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compofé d’une partie de fel marin , & de deux parties
de neige ou de glace pilee , la partie la plus
aqueufe du vin fe gelera promptement ; après quoi
vous retirerez très - aifément les parties du vin les
plus épaifiès, les plus colorées 6c les plus fpiritueufes
, en inclinant fimplement la bouteille.
Cette expérience, telle que nous venons de la décrire
, eft trop prompte, de façon que les parties du
vin les plus épaiffes & les plus précieufes peuvent
être faifies 6c retenues dans la glace. Ainfi polir la
bien exécuter , il faut employer le froid naturel de
la gelée en hiver. Par ce moyen, les v ins, les vinaigres
6c les liqueurs de ma.Ite peuvent fe réduire à
une quatrième de leur volume ordinaire fans aucune
perte de leurs parties efientielles. L eau mutile,
ou .même nuifible, étant féparée par cette yoie ,
laide toutes les parties fpiritueufes du vin extrême-
ment faines , 6 l capables de fe conferver parfaites
pendant plufieurs années , comme on l’a éprouvé
plufieurs fois. Par un ulage & une application prudente
de cette expérience, il eft aifé de concevoir
les grands’ avantages qu’on pourroit en retirer pour
le commerce des vins.
Par des moyens convenables 6c un peu d’adreffe
qu’on acquiert aifément par l’expérience, on peut
à très-peu de frais réduire , fuivant cette méthode,
une grande quantité de petits vins à une moindre de
vins beaucoup plus forts , de maniéré à augmenter
leur valeur à proportion qu’on diminuera leur volume.
On peut auffi en réitérant l’opération plufieurs
fois fe procurer des vins extrêmement forts &c fpiri-
tueux, ou même une vraie qiuntefcence pour perfectionner
les vins les plus foibles.
Dans cette vue , il eft à propos de fe reffouvenir
que les pays de vignobles qui font montagneux, font
Souvent couverts de neige , &c que par ce moyen on
pourroit employer la congélation artificielle dans le
tems même de la vendange. Nous m'indiquons cependant
cet expédient que pour donner une idée
fuffifante de cette méthode , 6c pour introduire une
branche nouvelle 6c utile au commerce ; car il n’eft
pas plus difficile de concentrer le fuc des grappes
avant la fermentation 6c fur les lieux m êm e sq u e
de concentrer le vin après qu’il a fermenté.
On peut encore ajouter que l’art de la congélation
peut auffi fe perfectionner par un ufage convenable
d’eau 6c de fel ammoniac ; on retireroit aifément
l’un 6c l’autre enfuite quand on n’en auroit
plus befoin, mais il paroît qu’ilfaudroit encore quelque
chofe de plus pour porter cette expérience à
fa perfection, avec tous les avantages qu’on en peut
retirer.
Des maladies des vins & de leurs remedes. Les liqueurs
vineufes font du nombre de celles qui s’alté-
reroient ou fe putréfieroient très-promptement, fi
elles n’étoient confervées avec foin après leur fermentation
, fur-tout f i , par quelque grande commotion
occafionnée par la chaleur, la connexion la plus
intime des parties fpiritueufes avec les molécules fa-
lines & mucilagineufes, ou même avec les particules
aqueufes, étoit dérangée ou interrompue, parce
qu’il arriveroit que toute la liqueur fe tourneroit
en vinaigre ou en une fubftance vifqueufe, corrompue
6c putride. Si au contraire on conferve foigneu-
fement en repos une liqueur quelconque qui a fermenté
6c qu’on la mette à l’abri des injures de l’air
extérieur , elle demeurera long-tems dans un état
fain 6c incorruptible , comme on lé voit tous les
jours dans les vins 6c dans les liqueurs faites avec le
malt.
Toutes ces liqueurs fermentées réfifteroient encore
plus long-tems aux changemens de tems 6c aux
différentes faifons de l’année , chaudes ou froides ,
6c à l’humidité de l ’air fi capable de produire la fery
i n
mentation ; fi on en féparoit l’eau fuperflùe par | |
moyen de l’art , de façon que la liqueur pût être
concentrée par elle-même ; dans cet é ta t, elle pour-
roit fe conferver inaltérable pendant plufieurs années
, malgré les chaleurs de l’été 6c le froid de
l’hiver.
