
a auffi des p'antes, -des oifeaux , qui font
egalement de même efpèce , fans qu’on ait
tiaufporté les plantes, fans que les oifeaux
aient pu patfer d’un continent à l’autre. Je
regarde donc les infeéles de même efpèce,
qui vivent fur les deux continens, fous des
parallèles à peu près égaux, comme originaires
des régions où on les trouve.
Ces infeéles font , en Europe, dans la
partie feptenttionale, en Amérique, à la
Caroline, au Canada , les Papillons braffi-
caires, la Belle-Dame, le Papillon Mars-
Vulcain, un grand nombre de Punaifes de
jardin, beaucoup de Carabus de Linné, de
Bupreftes de Geoffroy, de différentes-ef-.
pèces de Mouches J’ai comparé des infeéles
envoyés de la Caroline , qui étoient des
efpèces que je viens de nommer avec des
infect:es de même efpèce de nos contrées , 8c
je n’y ai point trouvé de différence. J’ai auffi
reçu quelques infeéles de la Louifiane,& j ’ai
trouvé parmi ceux-ci des efpèces abfolumcnt
femblables à plufieurs de nos efpèces d’in-
feéles, entr’autres, le Scarabé de la rofe de
Geoffroy , non pas d’un verd d’émeraude ,
on d’ùn verd doré, comme le nôtre , mais
d’un noir mat, comme ce Scarabé qu’on
nous envoie de nos provinces méridionales.
C ’eft, ce me femble, .une forte induélion
que les mêmes efpèces fe trouvent fous des
parallèles qui diffèrent peu , & que la légère
différence qui les diftingue fufEt pour
produire des nuances entre les infeéles.
Ainfi le Scarabé de la rofe eft le même dans
nos contrées , dans nos provinces méridionales
& à la Louifiane ; mais une chaleur
plus forte dans les deux dernières régions convertit
en noir mat la couleur verte qu’il a dans
nos compagnes. Je crois avoir prouvé, dans
le Diélionnaire des oifeaux, qu’il y a en Amérique
& en Europe, fous les parallèles ou
les mêmes , ou peu différées , un affez grand
nombre d’efpèces d’oifeaux femblables , &
un beaucoup plus grand d’oifeaux , qui ne
font fur l’un & l’autre continent que des
variétés les uns des autres. Il m’a paru qu’il
en eff abfolument de même des infeéles, &
c’-eft en campa rapt ceux des parallèles à pea
près femblables dans les deux .continens que
j’ai tnt cette conféquence.
Voici quelques faits ifolés qui pourront,
ajouter dis preuves à ceque j’ai dit. i° .Q u ’on
trouve les mêmes efpèces d’i-nfeéles focis les
parallèles qui fe carre'pou dent, fans qu’on
puilfe tuppofer qu’ils aient été trai-ifportés ;
3 20. que des efpèces ont au contraire été transportées
d’une région à une autre , & n’y
font connues que depuis leur tranfport.
Le Papillon appelle X A polio par Linné,
fe trouve dans les plaines feptentrionales
de l’Europe, fon efpèce s’étend jufqu’en
Lorraine 8c en Alface ; ou ue le trouve plus
dars les plaines en s’avançant vers le midi
$ mais, h arrivé su pied des montagnes
dn s’y élève à une hauteur moyenne, on le
retrouve fur les Alpes, les Pyrénées, l’Ap-
pennin. N’eft - il pas une preuve qu’où les
circonftances font les mêmes, on trouve
fouvent les. mêmes produélinns ? Comment
l’efpèce de ce Papillon auroit-elle franchi
l’efpace qui eft entre les plaines du nord de
1 Europe & les montagnes qui font au midi,
fans s'être répandue fur cet efpace 8c
l’avoir couvert. Le même jour que, montant
avec M. Fougeroux de Bondaroy, de l’A cadémie
royale des Sciences , le Mont-Cé-
nis, nous avions trouvé au bas de la cime
de ce mont plufieurs Papillons Apollon , nous
reconnûmes fur le plateau où l’on fe repo.fe
après avoir franchi cette montagne, la Sa-
pinetie du Canada. Suppofera-1-on que la
femence de la Sapinettç y avoit été transportée,
& la même fuppofitioft ferait-elle
mieux fondée à l’égard des Papillons ? Ces
deux faits ne prouvent ils pas que quand
les circonftances fe correfpondenr , il y a
fouvent des produélions femblables ? La lifte
de ces produélions ne deviendra t-elle pas
beaucoup plus nombreufe à mefure qu’on
s’accoutumera à comparer les objets, au lieu
dren juger féparémenc par une fimple description
des uns 8c des autres.
Le Papillon' fphinx, Tête de mort, fort
commun dans nos provinces méridionales,
fait affez fouvent partie des Papillons dont
on apporte des boîtes de Canton. Je l’ai vu
auffi parmi des Papillons apportés de la Caroline.
