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qu’à l’être animé ou corps vivant. L’etat de médicament
ainfi conftate dans les vèficatoires, il en résulte
que c’eft à plufieurs titres qu’ils appartiennent à la
matière médicale interne.
Le fécond effet, ou l’effet particulier dés vèficatoi-
res eft purement loca l, c’ eft-à-dire, qu’il fe borne à
la partie'fur laquelle on les applique; il confifte à
modifier les folides & les fluides de cette partie, de
manière que ceux-ci en deviennent plus propres à
être jettes au-dehors par l’adion rétablie ou augmentée
dès premiers ; il peut encore aller dans plufieurs
de cés remedes, jufqu’à altérer très-fenfiblement le
tiffu même de la partie. Par toutes ces circonftances,
ori voit que les vèficatoires font encore du reffort de
la matière médicale externe oii ils s’identifient en
quelque façon avec les difcufjifs, les rèfolutifs, les
fceptiques ou pourrijfansy les épulotiques ou cicatrifans y
les efcarotiques, & autres remedes ou fecours chirurgicaux
dont les propriétés individuelles ne font point
incompatibles avec la vertu epifpaßiqiu, fuivant cette
remarque de Galien, que les vertus qui font parti-
•culieres à différens corps, ne laiffent pas que de fe
rapprocher par des analogies ou des reflemblances
dans leurs effets; vicinoe fib i yirtuus fu n l eorum quoe in
•alio la ten t, attraclix & attraclorum d ig tfirix , nam quoe
trahunt etiarn nonnihil omninb d ijeu tiu n t, & quoe
■ difeutiunt pariter trahunt. Mais il eft important d’ob-
Ltrver définitivement à l’ égard de certains de ces effets
particuliers ou locaux ; i° . qu’il feroit peut-être
mieux de les appeller phyfiques ou chimiques ; 2 0.
qu’il en eft parmi eux qui ne fauroient fe paffer que
lu rle vivant, comme, par exemple, les efearres ; 30.
qu’il en eft d’autres qui peuvent avoir également
lieu fur le cadavre 6c fur le vivant, tels que certains
cauftiqiues. F o y e [ Caustique.
Après les idées générales que nous venons d’ex-
pofer fur les vèficatoires, il n’eft fans doute perfonne
qui ne s’-ap perçoive qu’une foule d’autres àgens médicinaux
doit entrer naturellement dans le fyftème
entier de ces remedes ; on compte donc encore parmi
les vèficatoires, les frictions, les ventoufes, les fon -
iicules, les fêtons, les ligatures, les bains chauds, les
flagellations, les acupunctures, les ußions, 6c une infinité
d’autres remedes analogues qu’on pourroit fort
bien ranger fous chacune des quatre compofitions
pharmaceutioues, dont il a été déjà queftion, comme
Tous les chefs d’autant de claffes particulières, &c.
Les vèficatoires feront donc pour nous dans cet article
l’affemblage, le corps entier, le tréfor de tous
le s moyens que la médecine emploie à l’extérieur,
•dans la. vue d’extraire, ou d’attirer à la furface du
corps , ou de détourner d’une partie fur une autre,
tout ce qui peut nuire à la confervation de la fanté,
ou s’oppofer à fon rétabliffement. C’eft dans cette
acception générale que le mot vcficatoire doit être
pris indifféremment avec celui d'èpifpaflique dans le
courant de cet article , à l’exception des cas oii nous
•en fixerons autrement la valeur, par quelque fpéci-
fication particulière.
