que les mots affirmation , affirmatif, affirmativement y
ou i, expriment l’affirmation fans etre verbes. ^
Je fais que l’auteur a prévu cette objection , &
qu’il croit la réfoudre en diftinguant Yaffirmation conçu
e , de Yaffirmation produite, Reprenant celle-ci
pour caraCtérifer le verbe. Mais, j oie dire, que c eft
proprement fe payer de mots, ôc laifier iublifter un
vice qu’on avoue. Quand on fuppoleroit cette dif-
tinCtion bien claire > bien préciie, ôc bien fQ11dee ; le
befoin d’y recourir pour juftifier la définition generale
du verbe, eft une preuve que cette définition eft
au-moins louche, qu’ il falloit la rectifier par cette
diftinCtion, ôc que peut-être l’eût-on fa it, fi l’on
n’avoit craint de la rendre d’ailleurs trop obfcure.
4°. L ’auteur fentoit très-bien lui-même l’infuffi-
(ànce de fa définition, pour rendre raifon de tout ce
qui appartient au verbe. C ’e ft, félon lu i, un mot dont
le PRINCIPAL USAGE cjl de dèfigner l'affirmation —
Von s'en fert encore pour Jignifier d'autres mouvemens
de notre ame,. . . mais ce n 'eji qu'en changeant d'inflexion
& de mode, & ainfi nous ne confidlrons le V ER-
BE dans tout ce chapitre , ( c. xiij. P art. I I . éd. WfMSm
que félon fa principale fignification , qui eft celle qu'il
a à Vindicatif. U faut remarquer, dit-il ailleurs r ( ch.
x vij. ) que quelquefois l'infinitif retient l'affirmation,
comme quand je d is , fcio malum elfe fugiendum ; &
que fouvent il la perd & devient nom , principalement
en grec & dans la langue vulgaire , comme quand on
d it. . . . je veux boire , volo bibere. L ’infinitif alcrj
cefle d’être verbe, félon cet auteur ; Ôc par confé-'
quent, il faut qu’il avoue que le même mot avec la
même lignification , eft quelquefois verbe ôc celle
quelquefois de l’être. Le participe dans fon fyfteme,
eft un fimple adjeCtif, parce qu’il ne conferve pas
Vidée de Yaffirmation.
Je remarquerai à ce fujet que tous les modes, fans
exception, ont été dans tous les tems réputés appartenir
au verbe, ôc en être des parties néceffaires ; que
tous les grammairiens les ont difpofés fyftematique-;
ment dans la conjugaifon; qu’ils y ont été forcés par
l ’unanimité des ufages de tous les idiomes, qui en
ont toujours formé leS diverfes inflexions par des générations
régulières entées fur un radical commun ;•
que cette unanimité ne pouvant être le réfultat d’une
convention Formelle ôc réfléchie, ne fauroit venir que
des fugeftions fecretes de la nature, qui valent beaucoup
mieux que toutes nos réflexions ; ôc qu’une définition
qui ne peut concilier des parties que la nature
elle-mêmefemble avoir liées, doit être bien fuf-
peCte à quiconque connoît les véritables fondemens
de la raifon.
IL L’idée de l’exiftence intellectuelle fous une relation
à une modification , eft encore ce qui lèrt de
fondement aux difFérens modes du verbe, qui conferve
dans tous fa nature, effentiellement indeftruc-
"tible.
Si par abftraCtion , l’on envifage comme un être
déterminé,cette exiftence d’un fujet quelconque fous
une relation à une modification ; le verbe devient
nom, ôc c’ en eft le mode infinitif. Voye{ In f in it i f .
Si par une autre abftraCtion , on envifage un être
indéterminé, défigné feulement par cette idée de l’exiftence
intellectuelle, fous une relation à une modification
, comme l’idée d’une qualité faifant partie
accidentelle de la nature quelconque dir fujet ; le
verbe devient adjeCtif, ÔC c’en eft le mode participe.
■ Voyei P a r t ic ip e .
Ni l’un ni l’autre de ces modes n’eft perfonnel,
"c’ eft-à-dire qu’ils n’admettent point d’inflexions1, relatives
aux perfonnes, parce que l’un & l’autre expriment
de Amples idées ; l’un , un être détèrminé
par fa nature ; l’autre, un être indéterminé défigné
feulement par une partie accidentelle de fa nature ;
mais ni l’un ni l’autre m’ exprime l’objet d’un jugement
aCtuel, en quoi confifte principalement l’eflence delà
propofitiôn ôc du difeours. C’eft pourquoi les perfonnes
ne font marquées'ni dans l’un ni dans l’autre,
parce que les perfonnes font dans le verbe des termi-
naifons qui caraôérifent la relation du fujet à l’aCte
de la parole. Voyt{ P e r so n n e .
