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le s pôu voient attefter ; ce qui arrivoit en effet très-
rarement j parce que par-là, on écartoit tous lés autres
témoignages, 6c qu’il ne fe trou voit perfônne qui
voulût-aller contre le rapport & le ferment des vef-
talei. ■ •
Il y avoit une loi qui puniffoit dé mort faris rémif-'
lion quiconque fe jetteroit fur leur char, ou fur leur1
litieré, lorfqu’elles iroient par la ville ; elles afliftoiént
aux fpeûacles, oùAugufte leur donna une place fé-
parée vis-à-vis celle- du préteur. La grande vejlale ,
vejlalis maximajpottoxt une bulle d’or.
Numa Pompilius qui dans leur inftitution; , les
avoit dotée de deniers , comme nous1 Favoris déjà
obfervé, afligna des terres particulières félon quelques
auteurs, fur lefquelles il leur attribnà dès droits
6c des-revenus. Dans la fuire des tems, elles eurent
quantité de fondations 6c de legs teftamentaires , en
quoi la piété des; particuliers étoit d’autant plus excitée
, que le bien des vejlales étoit Une reffouree af-
fùrée dans les néceflités publiques.
Augutte qui s’appliqua particulièrement à augmenter
la majefté de la religion , crut que rieri rie con-
tribueroit davantage àu deflein qu’il avo it; que d’accroître
en même tetris la dignité 6c le revenu des vef-
tales. Mais outre les donations communes à tout l’or-1
dre , Ori faifoit encore des dons particuliers aux vef-
tales. Quelquefois; ç’ étbit des femmes d’argent con-
fidérables. Cornelia, félon Tacite, ayant été mife à
la place de la vejlale Scatia,reçut un don de deux mille
grands fefterces, environ deux cens mille livres,
par un arrêt qui fut rendu à i ’occafion d’une éleôion
nouvelle d’un prêtre de Jupiter. Il y en avoit dé plus
opulentes les unes que les autres , & qui par confé-
quent étoient en état de fe diftinguer par un plus
grand nombre d ’efclaves, & de fe montrer en public
avec plus de fafte, & de mieux foutenir au-dehors
la dignité de l’ordre.
A certains jours de l’année, elles alloient trouver
le roi des facrifices , qui étoit la féconde perfônne
de la religion : elles l’ èxhortoient à s’acquitter ferû-
puleufement de fes devoirs, c’eft-:\-dire, à ne pas
négliger les facrifices, à fe maintenir dans eët efprit
de modération que demandoit de lui la loi de fovn fa-
cèrdoce, à fe tenir fans ceffe fur fes gardes, 6c à veiller
toujours fur le fervice des dieux.
- Elles interpofoïent leur médiation pour les réconciliations
les plus importantes 6c les plus délicates
6c elles entroient dans une infinité d’affaires indépendantes
de la religion.
La condition des vejlales étoit trop brillante, pour
ne pas engager quelques grands par goût 6c par vanité
à tenter quelque avanture dans le temple de
Vefta. Catilina 6c N éron, hommes dévoués à toutes
les actions hardies 6c criminelles , ne furent pas les
feuls qui entreprirent de les corrompre. Parmi celles
que la vivacité des paffions, le commerce des
hommes, ou leurs recherches trop preffantes, jette-
rent dans l’incontinence ; il y en a eu quelques-unes
de trop indiferetes, 6c qui ne fe ménageant point a£-
fez à l’extérieur, donnèrent lieu de le foupçonner,
& d’approfondir leur conduite : quelques autres fe
conduisent avec tant de précaution & de myftere ,
que leur galanterie, pour nous fervir de termes de
Minutius - Félix , fut ignorée même de la déeffe
.Vefta. :
Les pontifes étoient leurs juges naturels ; la loi
foumettoit leur conduite à leurs perquifitions feules;
c’étoit le fouverain pontife qui prononçoit l’arrêt de
condamnation. Il ordonnoit à l’affemblée du confeil;
il avoit droit d’y préfider, mais fon autorité n’avoit
point lieu fans une convocation folemnelle du college
aes pontifes.
