
cxc D I S C O U R S
qu’arbre creux ou quelque trou : fi on les
y examine le foir ou le lendemain, en les
trouve engourdis ; ils né reffortent qu’autant
que le foleil répand fes rayons, & que le
ciel eft fans nuage ; fi on les tire de leur
retraite , qu’on les échauffe entre fes mains
& en dirigeant fon haleine fur eux, ou en
les approchant du feu , ils s’animent, ils
fe mettent en mouvement ; fi la température
de l’atmofphère ou une chaleur artificielle
les y foutient , ils s’accouplent, font
leur ponte & périffenr. Ce fait, dont je me
fuis affiné piufieurs fois, dont on peut facilement
fe procurer la conviition , pror.i-e
que les infeéles peuvent s'entretenir long-
terns de leur propre fubftance & que leur
mort rapide , après1 l’accouplement , & la
ponte eft une fuite de l’épuifement dans
lequel ces deux a (fiions les jettent.
11 y a donc un grand nonhbre d’efpècesd’in-
fefies dont la reproduction n’a lieu chaque
année qu’à une époque déterminée, fixe &
toujours la même ; il y en a dans lefquelles
il y a piufieurs générations , mais de l’ef-
pèce & non des individus qui ne multiplient
jamais qu’une fois. Parmi les efpèces du premier
ordre , dans lefquelles tous les individus
produifent & meurent en même-tems,
l ’efpoir de la race-, fa confervation ne ré-
fident que dans les oeufs, les larves, les
nymphes ou les chryfalidés : fi des circonf-
rances défavorables en font périr un grand
nombre avant le tems où les individus pa-
roiflênt fous leur dernière forme, l’efpèce
qui aura elfiiyé des accidens fera peu nom-
breüfe, & fa produfiion peu abondante.
Dans lés efpèces du fécond ordre , outre les
oeufs, les larves , lés nymphes, les chryfalidés
qui exiftent an retour du froid , la race a encore
une reffiource dans les individus qui ne
fe font pas accouplés à l'automne ; comme
au retour du printems & pendant l’éte des
circonftances défavorables font plus rares , &
que les générations fe fuccèdent pendant la
belle fai fon , quelques limitées qu’aient été
les premières, les fuivantes réparent bientôt
les pertes qui ont eu lieu, & ces efpèces font
tous les ans nombreufes en individus, fur-
tout à la fin de l’é té , tandis que les efpèces
qui ne multiplient qu’à une époque
font peu abondantes en individus dans cer.
raines années.
De la manière dont les diffèrens animaux
s'accouplent.
C ’eft une loi qui fôuffre fort peu d’exceptions
, depuis les plus grands quadrupèdes
juiqu’aux infectes même, que les mâles foient
plus prelfés de jouir que les femelles, qu’fis
les cherchent & les provoquent $ qu’elles évitent
d’abord leur pourfuite, & qu’elles ne fe
rendent qu’après une réfiftance plus où moins
longue fuivant les efpèces. On a |fuppofé
que c’étoit un art de la part des femelles
donc l’oppofition rend les mâles plus ardens;
d’autres leur ont prêté un fentimenc plus
! noble, leur réfiftance a paru reffembler à la
pudeur. C ’eft, ce me femble, accorder beau-
i coup trop aux animaux ; ils n’ont ni vices,
ni vertus ; iis cèdent à l’impulfion de leurs
fens qui les dominent. Les mâles font plutôt
refaits , plutôt en état de reproduire ,
parce que cet écat eft en eux la fuite d’un
dépôt de fucs moins abondans; ces lues
font plus ftimulans , ils excitent des defirs
plus vifs; les mâles doivent donc entrer les
premiers en chaleur , être plus ardens, plus
prelfés de jouir, chercher les premiers les
femelles à qui des fucs plus abondans, mais
moins énergiques, font éprouver des fenfa-
tions plus tardives, moins vives, qui ne les
foliicitent à fe rendre aux defirs des mâles,
que quand leur pourfuite, leur vite, leur
approche les ont animées, & ont porté les
feiifations à leur dernier degré.
