i6o VER
E lle difoit ctptndahi i
Quelle fureur vous anime t
Vous qui paffefpour prudent ?
Les vers de huit fyllabes, auffi-bien que ceux de
douze , font les plus anciens vers françois, & ils font
encore fort en ufage. Gn les emploie ordinairement
dans les odes, dans les épîtres , les épigram-
mes , mais rarement dans les balades &c les fon-
nets.
Am i, je vois beaucoup de bien
Dans le parti quon me propoft}
Mais toutefois ne preffons rien.
Prendre femme ejl étrange chofe i
I l y fa u t penfer mûrement.
Sages gens en qui je me fie t
M'ont dit que c'ejl fait prudemment
Que d 'y fonger toute fa vie.
Maucroix.
On fe fert d’ordinaire des vers communs , Ou de
dix fyllabes dans les épîtres , les balades , les rondeaux
, les contes, & rarement dans les poëmes ,
les odes , les élégies, les fonnets & les épigrarnmes.
Le repos de ces vers eft à la quatrième fyllabe quand
elle eft mafculine ; finon il le fait à la cinquième ,
qui doit être toujours un e muet au lingulier , pour
ie perdre avec une voyelle fuivante ; mais il n’importe
que le repos de ces vers , ni des vers alexandrins
finiffe le lens ; il faut feulement que fi le fens
va au-delà, il continue fans interruption jufqu’à la
fin . du vers.
Tel d'un Séneque'. . . affecte la grimace ,
Qui ferait bien le Scaron-à ma place,
Scaron.
Les vers que nous appelions alexandrins font nos
plus grands vers ; ils ont douze fyllabes étant maf-
culins , & treize étant féminins , avec un repos au
milieu, c’ eft-à-diré , après les fix premières fyllabes.
Ce repos doit être néceffairement la fin d’un
m o t, ou un moriofyllabe fur lequel l’oreille puiffe
agréablement s’arrêter. Il faut de plus qu’il fe faflfe
fur la fixieme fyllabè quand elle eft inalculine , ou
fur la feptieme quand elle eft féminine ; mais alors
cette feptieme peut être d’un e muet au fingulier ,
pour fe perdre avec une voyelle fuivante. E x .
A u diable foit le fexe . . . . i l damne tout le monde.
Mol.
Un poète à la'tour . . . . . fu t ja dis à la mode.
-Mais des fous aujourd'hui.... c'eft le plus incommode.
Defpreaux.
- On compofe les fables de toutes fortes de vers, &
la Fontaine l’a bien prouvé.
Pour ce qui regarde les chanfons , comme c’ eft
l’ufage de mettre une rime à toutes les cadences fen-
fibles d’un a ir , on eft obligé d’y employer des tronçons
de vers qui ne font point fujets à l’exaftitude
des réglés ; néanmoins on obferve aujourd’hui de
n’y point mettre de vers de neuf ni d’onze fyllabes,
s’il faut nommer cela des vers. On aime mieux employer
de petits bouts rimés lorfqu’ils ont quelque
grâce,
Finiffons par une remarque générale de l’abbé du
Bos fur les vers françois. Je conviens , dit-il, qu’ils
font fufceptibles de beaucoup de cadence & d’harmonie.
On n’ en peut guere trouver davantage dans
les vers de nos poëtes modernes , que Malherbe en
a mis dans les fiens ; mais les vers latins font en ce
genre infiniment fupérieurs aux vers françois. Une
preuve fans conteftation de leur fupériorité, c’eft
qu’ils touchent plus , c’ eft qu’ils affeftent plus que
les vers françois , ceux des François qui lavent la
langue latine. Cependant l’impreflion que les exprefi
fions d’une langue étrangère font fur nous, eft bien
plus foible que l’impremon que font fur nous les
exprelïions de notre langue naturelle. Dès que les
V E R
•vers latins lont plus d’imprelfion fur nous que les
vers françois , il s’enfuit que les vers latins font
plus parfaits ÔC plus capables de plaire qùe les vers
françois. Les vers latins n’ont pas naturellement le
même pouvoir fur une oreille françoife qu’ils avoienî
fur une oreille latine ; & ils ont plus de pouvoir que
les vers françois n’en ont fur une oreille françoife.