On ne s’en tint pas toujours cependant aux juge-
piens qui avoient été rendus par le confeil fouverain
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des pontifes ,1e tribun du peuple avoit droit üe faire
feS'repréfentations, & le peuple de fon autorité caf-
foit les arrêts où il foupçonnoit'que les Ordonnanèes
pouvoient avoir été bjeffées, 6c où la Jmgüe '& la
cabale lui paroifibidrit avoir part. '
On gardoit dans là procédurè ;ilhë infinité deTof-'
malités : on fuivoit tous lés indicés ; on'écoutoifles
délateurs , on les èonfrontoit avec les'Jà2ciifées, on
les entenclofo elles-mêmes pltifieursfqis & iorfqué
l’arrêt de mort: étoit rendu , on né le leur fignifioit
point d’abord ; ori cômmençbit à leur interdire tout
làcrifice &touté participationâiixmyfterés : on leur
défendoit de faire aucune difpbfition-à- l’égard de
leurs'éfclavés, de longer à leur affranchiffement:
parce qu’on vouloit les mettre à la quèftion pour en
tirer quelques éclairciffemens & quelques lumières:
car les efclaves devenus libres par leur affranchiffe-
ment, ne pouvoient plus être appliqués'’à la torture'.
Quelques-unes furent admifes à des preuves firigu-
lieres de leur innocénce, 6c placèrent leur dernière
reffouree dans la protection de leur déeffe.
» C’eft une-ehbfe mémorable, dit Denis d’Hali-
» cârnaffe , que les marques de protection que la
» déeffe a quélqüëfois données à des vejlales fauffe-
» mentaccufées; chofe à la vérité quiparôît incroya-
» b le , mais qui a été honorée de la foi des Romains,
» 6c appuyée par les témoignages des auteurs les
» plus grades.. . . . Le feu s’ étant éteint par l’imprii-
» dence d’Emilia, qui s’étoit repofée du foiri de l’en-
» trétenir fur une jeune veflale qui n’étoit point en-
» core faite à-cette extrême attention querequéroit
» le miniftere , toute la ville en fut dans le trouble
» & dans la confternation ; le zèle des pontifes s’al-
» luma ; on crut qu’une vzfla.lt impure avoit appro-
' » ché le foye r facré; Emilie , fur qui le foupçon
» tomboit, 6c qui en effet étoit refponfable de la
» négligence de la jeune veflalz , ne trouvant plus
» de confeil ni de reffouree dans fon innocence, s’a-
» vança en préfence des prêtres & durefte des vier-
» g e s, & s’écria en tenant l’autel ejoibrafé : O Vefta,
y* gardienne de Rome-, fi pendant îrenre années j’ai
» rempli dignement mes devoirs, -fi j’ai traité tes
» myftères iàcrës avec un efprit pur & un cofps
» charte, fecoure-moi maintenant, Sc n’abandonne
» point ta prêtreffe fur le point de périr d’une ma-
» niere cruelle; fi au-contraire je fuis co'upable, dé-
» tourne & expie par mon iùpplice, le défaftré dont
» Rome eft ménacée. Elle arraché en même-tems un
» morceau du voile qui lacouvrôit; à peine ï’avoit-
» elle jetté fur l’autel , que les cendres froides fe
» réchauffent, & que le voile fut tout enflammé,
» &c. » Ce ne fut pas là le feul miracle dont l’ordre
des vejlales s’eft prévalu pour la juftification de fes
vierges.
Numa qui avoit tiré d’Albe les myfteres & les cérémonies
des vejlales, y avoit pris aufli les ordonnances
& les lois qui pouvoient regarder cet ordre religieux
, ou du moins en avoit confervé l’efprit. Une
veflalet ombée dans le défordre, y de voit expirer fou*
les verges. Numa déclara également dignes de mort
celles qui auroient violé leur pudicité, mais il pref-
crivit une peine différente ; ilfe contenta de les faire
lapider fans aucune forme ni appareil de fupplice.
Séneque, dans fes controverfes, nous parie d’une
vefldle qui pour avoir fouillé fa pureté , fut précipi:
tée d’un rocher. Cette vejlale, félon lu i, fur le point
d’être précipitée , invoqua la déeffe, & tomba même
fans fe bleffer, quelque affreux que fut le précipice,
ou plutôt elle ne tomba point ,* elle en defeendit, &
fe retrouva prefque dans le temple.
