mandables par la beauté du travail 6c de la matière.
Elles étoient auffi repréfentées fur un grand nombre
de médailles dont quelques-unes nous font parvenues.
Telle eft une médaillé grecque d’Antonin le
débonnaire, frappée par les Périnthiens ; une de
Septime S evere, par les habitans de Perge en Pam-
philie; une autre d’Alexandre Severe, par la colonie
Flavienne dans la Thrace ; & enfin une de Va-
lérien, pere de Gallien, par les Bizantins.
C’eft d’après ces anciens modèles qu’on frappa
dans le xjv. fiecle l’ ingénieufe médaille de Jeanne
de Navarre, oii l’on repréfenta d’une part cette prin-
ceffe , 6c au revers les trois grâces avec la légende :
ou quatre, ou une. Penfée qui a beaucoup de rapport
à celle qui fe trouve dans cette jolie épigramme de
l’anthologie, /. V II. faite fur une jeune perfonne
nommée D t r c y le , qui réunifloit en elle tous les agré-
mens de la figure, des maniérés 6c de l’efprit :
TiVffwpif a) Xapntf , Uaipuri «f'Jo, ko.) S'txa. Maurni ,
A»pKvXiç si’ Trairais Moutra , Xapiç, ïlatpin.
« Il y a quatre grâces, deux Vénus 6c dix mufes;
» Dercyle eft une mufe, une grâce, une Vénus ».
La principale raifon peut-être qui portoit les anciens
à faire leur cour aux grâces, c’eft qu’elles
étoient des divinités bienfaifantes, dont le pouvoir
s’ étendoit à toutes les douceurs de la vie. Elles dif-
penfoientla gaieté, l’égalité de l’humeur, les qualités
liantes, la libéralité, l’éloquence, 6c ce charme fin-
gulier qui quelquefois tient lieu de mérite.
Mais la plus belle de toutes les prérogatives des
grâces, c’elt qu’elles préfidoient aux bienfaits & à la
reconnoiflance.
Les Athéniens ayant fecouru les habitans de la
Cherfonefe dans un befoin preffant, ceux-ci pour
éternifer le fouvenir d’un tel fervice, éleverent un
autel avec cette infeription : « autel confacré à celle
» des grâces qui préfide à la reconnoiflance ».
En un m ot, c’étoitdes grâces que les autres divinités
empruntoient tous leurs charmes. Elles étoient
la fource de tout ce qu’il y a de riant dans le monde
; elles donnoient aux lieu x , aux perfonnes, aux
ouvrages,à chaque chofe en fon genre, ce dernier
agrément qui embellit les autres perfections, 6c qui
en eft comme la fleur.
On ne pouvoit tenir que d’elles feules ce don, fans
lequel les autres font inutiles ; je veux dire le don
de plaire. Auffi parmi ta'nt de déeffes du paganifme,
il n’y en avoit point qui euffent un plus grand nombre
d’adorateurs. Tous les états de l’un 6c de l’autre
fexe , toutes les profeflions, tous les âges , leur
adrefloit des voeux , & leur préfentoient de l’encens.
Chaque fcience & chaque art avoient en particulier
l'a divinité tutélaire; mais tous les arts & toutes les
fciences reconnoifloient l’empire des grâces. Les
orateurs, les hiftoriens, les peintres, les ftatuairês,
les muficiensI 6c généralement tous ceux qui cher-
choient à mériter l’approbation publique, ne fe pro-
mettoient un heureux fuccès, qu’autant qu’ils pou-
voient fe les rendre favorables.
Les plus grands poètes chantèrent des hymnes à
leur honneur; Anacréon & Sapho, B io n&M o f-
chus fi tendres 6c fi fleuris, les invoquèrent toujours;
& Pindare confacra la derniere de les Olympiques à
leur gloire. Cette ode eft un fi bel éloge des grâces
qu’on peut dire qu’elles y ont elles-mêmes travaillé!
. Un des aimables poètes de nos jours, qui a quitté
la lyre pour le chapeau de cardinal, 6c qui vraisemblablement
ne la reprendra jamais, aujourd’hui qu’il
eit archevêque, a courtifé les grâces dans les tems
heureux de Ion indépendance, 6c leur a adreffé une
épître délicate qu’Anacréon ne défa vouerait pas. J ’en
vais citer quelques morceaux qui doivent plaire à
tout le monde.