Mais fi l’on emploie en effet le verbe pour énoncer
actuellement l’exiftence intellectuelle d’un fujet déterminé
fous une relation à une modification, c’eft-
à-dire s’il fert à faire une propofition , le verbe eft
alors uniquement verbe, ôc c’en eft un mode perfonnel.
Ce mode perfonnel eft direCt, quand il conftitue
l’expreflion immédiate de la penfée que l’on veut
manifefter; tels font l’indicatif, l ’impératif, ôc le
fuppofitif, voye{ ces mots. Le mode perfonnel eftin-
direCt ou oblique, quand il ne peut fervir qu’à conf-
tituer une propofition incidente fubordonnée à un
antécédent ; tels font l’optatif ôc le fubjonCtif. Voyeç
ces mots. ,
Il eft évident que cette multiplication des afpeCts
fous lefquels on peut envifager l’idée fpécifique delà
nature du verbe , fert infiniment à en multiplier les
ufages dans le difeours, ôc juftifier de plus en plus le
nom que lui ont donné par excellence les Grecs & les
Romains, ôc que nous lui avons confervé nous-mêmes.
III. Les tems dont le verbe feul paroît fufcèptible,'
fuppofent apparemment dans cette partie d’oraifon,
une idée qui puiffe fervir de fondement à ces méta-
morphofes ôc qui en rendent le vericfufceptible. Or
il eft évident que nulle autre idée n’eft plus propre
que celle de l’ exiftence à fervir de fondement aux
tems , puifque ce font des formes deftinées à marquer
les diverfes relations cle l’exiftence à une époque.
Voye{ T eMS.
De-là vient que dans les langues qui ont admis la
déclinaifon effective ‘, il n’y a aucun mode du verbe
qui ne fe conjugue par tems ; les modes imperfon-
nels comme les perfonnels, les modes obliques comme
les direCts, les modes mixtes comme les purs ;
parce que les1 teinstiennent à la nature immuable du
verbe , à l’idée générale de l’exiftence.
Jules-Céfar Scaliger les croyoitfi effentiels'à cette
partie d’oraifon, qu’il les a pris pour le caraCtere fpé-
cifique qui la diftingue de toutes les autres : tempus
autan non videtur effe affeclus VERB1 , fed differentia
formalis propter quam VERBUM ipfüm VERBUM eft,
( de cauf. L. L . lib. V. cap. c x x j.j Cette confidération
dont ileft aifé maintenant d’apprécier la juftevaleur,
avoit donc porté ce favant critique à définir ainfi cette
partie d’oraifon : VERBUM eft nota rei fub tempore.
( ibid. cap. ex. )
Il s’eft trompé en ce qu’il a pris une propriété accidentelle
du verbe , pour l’eflence même. Ce ne font
point lesftems qui conftituent la nature fpécifique du
verbe; autrement il faudroit dire que la langue franque,
la langue chinoife , ôc apparemment bien d’autres ,
font deftituées de verbes, pùifqu’il n’y a dans ces idiomes
aucune efpece de mot qui y prenne des formes
temporelles ; -mais puifque les verbes font abfolument
néceffaires pour exprimer les objets denosjtigemens,
qui font nos principales ôc peut-être nos feules pen-
lees ; il n’eft pas poflible d’admettre des làngues fans
verbes , à moins de dire que ce font des langues avec
lefquelles on ne fauroit parler. La vérité eft qu’il y
a des verbes dans tous les1 idiomes ; que dans tous ils
font caraCtérifés par l’ idée générale de l’exiftence intellectuelle
d’un fujet indéterminé fous une relation
à une maniéré d’être; que dans tous en conféquence,'
là déclinabilité par tems en èft une propriété effen-
tielle; mais qu’elle n’ eft qu’en piiiffance dans les uns,
tandis qu’elle eft en afte dans les autres.
