à la reine Ifabelle en 1405 ; 7 0. les proverbes mo* ,
ràulx 6c le livre de prudence. ( Le chevalier d e J a u -
COURT.)
VENISE, république de, (Hif.modd) c’ efl d’une re- ;
traite de pêcheurs que fortit la ville 6c la république 1
de Venife. Ces pêcheurs chaffés de la terre ferme par
les ravages des barbares dans le v. fiecle, le réfugié- '
rent à Rialto, port des Padouans, 6c ils bâtirent des
cabanes qui formèrent une petite bourgade que Pa-
doue gouverna par des tribuns. Attila ayant dévallé
Padoue, Pavie, Milan, 6c détruit la fajneufe Aquilée,
les miférables relies de ces villes achevèrent de peupler
toutes les îles des Lagunes, celles du bord de la
m e r, 6c particulièrement le Lido de Malamoque. .
Comme il ne reltoit plus à ces peuples aucune efpé-
rance de retourner dans leurs habitations, ils penfe-
rent à s’en conllruire de plus aflîirées, & tirèrent
pour ce deffein les pierres &. le marbre des palais ;
démolis en terre ferme ; chaque île à l’ exemple de
R ia lto , établit pour fa police des tribuns particuliers.
En 709, les tribuns des douze principales îles des
Lagunes , jugeant qu’il étoit néceflaire de donner ■
une nouvelle forme au gouvernement des îles qui
s’etoient extraordinairement peuplées, réfolurent de -
fe mettre en république , & d’élire quelqu’un d’entre
eux pour en être le chef ; mais comme ils reconnoif-
foient qu’ils ne pouvoient en ufer de la forte contre
le droit que la ville de Padoue s’arrogeoit dans ces
lieux’ou ils avoient été chercher leur fureté, ils obtinrent
de l’empereur L éo n , fouverain de tout le
‘ p a y s , 6c du pape Jean V. la permifïion d’ élire leur
prince, auquel ils donnèrent le nom d e ia c ou de
doge. Le "premier qu’ils élurent s’appel-loit Paul-Luce
Anafefe.
Il n’y avoit point encore de ville de Venife ;H é - 1
raclée dont il ne relie aujourd’hui que quelques ruines,'
fut le premier fiege de cette nouvelle république.;
enfuite les doges réfiderent àr Malamoque 6c à
R ia lto , oîi Pépin roi d’Italie, donna aux habitans
cinq milles quarrés d’étendue en terre ferrie , avec
une pleine liberté de trafiquer par terre 6ç par mer.
L e même Pépin voulut que l’île de Rialto jointe aux
îles d’alentour , portât le nom de Venife, Venetia ,
qui étoit alors celui de toute la côte voifine des Lagunes.
Telle a été l’origine du nom 6c de la république
de Venife, dont la néceflité du commerce procura
bientôt la grandeur 6c la puifiance. Il efl vrai qu’elle
payoit un manteau d’étoffe d’or aux empereurs,
pour marque de vaflalité ; mais elle acquit la province
d’ Iflrie par fon argent 6c par fes armes.
Les Vénitiens devenant de jour en jour une république
redoutable, il fallut dans les croifades s’adref-
fer à eux pour l’équipement des flottes ; ils y gagnèrent
des richefïes 6c des terres. Ils fe firent payer
dans la croifade contre Saladin 85000 marcs d’argent
pour tranfporter feulement l’armée dans le traje
t , & fe fervirent de cette armée même pour s’emparer
des côtes de la D almatie, dont leur doge prit
le titre. La Méditerranée étoit couverte de leurs
vaiffeaux , tandis que les barons d’Allemagne & de
France bâtiffoient des donjons, & opprimoient les
peuples.
Gènes rivale de V tnife lui fit la guerre, & triompha
d’elle fur la fin du xiv. fiecle ; mais Gènes enfuite
déclina de jour en jour, & Venife s’éleva fans ob-
flacle jufqu’au tems de Louis XII. 6c de l’empereur
Maximilien , intimidant - l’Italie, 6c donnant de la
jaloufie aux autres puiiTances qui confpirerent pour
la détruire. Prefque tous les potentats ennemis les
uns des autres, fufpendirent leurs querelles, pour
s’unir ehfemble à Cambrai contre Venife. Jamais
tant de rois ne s’étoient ligués contre l’ancienne Rome.