WBB I ,
V e r s b l a n c s , noms que les Anglois donnent
aux vers non-rimés , mais, pourtant compofés d’un
nombre déterminé de fyllabes que quelques-uns de
leurs poëtes ont mis à la mode ; tels font ceux-ci de
Milton dans le Paradis perdit, liv. I.
. . . . Round he throws his balefulyes
Thaï witnefs'd huge affliction and dffmay ,
Mix'd with obduratepride , andJledfafl hâte ,
A t once, as far as angels ken jhe view s
Thé difmalfituation wafle and w ild , &C.
où l’on voit que lëS finales n’ont aucun rapport dé
confonnance entr’elles. Les Italiens ont auffi des vers
blancs , & M. de la Mothe avoit tenté de les introduire
dans la poéfie françoife, & d’en bannir la rime,
qui s’eft maintenue en poffefïïon de nos vers.
V e r s e n ja m b é . ( Poéfie françoife ) Vers dont le
fens n’eft point achevé , & ne finit qu’au milieu ou
au commencement de l’autre ; c’eft en général un
défaut dans la poéfie françoife, parce qu’on eft obligé
de s’arrêter fenfiblement à la fin du vers pour faire
fentir la rime , & qu’il faut que là paufe du fens &
celle de la rime eoncourrent enfemblë. Pour cet
effet, notre poéfie veut qu’on termine le fens fur un
mot qui ferve de rime , afin de fatisfaire l’ efprit &
l’oreille ; on trouve cependant quelquefois des exemples
de vers enjambés dans les pièces dramatiques de
nos plus grands poëtes ; mais l’enjambement fe permet
dans les fables , ôc y peut être agréablement
placé.
Quelqu'un fit mettre au cou de fon chien qui mordoit
Un bâton en travers : —- lui fe perfuadoit
Qu'on Üen ejlimoit p lu s , ^ quand un chien vieux
& grave ,
Lui dit : on mord en traître auffi fouvent qu'en brave.
La Fontaine en fournit auffi cent exemples qui
plaifent, & entr’autres celui-ci :
Un aflrologutun jour fe laiffa cheoir
Au fond d’un puits. On lui dit : pauvre béte ,
Tandis qu'à peine à tes piés tu peux voir ,
Penfes-tu lire au-deffus de ta tête ?
Quoique ce foit une faute en général de terminer
au milieu du vers le fens qui a commencé dans le vers
précédent, il y a des exceptions à cette réglé qui ne
partent que du génie ; c’eft ainfi que Defpreaux fait
dire à celui qui l’invite à dîner , Sat. j .
N 'y tnanque^ pas du moins, j 'a i quatorze bouteilles
D'un vin vieux . . . . . . Boucingo n'en a point de
pareilles.
La poéfie dramatique permet que la paffion fuf-
pende l’hémiftiche , comme quand Cléopâtre dit
dans Rodogune. ƒ
Ou feule & fans appui contre mes attentats ,
Je verrois..... mais yfeigneur , vous ne m'écoute^
pas.
L ’exception a encore lieu dans le dialogue dramatique,
lorfque'celui qui parloit eft coupé par
quelqu’un , comme dans la même tragédie de Rodogune
t elle dit à Antiochus , act. i y fc , i.
Efl-ce un frere ! EJl-ce vous dont la témérité
S'imagine. . . . .
Antiochus.
Appaifeç ce courroux emporté.
Quand le dialogue eft fur la fcène, chaque récit
doit finir avec un vers entier , à moins qii’il n’y ait
occalion de couper celui qui parle , ou que le tronçon
de vers, par où l’on finit , ne comprenne un
fëns
fens entier & féparé par un point de tout ce qui a
précédé. Ainfi dans la feene III. du quatrième afte
d’Andromaque , Orefte achevé un récit de cette
forte : , .
