
dans le printems la maladie leve fa tête languiffante,'
la vie fe renouvelle, la fanté rajeunit, ôc fe lent régénérée.
Le foleil pour la fortifier , nous échauffe
tendrement de fes rayons du midi, & même paroît
s’y plaire.
Le grand ajîre dont la lumière
Eclaire la-voûte des d eux ,
Semble pour nous de fa carrière
Sufpendre le cours glorieux \ ,
Fier d’être le -flambeau du monde ,
I l contemple du haut des airs
L'Olympe, la terre 6r les mers
Remplis de fa clarté féconde ;
E t jufques au fond des enfers ,
I l fait entrer la nuit .profonde
Qui lui difputoit l'univers.
L ’influence de l’année renaiffante opéré également
fur l’un & l’autre fexe. Maintenant une rougeur
plus fraîche 6c plus vive que l ’incarnat rehauffe l’éclat
du teint d’une aimable bergere ; le rouge de fes
levresdevient plus foncé; une flamme humide éclate
dans fes yeux ; fon fein animé, s’élève avec des palpitations
inégales ; un feu fecret fe gliffe dans fes veines
, 6c fon ame entière s’enivre d’amour. Le trait
v o le , pénétre l’amant, 8c lui fait chérir le. pouvoir
extatique qui le domine. Jeunes beautés , gardez
alors avec plus de foin que jamais vos coeurs fragiles
1 fur-tout que les fermens qui cachent le parjure
fous le langage de l’adulation , ne livrent pas vos
doux inftans à l’homme féduéleur dans ces bofquets
parfumés de rofes, 6c tapiffés de chevrefeuil, au mo- •
ment dangereux oit le crépufcule du foir tire fes rideaux
cramoifis !
Vous dont l’heurêufe fympathie a formé les tendres
noeuds par des liens indiffolubles , en confondant
dans un même deftin vos âmes , vos fortunes 6c
.votre être , jouiffez à l’ombre des myrthes amoureux
dans vos embraffemens mutuels, de tout ce que
l’imagination la plus vive peut former de bonheur, 6c
de tout ce que le coeur le plus avide peut former de
defirs. Puiffe un long printems orner vos têtes de fes
guirlandes fleuries , 6c puiffe le déclin de vos jours
arriver doux 6c ferai n !
Mais l’éclatant été vient dorer nos campagnes ,
fuivi des vents rafraîchiffans ; les gémeaux ceffent
d’être embrafés , 6c le cancer rougit des rayons du
foleil. La nuit n’exerce plus qu’un empire court 6c
douteux ; à peine elle avance fur les traces du jour
qui s’éloigne, qu’elle prévoit i’approche de celui qui
va lui fuccéder. Déjà paroît le matin, pere de la
rofée. Une lumière foible l’annonce dans l’orient tacheté.
Bientôt cette lumière s’étend , brife les ombres
, 6c chaffe la nuit, qui fuit d’un poids précipité.
L a belle aurore offre à la vue de vaftes payfages. Le
rocher humide, le fommet des montagnes couvert de
brouillards, s’enflent à l’oe il, 6c brillent à l’aube du
jour. Les torrens fument, 6c femblent bleuâtres à-
travers le crépufcule. Les bois retentiffent de chants
réunis. Le berger ouvre fa bergerie, fait fortir par
ordre fes nombreux troupeaux, 6c les mene paître
Therbe fraîche.
Des nuits l 'inégalé couriere
S'éloigne, 6* pâlit a nos y eux ;
■ Chaque aflrt au bout de f a carrière
Semble fe perdre dansées deux.
Quelle fraîcheur J L'air qu'on refpire
R f i le fouffle délicieux
De la volupté qui foupire
A u fein du plus jeune des dieux.
Déjà la colombe amoureufe
yoie du chêne fous C ormeau ;
L'amour vingt fois la rend heureufe
Sans quitter le meme rameau.