Venife étoit- aufïLriche qu’eux tous enfemble. Elle
fe confia dans cette reffource, 6c fur-tout dans la dé-
funion qui fe mit! bientôt entre tant d’alliés. Il ne te-
• noit qu’à elle d’appaifer Jules II. principal auteur de
la ligue ; mais elle dédaigna de demander cette grâce,
.& elle ofa attendre l’oragë. C’efl peut-être la feule
-fois qu’elle^aitété téméraire. •
Les excommunications plus méprifées chez lés
Vénitiens qu’àilleurs, furent la déclaration du pape.
•Louis X II. envoya un héraut- d’armés annoncer la
.guerre au doge. Il redemanda le Crémonois qu’il
avoit cédé lui-même aux Vénitiens , quand ils l’a-
.voient aide à-prendre, le Milanois. Il revendiquoit le
Breffan, Bergame , 6c d’autres terres fur lefquelles il
n’avoit aucun droit. Il appuya fes demandes à la tête
de fon armée, 6c détruifit les forces vénitiennes à la
célébré journée d’Agnadel, près de la riviere d’Ad-
da. Alors chacun des.prétendans fe jétta fur fon pàr-
■ tage ; Jules II. s’empara de toute la Romagne, 6c pardonna
aux Vénitiens q u i, revenus de-leur première
. terreur, réfifloient aux armes impériales. Enfin il fe
ligua,avec cette république contrôles François qùi
le méritoient cette ligue devint funefle à Louis
X II. ;. , • ". • .. '
Sur la fin du.même fiecle, les Vénitiens entrèrent
avec le pape 6c le roi d’Efpagne Philippe II. dans une
croifade contre les Turcs. Jamais grand armement
ne.fe fit avec tant de célérité. - Philippe IL fçurnit la
moitié des frais; les'Vénitiens fe chargèrent des deux
tiers de l’autre moitié , 6c le pape fourn:t le refie.
Dom Juan d’Autriche ,, ce célébré^ bâtard de Charles-
quint, commandoit la flotte. Sëbaftien Veneiro étoit
général de la mer pour les Vénitiens.' Il y avoit eu
- trois doges dans fa ihaifon, mais aucun d’eux n’eut
.autant de réputation que lui. Les flottés ottomanes
6c chrétiennes fe rencontrèrent dans le-golfe de Lé-
pant.e., où les/chrétiens, remportèrent une viftoire
d’autant plus illufire, que c’étoit la première de cette
efpece; mais le fruit de cette bataille n’aboutit à
rien. Les Vénitiens ne gagnèrent aucun terrein, 6c
les Turcs reprirent l’année fuivante le -royaume de
Tunis,
Cependant la république de Venife jouifïbit depuis la
ligue de Cambrai d’une tranquillité intérieure qui ne
fut jamais altérée. Les arts de l’efprit étoient cultivés
dans la capitale de leur état. On y goûtoit la liberté
6c les plaifirs ; on y admiroit d’excellens morceaux
de peinture, & les fpeftacles y attiroient tous
les étrangers. Rome étoit la ville des cérémonies,
6c Vtnife la ville des divertiffemens ; elle avoit fait la
paix avec les Turcs après la bataille de Lépante, 6c
Ion commerce quoique déchu, étoit encore eônfidé-
.râble dans le Levant; elle poffédoit Cahdie, 6c plufieurs
îles., l’Iflrie , la Dalmatie, une partie de l’Albanie
, 6c tout ce qu’elle conferve de nos jours en
Italie.
Au milieu de fes profpérités elle fut fur le point
d’être détruite en 16 18 , par une confpiration qui
n’avoit point d’exemple depuis la fondation de la république.
L’abbé de S. Real qu ia écrit cet événement
célébré avec, le ftyle de Sallufle, y a mêlé
quelques embellifTemens de roman ; mais le fond en
efl. très-vrai. Venife avoit eu une petite guerre avec
la maifon d’Autriche fur les côtes de ITftrie. Le roi
d’Efpagne Philippe III. pofTefîeur du Milanès, étoit
toujours l’ennemi fecret des Vénitiens. Le duc d’Of-
fone viceroi de Naples, dom Pedre de Tolede gouverneur
de Milan, 6c le marquis de Bedemar fon am-
bafîadeur à Venife, depuis cardinal de la Cueva, s’unirent
tous trois pour anéantir la république. Les
mefures étoient fi extraordinaires, 6c le projet fi
hors de vraisemblance, que le fénat tout vigilant 6c
.tout éclairé qu’ il étoit, ne pou voit en concevoir de
foupçon ; mais tous les çonfpirateurs étant des étrangefs
de nations différentes, le fénat inflruit de tout
par plufieurs perfonn.es,, .prévint les conjurés, & en
fit noyer un grand nombre dans les canaux .de Veni-
fe . On refpefta dans Bedemar le cara&ered’ambafia-
deur, qu’on..pouvoit ne pas ménager; ,& le fénat le
fit fortir fecréteinent de la v ille , pour le dérober à la
fureur du peuple..