De Troie en ce pays réveillons les miferes,
E t qu'on parle de nous , ainfi que de nos peres-.
Partons , je fuis tout prêt.
Cet hémiftiche ne tient à rien ; & Hermone fi-
niffant, fa réponfe eft interrompue avant la fin du
vers.
Courez au temple., i l faut immoler...........
Orefte.
Qu i?
Hermione.
Pyrrhus.
Tout cela non-feulement eft dans les réglés, mais
c’eft un dialogue plein de beautés. ( D . J . )
V ers GLICONIQUE , ( P o é fie la t . ) v e r s latin
de trois mefures précifes , & qui eft compofé d’ un
fpondée, &: de deux daftiles.
j, D û lc e ë f i d is ïp ê r e ïn lo c S . ( D . J . )
V er s p en t am è t r e , ( Poéfie, ) voye^ Pen t a m
è t r e , E l é g ia q u e , E l é g ie , &c.
C’eft affez de remarquer en paffant que les anciens
ignoroient eux-mêmes qui a été le premier auteur
du vers pentamètre, enforte qu’il n’eft pas à préfumer
qu’on ait aujourd’hui plus .de lumières fur cette
queftion qu’on en avoit du tems d’Horace ; tout ce
qu’on en a dit depuis , n’a d’autre fondement que
des paffages d’auteurs mal-entendus : c’eft ainfi qu’on
cite Terentianus Maurus , comme en attribuant la
gloire à Callinus, au-lieu que cet auteur rapporte
feulement l ’opinion de quelques grammairiens qui
déféroient à ce poète d’Ephèfe, l’honneur de l’invention
du vers pentamètre. Il eft certain que cette invention
eft fort ancienne, puifque Mimnerme lui donna
la perfeftion , & que pour l’avoir rendu plus doux
& plus harmonieux,il mérita le furnom de Ligyfta-
de. Le favant Shuckford fait remonter û haut l’invention
du vers pentamètreou élégiaque, qu’il la découvre
chez les Hébreux ; & fans perfuader fa chimère
à perforine, il juftifie à tout le monde qu’il
a beaucoup de connoiflance de la langue hébraïque.
( D . J . ) 4
V ers po l it iq u e , ( Littér. ) efpece de vers grec
du moyen âge.
Les favans ne font point d’accord fur la nature
des vers nommés politiques : la plupart eftiment que
ce font des vers qui approchent fort de la profe, dans
lefquels la quantité n’eft point obfervée , & oit l’on
n’a égard qu’au nombre des fyllabes & aux accens.
Ils font de quinze fyllabes , dont la 9e commence
un nouveau mot , & la 14 e doit être accentuée ÿ
tefs font les chiliades deTzetzès, grammairien grec
du 12 e fiecle. Vigneul Marville parlant de cette
efpece de vers , adopte le fentiment de Lambécius.
» Il prétend qu’il faut entendre'par verfus politici les
» vers ou. les chanfons qui fe chantoient par les rues.
» Policitos vocatos arbitror , quod vulgo Confiantino-
» poli per compila canerentur ttoXiv enim kat tÇcxév ,
» & fermonis contraclionem Confiantinopolim app'el-
» lant. meretrices publicce à Groecis recentioribus poli-
» ticot vocantur ». ( D . J . )
V er s saphique » ( P o é f grecq. & latine. ) efpece
de vers inventé par Sapho , & qui prit faveur chez
r t i uCCS & les Latins ; le versfaphique eft de onze
ly llabes ou de cinq piés ,,dont le premier, le quatrième
& le cinquième font trochées ; le fécond eft
un lpondée, & le troifieme un daftyle. On met ordinairement
trois vers de cette nature dans chaque
r°P j f quon termine par un vers adonique , corn-
pofe d un daâyle & d’un fpondée- (D . ? )
■ K H
V E R 161
vers qui commencent & finiffcnt par lé même mot „
comme
Ambo fiorentes ataiibus , arcades ambo.
