dont elle s’ exécute , font un des points les plus im-
portans de la philofophie naturelle.
Tout ce que M. Newton 6c d’autres ont découvert
fur la nature de la lumière & des couleurs , les lois
de l’inflexion , de la réflexion & de la réfraftion des
rayons ; la ftrufture de l’oeil , particuliérement
celle de la rétine & des nerfs, &c. fe rapportent à
cette théorie.
Il n’eft pas néceffaire. que nous donnions ici un
détail circonftancié de la maniéré dont fe fait la vi-
jio n ; nOus en avdns déjà expofé la plus grande partie
fous les différens articles qui'y ont rapport.
Nous ayons donné à Yafticle OEil la defcription
de cet organe de la vifion, 6c fes. différentes parties ,
Comme fes tuniques, fés humeurs 6*c.:ont été traitées
en particulier , quand il a été quèftion de la cornée ,
du cryftallin - &ç. .
On a traité auffi féparément de l’organe principal
6c immédiat de la vifion-, qui efl la rétine , fuivant
quelques-uns , & la choroïde fuivant d’autres : on a
expoféauffi la ftruâure du nerf optique , qui porte
l’impreffion .au cerveau ; le tiffu 6c la difpofition du
cerveau même qui reçoit cette impreffion ,6 c qui
la repréfente à l’ame. Foye^- R é t in e -, C h o ro ïd e,
Ner f o p t iq u e , C e r v ea u , Sen sor ium o u Sié g é
DÜ^SÈNTIMENT, & c .
De plus, nous avons expofé en détail aux articles
L um ière s & Couleurs , la nature de la lumière ,
qui eft le milieu ou le véhicule par lequel les images
des objets font portées à l’oe il, 6c l’on peut voir les
principales propriétés de la lumière aux mots R é f
l e x io n ,• R éf r a c t io n V R ayon , &c. Il ne nous
refte donc ici qu’à donner une idée générale des différentes
chofes qui ont rapport à la vifion.
Des differentes opinions fu r la vifion , ou de.s..différens
f y flêmes que Con a imaginés pour en expliquer le
méthanifme. Les Platoniciens & lés Stoïciens penfoient
que.la vifion fe faifoit par une émiffion de rayons qui
fe lançoient de l’oeil; ils concevoient donc une efpece
de- lumière ginfi éjaculée , laquelle, conjointement
avec la lumière de l’air extérieur, fe faififfoit, pour
ainfi d ira , des objets qu’elle rendoit vifibles ; après
q u o i, revenant fur l’oeil revêtue d’une forme & d’une
modification nouvelle par cette efpece d’union
avec l’ob je t, elle,.faifp.it une impreffion fur la prunelle
, d’où réfultoit la fenfation de l’objet.
Ils tiraient. les raifons dont ils appuyoient leur
opinion , i ° . de l’éclat de l’oeil ; z ° . de ce que
l ’on, apperçoit un nuage éloigné , fans voir celui qui
nous environne (parce q u e , félon eu x , les rayons
font trop vigoureux 6ç trop pénétrans pour être
arrêtés par un nuage voifin ; mais quand ils font
obligés d’aller à une grande diftaiice, devenant foi-
bles 6c languiffans , ils reviennent à l’oeil. ) 3 0. de ce
que nous n’appercevons pas un objet qui eft fur la
prunelle : 40. de ce que les yeux s’aftoibliffent en
regardant par la grande multitude de rayons qui en
émanent ; enfin , de ce qu’ il y a des animaux qui
voient pendant la n u it, comme les chats , les chat-
huants 6c quelques hommes.
Les Epicuriens difoient que lav fio n fe faifoit par
l’émanation des efpeces corporelles ou dés images
venant, des objets , oii.par une efpece d’écoulement
atomique,, lequel s’évaporant continuellement dès
parties intimes des objets, parvenoit jufqu’à l’oeil.1
Leursprincipales raifons étoient, i ° . que l’objet doit
néceffairement être uni à la puiffance de v o ir , 6c
comme il'n’y eft pas uni par lui-même , il faut qu’il
le fort par quelques efpeces qui le repréfentent , 6c
qui viennent des corpsj>ar un écoulement perpétuel :
i ° . qu’il arrive fort foitvent que des hommes âgés
voient mieux les-objets éloignés que les objets proches
, l’éloignement rendant les efpeces plus minces
& plus déliées , 6c par confisquent plus proportion '
nées à la foibleffe de leur organe.
