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Les Philofophes ont quelquefois étendu plus loin
ce nom de propre, & en ont fait quatre efpeces. La
première eft celle-ci, quod convertît omni yfo li & fem-
per ; ainfi c’eft le propre de tout cercle, & dufeul
cercle, & cela dans tous les tems, que les lignes tirées
du centre à la circonférence foient égales. La
fécondé, quod convenu omni, fed non fo li ; comme
on dit qu’il eft propre à l’étendue d’être divifible ,
parce que toute étendue peut être divifée, quoique
la durée, le nombre & la force le puiffent être auffi.
L a troifiemeeft, quod convenu f o l i , fed non omni ;
comme il ne convient qu’à l’homme d’être médecin
ouphilofophe, quoique tous les hommes ne le foient
pas. L a quatrième, quod convertit omni & fo l i , fed
non femper; comme, par exemple, d’avoir de la rai-
fon.
Il y a des conteftations fort vives & fort animées
entre les Thomiftes & les Scotiftes, pour favoir fi
Yuniv.erfel exifte à parte rei, ou feulement dans l’ef-
p r it; les Scotiftes foutiennnent le premier, & les
Thomiftes le fécond. Ce qui caufe tous les débats
où il font les uns avec les autres, c’eft la difficulté
de concilier l’unité avec la multiplicité, deux chofes
qui ne doivent point être féparées quand il eft question
des univerlaux.
Les Thomiftes difent des Scotiftes qu’ils donnent
trop à la multiplicité, & pas affez à l’unité; & les
Scotiftes à leur tour leur reprochent de facrifier la
multiplicité à l’unité. Mais pour bien entendre le fu-
jet de leur difpute, il faut obferver qu’il y a deux
fortes d’unités : l’une d’indiftinôion, autrement numérique
, & une unité d’indiverfité ou de reffem-
blance. Les Thomiftes Soutiennent que l’unité de fi-
militude ou de refiemblance n’eft pas une vraie unité
, & qu’elle ne peut par conféquent conftituer l’a-
niverfel. Voici comment ils conçoivent la chofe. Tous
les hommes ont une nature parfaitement refiemblan-
te ; or ce fond de refiemblance qui fe trouve dans
tous les hommes, fournit à l’efprit une raifon légitime
pour fe repréfenter , d’une maniéré abftraite,
dans tous les hommes une nature qui foit la même
d’une unité numérique, laquelle unité, félon eux ,
peut s’allier avec Yuniverfel. Or la chofe étant ainfi
expofée, il eft évident que Yuniverfel n’exifte pas à
parte rei, mais feulement dans l’efprit, puifque la
même nature numérique ne fe trouve pas dans deux
hommes. Les Scotiftes au contraire prétendent que
l’unité de fimilitude ou de refiemblance eft une vraie
unité, & qu’elle eft la feule qui puifle s’aflocier avec
la multiplicité. Dans la perfuafionoù ils font que tous
les êtres font du-moins pofîibles de la maniéré dont
ils les conçoivent, ils tournent en ridicule les Thomiftes
pour admettre dans l’unité numérique une
multiplicitécpii y eft formellement oppofée. Les Thomiftes
à leur tour leur rendent bien la pareille, en
fe moquant de toutes ces idées réalifées de genres,
d’efpeces, de différences, qui voqt comme autant
d’êtres fe placer dans les fubftancespour les déterminer
à être ce qu’elles font. Qui croiroit, par exemp
le , que la nature humaine ën Pierre fut diftinguée
pofitivement de lui ? Or c’eft Cependant ce que re-
.connoiffent, & ce que doivent raconnoitre dans
leurs principes les Scotiftes. L a nature de Pierre, qui
d’elle-même eft univerfelle, fe trouve contrariée &
déterminée à être telle qu’elle eft, par je ne fais quel
degré d’être qui lui furvient, & qu’ils appellent pé-
_ triité. Oh ! pour cela ce font d’admirables gens que
ces Scotiftes. Il fe dévoile à leurs yeux une infinité
d?êtres qui font cachés au refte des hommes ; ils
voient encore où les autres ne voient plus.