L e fyftème des vèficatoires ainfi généralifé a fourni
de tous les tems à la grande médecine, c’eft-à-dire,
-à celle qui penfe 6c qui eft capable en elle-même de
•ces traits de génie qu’on appelle des coups de maître ,
a fourni, d i s - je , les reffources les plus étendues,
& les fuccès les plus frappans. Les conjettures font
•remonter l’origine de ces remedes jufqu’à l’antiquité
fabuleufe o'ii elle fe perd avec les premières traces
de la médecine. Tout ce qu’on peut avoir de pofitif
là-dèffus, fe rapporte à Finftitution de la gymnaf-
tique médicinale par Herodicus, de qui les hifto-
riens racontent qu’il employoit les fri étions 'feches,
les fomentations chaudes, &c. dans certaines maladies
; voyeç dans l'hiji. de la mèd. par le Clerc ; mais
comme il ne nous eft rien parvenu des ouvrages de
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cet auteur d’où l’ on puiffe tifer aucune réglé o\i
aucun précepte fur cette matière; il paroît que l’épo-
que d’une application raifonnée de ces fecours médicinaux
doit.être fixée aux beaux jours.de la médecine
greque.
Hippocrate difciple d’Herodicus a témoigné tant
d’e-ftirne pour la médecine gymnaftique qu’il s’eft
fait foupçonner' d’avoir envié à fon maître la gloire
de cette invention; à la vérité , il faut .convenir qu’a-
vec le çara&ere de fimplicité 6c de beauté naturelle
qui- eft particulier à cette médecine, elle devoit
avoir bien des attraits pour un génie de la trempe de
celui d’Hippocrate; aufli ce célébré réformateur a-
t-il confidérablement enchéri fur tous ceux qui ont
pu l’avoir précédé dans cette carrière ; fâ pratique
roule quelquefois toute fur les cautérifàtiorts, les
fricrions, les fomentations, 6c autres épifpaftiques
dont il ne celle de vanter l’ufage, 6c avec lelquelles
il opéroit des cures merveilleufes.
Après Hippocrate, les médecins qui ont fait le
plus d’honneur à la médecine des vèficatoires, font les
méthodiques ; femblables en quelque façon , comme
l’a dit ingénieufemerit un moderne, à un pofiulatun
de Defcartes qui n’admet que le mouvement & la
matière. Voy. ihef aquit. minor. aquoe. Leur théorie
bornée au flriclum 6c au laxum n’admet également
que deux efpèces de remedes qui fe rapportent,
quant aux vertus , à ces deux genres d’affecHon dans
les folides ; ce font là comme les deux pôles de leur
pratique ; mais ce qui paroîfra furprenant, c’eft que
les èpifpafiiques occupent la plus grande place dans
ces deux efpe.ces de remedes, quoique fuivant les
principes généraux de cette fe fte , ils duffent être
reftreints au genre du relâchement ou du laxum. Cette
contradiction eft fauvée par leur façon d’interpréter
les propriétés des vèficatoires ; félon eu x , la Vertu
de. ces remedes eft non-feulement d’ouvrir 6c de rétablir
leurs pores, mais encore de ramolir & de
raréfier, en tant que participante du feu ; ils pen-
foient d’ailleurs que le firicîum St le laxum peuvent
fe trouver tous deux à la fois dans une même maladie
; ainfi ils fe fervoient indifféremment des me-
tafyncritiques dans les maladies, foit internes ,-foit
externes des deux genres; dans quelques maladies
phlegmoneufes , par èxemple , ils employoient à titre
de métafyncritique ou vèjîcatoire les aftringèns ,
quoiqu’ils miffent ces maladies dans le genre du fine-
tum ; dans lés vieux ulcérés, dans les cicatrices malfaites
qu’ils plaçoient dans ce dernier genre , ils ap-
pliquoient des finapifmes, tout comme dans les ulcérés
du genre oppofé; ce qui étoit pourtant fub-
ordonné à l’obfervation des tems dans les maladies,
6c à d’autres objets de pratique fur lefquels il paroît
qu’ ils étoient fort verfés. Foye^ Prolp. Alpin, de
med. meth. c. xv.
