
ecl D I S C O U R S
4e. M i m o i r ï.
Sur les Cigales & fur quelques Mouches de
genres approchons.
M. de Réaumur place les Cigales à la fuite
des Mouches à fcie , à caufe du rapport
d’induftrie qu’elles ont avec elles dans la manière
de placer leurs oeufs ; il n’y en a pas
d’autre , & j’ajouterai que dans la façon
aétuelle de confidérer les infeétes , on eft
furpris de trouver les Cigales au rang des
Mouches. Mais en fe conformant à la méthode
de M. de Réaumur, les Cigales font
du nombre des Mouches qui ont le corcelet
compofé de deux pièces ou qui paroît
double.
Les Cigales font des infectes des pays méridionaux.
On en trouve cependant, mais
rarement dans nos climats; elles.ont été remarquées
de tout tems à caufe du grand bruit
qu’elles font ; dans la defeription de ces in-
feâes , M. de Réaumur s’attache particulièrement
aux organes qui produilenr ce bruit;
ces organes n’appartiennent qu’aux mâles ;
ils font lit lié s en-delfous du corps ; mais on
doit remarquer fur cette même furface la
trompe qui eft commune aux deux fexes ,
& la tarrière qui fert à la femelle pour dé-
pofer fes oeufs.
La partie antérieure & inférieure de la
tète eft terminée par une pièce triangulaire ;
de la pointe de cette pièce naît un filet recourbé
fous le corcelet dans l’état de repos,
mais capable d’être redrelfé ; ce filet eft la
trompe ; la Cigale en eft pourvue dans l’état
de nymphe comme dans celui de Cigale ;
il fert dans l’un & l’autre à piquer les plantes
& à en extraire des fucs nourriciers ; ce filet
ou plutôt cette trompe eft compofée d’un étui
qui eft une pièce cceufée dans fa longueur
& formée de deux lames écailleufes ou cornées
; au milieu eft fituée la trompe proprement
dite ; elle eft terminée par une pointe
fine & courbe, & le tout eft d’une fubftance
cornée.
Nous avons déjà dit que les mâles feuls
des Cigales rendent un fon , quoiqu’on attribue
au contraire communément cette faculté
aux femelles : les organes qui produi-
fenteebruit, font fitués fous le ventre. Ce
font, à l’extérieur , deux plaques mem-
braneufes , une de chaque côté , capables
de fe foulever & de s’abaiffer; elles couvrent
une cavité pratiquée fur les côtés du ventre,
partagée en deux portions par une pièce écail-
leufe de forme triangulaire, fur le fond de
chaq ue cellule eft tendue une membrane
mince, polie, tranfparente, femblable à une
lame très-fine de talc ou de verre.
On peut voir fur une Cigale , fans la dif-
féquer , les parties dont nous venons de
préfenter une efquifle ; on les a long-tems
regardées comme fetvant feules au bruit que
font ces animaux , & on s’étoit efforcé d’en
expliquer le jeu ; mais on a été défabulé
depuis , & on a reconnu que ces pièces ne
font qu’ une partie des organes employés au
fon des Cigales ; que pour découvrir les
autres parties, il faut les chercher à l’intéi
rieur du corps de ces infeâes.
La principale des parties internes eft une forte
de cimbale fituée au-deflbus de chacune des
cellules extérieures , formée par une membrane
très-éiaftique, pliffée , ridée & fup-
portée par un cercle écailleux ; deux muf-
cles dont les tendons fe terminent aux ru-
gofités des cimbales , fervent à les pliffer, &
leuT reffort les fait relever. Le mouvement
de ces cimbales agite donc L’air contenu dans
les cellules , en foulevant le miroir oa plaque
qui a été comparé à une lame de talc, &
les vibrations de ce même air font modifiées
par la forme , la fubftance des parties qui
compofent & qui couvrent les cellules.
La partie propre aux femelles eft une tar-
rière placée dans une cavité pratiquée à l’extrémité
du dernier anneau. Elle eft compofée
de deux pièces en forme de fer de lance, couvertes
d’afpérités à leur bout comme unelime;
ces deux pièces font renfermées dans un étui;
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elles ont la propriété de fe mouvoir de manière
que l’une s'élève quand l’autre s’abaiffe.