Quand on fait Fanaiyfe chimique de ces. liqueurs,
la première partie qui monte eft l’ efprit inflammable-
enfuite le flegme mêlé d’acide & d’huile effentielle;
il relie après au fond de l’alembic une matière épaiffe
ou le rob du vin : ce rob dégagé de fon humidité fu-
perflue, fe conferve très-bien : il a beaucoup de tan-
ire ; mais la fimple mixtion de ces différentes parties
unies enfemble ne redonne point la liqueur primitive
; il eft donc prouvé que ces fubftances étoient
précédemment unies enfemble d’une maniéré particulière
qui a été dérangée ou détruite dans l’aftion
de la féparation. Il falloit d’ailleurs que chacune de
ces productions eût reçu une nouvelle efpece d’altération
particulière dans cette féparation qui les empêchât
de fe réunir comme auparavant, à - moins
qu’on n’y ajoutât une fubftance propre intermédiaire
, ou qu’on ne les fît fermenter de nouveau.
On peut donc conclure des principes que nous
venons d’établir que le vin naturel confifte en beau?
coup d’eau, une certaine quantité d’efprit inflammable
, un peu d’huile effentielle, une jufte proportion
de fel acide jointe à une fubftance mixte ou au
rob, que Becher appelle fubflançe moyenne du vin.
Quand ces différentes parties demeurent, conftam-
ment unies enfemble dans une jufte proportion, le
vin eft pour-lors dans fon état de perfeélion ; mais
lorfque leur connexion fe trouve lâche , ou que
quelqu’une de ces parties eft défeCtueufe en elle-
même ou furabondante , alors le vin eft imparfait
6c fujet à des changêmens & à des altérations qui
peuvent le rendre fort mauvais. Ces obfervations
nous, apprennent le véritable fondement de ce qu’on
peut appeller avec raifon le bon ou le mauvais état
des vins.
On voit évidemment qu’une grande quantité d’eau
entre néceffairemeat dans la compofition du- vin ordinaire
par la préparation des vins artificiels, & la
congélation des naturels ; mais quoique cette grande
quantité d’eau foit néceffaire à la fermentation, &
ferve à la porter à fa perfection, non-feulement elle
n’eft pas effentielle aux vins , mais tellement étrangère
6c nuifible, qu’elle rend les vins fufceptibles
d’une altération, dont ils n’auroient pas été capables
fans elle. On peut en conclure que le,préfervatif le
plus fouverain , pour tous les vins en général , eft
de les priver de leur eau fuperflue pour les rendre
inaltérables , à-moins de quelque accident imprévu
6c extraordinaire. En effet ce remede eft fi efficace,
qu’on n’a plus befoin d’aucun autre , & que les vins
les plus aqueux 6c les plus foibles peuvent par ce
moyen devenir durables 6c acquérir dû corps.
La difficulté qu’on peut trouver dans l’ufage de ce
puiffant remede, eu égard à la grande quantité de
vins qui en ont befoin , doit cependant faire regarder,
comme plus commode 6c plus facile, une autre
méthode qu’on emploie quelquefois : elle confifte à
fe fervir d’efprit-de-vin reûifie dans une affez grande
proportion, pour qu’il puifle prévenir tous les changemens
que les vins pourroient fubir, 6c conferver
les parties effentielles comme une efpece de baume;
mais quand le mal eft invétéré , l’efprit-de-W/i tout
feul n’ eft pas fuffifant, à-moins qu’ il ne foit joint à
quelqu’autre fubftance qui puiffe donner du corps
& de la force aux vins. Ainfi il eft à propos d’avoir
toujours une certaine quantité de vin toute prete :
il faut auffi que ce vin foit affez fort pour redonner
le mouvement de fermentation : d’excellent efpnt-
de-vin qu’on ajoute enfuite dans une jufte propor-
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tion ne peut produire qu'un très-bon effet , principalement
fi letout eft fortifié par un peu d’huile ef-
fentielle de vin , qui n’eft jamais parfaite dans les
vins qui font trop aqueux. Cette maladie étant une
des principales dans les vins * ou du-moins celle à
laquelle toutes les autres doivent leur origine, il peut
être à propos de donner ici un procédé qu’on a trouvé
très-propre pour remédier à cet accident.