O vous qui pare[ tous les âges L
Tous les talens , tous les efprits . . , .
Vous que les plaijirs & les ris
. Suivent en Jecret chc{ les fages ,
Grâces , cefl à vous que j'écris.
Compagnes de l'aimable enfance
Vous préfide^ à tous fes jeux
E t de cet âge trop heureux
Vous faites aimer l'ignorance ;
L'amour , le plaifir, la beauté
Ces trois enfans de la jeuneffe,
N'ont qu'un empire limité
S i vous ne les fuiveçfans ceffe.
L'amour à-traversJ'on bandeau
Voit tous les defauts qu'il nous cache j
Rien a fes yeux n'efl toujours beau ;
E t quand de vos bras i l s'arrache ,
Pour chercher un objet nouveau ,
Vos mains rallument fon flambeau.
E t ferrent le noeud qui l'attache
Jujque fu r le bord du tombeau.
Junon après mille difgrâces
Apres mille tranfports jaloux
Enchaine fon volage époux ,
Avec la ceinture des grâces.
Ja di s le vieux Anacréon
Orna fa brillante vieillefle
■ Des grâces que dans fa jeuneffe
Chantoit l'amante de Phaon.
La mort de V ombre de fes ailes
N'a point encore enveloppé
Leurs chanfonnettes immortelles ,
Dont Cunivers efl occupé.
Les grâces feules embellifjent
Nos efprits, ainfi que nos corps ;
E t nos talens font des refforts ,
Que leurs mains légères poliffent.
Les grâces entourent de fleurs
Le f ig e compas d'Uranie ;
Donnent le charme des couleurs
A u pinceau brillant du génie ;
Enfeignent la route des coeurs
A la touchante mélodie ;
E t prêtent des charmes aux pleurs
Que fa it verfer la tragédie.
Malheur à tout efprit groffier ,
Qui les méprife ou les ignore ;
Le coeur qui les fen t, les adore,
E t peutfeul les apprécier.
(Z>. ƒ .)
G R A T T E R , v . a 61. en terme de Fourbiffeur , c’ eft
ad ouc ir des mo rceaux de re lie f qu’o n apprê te p o u r
le s d o r e r , ou p o u r les argenter.
G RA TTO IR , f. m. en terme de Fourbiffeur, eft un
o util de fe r re courbé 6c prefque tran ch an t, dont on
fe fert p our gratter les pièce s de re lie f av ant de les dore
r ou de les argenter. Voyez G r a t t e r . Voyez les
Planches du Fourbiffeur.
G RA V E , adj. ( Morale. ) voye{ G r a v it é . Un
homme grave n’eftpas celui qui ne rit jamais, mais
celui qui ne choque point en difant, lesbienféances
de fon état * de fon âge 6c de fon caraélere : l ’homme
qui dit conftamment la vérjté par haine du menfon-
g e , un écrivain qui s’appuie toujours fur la raifon
un prêtre ou un magiftrat attachés aux devoirs aufte-
res de leur profeflion, un citoyen obfcur, mais dont
les moeurs lont pures & fagement réglées, font des
perfonnages graves. Si leur conduite eft éclairée &
leurs difeours judicieux , leur témoignage & leur
exemple auront toujours du poids.
l’homme
' L ’homme férieux eft différent de Vhommè'gravi ;
témoin.dom Guichotte, qui médite & raifonne gra>-
vement fes folles entrepriies & fes aventures péiil-
leufes ; témoins les fanatiques , qui.font très-férieii-
fement des extravagances.- Un prédicateur qui ans
nonce des vérités terribles fous des images ridicules 1
ou qui explique des myfteres par des-comparaifons
impertinentes n’eft qu’un bouffon férieux. Un mi-
niftre , un général d’armée qui prodiguent leurs fe-;
çrets, ou qui placent leur confiance inconfidérément,
font, des hommes friyoles.