Malgré cet événement, où la proteftion de Vefta
étoit fi marquée , on ne laiffa pas dé la vouloir ramener
fur le rocher, & de lui vouloir fairefubir
une fécondé fois la peine qui avoit été portée contre
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elle î ôn tfaità fon invocation de facriïegè i Ôft ft'è
crut pas qu’une vejlale punie pour le fait d’inconti*
nence, pût nommer la déeffe fans crime : on envifa-
gea cette a&ion comme un fécond incefte ; le feu fâ-
cré ne parut pas moins violé fur le rocher , qu’il i’a-
voit été entre les autels : on regarda comme un fur-
croit de punition qu’elle n’eût pu mourir ; la providence
des dieux,en la fauvant,la réfervoit à unfuppli-
ce plus cruel ; c’eft efivain qu’elle s’écrie que puifque
fa caufe n’a pu la garantir du fupplice, le lupplice
du-moins doit la défendre contre fa propre caufe.
Quelle apparence que le ciel l’eût fecourue fi tard,
fi elle eût été innocente ? on veut enfin qu’elle ait
violé le facerdoce, fans quoi il feroit permis de dire
que les dieux auroient eux-mêmes violé leur prêtreffe.
Parmi les différens avis que Séneque avoit ramaf*-
fés à cette occafion , il n’y en eut que très-peu de i
favorables à la vejlale^- Mais fi cet exemple de châtiment
, dans la bouche d’un déclamateur, ne tire
point à conféquence pour établir les efpeces de fup-
plices qui fervoient à la punition des vejlales, du-
moins nous découvre-t-il dans quel e fprit, & avec
quelle prévention les Romains regardoient en elles
le crime d’incontinence, & jufqu’où ils pouffoient
la févérité à cet égard. Domitien châtie diverfement
quelques-unes de ces malheureufes filles ; il laiffa à
deux foeurs de la maifon des Ocellates, la liberté de
choifir leur genre de mort.
C’eft à Tarquin, qui avoit déjà fait quelques chan-
gemens dans l’ordre des vejlales, que l’on rapporte
l’inftitution du fupplice dont on les puniffoit ordinairement
, & qui corififtoit à les enterrer vives. La
Terre & Vefta n’étoient qu’une même divinité ; celle
qui a violé la Terre,diloit-on, doit être enterrée
toute vivante fous la terre.
Quant vlolavît, in ilia
Condhur, & Tellus Vejlaque niimen idem ejl.
Le jour de l’exécution étant venu , toutes les affaire?
tant publiques que particulières étoient interrompues
, toute la ville étoit dans l’appréhenfion &
dans le mouvement ; toutes les femmes étoient éperdues
, le peuple s’amaffoit de tous côtés & fe trou-
voit entre la crainte &. l’efpérance fur les affaires de
l’empire, dont il attachoitle bon & le mauvais fuccès
au fupplice delà vejlale, félon qu’elle étoit bien ou
mal jugée. Le grand prêtre , fuivi des autres pontifes,
fe rendoit au temple de V efta; l à , il dépouilloit
k vejlale coupable de fes ornemens facrés , qu’il lui
ôtoit l’un après l’autre fans cérémonie réligieufe , &
il lui en préfentoit quelques-uns qu’ elle baifoit.
Ultima virgineis tum jlens dédit ofcula vittis.
fa jeuneffe & fa beauté, l’approche du fupplice, l’ef-
pecedu crime peut-être, excitoient des fentimens de
compalîion , qui pouvoient balancer dans quelques-
uns les intérêts de l’état & de la religion. Quoi qu’il
en fo it, on l’étendoit dans une elpece de biere, où
elle etoit liee & enveloppée de façon que fes cris
auroient eu de la peine à fe faire entendre, & on la
conduifoit dans cet état depuis la maifon de Vefta ,
jufqu’à la porte Colline , auprès de laquelle , en dedans
de la ville, étoit une bute ou éminence qui s’é-
tendoit en long , & qui étoit deftinée à ces fortes;
d executions ; on l’appelloit à cet effet, le champ exécrable
, agger & fcelcratus campus ; il faifoit partie
e cette leyee qui avoit été conftruite par Tarquin ,
que Pline traite d’ouvrage merveilleux, mais dont
. e terrem , par unebifarrerie de la fortune , fervoit
- I P .llPart ^es jeux & des fpe&acles populaires,
_ u î- ien qu à la cruelle inhumation de çes vierges
impures, ®
V U S 2 i 5 I f e Chemin m temple de Vefta à lu pbrté Colline »
etoit allez long * la 'vejlale devoit paflbr par pluficurs
rues , & par la grande place. Le peuple , félon
Plutarque , accourôit de tous côtés à ce trifte fpe&a-
cle , & cependant il en craignoit la rencontre & fô
detournoit du chemin ; les uns fuiVoient de loin &
tous gardoient un filence morne & profond. Denis
d’Halycarnaffe admet à ce convoi funefte les parens
& les amis de la vejlale ; ils la Envoient, dit-il, avec
larmes, & lorfqu’elle étoit arrivée au-lieu du fupplice
> l’exécuteur ouvroit la bierre , & délioit la vljla-
U. Le pontife, félon Plutarque, levoit les mains
vers le c ie l, adreffoit aux dieux une priete fecrete,
qui apparemment regardoit l’honneur de l’empire qui
venoit d’être expofé par l’incontinence de la vejlale £
enfuite il la tifoit lui-même , cachée fous des voiles ,
& la menoit jufqu’à l’échelle qui defeendoit dans la
foffe où elle devoit être enterrée vive. Alors il la lf-
vroit à l’exécuteur , après quoiilluitournoitle dos ,
& fe retiroit brufquement avec les autres pontifes.