Elles fervent à percer & ouvrir le bois dans
lequel les Cigales dépofent leurs oeufs. Ce
qui vient d’être dit n’eft qu’un abrégé très-
fuccinét, M. de Réaumur s’étend au con-
tratie dans de très longs détails fur la ftruc-
ture de la tarrière ; mais nous n’avons pu
le fuivre dans ces détails non plus que dans
ceux qui concernent les organes du fon.
Les Cigales choififfent, pour dépofer leurs
oeufs , de petites branches sèches dont le
bois foit rempli de beaucoup de moelle ;
elles percent le bois jufqu’à la moelle de
toute la longueur de leur tarrière , 8c ordinairement
de trois à quatre lignes , mais
quand elles ont atteint la moelle, elles dirigent
l’ouverture fuivant fa longueur, &
n’entament pas le bois qui eft au-delà ; elles
ne percent les branches que d’un côté; elles
dépofent un oeuf dans chaque trou, & une
feule Cigale dépofe environ cinq cents oeufs;
ils font blancs & oblongs ; les bavures du
bois referment & bouchent chaque trou à
mefure que la Cigale retire fa tarrière. Il
fort de ces oeufs des Vers à fix pieds ayant
à peu près la forme d’une puce ; ils fortenr
des trous par la même ouverture par laquelle
les oeufs y ont été introduits; ils defeendent
fur la terre , ils s’y enfoncent ; ils y deviennent
nymphes, c’eft-à-dire qu’il leur pouffe
des fourreaux qui recouvrent les ailes dont
la Cigale fera pourvue;-c’eft la feule différence
qu’il y aie entre les Vers & les nymphes;
celles ci font d’un blar.cfale, & on dif-
tiugue à travers la peau qui les couvre , les
parties de la Cigale , en forte qu’on peut
reconnoître les fexes; ces nymphes, pourvues,
comme les Cigales, de Gx jambes &
d’une trompe , font agiffames, & elles pénètrent
en terre jufqu’à la profondeur de deux
m trois pieds ; elles fe tiennent ptès des racines
des arbres; il eft probable quelles en
tirent leur nourriture; mais le mémoire ne
l’exprime pas pofitivement ; il n’apprend pas
non plus précifément dans quel tems les
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Vers naiffent& defeendent en terre, combien
il fe paffe de tems avant la dernière
métamorphofe ; il paroît qu’elle a lieu l’éte
qui fuit la ponte ; les nymphes, pour fe
métamorphofer, quittent la terre , fe cramponnent
fur des branches, leur peau fe fend
longitudinalement fur le corcelet, & la Cigale
fort de fa dépouille. Les nymphes
étoient mifes par les anciens au rang des
comeftibles ; ils mangeoient aufli les Cigales
mêmes; les Vers font expofés dans
les trous des branches à un ichneumon qui
dépofe fes oeufs dans les mêmes trous, &
donne naiffance à un ver qui décruit ceux
des Cigales.
M. de Réaumur parle enfuite de deux
infeéles qu’il aftocie, à caufe de leur forme ,
aux Cigales , & le fécond & à caufe de fa
forme & de fa maniéré de dépofer fes oeufs ;
mais il décrit fi peu correctement ces deux
infeétes, qu’il r.’eft pas aiféde les reconnoître
& de dére miner precifément à quelle claffe
ils appartiennent fuivanr les méthodes nouvelles
; le fécond , qui n’eft pas plus grand
qu’un fort petit Moucheron , fe trouve en
très-grand nombre fur les rofiers depuis le
printems jufqu’à l’automne; il a uue trornpe
femblable à celle des Cigales, 8c la femelle
a de même une tarrière, à fa ite de laquelle
elle dépofe fes oeufs fous lecorce des branches.
11 naît des oeufs des Vers qui deviennent
fous l’écorce même des nymphes
qui y vivent & s’y changent en Mouche.
Le mémoire eft terminé par la defeription
de cette grande Cigale qu’on a appellée
Porte-Lannrne , qui fe trouve à Surinam
& dans la Guiane ; elle eft remarquable par
la lumière qu’elle répand dans l’obfcurité ;
cette lumière eft affez coufidérable pour qu’on
puiffe , à fa faveur , lire un papier imprimé
d’un caraâère fort fin. Je n’en dirai pas davantage
en cet endroit fur cet infeéte, qui
fera décrit à fon tang.
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