V ers tau to gram m e s . ( P o $ c. ) Gn notarte
ainü ces v.w;dont tous les mots commencent par k
meme lettre. Nous ne comprenons pas aujourd’hui
f b ! ? ) e barbarie du gOÛt “ * pu Pla!re à perfonné.
V e r s COUPÉS. (Pvÿîe. ) On appelle ainfi de petits
vers frapçpi.s de quatre & fus fyllabes qui riment
au milieu du vers, & le.plus fouyent contiennent le
contraire de, ce qui eft exprimé dans le vers entier.
En voici (leux exemples tirés des bigarrures du fieur
des Accords.
Premier exemple.
Je ne veux plus -----— Lameffcftiifloeniir, 1
Pour mon ripes ------- . Vefl èhàfttYX- toxiabUt
fie s îlupuenoss ------— lies pré:hes ceoüt'er
Suivre P,abus --------- Ceftchofemifémble,&i.
Second exemple.
Je n ai aime onc - Anne ton acqüa'iniancé f
A te déplaire -----— Je guiers ïrîcéffàmmént
Je neveux onc -------- A'toi prendre allihnce '
Ennui te faire — —— E fi tout tito'n penfemiritl-
J ’ai vu quantité de. ftrophes en vers coupés contre
les Jéfuites ; mais cet ouvrage, ennemi de la -fatyre’,
reeufe de pareilles citations ; d-ailleurs ees fortes de
jeux de mots font d’un bien mauvais goût. (D .J . )
V e r s l e t t r i s e , (Poéfie.) on nomme vers lettrlfés
ceux dont tous les mots commencent par la-mêmelet-
tre. Les auteurs grecs:& latins les ont appelles />»-
rancemes , de ira-pà o/xoioç, id efi juxta fimilis , c’eft-à-
dire, auprès & femblable : en voici des exemples. :
Maxima multa minapc minüatur maxima mûris.
A t tuba terribili tonitru laratantara tranfît
O Tue , tutetati tibi tanta tyranne tulifii.
Un allemand nommé Parus Porcins, autrement
Perrus Plac-emius, a fait un petit poème, dans lequel
il décrit Pugnam porcorüm, en 3 50 vers, qui
commencent tous par un P. Un autre allemand, nommé
Chrifiianus Pierius , a publié un poème fâcré intitulé
, Chrifius crucifixus, d’environ mille vers, dont
tous les mots commencent parC.
Currite cafialides, Chrifio comitante, camence-, '
Concelebraturce cunclorum carminé cenum
Confugium collapforum , concurrite., cantus.
Je ne fâche que les begues qui püiffent tirer quelque
profit de la lecture à haute vo ix de pareils ouvrages.
( D . J . )
V e r s d e p a s s a g e s , ( Poéfie. ) on homme ainfi
des vers foibles dans une ftrophe : il y en a beaucoup
dans les odes de Malherbe. O11 ri’exigeok pas encore
de fon tems, que les poéfies füffènt toujours compo-
fé e s, pour ainfi dire, de beautés contiguës : quelques
endroits brillans fuffifoient pour fâirè admirer toute
une piece. On exeufoit lafoibleffe des autres v w ,
qu’on regardoit feulement comme étant faits pour
fervir de liaifon aux premiers ; & on les appellbit,
ainfi que nous l’apprenons des" mémoires de l’abbé
de Marolles , dés vers de paffages.
Il eft des ftrophes dans les oeuvres de Defportes
& de Bertaut y comparables à tout'ce qui peut avoir
été fait de meilleur depuis Corneille ; mais ceux qui
entreprennent la 1 eft Lire ëntiefe dès ouvrages dé cés
deux poëtes fur la foi de quelques fragmens qu’ils ont
entendu réciter, l’abandonnenf bièn-tôt. Les hyres
dont je parleront femblàbles à cés chaînes dé montagnes
, où il faut traverfér bïén dés pays fâuvàges pour
trouveruftégorge riante. (D . J . )
. V ERS RHOPALIQUES, (Poéfie.) rhopalique vient
de pcfl-tcKt»', une maffue ; on dôiiüè çé nom à" dèÿ^vers
1