G RA V IT É , f. f. (Morale.) la gravité , morurn gravitas
, eft ce ton férieux que l’homme accoutumé à1
fe refpeéler lui-même 6c à apprécier la dignité i nom
de fit perfonne , mais de fon être , répand fur fes
aérions, fur fes difeours 6c fur fon maintien. Elle eft
dans les moeurs, ce qu’eft la baffe fondamentale dans
la mufique, le foutien de l’harmonie. Inféparable de:
la vertu ; dans les camps, elle eft l’effet de l’honneur
éprouvé ; au barreau, l’effet de l’intégrité ; dans les
temples , l’effet de la piété. Sur le vifàge de la beaut
é , elle annonce la pudeur ou l’innocence, 6c fur le
front des gens en p lace, l ’incorruptibilité. La gravité
fert de rempart à l’honnêteté publique. Auffi le vice
commence par déconcerter celle-là, afin de renver-
fer plus fûrement celle-ci. Tout ce que le libertinage
d’un fexe met en oeuvre pour féduire la chafteté de
l ’autre , un prince i’employera pour corrompre la
probité de fon peuple. S’il ôte aux affaires & aux
moeurs le férieux qui les décore, dès-lors toutes les
vertus perdront leur fauve-garde, & la gravité- ne :
femblera qu’un mafque qui rendra ridicule un homme
déjà difforme. Un roi qui prend le ton railleur
dans les traités publics, pèche contre la gravité, comme
un prêtre qui plaifantéroit fur la religion ; & qui- ’
conque offenfe la gravité, bleffe èn même tems les :
moeurs, fe manque à lui-même & à la fociété. Un
peuple véritablement grave,.quoique peunombreux,
ou fort ignorant, ne paroîtra ridicule qu’aux yeux
d’un peuple frivole , 6c celui-ci ne fera jamais vertueux.
Les defeendans de ces fénateurs romains que
les Gaulois prireut à la barbe, dévoient un jour fub- i
j uguer les Gaules.
■ La gravité eft oppofée à la frivolité, Sc non à la
gaieté. L a gravité ne fied point aux grands déshonorés
par eux-mêmes, mais elle peut convenir à l’hom- '
me du bas peuple qui ne fe reproche rien. Auffi re-
marquera-t-on que les railleurs 6c les plaifans de pro*- :
feffion , plutôt que de caraélere, font ordinairement
des fripons ou des libertins. La gravité eft un ridicule
dans les enfans, dans les fots, 6c dans les perfonnes
avilies par des métiers infâmes. Le contrafte
du maintien avec l’âge , le caraélere, la conduite &
la profeflion excite alors le mépris. Lorfque la gravité
femble demander du refpeél pour des objets qui ne
méritent par eux-mêmes aucune forte d’eftime , elle '
infpire une indignation mêlée d’une pitié dédai-
gneufe ; mais elle peut fauver une pauvreté noble
& le mérite infortuné, des outrages 6c de l’humilia- :
tion.
L’abus de la comédie eft de jetter du ridicule fur i
les profeflions les plus férieufes , 6c d’ôter à des perfonnages
importans ce mafque de gravité, qui les défend
contre l’infolence & la malignité de l’envie.
Les petits-maîtres , les précieufes ridicules , 6c de
femblables êtres inutiles 6c importuns à la fociété
font des fujets comiques. Mais les Médecins , les
Avocats , 6c tousceux qui exercent un miniftere ;
utile doivent être refpeélés. Il n’y a point d’incon-
véniens à préfenter Turcaret fur la fcène , mais il y |
en a peut-être à jouer le Tartufe. Le financier gagne à '
n’exciter que la rifée du peuple ; mais la vraie dévotion
perd beaucoup au ridicule qu’on feme fur les faux :
jdévots.
Tome X V I I . *
u -g r iv it l. difore d e Ja décence & de la dignité.,
en ce que g decence renferme les égards qui l’on
doit au,public, la.digmte ceux qidondoitàfa place.