Par la maniéré dont je viens d’expofer cette fa-
meufe difpute, qui fait tant de bruit dans les écoles,
il eft aifé de juger combien toute cette queftion des
univerfaux eft frivole & ridicule. Cependant.quelque
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mépris qu’on en fafie dans le monde,çljefe maintient
toujours fierement dans les écoles. V oici le jugement
qu’en porte la logique de Port-Royçl. « Perlons
» Dieu me rc i, ne prend intérêt à l ’ttniverfel à parti
>» r e i, à l'être de raifon, ni aux fécondés intentions •
.» ainfi on n’a pas lieu d’appréhender que quelqu'un
» fe choque de .ce qu’on n’en parle point, outre que
» ces matières font fi peu propres à être mifes en
>> françois, qu’elles auroient été plus capables de dé-
» crier la philofophie que de la faire eftimer ». £)a.
goumer a beau fe récrier contre cette décifion lo.
gique pour logique, nous en croirons plutôt celle
de Port-Royal que la fienne, parce que les vaines
fubtilités de l’une ne peuvent balancer dans notre ef.
prit le choix judicieux des queftions qu’on y traite
avec toute la force & la folidité du raifonnement.
Ce n’eft pourtant pas qu’i l . ne s’y trouve certaines
queftions dignes des écoles ; mais il faut bien donner
quelque chofe au préjugé & au torrent de la coutume.
Un iv e r s e l , ( Theolog. ) les catholiques romains
ne conviennent pas entr’eux fur le titre d’évêque uni-
verfelt que les papes fe font arrogés; quoique quelques
uns d’eux n’aient pas voulu l’accepter. Baroniuj
Soutient que ce titre appartient au pape d é ço it di-
v in ; & neanmoins S. Grégoire, à l’occafionae cette
même qualité donnée par un concile en 5 8 6 , à Jean
patriarche de Conftantinople, afliiroit expreflement
qu’elle n’appartenoit à aucun évêque, & que les évêques
de Rome ne pouvoient ni ne devaient le prendre
; c’eft pourquoi S. Léon refiifa d’accepter ce titre,
lorfqu’il lui fut offert par le concile de Chalcédoine,
de peur qu’en donnant quelque qualité particulière à
un évêque, 00ne diminuât celle de to.iis les autres,
puifque l’on ne pourroit pas admettre d’évêque uni>
verfelfytis diminuer l’autorité detous les autres. Voyt\
E v êq u e , OEc um én iq u e , ^ a p e ,
Nous ayons expliqué fous lé mot OEcuménique,
les divers fens dans lefquels on peut prendre ce terme
qui eft fynonyme k univerfel, quel e f f celui dans
lequel on doit dire que le pape eft pafteur univerftl,
& quel eft le fens abufif dans lequel ce titre ne lui
convient pas, félon la do&rine de l’églife gallicane.
Yoye^ OEcuménique.
Universel, adj. fP k y fiq -') ce qui eft commun
à plufieurs chofes, ce qui appartient à piufieurs chofes
, ou même à toutes chofes en général. Ynye{Général.
Il y a des inftrumens univerfels pour mefurer tou?
tes fortes de diftances, de hauteurs , de longueurs,
&c. que l’on appelle pantometres & holometres ; mais
pour l’ordinaire ces inftrumens, .à force d’être unir
verfels, ne font d’ufage dans aucun cas particulier.
Chambers.
Universel, adj. ( Gnomon. ) cadranfolaire urii-
yerfel eft celui par lequel on peut trouver l’heure en
quelque endroit de la terre que ce fo it , ou fous quelque
élévation de pôle que ce puiffe être. Yoye{ Cadran.
U N IV E R S IT É , ( Belles-Lettres. ) terme coUeflif
cju’on applique à un affemblage de plufieurs colleges
établis dans une v i lle , où il y a des profeffeurs en
différentes fciences , appointés pour les enfeigner
aux étudians, & où l’on prend des degrés ou des
certificats d’études dans les diverfes facultés.
Dans chaque univerfité on enfeigne ordinairement
quatre fciences , favoir la théologie , le droit, la
médecine, & les humanités ou les arts, ce qui conv
prend auffi la philofophie. Il y a cependant eh France
quelques univerfités où l’on ne prend des degrés
que dans certaines facultés, par exemple à Orléans
& à Valence pour le droit, à Montpelierpour 1?
médecine. Yoyei T héologie*
On Je,s appelle uniyerfçés 9 q\x. éçq[es pniyerfd'P>
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parce qu’on fuppofê que les quatre facultés font Pér
niverfitç des 'études , ou comprennent toutes celles
que l’on peut faire. Yoye{ F a c u l t é .
