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médecine. II nous arrive defleehé dans des
poudriers de verre, ou bocaux exactement
fermes, pour empêcher l’évaporation d’une
partie volatile en laquelle il abonde , ôc
dont dépend une partie de fa vertu ; on le
réduit en une poudre fine Ôc impalpable,
qu on mele avec de l’euphorbe en poudre ,
d-e la térébenthine r Ôc de la poix de Bourgogne;
on forme du tout incorporé avec la
cire un emplâtre epipafiique ou véjîcatoire.
Cet emplâtre eft d’un ufage très - commun
en medecine; on l’emploie, ôc fouvent avec
le plus grand fuccès , foit dans les mala-
dies aiguës , foit dans les maladies ochro-
piques, toutes les fois qu’il y a indication j
d attirer â la peau une humeur dont la prë-
,?e P ^InPrieur,- eft la caufe du mal
qu il s agit de combattre.; on en fait aufli
ufage dans ,1e cas d’abattement, d’affailfe-
ment ôc de diminution des forces vitales,
comme dans l’apoplexie, la paraîyfie , la
fièvre maligne , &c. L’emplâtre véficatoire
appliquée fur la peau excite d’abord de la
démangeaifon , on éprouve enfuire une chaleur
qui augmente Ôc qui devient importune
; la partie couverte & les-environs fe
rougiftènt ; il y a inflammation & fièvre
locale ; Pépiderme fe foulève fous*l’étendue
de^ l’emplâtre, Ôc il fe 'forme une cloché
qui fe remplit de férofité. Ces effets font
ordinairement produits en dix-huit â vin<*t
heures, & plutôt, â proportion que les forces
vitales font moins abattues ; au bout de ce
Jems , on enlève l’épiderme qui s’eft.fou-
leve , on laiflè écouler la férofité ;. on eflfuie
la plaie qui s’efl: formée â la peau , on la panfe
avec une emplâtre fupurative qu’on anime , ,
fui vanc le beloin , en le foupoudranc avec
de la poudre de Cantharides. Il fument
bientôt une abondante fupuration , & le malade
éprouve deux effets ; les douleurs, la
gêne ou l’oppréilioiï; quelle malade relfen-
toit1 à à l’intérieur j diminuent; fes forces
abattues fe relèvent; il recouvre fouvent.la
parole., le mouvement, l’ufage des fens,.celui
de fes facultés intellectuelles qu’il avoit perdu
en tout ou en- partie; Il paraît mue les
Cantharides agilfenc de deux manières ;
quelles exercent une aélion locale & mécanique
fut la partie fur laquelle on les applique;
que 1 efprit ou fel volatil qu’elles
contiennent eft pompé par les vaifléaux abfor-
bans , ôc que tranfporté dans^les voies de
la circulation il devient ftimulant, tonique
& fortifiants Voici {’ur quoi ces propriétés
paroifienr fondées. En examinant à la loupe
ou au microfcope la poudre de Cantharides,
on voit qu’elle eft compofée de fra-
gmens apres ôc pointus , comme des pointes
d aiguilles ; ces fragmens font ceux d’une
fubftance ou membrane, sèche , cartilagi-
neufe, ôc qui approche de la confiftance
d une écaillé mince ; appliqués fur la peau,
ils y excitent de la démengeaifon, dé la
rougeur & de l’inflammation , à la manière
, de. tous les corps .qui pénètrent dans les pores,
dont la prefence y excite ces mêmes fymptô-
mes , tels que les pointes des orties, les poils
qui fe détachent du corps ou des cocons
de certaines Chenilles ; il eft donc probable
que c eft de mên^e en s’iritroduifant dans
les pores de la peau que la poudre de Cantharides
irrite cet organe, ôc y excite les
fymptomes que nous avons décrits ; cette irritation
locale accélère le battement des artères
& le. mouvement des fluides dans la
partie ou elle a. lieu, elle y attire les humeurs
étrangères qui circulent dans la mafle
du fang, ou qui font fixées fur quelques
organes , parce que la nature , d’après les
loix quelle fuir, pouffe toujours les humeurs
en plus grande abondance vers les parties
qui font irritées par une caufe quelconque,
ôc ne manque pas d’y porter les humeurs
hétérogènes qui la furchargent. Comment
fe fait ce tranfport ? Je ne crois pas qu’on
püifle le dire ; mais c’eft un fait avéré par
1 cbfervation : ainfi l’on nè peut en douter.