Les quadrupèdes ne font qu’impétueux &
violens dans leur approche. Les mâles pour-
fuivent la femelle qui les fuit ; elle fe défend
quand ils la joignent, félon la manière fie
fon efpèce, & elle fouftraic à leur empref-
femenc, par les mouvemens qu’ellé fe donne,
les parties par lefquelles ils s’efforcent de
s’emparer d’elle & de ia dominer ; elle fe
P R É L I M I N A I R E . CXC)
rend enfin , foit par l’effet de la fatigue ,
foit que fa lutte qu’elle a effuyée lui en faffa
fentir le befoin , en allumant en elle des
defirs qu’elle n’éprouvoit pas auparavant. La
• femelle paraît jouir avec peu de fenfibilité,
quelquefois avec douleur, puifque quelquefois
elle fe plaint : tout peint au contraire
dans le mâle l’ardeur qui le brûle
& qu’il exh a le fe s yeux font en feu ; fa
i, refpiration eft courte & précipitée, fes poils
fe redreffent & fe hérifïent, les parties de
j fon corps, qui font nues , fe teignent de
couleur de fang. Cependant, aufîi-tôt que
1 l’aéte, qui eft toujours de peu de durée , eft
I achevé , le mâle, qui s’y eft livré avec im-
| pétuofité , tombe pour quelques momens dans
un état d’accablement, fes regards, fes mouvemens
, toute l’habitude de fon corps ,
peignent l’épuifement & la foiblefTe. C ’eft
[ l’effet d’un mouvement violent , pendant
lequel toutes les parties ont été agitées, tous
les organes en commotion , tout le fyftême
I nerveux ébranlé. Mais cec ébranlement n’eft
que palfager, & le mâle reprend fa vigueur ,
I à mefure que fes organes repalfent à un
i mouvement modéré; la femelle qui n’a pas
I éprouvé les mêmes fecouffes , qui n’a pas
I fait les mêmes efforts pendant l’a fte, le ter-
■ mine à-peu-près comme elle a’y eft foumife,
| avec les lignes de l’indifférence. Le mâle la
r quitte & s’en éloigne fans témoigner de
I regrets, fans en avoir, puifqu’il l’abandonne,
I puifqu’il va d’un côté différent & qu’il ne
I la fuit pas. Mais fi le but de i’afie a été
rempli , fi la femelle a été fécondée , non-
I feulement elle s’éloigne du mâle auquel elle
l vient de s’abandonner, mais elle évite avec
I; foin fa rencontre, & celle de tout autre mâle
I de fon efpèce ; elle fe tient à l’écart, elle
I cherche des lieux que les mâles ne fréquentent
pas , elle fuit de loin à leur approche,
& fi elle en eft furprife , elle leur oppofe
une réfiftance dont l’opiniâtreté les laffe ic
| les force de fe retirer. Mais quand la femelle
u conçu , les mâles ne la pourfuivent avec
I acharnement que dans le délire & l’excès
j des befoins qui les tourmentent, qu’au défaut
d autre femelle ; celle qui a été fécondée
n’irrite plus leurs defirs au même degté ; fa
vue n’excite plus la même imprefiion fut
leurs fens , parce qu’apparemment elle ne
répand plus , autour d’elle , les mêmes émanations.
Durant faite , la femelle, dans la
plupart des efpèces , eft pofée d’à plomb fur
fes quatre pieds „ elle écarte fa queue de
côté , elle fe donne, d’ailleurs, peu de mouvemens
; le mâle la tient embraffée par le
deffus du dos avec fes deux pieds de devant,
fouvent il lui pince, avec les lèvres, ou même
avec les dents , la peau du deffuS du cou ;
il s’appuye en arrière fur fes deux pieds ,
il agite fa queue & frifïonne de tout fon
corps, ou plutôt tout fon corps eft dans le
fpafme. Le telle eft trop connu pour le décrire.
Il y a des efpèces qui prennent une
pofition différente , & qui leur eft propre,
mais le nombre en eft. petic , & la deferip-
tion qu’on en peut faire appartient à l’hif-
toire particulière de ces efpèces.
Parmi les oifeaux , les mâles ne fout pas
moins ardens que parmi les quadrupèdes ,
mais ils font plus mefurés dans leurs mouvemens
, à un petit nombre près d’efpèces qu’il
faut excepter ; il fembleroit qu’ils veulent
obtenir & non pas' ravir, comme les quadrupèdes
, ce qui eft l’objet de leurs defirs ; des
préludes toujours longs, qui le font plus
ou moins , fuivant les efpèces, précèdent
faite , le rendent peut-être plus délicieux, &
ont eux-mêmes de puiffans attraits , puifque
les oifeaux s’y livrent. Avant de confommer
faite de leur union, les deux fexes fe font
partagés par couples depuis piufieurs jours ,
piufieurs femaines, ou même piufieurs mois,
fuivant les efpèces : le mâle & la femelle fe
font choifis , ils ont formé une affbciation
qui doit durer autant que leurs befoins réciproques
, & ceux de la famille à laquelle ils
vont donner naiffance : ils fe font habitués à
fe voir, à fe fuivre, à s’appeller , à fe rapprocher
: ils ont été heureux , puifqu’ils
ont déjà été unis , & que leur union leur a
plu. Enfin , l’inftant arrive où ils font follici-
tés par des befoins plus vifs ; ils fe les expriment
mutuellement par des careffes récipro