: Si l’on veut admettre une métonymie dans le nom
que tes grammairiens allemands ont donné au verbe
en leur langue , il y aura allez de jufteffe : ils l’appellent
dus ieit~wort ; le mot {tit-wort eft compofé de
{eit ( tems ) , & de wort ( m o t) , comme fi nous di*
fions le mot du tems. Il y a apparence que ceux qui
introduifirént lés premiers cette dénomination, pen-
foientfur le verbe, comme Scaliger; mais on peut la
reâifiër , enfuppofant, comme je l’ai d it, une métonymie
de la mefure pour la chofe mefurée, du tems
pour l’exiftence. .
IV. La définition que j’ai donnée du verbe, fe prête
encore avec fuccès aux divifions reçues de cette
partie d’oraifon ; elle en eft le fondement le plus rai-
fonnable , & elle en reçoit, comme par réflexion,
, Un furcroît de lumière qui en met la vérité dans un
plus grand jour.
i ° . La première divifion du verbe eft en fubfiantif
& en adjeîtif; dénominations auxquelles je voudrois
que l’on fubftituât celles d'abfraie ÔC de concret. Voy.
Substantif, art. I I.
hnverbe fubftantif ou abftrait eft celui qui défigné
par l’idée générale de l’exiftence intelleéluelle , fous
une relation àiine modification quelconque,qui n’eft
point compri-le dans la lignification du verbe, mais
qu’on exprime féparément ; comme quand on d it,
Dieu EST éternel, les hommes SONT mortels.
Le ver£eadje£lifou concret eft celui qui défigné par
l’idée générale de l’exiftence intellectuelle Ions une
relation à une modification déterminée, qui eft com-
prife dans la fignifïcation du verbe ; comme quand on
d it , Dieu E X IST E , les hommes MOURRONT.
Il fuit de ces deux définitions qu’il n’y a point de
verbe adjeélif ou concret, qui né puiffe le décompo-
ler par le verbe fubftantif ou abftrait être. C’eft une
conféquence avouée par tous les grammairiens , &
fondée fur ce que les deux eipeces défignent également
par l’idée générale de l’exiftence intelleduelle;
mais que le verbe adjedtit renferme de plus dans fa lignification
l’idée accefibire d’une modification déterminée
, qui n’eft point eomprife dans la fignirieation
du verbe fubftantif. On doit donc trouver dans le ver-
be fubftantif ou abftrait, la pure nature du verbe en général;
ôc c’eft pour cela que les philofophes enseignent
qu’on auroit p u , dans chaque langue , n’employer
que ce feul verbe , le feul en effet qui foit demeuré
dans lafimplicité de la fignification originelle
& eflentielie ainfi que l’a remarqué l’auteur de la
grammaire générale. (P a r t .II. chap. x iij. édit. )
Quelle eft donc la nature du v e r b e être , ce verbe
effentiellement fondamental dans toutes les langues
? Il y a près de deux cens ans que Robert Etienne
nous l’a d it , avec la naïveté qui ne manque ja^
mais à ceux qui ne font point préoccupés par les intérêts
d’un fyftème particulier, Après avoir bien ou
mal-à-propos diftingue les verbes en a&ifs > paffifs, ôt
neutres , il s explique ainfi: (Traité de la grammaire
françoife , Paris 16 6 $ . pag. 3 7 . .) « Oultre ces trois
» fortes, il y a le verbe nommé fubftantif, qui eft
» cflre • qui ne fignifie action ne pàffîon, -mais ï'eule-
» ment il dénoté 1 £flre ôc exiflence ou fubfijlancc d’une
» chafcune chofe qui eft fignifiée par le nom joinét
» avec lui : comme je fuis , tues, ileft. Toutesfois
» il eft fi néceffaire à toutes aérions & paffions, que
» nous ne trouverons verbes qui ne fe puiffent refoul-
» dre p a rluy »,
Ce lavant typographe, qui ne penfoit pas à faire
entrer dans la lignification du verbe l’idée de Y affirmation,
n’y a vu que ce qui eft en effet l’idce de Y exiftence
; & fans les préjugés, personne n’y verroitrien
autre chofe.
’ajoute feulement que c’eft l’idée de l’exiftence intellectuelle
, me fonde fur ce que j’ai déjà al-
legue, que les etres abftraits & généraux, qui n’ont
o; ne peuvent avoir aucune exifteiieeréelle,peuvent
Tome X V I I .
néanmoins être , <k font Fréquemment fujets détermines
du verbe fubftantif.