Venife échappée à ce danger, fut dans un état fïo-
rifiant jufqu’à la prife de Candie. Cette république
foutint feule la guerre contre l’empire turc pendant
préside 3 0 ans, depuis .1.641 jufqu’à 1669. Le fiege
de Candie, le plus long & le plus mémorable dont
l ’hifloire faffe mention, dura près de 20 .ans; tantôt
tourné en blocus, tantôt rallenti 6c abandonné, puis
recommencé à plufieurs reprifes", fait enfin dans les
formes deux ans & demi fans relâche, jufqu’àTe
que ce monçeau de cendres fût rendu aux Turcs
avec l’île' prefque toute entière, en 1669,
Venife s’épuifa dans cette guerre; le tems étoit
paffé oii elfe s’enrichiffoit aux dépens du refie de î’Éu-
rope , par foninduflrie & par l’ignorance des autres
chrétiens. La découverte du paffagedu cap deBon-
ne-Efpérance avoit détourné la fpurce de fes richef-
fes. En un mot, cen’étoit plus cette république qui
dans le xv. fiecle. avoit , excité la jaloufie de tant de
rois : elle leur efl encore moins redoutable aujourd’hui.
La feule politique de fon gouvernement fub-
fifle ; mais fon commerce anéanti, lui ôte prefque
toute fa force ; 6c fi la ville de Venife efl par fa fitua-
iion incapable d’être domptée, elle efl par fa foi-
blefle incapable de faire des conquêtes. EJfai fu r l'h if
toire générale par M. de Voltaire, 1 . 1. I I. I I l . IV. V.
On ne manque p.as d’auteurs fur l’hiftoire de cette
république : voici les principaux par ordre des tems.
i ° . Jufiiniani (Bernard), mort procurateur de
S. Marc, l’an 14 8 9 , dans la 82 année de fon âge,.a
fait le premier l’hifloire de Venife intitulée , de origine
urbis Veneùarum , rebufque. ejus, ab ip f î ad qua-
dringentejîmum ufque annum gefis hilloria. Venife
149 2 in-fol. 6c dans'la même ville en 15 3 4 in-fol.
Certe hifloire efl divifée en quinze liv re s, 6c va jufqu’à
l’an 809. Elle a été traduite en italien par Louis
Domenichi, & imprimée en cette langue à Venife
en .1 5 4 5 , & en 1608 in -8 ° . avec une table des matières.
,
20. Sabellicus (Marc-Antoine Coccius), né fur le
milieu du xv. fiecle,àVifcovaro bourg d’Italie dans
la Sabine, fut appellé p a r le fénat de Venife pour
deux emplois honorables 6c lucratifs ; l’un étoit celui
d’ecrire l’hifloire de la république, l’autre d’en-
feigner les belles-lettres. Il s’acquitta mieux du dernier
que du premier, car fon ouvrage hiflorique,
rerum Vtnetarum hiflorice, fut rempli de flateries 6c
de menfônges : c’efl qu’il étoit payé pour être fince-
re & exaél à l’égard de fes écoliers, & pour fe garder
de l’être à l’égard des narrations. Scaliger remarque
que Sabellicus avoit avoué lui-mêmè que l’argent
des Vénitiens étoit la fource de fes lumières, hi-
floriqués.
3°. Suaftarini (D om in ico ), contemporain de
Sabellicus, écrivit l'hifloire de Venife:beaucoup plus
abrégée , 6c tâcha d’imiter le flyle de Tacite.
4 0. Le cardinal Bembo fut nommé par la république
en 15 3 0 , pour en écrire l’hifloire. On voulut qu’il
la commençât oii Sabellicus l’avoit finie (environ
l ’an i4 8 6 ) , & qu’il la continuât jufque à Ton tems.
Cet intervalle comprenoit 44 années ; il ne remplit
point cet intervalle, car il termina fon ouvrage, à la
iport de Jules II. Cette hifloire efl divifée en douze
liv re s, 6c fut imprimée à Venife l’an 15 51 , & con-
ttefaite la même année à Paris, chez Michel Vafco-
fani/z-40. On en donna une nouvelle édition à Bâle ^
l’an 15 6 7 , en trois volumes in-8°. avec les autres
oeuvres de l’auteur. Il ne put tirer aucun profit du
travail d’André Navagiero , qui avoit eu ayant lui la
meme çommiffion, mais qui ordonna en mourant
qu’on brûlât tous fes écrits.