Prenez une once d’huile effentielle de vin très-
parfaite | mêlez-la par la trituration avec une livre
de fucre bien fe c , pour en faire un oleo-faccharum ;
diffolvez enfuite cet oleo-faccharum dans huit pintes
de vin le plus fort, auquel vous ajouterez huit pintes
de l’efprit-de-vm le mieux re&ifié, de maniéré qu’ils
puiffent être bien incorporés enfemble : la dofe de
ce mélange doit être proportionnée au befoin qu’en
a le vin qu’on veut rétablir dans fon premier état ;
mais ordinairement la moitié de la dofe exprimée
plus haut, fuffit pour un muid 6c demi de vin.
Il y a encore une autre maladie des.vins, qui eft
l’oppofée de celle que nous venons de décrire, c’eft
lorfqu’on les a trop privés de leur humidité aqueufe.
Ce manque d’eau les rend , pour ainfi dire , fecs 6c
même brûlés, fi l’on peut fe fervir de ce terme. Il eft
vrai que cet accident ne fauroit arriver que lorfqu’cwi
fait concentrer le vin : cette opération rapproche
en effet fes parties effentielles à un tel degré qu’il
n’eft plus propre à boire , jufqu’à ce qu’on les ait
féparées en les délayant dans quelqu’aütre liquide,
mais l’eau ne doit pas pas être employée feule de
| crainte de rendre le vin fade 6c plat. La meilleure
façon dans ce cas eft de prendre du vin foible 6c fans
; goût, auquel on communique le degré de force qu’on
Une maladie des vins fort commune, c’eft de s’ai-
l gûr, mais voici la méthode pour raccommoder les
vins aigres.
Prenez une bouteille de vin rouge de Portugal qui
| commencé à s’aigrir: jettez dedans une demf-once
i ou environ d’efprit-de vi/z tartarifé ; fecouez enfuite
la bouteille pour bien mêler l’efprit-de-vi/z dans la
liqueur, après quoi vous la laifferez repofer pendant
[ quelques jours, 6c vous la trouverez au bout de ce
| tems évidemment adoucie.
I Cette expérience dépend entièrement de la con-
I noiffance des acides & des alkalis ; les meilleurs vins
ont naturellement un peu d’acidité , quand elle pré-
I vant, ils font piquans , 6c tendent à devenir dans
I l ’état de vinaigre ; mais en y introduifant avec pru-
dence de bon fel alkali, tel que celui dont on a im-
! “ 1° e l’efprit-de-yi/z, en le faifant digérer fur du fel
I de tartre, fuivant la méthode de préparer l’efprit—
I ae-vm tartarifé, il a le pouvoir par lui-même, d’ô-
I ter au vin fa trop grande acidité quoique l ’efprit-
I de-m y contribue auffi , & à d’autres égards , il
I lert beaucoup à la confervation des vins ; fi on fai-
I lQit cette opération avec grand foin , les vins qui
I tournent à l’aigre pourroient fe rétablir tout-à-fait,
I reiter dans cet état pendant quelque tems, de
I maniéré à pouvoir les débiter. On peut fe fervir de
K a meme méthode pour les liqueurs faites avec le
I n ! ! p 2u’eIles fonr troP âpres , ou qu’elles tour-
I eu a aigre, 6c qu’elles font fur le point de fe con-
I vertu- en vinaigre.
liât?0 B l ^ 0uvent ufage d’un expédient de la même
fu» y ’ , Peu-près pour rétablir les petites bieres
I chaiiY nt , emies. a*gres* On y ajoute un peu de
ce rmp fü u cocIul^e d’huitre mife en poudre, par-
I alkalis & C" aux ^ co<ïuihes d’huitres étant des
f ieil,X ï otent immédiatement la trop grande
H H B B B I & font avec elle une elervef-
[ fidérablf* r * c on” e Vne f ° rce & une vivacité con-
[ totalement fin'0 * t>°*lt avant,clue. l ’effervefcence foit
Tome X K I .l ^0ur a ^ re ^lurçr pius i ° ng"
V î N
tems , il vaut mieux j etter la chaux ôü les côcjuilies
d «uitres dans le tonneau oîi eft la liqueur, 6c la boire
d abord, fans quoi elle fe gâteroit infailliblement
Ii on là gardoit long-tems.