Les Péripatéticiens tiennent avec Epicure que la
vifion fe fait par la réception des efpeces ; mais il
différent de lui par les propriétés cju’ils leur attribuent
; car ils prétendent que les efpeces qu’ils an.
1 pellent intentionelles , intentionnées , font des'efpeces
incorporelles.
Il eft cependant v rai que la doélrine d’Ariftote fur
la vifion, qu’il a décrite dans fort chapitre de dfpeflu
fe réduit uniquement à ceci ; que les objets doivent
imprimer du mouvement à quelque .corps intermédiaire
, moyennant quoi ils puiffent faire impreffion
1 fur l ’organe de la vue : il ajoute dans un autre endroit
, que quand nous appercevons les corps, c’eft
leurs apparences & non pas leur matière que nous te.
• cevons, de la même maniéré qu’un cachet fait une
impreffion fur de la cire , fans que la cire retienne
autre chofe aucune du cachet.
Mais les Péripatéticiens ont jugé à propos d’éclaircir
cette explication , félon eux trop vague & trop
obfcure. Ce qu’Ariftote appelloit apparence , eft pris
par fes difciplespour des efpeces propres & réelles. Ils
affiirent donc que tout objet vifible imprime unepar-
faite.image de lui-même dans l’air qui lui eft.contigu ;
que cette image en imprime une autre un peu plus petite
dans l’air , immédiatement fuivant 6c ainfide
fuite jufqu’à ce que la derniere image arrive au cryf-
tallin, qu’ils regardent comme i’orgàne principal de
la vue , ou ce qui occafionne immédiatement la fenfation
de l’ame : ils appellent ces images des efpeces
intentionnelles, fur quoi voye[ l’article Especes.
Les philofophes modernes expliquent beaucoup
mieux tout le méchanifme de la vifion ; ils conviennent
tous qu’ elle fe fait par des rayons de lumière
réfléchis des différens points des objets reçus dans la
prunelle , réfra&és & réunis dans leur paffage à travers
les tuniques & les humeurs qui conduifent jufqu’à
la rétine , 6c qu’en frappant ainfi ou en faifant
une impreffion fur les points de’ cette membrane,
l’impreffion fe propage jufqu’au cerveau par le moyen
des filets correfpondans du nerf optique.
Quant à la fuite , ou à la chaîne d’images que les
Péripatéticiens fuppofent, c’eft une pure chimere,&
l’on comprend mieux l’idée d’Ariftote fans les employer,
qu’en expliquant fapenfée par ce moyen, en
effet, la doctrine d’Àriftote fur la vifion peut très-biu
fe concilier avec celle de Defcartes & de Newton;
car Newton conçoit que la vifion fe fait principalement
par les vibrations d’un milieu très - délié qui
pénétré tous les corps ; que ce milieu eft mis en mouvement
au fond de l’oeil par les rayons de lumière
& que cette impreffion fe communique au fien/orium
ou fiege du fentiment par les filamens des nerfs optiques
, 6c Defcartes fuppofe que le foleil preffant la
matière fubtile, dont le monde eft rempli de toutes
: parts, les vibrations de cette matière réfléchie de
defliïs lès objetsfont communiquées à l’oeil, & de là au
fenforium ou fiege du fentiment ; de maniéré que nos
! trois philofophes fuppofent également l’aûion ou la
, vibration d’un milieu. V o y e ^ Mil ie u .
Théorie de la vifion. Il eft fûr que la vifion ne faur
roit avoir lieu , fi les rayons de lumière ne viennent
pas des objets jufqu’à l’oeil; 6c l’on v a concevoir ,
par tout ce que nous allons dire , ce qui arrive à
ces rayons lorfqu’ils paffent dans l’oeil.