Triton fur la mer applanie
Promené fa conque d'azur ,
E t la nature- rajeunie
Exhale Cambre le plus pur.
Au bruit des Faunes qui fe jouent \
Sur le bord tranquille des eaux ,
Les chafles Nayades dénouent
Leurs cheveux trejfés de rofeaux.
Ré ve ille -toi, mortel efclave du lu x e , 6c fors de
ton lit de pareffe ; viens jouir des heures balfami-
ques , fi propres aux chants facrés le fage te mon-’
tre l’exemple ; il ne perd point dans l’oubli la moitié
des momens rapides d’une trop courte vie.! totale;
extin&ion de l’ame éclairée ! Il ne refie point dans*
un état de ténèbres, quand routes lës mufes, quand
mille 6c mille douceurs l’attendent à la promenade
folitaire du matin d’été.
Déjà le puiffantroi du jour fe montre radieux dans,
l’orient ; l’azur des deux enflammé, 6c les torrens
dorés qui éclairent les montagnes , marquent la joie
de fon approche. L’aftre du monde regarde fur toute
la nature avec une majeflé fans bornes, 6c verfe la
lumière fur les rochers , les collines, 6c les ruiffeaux
errans , qui étincellent dans le lointain.
Autour de ton char brillant, oeil de la nature, les
faifons mènent à leur luite dans une harmonie fixe
6c changeante, les heures aux doigts de rofes, les
zéphirs flottans nonchalamment, les pluies favorables
, la rofée paflagere, 6c les fiers orages adoucis.
Toute cette cour répand fucceffivement tes bienfa
its, odeurs, herbes , fleurs, 6cfruits ,.jufqu’à ce
que tout s’allumant fucceffivement par ton fouffle
d ivin, tu décores le jardin de l’univers.
Voici l’inflant oii le foleil fond dans un air limpide
les nuages élevés, 6c les brouillards du cancer, qui
entourent les collines de bandes diverfement colorées.
De fa lumière réfléchie
Cet aflre vient remplir les airs ,
E t par degrés à C univers
Donner la couleur & la vie.
Bien-tôt totalement dévoilé, il éclaire la nature
entière, 6c la terre paroît fi v a fle , qu’elle femble
s’unir à la voûte du firmament.
La fraîcheur de la rofée tombante fe retire à l’ombre,
6c les rofes touffues en cachent les refies dans leur
fein. C’efl alors que je médite fur un verd gazon,
auprès des fontaines de cryflal, 6c des ruiffeaux tranquilles.
Je vois à mes piés ces fleurs délicates qui,
épanouies ce matin , feront fannées ce foir. Telle
une jeune beauté languit 6c s’ efface, quand la fievre
ardente bouillonne dans fes veines. La fleur au contraire
qui fuit le foleil, fe referme quand il fe couche
, 6c femble abattue pendant la nuit ; mais fi-tôt
que l’aflre reparoît fur l’horifon, elle' ouvre fon fein
amoureux à fes rayons favorables.
Maintenant
Le bruit renaît dans les hameaux ,
E t l'on entend gémir C enclume
Sous les coups fréquens des marteaux.
Le régné du travail commence.
Monté fu r le trône des airs
Eclaire£ leur empire immenfe ,
S ole il, 'apporte{ C abondance ,
E t les plaifirs à l'univers.
Les nombreux habitans du village fe répandent
fur les prés rians ; la jeuneffe ruflique pleine de fanté
6c de fo rce , efl un peu brunie par le travail du midi.
Semblables à la rofe d’é té , les filles demi-nues, ôC
rouges de pudeur, attirent d’avides regards, 6c tou*
tes leurs grâces allumées paroiffent fur leurs joues.
L ’âge avancé fournit ici fa tâche ; la main même des
enfans traîne le rateau : furchargés du poids odoriférant
, ils tombent, 6c roulent fur le fardeau bien-
faifant : la graine de l’herbe s’éparpille tout-au-tour.
