
4i2 y ce u
V oe u x d e r e l ig io n , font ceux qu’un novicô
proféré en faifant profeffion. Ces voeux quîon
appelle folemnels, font ordinairement au nombre de
tro is, favoir de chafteté, pauvreté, obéiffance. Les
religieufes font en outre voeu de clôture ; & dans
quelques ordres, les voeux comprennent encore certains
engagemens particuliers, comme dans l’ordre
de Malthe, dont les chevaliers font voeu de faire la
guerre aux infidèles.
L’âge auquel on peut s’engager par des voeux fo-
lemnels ou de religion, a été régie diverfement depuis
la puberté où l’on peut contraûer mariage, jut-
qu’à la pleine majorité qui eft de 1 5 ans. Le concile j
de Trente l’a enfin fixé à 16 ans : ce qui a ete adopté
& confirmé par l’ordonnance de Blois. Ceux qui
font des voeux avant cet âge, ne contraftent point
d’engagement valable. , A
Les voeux que fait le profès, doivent etre reçus
pur le fupérieur, & il doit en être fait mention dans
l’aôe de profeffion. A _
La formule des voeux de religion n’eft pas la meme
dans toutes les communautés ; dans quelques-unes,
le religieux promet de garder la chafteté, la pauvreté
& l ’obéiüance ; dans d’autres qui font gouvernées
par la réglé de S.Ben o it, le profès promet la con-
verfion des moeurs & la ftabilité fous la réglé de S.
Benoit félon ies ufages de la congrégation dans laquelle
il s’engage ; mais quelle que l'oit la formule des
voeux, elle produit toujours le même effet.
Quelques-uns attribuent l’ établiffement des voeux
de religion à S. Bafile, lequel vivoit au milieu du iv.
fiecle. I . HH! D ’autres tiennent que les premiers iolitaires ne
faifoient point de voeux, & ne fe confacroient point à
la vie religieufe par des engagemens indiffolubles ï
qu’ils n’ étoient lies qu’avec eux-memes, & qu il leur
étoit libre de quitter la retraite , f i l s ne fe fentoient
pas en état de foutenir plus long-tems ce genre de
V1 Les voeux du moins folemnels ne furent introduits
que pour fixer l’inconftance trop fréquente de ceux
qui s’étant engagés trop légèrement dans l’état mo-
naftique, le quittoient de même : ce qui caufoit un
fcandale dans l’églife, & troubloit la tranquillité des
familles. .
Erafme a cru que les voeux folemnels de religion
ne furent introduits que fous le pontificat de Boni-
face VIIL dans le x iij. fiecle.
D ’autres prétendent que dès le tems du concile de
Chalcedoine tenu en 4 5 1 , il falloit fe vouer à Dieu
fans retour. . .
D ’autres au contraire foutiennent qu avant Boni-
face VIII. on ne faifoit que des voeux Amples , qui
obligeoient bien quant à la confcience, mais qu e l’on
en pouvoit difpenfer. ,
Ce qui eft de certain , c’eft qu’alors l’emiffion des
voeux n’ emportoit point mort civile , & que le religieux
en rentrant dans le fiecle, rentroit auffi dans
tous fes droits. . .
Mais depuis long-tems les voeux de religion font indiffolubles
, à moins que le religieux n’ait réclamé
contre fes voeux , & qu’il ne foit reftitue. ^ ^
Anciennement il falloit réclamer dans l’année de
l ’émiffion des vaux ; mais le concile de Trente a fixé
le délai à cinq ans,Tes conciles de France poftérieurs,
l’affemblée du clergé de 15 7 3 , & les ordonnances
de 16 1 9 , 16 5 7 & 1666 y font conformes ; & telle
eft la jurifprudence des parlemens.
Les moyens de reftitution font i° .le défaut de 1 a-
ge requis par les faints decrets & par les ordonnances,
2 0. le défaut de noviciat en tout ou en partie,
3 0. le défaut de liberté.
Ce n’eft point devant le pape que l’on doit fe pourvoir
pour la réclamation, & il n’ eft pas même befoin
VOEU
d’ün referit de cour de Rome pour réclamer:
Ce n’eft pas non plus devant le fupérieur réguüef
que l’on doit fe pourvoir, mais devant l’official du
diocèfe , par demande en nullité des voeux , ou bien
au parlement par la voie de l’appel comme d’abus
s’il y a lieu. Voyt{ le concile de Trente, Vinflit. deM.
de Fleuri, les lois eccléfafiques, Fuet, les mémoires
du clergé.