Si la grayui ceux, qu’on fe doit à foi-même
GRONDEUR , gdj. ( Morale. ) efpece d’homme
inquiet, & mécontent qui exhale fa mauvaife humeur
en paroles. L ’habitude t e gronder & un vice
doEneftique , attaché à la complexion du. tempérai
ment plutôt qu ai, caraaere de, l’efprit. Quoiqu’il
femble appartenir aux vieillards comme un apanage
de la foiblqirç & comme un r e f c d ’autorité.qui expireaveciin
long .murmure,.lit eft pourtant de tous
les âges. Erafle naquit avec une bile prompte à fer.
menter, & à s enflammer. Dans les langes, il pouffoit
des cris .perpétuels qui déchiraient les entrailles maternelles,,
fans-qu on vît lacaufe.de fes fouffrances.
Au for tir du berceau, il pleurait quand on.lui, avoir
retufe quelque ]0.uet ; & dès qu’il l’avoit obtenu , il
fe rejettoit. Si. quelqu’un l’avoit pris en tombant de
les mains, j il aurait encore plpuri.jufqu’à . ce qu’on
^ . ‘i f “ « o * » - A peine, fut-il former desfons mieux
articules, il ne fit que fe plaindre de fes maîtres.
& fe: quereller avec fes compagnons d’étude ou
d exercice , même dans, les heures dps jeux & des
plaiiirs. Apres beaucoup d’affaires défagréables que
lui avoient attire les écarts de fon humeur , rebuté
mais non corngé , il rélblut de prendre une femme
pour:gronder à fon aife. Celle -ci, qui étoit d’une, humeur
douce devint aigre auprès d’un mari Scheux,
Il eut des enfans , ,&ù les gronda toujours, foit avant
fou après qu’il les eût careffés. S’ils portoient la tête
haute , ils tournoient mal les. piés, ; s’ils élevoient la
v o ix , ils rompoient les oreilles.; s’ils ne difoient
mot, c’étoiencdes flupides. Apprenoient-ils une
langue., lis oublioient l’autre ; cultivoient-ils leurs
talens, ils faifoient d e là dépenfe ; avoient-iis des
moeurs . ils manquoient d’intrigue pour la fortune.
Enfin eesjenfaiis devinrent grands , & leur perd
vieux. Erafle alors fe mit tellement en poffeflion de
gronder, qu il ne fortit jamais de fa, maifon, fans avoir
récapitulé à fes domefliques toutes les fautes qu’il
leur avoit cent fois reprochées. Maisquand il y fen-
troit, qu’appor,toit-il de la ville ou delà campagne ?
Des cris , des plaintes , dés injures, des menhees';
une tempête d’autant plus, violente , qu’elle avoit
eçerefferrée & groifie'parla contrainte d elà bien-
feance publique & du refpeft humain. Erafle v it aujourd’hui
fans époufe, fans famille, fans domefliqués
fans amis, fans fociété.,Cependant Erafle a de la fo r ’
tune , un. coeur généreux Sc fenfible , des vertus 8c
delà probité ; mais Erafteeftnégrondeur, il mourra
feul.
G R IM A C E , f. f. ( Phyflol.') efpece de contorr
fion du vifage ou de quelqu’une de les parties, qu’on
fait par affeélation, par habitude, ou naturellement,
pour exprimer quelque fentiment de l’ame.
Beaucoup de vivacité & de foupleffe dans les organes
portent invinciblement le corps à certains
mouveiïiens qui font autant d’expreffions naturelles
•des idées qu’on veut dépeindre. Peut-être quel’ex-
•preflïon de vérité qui ne fe trouveroit point dans les
-mpuvemens du corps, & qui feroit dans les feulsfen-
timens du coeur, n’eft point faite to u t^ fa it poux
l’homme 1 On obferve que les mouvemens du corps
dont nous parlons, font plus ou moins marqués, dans
•toutes les nations du monde , fliivant la différence
des climats 6c des moeurs. L ’efprit aélif des Orientaux
, leur grande fenfibilité, leur extrême vivacité
les portent neceflairement aux. gefticulations , aüx
!contorfions, aux grimaces ; au contraire, la température'
6c la froideur de nos climats émouffe ou engourdit
fans ceffe l’aélion de nos nerfs 6c de nos ef-
prits ; maiS'à.ce defaut de la nature nous avons cru
devoir- fubftituer un art grimacier., qui çonfifte prin^
l l i i i