Suppofons , par exemple , que {Toit un oeil, SC
A B C lin objet, (P /, d’op.fig. ) quoique chaque
point d’un objet foit un point rayonnant , c’eft-à*
dire , quoiqu’il y ait des rayons réfléchis de chaque
point de l’objet à chaque point de l’efpace environnant
; cependant comme -il n’y a que les rayons qu*
paffent par la prunelle de l’oeil qui affeélent le fenu-
ment, ce feront les fieuls que nous confidérerons ici-
9 * ne
De plus, quoiqu'il y ait un grand nombre de-fâyOlîs
oui viennent d’un point rayonnant, comme é?,paffer
par la prunelle * flous ne confidérerons cependant^
Paftion que d’un petit nombre de ces rayons ; tels*
que § P
Ainfi, le rayon B D tombant perpendiculairement
ffir la furface E D F -, paflèra de l’air dans l’humeur
aqueufe , fans aucune réfrattion , ira droit en H ;
o ù , tombant perpendiculairement fur la furface de
l’humeur cryftalline,il ira tout de fuite , fans aucune
réfraâion , jufqu’à M ; où tombant encore perpendiculairement
fur la furface de l’humeur vitrée , il
ira droit au point O au fond de l’oeil ; mais le rayon
B E paffant obliquement de l’air fur la furface de
l’humeur aqueufe E D F , fera rompu ou réfrafté ,
& s’approchera de la perpendiculiare , allant de là
au point G fur la furface du cryftallin, il y fera encore
rérraâé en s’approchant toujours de plus en plus de
la perpendiculaire , & viendra tomber fur le point L
de la furface de l’humeur vitrée , ainfi il s’approchera
encore du point M.
Enfin G L tombant obliquement d’un milieu plus
denfie , qui eft le cryftallin, fur la furface d’un corps
plus rare LM N , qui eft i’humeur vitré e , fe réfractera
en s’écartant de la perpendiculaire ; & il eft évident
que par cet écartement il s’approche du rayon
B D O , qu’ainfi il peut être réfracle^e maniéré à Rencontrer
ce rayon B D O , au pôint O ; de même le
rayon B F étant réfra&é en i^ fe détournera vers / ,
de-là vers N , & de-là vers O , & les rayons entre
B E & B F fe rencontreront à très-peu près au même
point O.
Ainfi le point rayonnant B afte&era le fond de
l’oeil de la même maniéré qlie fi la prunelle n’avoit
aucune largeur, ou comme fi le point rayonnant n’en-
yoyoit qu’un feul rayon qui eût à lui feul la même
force que tous les rayons enfemble , compris entre
B E S cBF . r
De même les rayons qui viennent du point A ,
feront réfra&és en paffant par les humeurs de l’oe il,
de manière qu’ils fe rencontreront vers le point x \
& les rayons qui Viennent d’un point quelconque
compris entre A & c B , fe rencontreront à-peu-près
en quelqu’autre point au fond de l’oeil > entre X
& O»
- .... ««(vi. n aiicctc qu un pomi aans îe rond de l oeil
& que chaque point dans le fond de l’oe il, ne reçoi
des rayons que d’un point de l’objet : ceci ne do;
pourtant pas s’entendre dans l’exaôitude la plus r
goureufe.
Maintenant fi l’objets’éloignoit de l’oe il, de ma
hiere que le point rayonnant B fût toujours dar
la ligne B D , les rayons qui viendroient de B
lans avoir une divergence fuffifante , feroient telle
ment refra&és en paffant par les trois furfaces, qu’il
Je rencontreraient ayant que d’avoir atteint le poin
, :,,au' C0Jltra*re > û l’objet s’approchoit trop prè
j l ® “ ** k s rayons qui pafferoient du point B d
la prunelle, étant trop divergens, feroient réfraélé
e maniéré à ne fe rencontrer qu’au de-là du poin
• L objet même peut être fi proche que les rayon
provenans d’un point quelconque, auront une di
ergence telle qu’ils ne fe rencorttreroient jamais
ans tous ces cas , il n’y auroit aucun point dé l’ob
fbnTj V>a • une Porti ° n affez confidérable di
• w | 1 oeil î & par conféquent l’a&ion de chaqu
& b, ^ onf? ndr° it avec celle d’un point contigu
cnmm - » m i l confufe : ce qui arriveroit for
donnoU!1\?lent ^ k nature n’y avoit pourvu , ei
Drp a f jM Pmne^e de l’oeil une conformation pre
lets fn 6 1 atter OUi ^ fe reflerrer, félon que les ob
fant n»1 1 USOUrtmo.*ns dMgnés ; & de plus , en fai
T e le cryftallin. devienne plus ou- moins con
lomt X F I I ,
I S k B en faifant que la dîftanCé entre lé
-cryftallin & la renne, puiffe être plus ou moins grande
Ainfi quand nos yeux fe dirigent vers mi objet
tellement éloigné qu ils ne peuvent pas diftinttément
lappercevoir eh reftant dans leur état ordinaire,
1 oeil s applatit un peu par la contraélion de quatre
mufcles, au moyen defquels la rétine s’approchant
de 1 humeur cryftalline , teçoit plutôt les rayons :
■6c quand nous regardons un.objet trop proche, l’oeii
comprimé par les deux mufcles obliques , acquiert
une forme plus convexe ; moyennant quoi la rétine
devenant plus éloignée du cryftallin, le concours de*
rayohs fe fait fur la rétine-.