Voeu de résidenge, eft celui qui oblige à demeurer
ordinairement dans une maiion , fans néanmoins
affujettirà une clôture perpétuelle.^
Voeu simple , eft celui qui fe fait fecrétement&
fans aucune folemnité ; il n’oblige^ cependant pas
moins en confcience ; mais s’il a été fait trop légèrement
, ou fi par la fuite l’accompliffement en eft
devenu trop difficile , l’évêque en peut difpenfer ou
commuer une bonne oeuvre en une autre.
V oeu solemnel , eft celui qui eft fait entre les
mains d’un fupérieur eccléfiaftique pour l’entrée en
religion. Toye^ ci-devant VdU DE RELIGION,
Voeu de st a b il it é , eft celui que l’on fait dans
certaines communautés, de vivre fous une telle recèle
, comme dans l’ordre de S. Benoit.
V oeu de v ir g in it é , eft lerfewde chafteté que
fait une perfonne non encore mariée de garder fa
virginité. VoyefV (SM de chasteté. (Â)
Voeu CONDITIONNEL, (Morale?) c’eft un engagement
qu’on prend avec Dieu de faire telle ou telle
chofe qu’on fuppofe lui devoir être agréable , dans
la vue & fous la condition d’en obtenir telle ou telle
faveur. C’eft une efpece de pa&eoù l’homme,premier
contraôant & principal intéreffé, fe flatte de faire
entrer la Divinité par l’appât de quelque avantage
réciproque. Ainfi, quand Romulus, dans un combat
contre les Sabins,promit à Jupiter de lui bâtir un temple
, s’il arrêtoit la fuite de fes gens & le rendoit vainqueur
, il fit un voeu. Idoménée en fit un , quand il
promit à Neptune de lui facrifier le premier de fes
fujets qui s’offriroit à fes yeux à fon débarquement
en Crete, s’il le fauvoit du péril imminent où il fe
trouvoit de faire naufrage.
J ’ai dit que l’homme avoit à la chofe le principal
intérêt : en effet s’il croyoit qu’il lui fut plus avantageux
de conferver ce qu’il promet que d’obtenir ce
qu’il demande, il ne feroit point de voeu. Romulus ni
Idoménée n’en firent qu’après avoir mis dans la balance
, l’un les fruits d’une vi&oire importante avec
les frais de conftru&ion d’un temple, l’autre la perte
d’un fujet avec la confervation de fa propre vie.
Tout homme qui fait un voeu eft dès ce moment ce
que les Latins appelloient yod reus ; fi de plus il obtient
ce qu’il demande, il devient (félon leur langage)
damnatus voti. C’e'ft, pour le dire enpaffant,
une diftinftion que n’ont pas toujours fu faire les interprètes
ni les commentateurs ; & il leur arrive af-
fez fréquemment de confondre ces deux expreffions,
dont la fécondé emporte néanmoins un fens beaucoup
plus fort que la première. Elles font l’une &
l’autre empruntées du ftyle ufité dans les tribunaux
de l’ancienne Rome. Le mot reus n’y étoit pas re-
ftraint au fens odieux & exclufif que nous lui prêtons.
Tout accufé, ou même tout îimple défendeur,
étoit ainfi qualifié jufqu’ à l’arrêt définitif. Reosappu-
lo (dit C icéron,/. II. de or.) non eos modb qui arguun^
tur ,fed omnes quorum de re difeeptatur. C’eft ici l’Çve"
nement conditionnel qui décide le procès , & tient
lieu d’arrêt. Se trouve-t-il conforme à l’intention du
voteur ? celui-ci eft condamné à fe deffaifir de »
chofe promife : y eft-il contraire ? elle lui eft en que1'
que forte adjugée, & il ne doit rien. Romulus necon-
tra&a d’obligation effe&ive pour le temple envtf
Jupiter, que du moment que la vi&oire fe fut déclarée
en fa faveur ; fa défaite confommçe l’eût abio
de fon voeu.