Les univerfités ont commencé à fe former dans lé
douzième & treizième fiecles. Celle de Paris & de
Boulogne en Ita lie , prétendent être les premières
qui aient été établies en Europe.; mais elles n’étoient
point alors fur le pié que font les univerfités de notre
tems. Yoye{ Séminaire & E cole. ;
On commençoit ordinairement par étudier les arts
pour fervir d’introduflion aux fciences, & ces arts
étoient la grammaire, la diàlé&ique • & tbut ce que
nous appelions humanités & philofophie. De-là on
jnontoit aux facultés füpérieures, qui ëtoieiit là phy-
fique ou médecine , les lois bu lë droit c iv il, les
canons, c’ eft-à-dire lë décret de Gratien , & enfüite
les décrétales. La théologie qui cônfiftoit alors dans
le maître des fentences, & enfuite dans la fomhie de
S. Thomas. Les papes exemptèrent ces corps de docteurs
& d’écoliers de la jurifdiélion de l’ordinaire ; •
& leur donnèrent autorité fur tous les membres de
leur corps ; de quelque dibcèfe & de quelque nation
qu’ils fiifiënt ; & à ceux qu’ils aiirbient éprouvés
& faits do&eurs, pouvoir d’ënfeigner par toute
la chrétienté; Les rois les prirent auffi foiis leur pror
te&ion; & Outre que Comme clercs, les membres de
ces univerfités étoient exempts de la jurifdiâion laïque,
ils leur donnèrent encore droit de 'coihniiuimust
& exemption des charges publiques ; enfin la portion
des bénéfices qui fut affedée aux gradués, contribua
à peupler les univerfités, & à en faire infti-
tuer de nouvelles dans toutes les parties de l’Europe.
On dit que Yunivefité de Paris prit naiffance fous
Charlemagne , & qu’elle doit fon origine à quatre
Anglois., difciples du. vénérable Bede ; que ces An-
glois ayant formé le deflein d’aller à Paris pour fe
faire connoïtre, ils y donnèrent leurs premières le çons
dans les places qui leur furent affignées par
Charlemagne. Telle ëft l’opinion de Gaguin, de G illes
, de Beauvais, &c. mais les auteurs contemporains
, comme Eginard , Almon ; Reginon, Sige-
bert, &c. ne font pas la moindre mention de ce
fait. Au contraire Pafqüiér, du T i lle t , &c. affùrent
expreffémènt, que les fondemens dè cette univefi-
té ne furent jettés que fous les régnés de Louis le
jeune, & de Philippe Augyfte, dans le douzième
fiede. Celui qui en a parlé le premier eft Rigord,
contemporain de Pierre Lombard, le maître des fentences,
& le principal ornement de Yunivefité de
Paris, en mémoire duquel les bacheliers en licence
font obligés d’affifter tous lès ans , le jour defaint
Pierre, à un fervice dans l’égÙfe de S. M arce l,
lieu de fa fépiilture,
f II eft certain que Yunivefité de Paris ne fut point
établie d’abord fur le pié qu’elle eft aujourd’h u i, &
V Par01t que ce n’étoit au commencement qu’ùne
tcole publique , tenue dans la cathédrale dë Paris
que cette univerfité ne fe forma en corps régulier que
par degrés, & foiis la protection continuée des rois
de Francèi
Du Boiilay qui a écrit une hiftoire très-ample de
Univerfte de P a ris, a adopté les vieilles traditions
^certaines, pour ne pas dire fabuleufes, qui en
°nt remonter l’origine jufqu’au tems de Charlema-r
gne. Il eft vrai que ce prince rétablit les écoles mo-
1(iUes- & épifcopales , & qu’il en fonda même
e dans fon palais ; mais on n’â point de monuens
certains- qu’il ait inftitué une univerfité dans
• ne ^ut <lue Fur la fin de l’onzieme fieele que
bue j IOp^e Boulogne, chancelier de France & évê-
k e, ar^s > forma des écoles féculieres où Guil-
cner6 1 ^ dm p e a u x , & après lui Abailard, enfei-
11. . ent a rbotorique,Ia diàleétiqite,& la théologie.