Quoique Bembus ait été l’une des meilleures plumes
latines du xvj. fiecle , il faut avouer qu’il a montre
trop d’affe état ion a ne fe fervir dans fes é c rits,
& fur tout dans fon hifloire , que des termes.de la
pure latinité. On rit de lire dans cet auteur , qu’un
pape avoit eteelu par la fayeur des dieux immortels,
deofim immonalium benefeiis. Il aimoit cette expref-
lion ; car il rapporte dans un autre endroit que le fénat
de Venife écrivit au pape : « Fiez-vous aux dieux
>>f immortels dont vous êtes le vicaire fur la terre »
utifidat dus immonalibus quorum vicem gerisin terris.
Après cela , on ne doit point s’étonner qu’il fe foit
fervi du mot de déeffe , en parlant de la fainte Vierge.
C ’efl dans une lettre oii Leon X . reproche aux
nabitans de Recanati d’avoir donné de.mauvais bois
pour le bâtiment de Notre-Dame de Lorette, 6c leur
commande d’en donner de meilleur,« de peur, dit-
» il, qu il ne femble que vous vous foyez mocqué
» de. nous 6c de la déefTe même » , ne tum nos, tùm
etiam dearn ipfam, inani lignorurn inutilium, donatio ne
dußjje videamini.
Les termes que le chriftianifme a çonfâcrés, com-
me fides , excommunicatio , ont paru barbares à cet
écrivain; il a mieux aimé, fe fervir de perfuafio pour
fide s, 6c de aqua 6>- igné interdiclio, pour excomn.uni-
catio ; mais l’hifloire de Venife de Bembo mérite encore
plus la critique du côté de la bonne fo i , comme
Bodin l’a prononcé, dans fa méthode fur l’hif-
tÇÛre. ;; :
50. Paruta, ne à Venife en 15 4 0 , 6c mort procurateur
de S. Marc en 15' 98, comme, je fa i déjà dit en
parlant de la ville de Venife, a publié entre autres
ouvrages , une grande hifloire- de Venife, intitulée
Ifioria vemtiana, lib. xi). Venife , 1605', 16 4 5 ,6 c
1704. in-40. En qualité d’hiflpriographe de la république,
il fut chargé de continuer l’hifloire: du cardinal
Bembo qui avoit fini à l’année 1 5 1 3 , année de
l’élévation de Leon X . au pontificat. Il en écrivit le
premier livre en latin, popr fe conformer à Bembo
mais il changea de deffein dans la fuite , & compofa
fon ouvrage tout en italien. ,C.et ouvrage contient
en douze livres tout ce qui efl arrivé de plus çonfi-
dérable à la république depuis l’an 1 5 1 3 jufqu’eft
15 5 2 . Il a été joint au recueil des hifloriens de Ven
ife , publié en 17 18 fous.ee titre général: Iflorici
delle Cofe venefiane, i quali hanno Jcriteo per publico
decreto. Henri Cary a traduit l’hifloire de Paruta en
anglois ; 6c fa traduction a été imprimée à Londres
en 1658 in - f 3.
6°. Morofini ( André ) , né à Venife en 15 58, &
mort dans les grands emplois de.fa patrie, l’an 16 18
à 60 ans, a fait une hifloire latine de la république,
qui parut fous ce titre : Hißorig, Veneta ab anno iSz i ;
ad annum i 6 i5 , Venetiis 16I03, in fo l. Cette hifloire
efl une continuation de celle de Paruta.
7°- Nani ( Jèan-Baptifle) , noble vénitien, fut
honoré des premiers emplois de la république, 6c
chargé par le fénat de continuer l’hifloire de la république.
Il divifa fon ouvrage .en deux parties ; 6c
imprimoitla fécondé, lorfqu’il mourut en 1678 â^é
de 62 ans. La première partie a été traduite en François,
6c imprimée en Hollande en 1702 en quatre
volumes in-iz. L ’ouvrage efl intéreffant ; mais -l’auteur
dans tout ce qui concerne fa patrie , a plus fuivi
les fentimens naturels que la vérité de l’hiftoire;
on en a fait une nouvelle édition en 1 7 2 0 & elle
entre dans le recueil des hifloriens de Venife.
8°. Le dernier écrivain démette hifloire.efl le. fé-*
nateur D iedo, dont l’ouvrage intitulé", Stoße délia
republica di Vméfia, a paru à Venife en 17 51 en deux
volumes in-q°% . . f