VOE U
Les payens en général avoient de la Divinité des
*dées trop groffieres , pour fentir toute l’indécence
du vau conditionnel. Qu’eft-ce en effet que ce marché
'nlolent que la créature ofe faire avec fon créateur ?
c ’eft comme fi elle difoit : « Seigneur, je fais que telle
8 0ll tefte chofe feroit agréable à vos yeux ; mais
H avant que de me déterminer à la faire, compofons.
Voulez-vous de votre côté m’accorder telle ou telle
» grâce (qui m’importe en effet plus que ce que je
« vous offre ) ? c ’eft une affaire faite ; pourvu ce-
„ pendant, pour ne rien donner à la fur prife, que
M vous vous défaififfiez le premier. Autrement, n*at-
„ tendez rien de moi ; je rte fuis pas d’humeur à
,>ine gêner pour vous complaire , à moins que
„ d’ailleurs je n’y trouve mon Compte » .........Eh !
qui e s-tu , mortel audacieux, pour ofer traiter de
la forte avec ton D ie u , &c mettre un indigne prix
à tes hommages ? Il femble que tu craignes d’en trop
faire ; mais ce que tu peux n’eft-il pas a cet égard là
rnefure exafte de ce que tu dois ? Commence donc
par faire fans condition Ce que tu fais devoir plaire à
l’auteur de ton exiftence, & lui abandonne le refte.
Peut-être que touché de ta foumiffion il fe portera à
te refufer l’objet de tes voeux inconfidérés , eetté
arace funefte qui cauferoit ta perte,
Evertere domos totas, optantibus ip f s ,
D i faciles »
Nous regardons en pitié le ftupide africain, qui
tantôt profterné devant fon id ole , & tantôt armé
contre elle, aujourd’hui la porte en triomphe & de*
main la traîne ignominieufement , lui prodiguant
toùr-à-tour les cantiques & les inventives, l’encens
& les verges ; félon que les évenemens le mettent
vis-à-vis d’elle de bonne ou de mauvaife humeur.
Mais l’homme qui a fait un voeu ne fe rend-il pas jufqu’à
un certain point coupable d’une extravagance
& d’une impiété à-peu-près femblables', lorfque
n’âyant pas obtenu ce qui en étoit l’objet, il fe croit
difpenfé de l’accomplir?N’eft-ce pas,autant qu’il eft
en lui, punir la Divinité, que de la fruftrer d’un aéte
religieux qu’il favoit lui devoir être agréable, & dont
il lui avoit, pour ainfi dire, fait fête ? Je ne vois ici
d’autre différence entre l’habitant de la zone brûlée
& celui de la zone tempérée, que celle qui fe remarque
entre le payfan groffier & l’homme bien né, dans
la maniéré de corriger leur enfant. Le premier s ’emporte
avec indécence & ufe brutalement de peines
affliftives : l’autre, plus modéré en apparence, y fub-
ftitue auffi efficacement la privation de quelque plaifir
annoncé d’avance, & préfenté dans une riante perf-
peftive."'*
Je ne prétens pas au refte que ces fentimens foient
bien diftinftement articulés clans le coeur de tout
homme qui fait un voeu : mais enfin ils y font, en raccourci
du-moins & comme repliés fur eux-mêmes;
& fa conduite en eft le développement. Il faut donc
convenir que pour n’y rien trouver d’offenfant, il eft
bien néceffaire que Dieu aide à la lettre ; & qu’ic i ,
comme en beaucoup d’autres rencontres, par une
condefcendance bien digne de fa grandeur & de fa
bonté, il fe prête à la foibleffe & à l’imperfeâion
de fa créature. Mais ne feroit-ce pas mieux fait de
lui fauver cette néceffité ?
Tout ce qui peut caraftérifer un véritable marché
*e retrouve d’ailleurs dans le vau conditionnel. On
renfle fes promefles, à proportion du prix qu’on attache
à la faveur qu’on attend...
Runc te marmoreum . . .fecimus. . .
Sifoetura gregem fuppleverit, aureus effo.
,11 n’eft pas non plus douteux que qui avoit pro-
mis une hécatombe, fe comparant à celui qui pour
pareil événement ôc en pareilles circonftances rt’â-
VOE U 4U
voit promis qu’un boeu f, n’eftimât fon efpérance
d’êtré exaucé mieux fondée dans la raifon de 100 à
1. Peut-on fuppofer qué lés ctièiix n’entendiffent pas
leur intérêt, ou qu’ils né fu’ffent pas compter ?
