
cc:< D I S C O U R S
de s’y retourner ; on la voit, après avoir
alongé un bout, faire fortir fa tête par
l ’autre, & travailler à l’agrandilfement de
ce fécond bout, de la même manière qu’elle
a alongé le bout oppofé.
Lorfqu’une Teigne ne fe trouve pas bien
à la place où elle eft, elle en change, ce
quiarrive allez fouvent ; elle fait fortir le tiers
antérieur de fon corps hors du fourreau ;
les crochets des pieds de derrière y reltent
engagés, & elle le tire après elle, marchant
avec alfez de vîteiïe par la feule contraction
de fes premiers anneaux. Mais le prolongement
du fourreau n’eft--pas le feul travail
nécelfaîre ; il faut auffi que la Teigne qui
a groffi puilTe élargir l’enveloppe qui la
couvre ; elle y parvient en fendant le fourreau
dans la moitié de fa longueur à un de
fes bouts, & en mettant une nouvelle pièce
entre l’écartement, qu’ont laide entr’eux les
deux côtés ouverts ; lorsqu’ils ■ font réunis
par cette pièce, la Teigne fend de même
l’autre moitié & l'élargit de la même façon;
après avoir procédé de cette manière fur un
des côtés du fourreau , elle fe comporte de
même par rapport à l’autre côté , en forte
quelle fend à quatre reprifes le fourreau,
& l’élargit par-deux bandes longitudinales
qu’elle y ajoute. Si on place une Teigne qui
a -vécu fur une' étoffe à fond rouge , fur
une autre étoffe à fond blanc , quand elle
■ aura élargi fon fourreau , on y remarquera
deux rayes longitudinales blanches qui font
,1a démonftration de la manière dont elle a
travaillé, manoeuvre que notre auteur a vu
fouvent répéter par des Teignes. Les étoffes
ne leur fournilfent pas feulement de quoi
. fe couvrir, mais elles s’en nourriffent auffi,
elles tirent des brins de laine une fubftance
. alimentaire fans que la digeftion altère les
couleurs dont la laine a été empreinte, en
forte que les excrémeos font de la couleur
des étoffes que les Teignes «ne rongées, &
qu’on y peut remarquer les mêmes biga-
rures ou les mêmes nuances que fur les étoffés
mêmes.
Les Teignes nées en automne paffent
.l’hiver fous cette première forme, & elles
font fouvent engourdies & fans action dans
cette faifon ; mais au prinrems elles s’é loignent
des étoffes , au moins la plupart,
car pîuïïeurs ne les quittent pas, elles emportent
avec elles leur fourreau, le fufpendent
par un bout à quelqu’endroit élevé, fouvenc
au plancher, en ferment les deux bouts avec
un tjlfu de foie, & y fubiffent leur changement
en chryfalide & en Papillon.
Les Teignes des pelleteries-& celles qui
s'attachent aux plumes vivent de la même
manière que les Teignes des étoffes de laine ;
eiles fe nourriffent des poils ou des barbes
des plumes , comme les premières des brins
de laine, eiles en forment de même leur
fourreau. Cependant M. de Réaumur croie
que les Teignes des étoffes de laine & celles
des pelleteries diffèrent, que ce font deux
efpèces. Je ne crois pas cette opinion fondée,
elle n’eft pas la plus reçue ; la conformité
entre les Papillons , l’identité dans les procédés
des Teignes , & fur-tout le dégât que
les Papillons qui voltigent dans les appar-
temens occafionnent dans les pelleteries &
dans les colleéiions d’animaux, tout indique
que les Teignes des étoffes & celles des pelleteries
font les mêmes. Mais M. de Réau-
mur paroît avoir ignoré deux faits ; favoir
que les Teignes dont il parlé n’attaquent
pas feulement les étoffes&les pelleteries; qu’elles
s’attachent encore aux Papillons defféchés,
fur-tout aux Phalènes qui font fort velues,
& qu’elles trouvent, tant fur le corps de ces
infeétes que fur les pouffières qui couvrent
les ailes, de quoi fe nourrir & fe former
des fourreaux.
Le fécond fait dont M. de Réaumur paroît
n’avoir pas eu connoiffance , c’eft que
les poils & les plumes font encore dévorés
par une Teigne différente de celles dont il
a fait l’hiftoire, & beaucoup plus grande,
qui devient une Phalène très-différente.