Urent des fuccefleurs, & l’émulation qui fe mit
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tant entre les maîtres qu’eritre les difciples, ayant
rendu 1 ecols de Pans floriffànte pendant le douzic-
me fieele , elle s attu-aau commencenicnt du treiziei
me les regards & les bienfaits de nos rois & des fon-
verains pontifes. Scs premiers Aatuts furent drefles
par Robert deCorcçôn ; légat dufaint fiege, en n , , ,
mais alors elle n’étoit encore compolee que d’artiftes
qui enfeignoient les arts & la philofophie, & de
théologiens qui dorinoient des commentaires fiir lé
livre des fentences de Pierre Lombard ; St expli-
m m l’Eemüre: Il y ayoit pourtant dès-iors à
Pans des maîtres en droit civil & en médecine; Ils
furent peu de tems après Unis aux deux autres facultés:
çâr.Çrégoire IX . par fà huile de l’an n i i feit
mention des maîtres eh théologie, én droit des
phyficièns ( c’eft ainfi qu’ofi appelloit alors les mé-
decinS m & d e s artifles : cette forme a toujours fub-
- & fubfille encore aujourd’hui , & là
diVifion. de la fecultédes arts.èn quâtrè nations, s’in.
troduifit vers l’an n f o . Le reaèur qui dans l’o riri-
ne etoit à la tete dè cette faculté , devint le chefde
toute Yiuuvsrjui. Il eft appelle dans un édit de faint
Louis., capital parjunjium fcholanum, & ne peiit.
etre choifi que dans là faculté, des arts. Il eftële&if
& peut etre change à chaque trlmeftre. Mais !’.v/u-
vtrfue a d’autrés officiers perpétuels, favoir les deux
chanceliers, le fyndic , le greffier ; elle a onze col-
loges de plein exercice, fans parler dei écoles de
théologie j dé-dfoit, & de médecine.; fes fuppôts
jOument de plufieurs privilèges; auffibien que fes
étudians, auxquels le roi à procuré l’inftruaiân gratuite
, en affignant aux profelTeiirs des honoraires
réglés. Les fervicés miportaris que ceèbrpàarénduS
S£ rend encore tous les jours à l’état & à la religion ;
doivent p rend re également cher à l’un & à l’aiitre’
. t e s umverfuis d’Oxford & de Cambridge peuvent
députer le mérite de l’ancienneté à tôutesles àniver-
fités dii monde.
_ Les colleges deVumWrfié de Baliol & deivierton ■
à Oxford, 8c le cdllege dë faint Pierre à Cambridge ’
ont tous été fondés dans lei treizième fieele , 8c oit
peut dire qu’il n’yap o in t en Cf genre de plus.anciens
ëtablmemens en Europe.
Quoique lô college de Y univerfité à Cambridge ait
été Une place fréquentée par les étudians depuis l’année
8 7 1 ; cependant ce n’étoit point un. college en
forme , non plus que plufieurs autres colleges anciens
au-delà des mers de la Grande-Bretagnë ; ils'
feffembloient à Yunivefité de Leyden , où les étudians
ne font point diftingués par des habits particuliers
, né logent qiie dans les maifons bourgeoifes où
ils font en perifion, & ne font que fe trouver à certains
rendez-vous, qui font des écoles où l’on difpu-:
te & où l’on prend les leçons.
Dans la fuite des tems on bâtit des maifoiis ; àfiii,
que les étiidians puffent y v ivre en fôciété., de fortë.
Cependant que chacun y fàifoit fa propre dép.epfe
& lapayoit comme à l’auberge , & commè font encore
aujourd’hui ceux qui étudient dans les Collèges
de droit à Londres. Ces bâtimens s’appelldierit au-:
trefois hôtelleries ou auberges, mais on leur donne
aujourd’hui le nom de Halles. Voyez Auberge 3
Halle. "
Enfin on attacha des revenus folides à la plûpàrt fié'
ces halles , à condition que les admiriiftrateurs four-:
riiroient à un certain nombre d’étüdians la nourri-:,
ture, lè vêtement, & autres befoins: de la vie : ..ce*
qui fit changer le iiom de halle en celui de colleget
Yoye^ College.'
La même chofe eut lieu dans Yunivefité de Paris ;
où les colleges font encore autant dë petites commu--
nautés compofées d’un certain nombre de hourfës où
places pour de pauvres étudians ,- fous la dirééliorî
d’un maître ou principal.. Les premiers forent de$