Les faneurs s’âvâncent dans la prairie, ôc étendent
au foleil la récolte qui exhale une odeur champêtre.
Ils retournent l’herbe féchêê : la pouffiere s’envole
au long du pré ; la Verdüré reparoît ; la meule s’élève
épaiffe 6c bien rangée. De vallon en vallon les
voix réunies par un travail heureux * retentiffent de
toutes parts ; l’amour 6c la joie fociable perpétuent
gaiment le travail jufqu’au foir prêt à commencer.
Le dieu qui doioitnos campagnes
Va fe dérober à nos yeux ; >
I l fu it , & fon char radieux
Ne dore plus quelles montagnes.
Les nymphes fartent des forêts
Le front CQiironné d'amaranthes ;
Un air plus doux , un vent plus frais
Raniment les rofes mourantes ;
E t défendant du haut des monts ÿ
Les ber gérés plus vigilantes
. Raffemblent leurs brebis bêlantes
Qui s'égaraient dans les vallons.
: Je perce en ces momens dans la profonde route
des forêts voifines, où les arbres fauvages agitent f ur
la montagne leurs cimes élevées. A chaque pas grave
6c len t, l’ombrë eft plus épaiffe ; l’obfdurité le fi-
len ce , tout devient impolànt, auguffe , 6c maje-
flueux ; c’eft le palais de la réflexion, le féjour où
les anciens poètes fentoient le fouffle infpirateur.
. Repofons-nous près de cette bordure baignée de
la fraîcheur de l’air humide. L à , fur un rocher creux
6c bifarrement taillé, je trouve un fiége vafle 6c
commode, doublé de moufle, 6c les fleurs champêtres
ombragent ma tête. Ici le difque baiffé du foleil
éclaire encore les nuages, ces belles robes du ciel
qui roulent fans ceffe dans des formes vagues, changeantes
, 6c femblables aux rêves d’une imagination
éveillée.
La terre fera bien-tôt couverte de fruits : l’année eft
dans fa maturité. La fécondité fuivie de fes attributs,
portera la joie dans toute l ’étendue de ce beau climat;
mais les douces heures de la promenade font arrivées
pour celui q u i, comme m o i, fe plaît folitairement à
chercher les collines.Là,il s’occupeà faire paffer dans
fon ame par un chant pathétique , le calme qui l’environne.
Des amis réciproquement unis par les liens
d’une douce fociété, viennent le joindre. Un monde
de merveilles étale fes charmes à leurs yeux éclai •
rés , tandis qu’ elles échappent à ceux du vulgaire.
Leurs efprits font remplis des riches tréfors de la
Philofophie, lumière lupérieure ! La vertu brûle
dans leurs coeurs , avec un enthoufiafme que les fils
de la cupidité ne peuvent concevoir. Invités à fortir
pour jouir du déclin du jo u r , ils dirigent enfemble
leurs pas vers les portiques des bois v e rd s, vafle
lycée de la nature. Les épanchemens du coeur fortifient
leur union dans cette douce école, où nul maî- '
tre orgueilleux ne régné. Maintenant auffi les tendres
amans quittent le tumulte du monde , & fe retirent
dans des retraites faerées. Ils répandent leurs
âmes dans des tranfports que le dieu d’amour entend
, approuve, ôc confirme.
Enfin :
Le fole il finit f a carrière,
Le tems conduit fon char ardent,
E t dans des torrens de lumière .
Le précipite à l'occident :
Suri.es nuages qu'il colçre
Quelque tems i l f e reproduit ;
Dans leurs flots apurés qu'il dore ,
I l rallume le jour qui fuit.