Cette foffe formoit une efpeee de caveau où dé
chambre creufée affez avant dans la terre : on y met*
toit du pain, de l’e au, du la it, 6c de l’huile £ on y
allumoitune lampe, on y dreffoit une efpeee de lit
au fond. Ces commodités 6c ces provifions étoient
myftérieufes , on cherchoit à fauver l’honneur de la
religion jufque dans la punition de la vejlale, & on
croyoit par-là fe mettre à portée de pouvoir dire
qu’elle fe laifloit mourir elle-même. Sitôt qu’elle étoit
defeendue, on retiroit l’échelle, & alors avec pré*
cipitation , 6c à force de terte , on combloit l’ou*
verture de la foffe au niveau du refte de la levée.
Sanguine adhut vivo terram fubitura Jacerdos,
Etoit-elle de bout, aflife , ou couchée fur l’efpecô
de lit dont nous venons de parler ; .c’eft ce qui ne fe
décide pas clairement. Jufte Lipfe , fur ces paroles-
leBulopojito, femble décider pour cette derniere poî
fitibn. t
T e l étoit le fupplice des vejlales. Leur mort deve-
noit un événement confidérablç par toutes les circonf*
tances dont elle étoit accompagnée ; elle fe trouvoit
liée par la fuperftition à une infinité de grands événe*
mens, qui en étoiejit regardés comme la fuite. Sous
leconfuîat de Pinarius 6c de Furius, le peuple, dit
Denis d’Halycarnaffe , fut frappé d’une infinité de
prodiges que les devins rejefterent fur les difpôfitions
criminelles avec lefquelles s’exerçoit le miniftere des
autels. Les femmes fe trouvèrent affligées d’une maladie
contagieufe , 6c fur tout les femmes groffes;
elles accouchoient d’enfants morts, 6c périflbient
avec leur fruit ; les prières, les facrifices, les expiations,
rien n’appaifoit la colere du ciel ; dans cette
extrémité, un efclave accufa la vejlale Urbinia de
facrifier aux dieux pour le peuple , avec un corps
impur. On l’arracha des autels , & ayant été mife en
jugement, elle fut convaincue 6c punie du demie*
fupplice.
II paroît qu’en recueillant les noms de ces malheureufes
filles , qui fe trouvent répandus en différens
auteurs, quelque modique que paroiffe ce nombre,
on peut s’y réduire avec confiance, 6c arrêter là fes
recherches. Ce n’eft pas qu’on veuille affurer que fe
nombre des libertines n’ait été plus grand , mais à
quelques efclaves près, les délateurs étoient rares ,
& le cara&ere des yefîales trouvoit de la prote&ion.
Voici les noms des vejlales qui furent condamnées^
6c que l’hiftoire nous a confervés. Pinaria , Popilia,
Oppia, Minutia, Sextilia, Opimia , Floronia Ca-
paronia., Urbinia, Cornelia, Marcia, Licinia , Êmilia,
Mucia , Veronilla , 6c deux foeurs de la maifon*
des Ocellates. Quelques-unes d’entre-elles eurent fe
choix de leur fùpphce , d’autres le prévinrent, &
trouvèrent le moyen de s’çyacUt ou de fe dôpoer fe