Mais je ne cleguiferai pas une difficulté que l’oit
peut faire avec affez de vraiffemblance contre mon
opinio^n, Ôc qui porte fur la propriété qu’a le v e r b e
être, d être quelquefois fubftantifou abftrait * Ôc queL
quefois adjeétif ou concret : quand il eft àdjeCtif
pourroit-on dire , outre fa fignification effentielle
il comprend encore celle de l’exiftence ; comme dans
cette phrale, ce qui e s t touche plus que ce qui a Ê TÉ
c’eft-à-dire , cc qui e s t e x i s t a n t touche plus qui
ce qui A ÉTÉ EXISTANT .* par confeqüent on ne peut
pas dire que l’idée de l’exiftence conftitue lâ lignifia
cation fpécifique du verbe fubftantif, puifque c’eft au
contraire l’addition aeeeffoire de cette idee détermi*
née qui rend ce même verbe àdjeCtif.
Cette objeCtjon n’eft rien moins qüe viCtorieufe *
ôc j’en ai déjà préparé la folution , en diftinguant
plus haut l’exiftence intellectuelle Ôc l ’exiftence réelle.
Etre eft un verbe fubftantif, qüand il n’exprime
que i’exiftence intelleauelle : quand je dis, par exemple,
Dieu e s t tout-puiffant, il ne s’agit point ici dô
l’exiftence réelle de D ie u , mais feulement de fort
exiftence dans mon efprit fous la relation de conve*
nance à la toute-puiffance ; ainfi eft, dans cette phra-
f e , eft fubftantif. Etre eft un verbe adjeftif, quand
à l’ idée fondamentale del’exiftenceintellectuelle ort
ajoute acceffoifement l ’idée déterminée de l’exiften-
ce réelle ; comme Dieu e s t , c’eft-à-dire Dieu EST
EXISTANT RÉELLEMENT, ou Dieù efipréjéntà mort
efprit avec {’attribut déterminé de Ce X I S T EN C E
R É E L L E .
Quoique le v e r b e êue puiffe donc devenir adjectif
au moyen de l’idée aeeeffoire de l’exiitenee réelle *
il ne s’enfuit point que l’idée de l’exifteiice intellectuelle
ne foit pas l’idée propre de fà fignification fpécifique.
Que dis-je ? il s’enfuit âu-Contraire qu’il ne
défigné par aucune autre id é e , quand il eft fubftant
i f, que par celle de l’exiftenee intellectuelle ; puif-
qu’il exprime néceffairement l 'exiftence ou fubfiftancc
d'une chajctme chofe qui efi fignifiée par le nomjoinÛ
avec lui ; que. cette exiftence n’eft réelle que quan4
être eft un verbe àdjeCtif ; ôc qu’apparemirient elle eft
au-mqins intellectuelle quand il elt fubftantif, parce
que l’ idée aeeeffoire doit être la même que l’idée fondamentale
j fauve la différence des afpeCts, Ou que le
mot eft le même dans les deux c a s , hors la différence
des conftruCtions.
Il faut obferver que cette réflexion eft d’autant
plus pondérante, qu’elle porte fur un ufagé univer-
fèl Ôc commun à toutes les langues connues & cultivées
, ôc qu’on ne s’eft avifé dans aucune de change*
le verbe fubftantif en àdjeCtif, par l’addition acceffoi-
re d’une idée déterminée autre qile celle de l’ëxiften-
ee réelle, parce qu’aucune autre n’eft fi analogue à
celle qui conftitue l’effence du verbe fubftantif, favoir
l’exiftence intellectuelle. Dans tous les autres verbes
adjeCtifs, le radical du fubftantif eft détruit -, il ne
paroît que celui de l’idée aeeeffoire de la modification
déterminée ; ôc les feules tefminaifons rappellent
l’idée fondamentale de l’exiftence intellectuelle
, qui eft un élément néceffaire dans la fignifi*
cation totale des verbes adjeCtifs.
i ° . Les verbes adjeCtifs fe foüdivifent communément
en aCtifs, paffifs, ôc neutres. Cette divifion s’accommode
d’autant mieux avec la définition générale
du verbe , qu’elle porte immédiatement ftir l’idée ac-
ceffoire de la modification déterminée qui rend concret
le feris des verbes adjeCtifs j car un verbe àdjeCtif
eft aCtif, paflif ou neutre y félon que la modification
déterminée y dont l’idée aeeeffoire modifie celle de
l’exiftence intellectuelle y eft une aCtion du fujet, ou
une impreflion produite dans le fujet fans concours
de fa part, oufimplement un état qui n’eft dans le fujet