L’ aftre d e là nature s'abaiflant, femble s'élargir
pai degrés; les nuages en mouvement entourent Ion
trône avec magnifieenee, tandis que l*air, la terre
&1 océan »fpunent. C’eft en cet inftant, fi l’on en
Croit les chantres fabuleux de la Grecê, que donnant
relâche à les courtiers fatigués, Phoebus cherche les
nymphes , & les bofquets d’Amphitrite. Il baigné
fes rayons, tahtôt à moitié p longétantôt montrant
un demi-cercle doté j il'donne un dernier regard lu-
mineux, 8c difparoît totalement.
, -Aùffi palfe le jo u r , parcourant un cercle enchante
, trompeur, v a in , 8c perdu pour jamais , fembla-
ble aux vifions d’un cerveau imaginaire ; tandis qu’une
ame paffionnée , perd en defirs les momens, 8c que
1 inftant meme où elle defire, efl anéanti. FataleVé-
rite , qui ne préfente à l’oifif fpeculateur qu’une vie
inutile, 8c une vue d’horreur au coupable, qui con-
fume le tems dans des plaifirs honteux ! Fardeau à
charge à la terre; il diflipe baffement avec fes fem-
blables, ce qui auroit pîi rendre l’être à une famille
languiffante, dont la modeftie enfevelit le mérite.
Les nuages s obfcurcificnt lentement ; la tranquille
loirce prend fon polie accoutumé au milieu des airs.
Dqsifn'lliojs d’ombres, font à fes ordres : les unes-
Iffitit envoyées fur la ré c ré ; d’autres d’u n e ,M e u r
plus foncée, viennent doucementàla.ïuite; déplus
lpmbres encore fuçeedent en cerclp, & feraflem-
blént tout autour pour fermer la feene. Un vent frais
agite les bois & .le s ruifteaux ; fon fouftlp vacillant
fagjpndoyer les champs de blé s, pendant que la
caille rappelle fa compagne. Le vent rafraîchiffant
augmente fur la plaine , 6c le ferein chargé d’un duvet
végétal, fe répand agréablement ; le loin univer*
fel de la nature ne dédaigne rien. Attentive à nourrir
les plus foibles produirions , & à orner l’année
qui s’avance, elle envoie de champ en champ , le
germe de l ’abondance fur l’aile des zéphirs.
Le berger tellement vê tu , revient content à fa
cabane, 6c ramene du parc fon tranquille troupeau ;
il aime, & foulage la laitière vermeille qui l’accompagne
; ils fe prouvent leur amour par des foins &
des fervices réciproques. Ils marchent enfemble fans
foucis fur les collines, ôc dans les vallon? iolitaires
lieux où fur la fin du jour, des peuples de fées vien*
nent en foule paffer la nuit d’été dans des jeux no-
ilurnes, comme les hiftoires des villages le racontent.
Ils évitent feulement la tour defeîte, dont les
ombres trilles occupent les voûtes ; vaine terreur
que la nuit infpire à l’imagination frappée ! Dans les
chemins tortueux , 6c fur chaque haie de leur route
le ver-luifant allume fa lampe, 6c fait étinceler un
mouvement brillant à-travers l’oblcurité.
La Soirée cède lé monde à la Nuit qui s’avance
de plus en plus , non dans fa robe d’hiver d’unetra-
me maffive , fombre 8c ftygienne, mais négligemment
vêtue d’un manteau fin 6c banchâtre. Un rayon
foible 6c trompeur, réfléchi de la furface imparfaite
des objets , préfente à l’oeil borné les images à demi,
tandis que les bois agités , les ruiffeaux, les rochers
, le fommet des montagnes qui ont plus long-
tems retenu la lumière expirante , offrent une feène
nageante 6c incertaine.
Les ombres , du haut des montagnes ,
Se répandent fu r les coteaux;
On voit fumer dans les campagnes
Les toits rufliques des hameaux.
Sous la cabane folitaire
Des Philémons & des Baucis ,
Brûle une lampe héréditaire,
Dont la flamme incertaine éclaire
La table où les dieux font aflis.
Rongés fu r des tapes de moufle; '
Le vent qui rafraîchit le jour