C ’eft donc en irritant une portion de la
peau , que la poudre des Cantharides;y attire
une humeur qu’elle détourne d?un vif-
cère, d’une partie donc la fonction eft importante
, ôc qu’èîle arrêtoit ou qii’ëlle gê-
noit ; mais indépendemment de ce premier
avantage , le malade auquel on a appliqué
P R É L I M I N A I R E .
des vçficatoires, fi fes forces étoient opprimées
, les fent fe relever : il n’y a pas d’apparence
qu’une irritation locale à la peau pififle
produire cet effet ; il eft vrai qu’on pourrait
l ’attribuer au tranfport de l’humeur dont la
préfence à l’intérieur opprimoit les forces :
mais voici un fait bien conftaté qui ne peut
s’expliquer par ce tranfport ; fi on a appliqué
d un malade des emplâtres véficatoires
trop étendues , ou trop chargées de poudre de
Cantharides , ou fi on en continue l’ufage
trop long - tems , il éprouve des ardeurs
vers les voies urinaires , il y fent des douleurs
, il éprouve de fréquens befoms d’urine
r, ôc il pifle même le fang. Ces inconvé-
niens augmentent fi on n’y remédie ôc deviennent
très-fâcheux ; ils ne peuvent être
occafionnés par l’irritation d’une portion de
la peau , fur le bras, la nuque , ou quelqu’au-
tre partie éloignée des voies urinaires; ils ne
ne (auraient être attribués qu’à un fel ou une
huile âcre qui a paflë par les pores dans les,
voies de la circulation , ôc qui étant abondante
n’agit peut-être spécialement fur les
organes urinaires , que parce que la nature la
dépofe vers fes parties avec l’urine. Mais de
quelque façon que la chofe arrive , il en ré-
fulte que la poudre de Cantharides agit aufli
par un principe qui pafie à l’intérieur, ôc il
eft probable que c’eft ce principe qui ftimule
les fibres, qui ranime les forces ôc le principe
vital.
On prépare aufli avec les Cantharides un
onguent éÿipajlique, qui entretient lafuppura-
tion excitée par l’emplâtre dont on s’efl: d’abord
fervi. Il arrive lpt1 vent qu’on formule cet onguent
différemment félon les cas. La recette
qu’en donne le codex de la faculté de Paris eft
une once d’onguent populeuna, une demi-once
d’onguent bafilicum , une demi-once de
poudre de Cantharides, le tout mêlé Ôc incorporé.
On tire encore des Cantharides une teinture
qu’on regarde comme propre à ranimer
le fentiment ôc le mouvement des parties relâchées
.& affaiblies. C ’eft un remède fort
Cclîij
ufite contre la paraKfie ; pour en faire ufage
on commence par frotter avec la paume de la
main , ou une flanelle chaude les parties
afreétées. ; on verfe enfuite fur la paume de
la main ou fur une flanelle , quelques goût-,
tes de la teinture , ôc on les étend en frottant
les parties malades ; iorfque ces gouttes
paroiffent avoir pénétré dans les pores , oi%
elfuie avec beaucoup de foin les parties qu’on
a frottées pour qu’il ne refte pas d’humidité à U
peau ; car fur les endroits où l’on en laifle, il s’élève
des cloches comme fi on eut employé la
poudre même des Cantharides. Ce ne peut
être par un mécanifme groflier , par des pointes
qui ne paflentpas dans la teinture, qu’elle,
opère ; fon aétion dépend d’une fubftance
âcre ôc volatile qui eft contenue dans les
Cantharides, Ôc il eft donc démontré que la
poudre qu’on en prépare agit des deux manières
que nous avons indiquées.
Quelques gens déréglés dans leurs moeurs
ofent prendre des Cantharides à l’intérieur ;
elles portent leur aéfcion principalement fur
les organes de la génération dont elles excitent
l’orgafme ôc la puiflance apparence, pour
quelques momens. Mais cette trifte ôc pénible
jouiflance a pour fuite , quand elle eft répétée
, l’afFaiflemenc ôc l’inaâion des organes
mêmes qui ont été violentés ôc irrités , ôc en
tout tems l’inflammation des voies urinaires,
d’aflreufes douleurs, le pi fiera en t de fang , ôc
le rifque de perdré la vie dans d’horribles
tourmens. Quel abfurde marche, de payer un
plaifir groflier ôc pénible dont la durée eft
d’un inftant , par la crainte de perdre la vie
ou la jouiflance des organes qui la communiquent.
La plupart des infa&es à étuis, ôc en particulier
les Buprefies de Geoffroy qui fonr les
Carahus ôc les Cicindelles de Linné, ont les
mêmes propriétés que la Cantharide : quelques
uns les pofledent à un plus haut degré,
comme nous le dirons tout à l’heure. Mais
l’adtion des Cantharides eft: connue , il eft
avéré, qu’elles fourniflent un .excellent'remède
dont ..on. peut prévoir les effets ; la ma