C'eft'une preuve que les mêmes in-
fëéles fe trouvent fous des climats qui fe
correfpondent; mais j’ai reçu de Canton le
Martin-Pêcheur, te Grimpereau de'muraille ,
le Loriot que nous avons en Europe; l’Herbier
des environs de Pékin, envoyé par le
père d’ïïicarvdlé à M. Bernard de Jufllç^ ,
contient beaucoup de plantes qui font les
mêmes qu’aux environs de Paris. Tous ces
faits ne concourent-ils pas à prouver que
fous les mêmes parallèles ou dans les memes
circonftances , il y a beaucoup de productions
femblables en tout genre, quo'.qua de
très-grande diftance. Quant aux infeéles , on
lés trouvera plus répandus Sc fous des parallèles
qui fe correfpondent moins ftriété-
ment , parce que paffanr une partie de
l’année dans une fotte de fufpenfion de v ie ,
cette fufpenfion, pouvant devenir réelle & fe
prolonger pat le froid, il fufEt, pour qu ils-
vivent & multiplient à de très-grandes dif-
tances, qu’ils foiènt d'ans les mêmes circon-
tances en un tems de Tannée dans chacun
des lieux où leur efpèce, eff. répandue.
Ce mêmé Sphinx, tête de mort, dont
j’ai parlé un peu plus haut, étoit fi tare
aux environs de Paris, il y a quarante ans ,
que M. Bernard de Juffieu, ayant remis à-
M. de Réaumur, une fort grande Cheniïle,
parée dé belles couleurs , trouvée fur un
jafmin , & le Sphinx , tête de mort, ayant
forti de la cliryfalide , dans laquelle cette
Chenille s’étoit changée, ce fait parût nouveau
, & le premier de ce genre qu’on eut
obfervé aux environs de Paré. Cependant,
depuis fept à huit ans, ce même Sphinx
n’eft plus rare dans nos campagnes, il l’y
devient de moins en moins chaque annee,
& on trouve affez fréquemment fa Chenille,
non pas comme la première fois , fur le
jafmin , mais fur la pomme de terre. Il y a
deux raifons auxquelles on peut attribuer
le tranfport de ce Papillon, 8c fa prife de
polFeflïon dé, nos climats. Depuis plufieurs
années , des provençaux & des italiens,
qui habitent fur cette côte de. la méditer-
rannée, qu’on appelle la riviere de Gene,
font dans l’habitude d’apporter tous les ans ,
à Paris , au commencement du printems,
des plans enracinés’ d’orangêrs, de myrrhes, ^
de grenadiers , de jafmins d Efpagne , des
azorfes , d’Arabie , & d’autres arbuftes ; il eft
tfès-poflîble qu’ ils aient ttanfporté , avec ces
plans, des oeufs ou des chryfaiides du Sphinx
qui a multiplié dans nos contrées: d tin autre
côté , l’ufage de planter des, pommes de
terre eft devenu beaucoup plus fréquent depuis
à-peu- près te même rêms que le Sphinx ^
a commencé à fe multiplier dans nos campagnes
, A depuis ce même tems, on a tiré k
de l’Amérique , ou beaucoup de femence ,
ou beaucoup de plans de pomme de terre,
pour avoir ,, ou des vafietes , ou des efpeces
plus fraîches. Il me paroit donc plus vrai-
ièmblable que c’eft ce dernier tranfport qui
eft la caufe de Tliabkatian nouvelle du
Sphinx dans nos campagnes ; mais quelle
qu’en foit là caufe , cet infeéte très-grand, .
remarquable en lui-meme, 8c par la propriété
fingulière qu il a de rendre un fon
très-fort fëmblable à une forte de grongne-
ment, n’ayant point été obfertée pat les
auteurs qui avoient décrit tes infeéles de nos
contrées avant M. de Rcaumur , 8c ce Sphinx,
depuis la découverte qu’en a fait ce natu-
ralifte , étant devenu, finon commun , au
moins pas rare, il s enfuit que fon efpe.e
a été’ tranfportée fous notre climat, 8c s y
eft habituée. Ce Sphinx eft donc un exemple
qu’une efpèce d’iiifeéle peut, fans qu’on en f
ait eu le deffein , être tranfportce d’un pays
à un autre, où elle ne fe trouvoit pas, 8c
multiplier fous un climat différent de celui
dont elle eft originaire, mais fous lequel
elle fe retrouve , en un tems' de Tannée ,
| eft des circonftances qui rapprochent fen
état de cehii où elle étoit fous fon climat primitif.
Cette double facilité de tranfponc-r
des efpèces d’infeétes , qu’elles vivent &
s’habituent fous des climats qui ne foient
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