& éloïgnem'ent du cryMlin
eft fineceffaire à la vifion, que dans certains oifeaux
ou les tuniques de l’oeil font d’une confiftence fi ofi
ïeufe que les mufcles n’auroient jamais été capables
de les Contraaer ou de les érendre , la nature a fait
jouer d’autres refforts ; elle a attaché par en-bas le
cryftallin à.la réttnè » avec une efpece de filet noi.
ratfe que l’on ne trouve point dans les yeux des au*
très animaux. N’oublions pas d’obferver que des trois
réfraâions dônt on a parlé ci-deffus , la première ne
fé trouve point dans leSpôiffons> & que pour y
rémedier, leur cryftallin n’eft pas lelïticulaire, com*
me dans les autres animaux , mais qu’il alàforme
fphénque. Enfin comme les yeux des hommes avances
en âge ; font plus applattis que ceux des-jeunes
g ÿ s , de maniéré que.des rayons qui partent d’un
objet proche , tombent fur là rétine avaftt qued’êfré
ïeunis eh un feul ; ces yeux doivent repréfenter les
objets un peu plus confufément, 6c ils ne peuvent
apercevoir bien diftinôement que les objets éloignes.
Voye^ Presbite. Il arrive precifément le con^
traire, à ceux qui ont les.yeux trop convexes. Vovez
M y o p e . • J v
De ce que chaque point d'un objet vùdiftihàeïnent
n affeae qu’un point du fond de l’oeil; 6c réciproque^
Ment de ce que chaque point du fond de l’oeil ne reçoit
des rayons que d’un point de l’objet -, il eft aifé
de conclurrè que l’objet total afféae une certaine
partie de la rétine, qüe dans cette partie il fe fait
une reunion vive &diftina e de tous les rayons qui
y font reçus par la prunelle, 6c que comme chaque
rayon porte avec lui fa couleur propre -, il y a autant
de points Colorés au Fond de l’oeil, que de points
vifibles dans l’objet qui lui eft préfenté-. Ainfi il y a
fur la retine une apparence ou une image exaaement
femblable à l’objet ; toute la différènee, c’eft qu’un
corps s’y repréfentè par une furface, qu’une furface
s y reprefente aflez fouvent par une ligne , & une
ligne par un point ; que l’iMage eft renverfée la
droite répondant à la gauche de l’objet, &c. que
cette image eft exceffivement petite, 6c le devient
*de plus en plus, à proportion que l’objet eft plus
éloigné. Voye%_ V is ib l e ,
■ Ce que nous avons dit dans d’autres articles, fur la
nature de la lumière & des couleurs, eft fort pro*
pre à expliquer iàns aucune difficulté, cette image
de l’objet fur la rétine ; c’eft un fait qui fe prouve
par une expérience dont l i t Defcartes eft l’aiiteur,
voici le procède : apres .avoir bien fermé les .fe-
iiêtres d une chambre, 6c n’avoir Iaiffé de paffage à
la lumière que par une foft petite ouverture , il faut
Ÿ sppliquef foeil de quelque animal nouvellement
tué, ayant retiré d’abord avec toute la dextérité dont
on eft capable , les membranes qui couvrent le fond
de l’humeur vitrée^ c’eft-à-dire la partie poftérieure
de la fclerotique, de la choroïde , & même une partie
delà fétine : on verra alors les images de tous les
objets de dehors, fs peindre très-diftin&ement fur
un corps blanc, par exemple , fur la pellicule.d’un
oeuf, appliquée à cet oeil par derrière. On démontre
la memç chofe d’une maniéré1 beaucoiïp plus par