les deux fexes contraiftent une
forte d’union. Mais dans celles ou un feul mâle
rend plufieurs femelles fécondes, comme lesef-
pèces du C o q , du Faifan , des Tétras, chaque
femelle qui a éce fécondée,qui fenc le be oinde
pondre, s’éloigne des lieux fréquentés par les
mâles ; elle cherche une retraite qui leur foie
inconnue , elle prend autant de précautions
contre leur rencontre que contre les ennemis
de fon efpèce , & elle auroir en effet autant à'
en craindre ; ils détruiraient fon nid , ils
cafferoient fes oeufs ou donneraient la more
à fes petits. Ils reffemblent aux mâles des
quadrupèdes, à qui les petits de leur efpèce
n’infpirent aucun attachement, qiii les maltraitent
fans fujet, & ils pouffent plus loin
i leur indifférence ou même leur haine. Comment,
me d ira-t-on, placez-vous le Coq
parmi ces mâles dont les habitudes font
barbares , le Coq qui vit au milieu de fa
famille, qui la défend , qui l’appelle pour
lui diftribuer les vivres qu’il a trouves? Remarquez
que fon extérieur annonce plus
d’autorité que d’attachement, que fes mou-
vemens brufques décèlent une violence qui
n’eft que contrainte, quelle éclate aux plu*
légers indices de manque de fqumiflion, qu’ils
font punis par de rudes chârimens. Le Coq
maltraite fouvenc la mère 8c les petits qui
fe font raflemblés autour de lui à fon apy
pel : on diroic , à leur air fournis, à fora
maintien abfolu, qu’ils reçoivent fes ordres
plutôt que fes dons. Je ne reconnois point
à ces marques une famille chérie qui entoure
un père fenfible. La femme de baffe-
cour , qui connoît bien le C o q , parce qu’elle
vie avec lui , le craint ; elle prépare à fa
femelle un nid dans un lieu féparé, elle en
interdit l’entrée au C o q , elle ne ramené- à
la baffe-cour la mère & les pouflins que
quand ceux-ci font déjà grands, ou elle les
y place fous la mue qui les met à l’abri
des accès de fureur & de violence du Coq.
Enfin, la mère elle-même, fi on ne lui a
pas préparé de retraite, en cherche une quand
elle s’apprête à couver. Elle fe retire dans
les lieux les plus folitaires, & le foin avec
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