Dans les cas où les vins né fe clarifient pas promptement
d eux-memes, l’addition d’un peu d’efprit-de-
vin tartarifé en accéléré l’effet, OU bien On peut fairé
ufa^è d un remede généralement bón pour tous les
vins qui font trop foibles 6c trop aqueux. Pour cet
effet;, prenez un efprit inflammable pur & fans goût*
tire du fucre ; faites-le digerer fur une dixième partie
de fel de tartre bien pur 6c bien fec pendant trois
jours l apres cela , vous décanterez la liqueiir, 6c
vous la verferez fur dix fois fa quantité d’un vin affez
fort poür fermenter de nôuveaü : enfuite en verfant
fixjou huit pintes de cette liqueur, elle perfeélion-
nera & clarifiera en peu de tems un muid & demi dû
vin ordinaire.
Axiomes & confèquènces de ce difcours. i à. il eft
poffible dé rapprocher tous les vins 6c tous les v inaigres
à la confiftancé d’un fyrop épais , puifque
leur matière première qui n’eft que du fucre eft fous
une formé folide, 6c qu’on peut lés condenfer par la
gelée à un degré conüdérable de force 6c d’épaiffifr
fement.
a°. On pourroit introduire un nôiivet art pour
fournir les pays étrangers d’un fyrop fort charge, ou
d’un extrait en petit volume pour en faire des vins *
des bieres, des vinaigres, & des efprits inflammables
dans tous les pays du monde avec un très-grand
avantage. Cette obfervation mérite toute l’attention
des colonies qui cultivent le fucre, 6c celle de leurs
fouverains.
3° ’ Tous leurs fucs doux & aigres, tels qüe ceux
des fruits d’é té , comme les cerifes, les grofeilles ,
&c. eonfiftent en une fubftance fucrée & tartareufe
ou pour parler en termes plus pofitifs, en un fucre
aétuel, 6c un tartre fluide effeétif. Cette obfervation
peut nous fervir de regie pour perfectionner ces
fucs naturels dans les mauvaifes années, 6c même
les imiter par le moyen de l’a r t , comme auffi de
produire des v ins, des vinaigres, 6c des eaux-de-vie
fans leurs fecours, par-tout où l’on pourra avoir du
fuc & du tartre.
4 ° . Il y a une grande affinité entre le fucre & le
tartre, puilqwe non-feulement ils exiftent enfemble,
& font mêlés intimement dans tous les fucs doux 6c
aigres des végétaux, mais paroiffent auffi fe conver-
tir tres-promptement l’un en l’autre réciproquement;
en effet, les fucs acides 6c aigres des fruits qui font
encore verds , deviennent fucrés en muriffant.
5°. On fait les différentes efpeces de vins 6c d’eau*
de-vie fans nombre que nous connoiffons, en ajoutant
fimplement quelque plante odorante, ou l’huile
effentielle de ces vins au moût, naturel ou artificiel
pendant le tems de la fermentation. Il en eft de même,
proportion gardée, de la, couleur des vins, qu’on
peut, avec des matières colorantes, teindre en bleu
en v e rd , en jaune, qu en toute autre couleur, s’il
eft néceffaire, auffi-bien qu’en blanc ou en rouge.
6°. L’agent phyfiqtie dans la clarification des vins
6c des autres liqueurs fermentées, eft une fubftance
vifqueufe qui fe faifit des particules groffieres 6c les
fait couler à fond, ou les élève à la ffirface du liquide
: par ce moyen, elles fe féparent, 6c ne fe mêlent
point avec le refte de la liqueur. C’eft fur ce
fondement qu’on pourroit peut-être découvrir quelques
méthodes plus parfaites pour c larifier, que celles
qui font connues jufqu’ici.
7°. La méthode de colorer des vins rouges artificiels
, peut être perfeélionnée, par l’ufage prudent
d’une teinture de tournefol fans drapeau, ou d’un
extrait de laque ordinaire, &c. mais particulièrement
par une teinture faite ayeç de la peau de raifin rouge*
É H n s r a n