Mais fi plutôt oh eût voulu fup'pôfêr (ce qui eft
très-vrai) qué la Divinité n’a befôin de rien pour elle-
même & qu’elle aime les hommes, on en eût conclu
que les offres les plus déterminantes qu’on puiffe
lui faire font celles qui fe trouvent liées à quelque
Utilité réelle pour là fbciétë : le voeu conditionnel,
dirigé de ce côté l à , eût pu du-môins , à raifon de
fes luîtes, trouver grâce à fes yeux. Mais ces réflexions
e'tôient encore trop fùbtiles pour le commun
des payens. Accoutumés à prêter à leurs dieux leurs
propres goûts & leurs propres paillons, il étoit naturel
que dans leurs voeux ils cherchaffent à les tenteir
par l’appât des mêmes biens qui font en poffeffion
d’eXciter l’humaine cupidité. Et comme entre ceux-
ci l’or & l’argent tiennent fans contredit le premier
rang ; delà cet amas prodigieux de richeffes dont re*
gorgeoient leurs temples & autres lieux de dévotion,
à proportion de leur célébrité. Richeffes, qui détournées
une fois de la voie de la circulation n’y ren-
trôient plus , & y laiffoient pour le commerce un
vuide ruineux & irréparable. Delà I’appauvriffement
infehfible des états, pour enrichir quelques lieux
particuliers , où tant dé matières précieufes alloient
fe perdre comme dans un gouffre ; n’y fervant tout-
au-plus qu’à line vaine montre, & à nourrir l’often-
tation puérile des miniftres qui en étoient les ‘dépo-
fitaires fouvent infidèles.
Peut-être s’imagine-t-on que c’étoit aü-moins une
reffource toute prête dans les befoirts preffans de
l’étàt. Tout porte en effet à le pfenfer ; & c’eût été
un bien réel qui pouvoit naître de l’abus même : mais
malheur au prince qui dans les pays même de fon
obéiflancé eût ofé le tentef, & faire paffer à la mon-
noie tous ces ex voto, ou feulement partie, pour fe
difpenfer de fouler fes peuples! Toute la cohorte des
prêtres n’eût pas manqué de crier auffitôt à l’impie
&L au facrilége ; on l’eût chargé d’anathèmes ; on l’eût
menacé hautement de la vengeance célefte ; & plus
d’un bras armé fourdement d’un ferfacré fefût prêté
à l’exécution. Que fait-on ? ce même peuple dont il
eût cherché à procurer le foulagement, vendu, comme
il l’é to it, à la fuperftition & à fes prêtres , eût
peut-être été le premier à rejetter le bienfait, & à fe
îbulever contre le bienfaiteur. Pour en faire perdre
l’envie à qui eût pu être tenté de l’entreprendre, on
faifoit courir certaines hiftoires fur les châtimens eî-
frayans qui dévoient avoir fuivi pareils attentats ;
on les débitoit ornées de toutes les circonftances qui
pouvoient leur aflurer leur effet, & la légende payen*
ne infiftoit fort fur ces articles. On citoit en particulier
l’exemple de nos bons ancêtres les Gaulois, qui,
dans une émigration fous Brennus , avoient trouvé
bon, en paffant par Delphes, de s’accommoder des
offrandes du temple d’Apollon; exemple néanmoins
des plus mal choilîs, puifqu’on ne pouvoit fe diffimu-
ler que, malgré leur facrilége préfumé, ils n’avoient
pas laiffé de fe faire en Afie un affez bon établiffe-
ment. Les Gaulois de leur côté avoient auffi leurs
hiftoires, pour fervir d’épouvantail aux impies & de
fauve-garde à leurs propres temples. L’or de Tou-
loufe n’étoit-il pas paffé en proverbe ? Voye{ Aul. Gelî.
I. I I I . c. ix. Enfin une nouvelle religion ayant paru
dans le monde, les princes qui l’avoient embraffée ,
affranchis par elle de ces vaines terreurs, firent main-
baffe indiftin&ement fur tous les ex voto : leur témérité
n’ eut aucune mauvaife fuite , & il fe trouva que
cet or étoit dans le commerce d’un auffi bon emploi
que tout autre. C’eft ainfi qu’une feéte amaffe & thé-
faurife, fans le favoir, pour fa plus cruelle ennemie ;
& fouvent dans la même fette, une branche particu*