P R É L 1 M
je. M é m o i r e .
Suite du précédent ; recherches fur Us moyens
de défendre les étoffes les pelleteries des
dégâts des Teignes.
M; de Réaumur obferve que toutes les
Teignes font nées du milieu d’aoùt, au commencement
de feptembte' , qu’il n’en relie
plus de vieilles, que les jeunes ne tiennent
ni aux étoffes , ni aux pelleteries ; qu’il eft
aifé de les en faire tomber , au lieu que quand
elles ont pris de i’accroiiTement elles attachent
leur fourreau de façon qu’il n’eft pas
facile de le détacher; cette obfervation conduit
à confeiller de battre & de fecouet les
meubles , de les houffer a la fin du mois
d’août ou au commencement de fep-
tembre.
- Je remarquerai que je penfe, d’après l’ob-
fervation , avec M. de Réaumur , que^ 1 on
détruirait la plus grande partie des Teignes
en pratiquant les opérations qu il indique
dans le temsoù il les confeille; mais comme
je l’ai dit dans l’extrait du mémoire precedent
, M. de Réaumur borne trop la naif-
fance des Teignes ; il eft certain qu’il y a
encore des Papillons â la fin d août, & meme
en feptemfire. Ils font moins nombreux,
mais il y en a; ils dépofenc des oeufs-, &
les Teigneî qui en naiffent échapperaient
aux précautions prifes avant leur naiffance;
-il faudrait donc les répéter & en faire ufage
à la fin des mois d'aoùt & de feptembte.
La' fécondé remarque de l’auteur eft que
les Teignes s’attachent plus volontiers aux
étoffés à proportion que le tiffu en eft plus
lâche , parce quelles ont plus de facilité
à en couper & à en détacher les poils ; c’eft
ce qui eft caufe que l’ufage de ces étoffes eft
fort diminué. Cependant au défaut d’étoffes
d’un tiffu lâche , elles s’accommodent de
celles qui font ferrées & fortement frappées.
Il y autoit deux moyens de garantit les unes
& les autres. Le premier ferait de faire périr
Teignes fut les étoffes auxquelles elles
I N A I R E. ccxj
fe font attachées ; le fécond , ai* défaut de
ce premier , d’impregner ces étoffés dune
faveur qui les empêchât .de les ronger. On
ne manque pas de procédés annoncés comme
propres à remplir ces objets; les anciens naturalises
en ont décrit un grand nombre
que les modernes ont recueillis & dont ils
ont chargé leurs écrits. Mais de ces moyens
les uns font évidemment inutiles & meme
ridicules, les autres ne font pas-dune efficacité
bien démontrée. Âinfi perfonne ne
croira aujourd’hui qu’une étoffé placée fur
un cercueil, celle qui eft couverte d une peau
de Lion,font à l’abri des Teignes, & que
des Cantharides fufpendues au plancher
fuffifent pour les éloigner ; mais il n eft pas
également abfutde de crotte avec les anciens,
que l’odeur delà fabine, du myrte,
de l’abfinthe, de 1 iris, de 1 ecotce-de citron,
de l’anis, éloigne les Teignes, &quon g a rantit
les étoffes, en les chargeant de ces
differentes fubftances en poudre.
Après l’expofé des moyens indiqués par
: les anciens , M. de Réaumur rend compte
des expériences quil a fuivies pour en vérifier
la valeur & celle d’autres tentatives
qu’il a faites; il commence par remarquer
que le poil des animaux vivans n’eft jamais
rongé par les Teignes , que les toifons des
Moutons & les peaux des quadrupèdes qu’on
n’a pas paffés, font beaucoup moins attaquées
, & le font plus tard que les peaux 1
qui ont été préparées. Il en conclut qu’il y
a donc une faveut dans le poil des animaux
vivans-, qui déplaît aux Teignes ,
que cette faveur fe conferve long-tems après
la mort de l’animal & qu’elle eft détruite
; par la préparation des peaux ; que fi apres
la fabrication des étoffes on leur rendoic
en partie la faveur que la préparation a
détruite , elles en plairaient moins aux
Teignes ; cette faveur réfide dans une graiffe
où Juin que la préparation enlève , & que
le frottement des peaux non préparées fur
des étoffes fabriquées leur tend en partie
fans altérer leur couleur. L’expérience a confirmé
cette conjeétufe-; car des Teignes en