Toutes les autres fe&es anciennes qui ont eu quelque
réputation, ont cultivé cette branche de la thérapeutique,&
depuis au milieu de l’éruption fiesfyftèmes qui
ont été les fléaux particuliers réfer vés à la Médecine;
il paroît que lç traitement par les vèficatoires s’eft
conftamrnent foutenu dans les alternatives de célébrité
6c de diferéefit inféparables des révolutions des
tems 6c des efprits > fans qu’on puiffe dire qu’ il ait
jamais été entièrement abandonné. Ce traitement
peut donc être regardé dans l’hiftoire .des variations
de l’ârt,comme un des fils précieux qui ont confervé
une communication utile entre la médicine ancienne
& la moderne, ou qui ont empêché qu’il ne fe foit
fait entr’elles une véritable feiffioni Un préjugé non
moins favorable encore à l’inftitution naturelle &
irrévocable de la médecine èpifpaflique, & qui en
achèvera l’éloge , c’eft que plufieurs nations d’hommes
fauvages n’en ont jamais connu d’autre; que parmi
les nations policées , les Chinois , les Japonois
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■ fur le compte-de la nature , ou de fon autocratie ; la
fécondé eft un produit de l’art. Cet a r t , Hippocrate
ne pour le former, en varioit à l’infini les reffources
au moyen des deux èpifpafiiques univerfels ; fa-
v o i r , douleur & la chaleur. Il avoit remarqué que
le plus fouyent là où il y a douleur, il y a maladie,
ubt dolor, ibt morbus, qu'une douleur plus forte l’em-
portoitfur une moindre, que la douleur attiroit &
fixoït la maladie fur l’endroit douloureux ; » car
» dit-il, fi avant que la maladie foit déclarée on a
» fenti delà douleur dans une partie, c’eft-là même
» que la maladie fe fixera ». Il croyoit donc que la
douleur difpofoit la partie à appeller & à fe charger
de la maladie , par conféquent qu’une douleur produite
par a r t , plus vive que la naturelle , en dimi-
. nuant ou anéantiffant celle-ci, étoit capable de faire
tout-au-moins une diverfion falutaire , un déplacement
de la maladie , laquelle, chemin faifant, s’il eft
permis d’ainfi parler,pouvoit encore être altérée ça
& I à par les différens organes , & devenir par ce
moyen générale. A l’égard de la chaleur, il avoit également
éprouvé que la chaleur attire; cela eft partout
dans fes ouvrages. Le panqub calet attrahit y revient
à chaque page; il dit plus expreffément encore aulujet
de la vertu attractive ou attirante communiquée par
la chaleur aux parties , membrum per caliditatem trahit
ad feipfum à vicinis venis ac carnibiis pituitam ac
bilem 9 lib. /. de morb. Il fâyoit encore que la chaleur
portée à un certain de^ré , produifoit la douleur; 6c
quant à ces attrapions d’humeurs , il les expliquoit
par l’énergie & la mobilité du grand principe , q u i,
fuivant l’axiome fi connu , fe porte d’une extrémité
du corps à loutre extrémité, &c. D’un autre côté ,
il etoit le témoin infatigable des guérifons imprévues
qu’opéroit la nature par des éruptions cutanées, des
parotides , des ulcérés aPuellement fuppurans , &<•}
C’étoit donc par une analogie toute fimple qu’Hippo-
crate étoit conduit à employer les dolorifiques & le s
échauffans externes pour réveiller ou pour rappeller
la nature rlor,fqu’elle s’ engourdiffoit oit,qu’elle ne
pouvoit plus fuffire elle-même. T e l eft à-peu-près le
plan général de la conduite d’Hippocrate dans Fufage,
des vèficatqires , qu’il ne faut jamais "perdre de vue
dans l’eftimation rationelle de-cesremedes.Ainfi donc
en réfumant ce qui vient d’être d it, il e fl un principe
qui anime le corps. Les épifpaftiques font fieux’; lavoir
, la douleur & la chaleur ; ils font univerfels 6c
abfolus ; la douleur fe décompofe en faveur de l’art
en une infinité d’intermédiaires qui peuvent être autant
éèèpifpafiiques depuisfia douleur pofitive ou’ab-
folue jufqu’au fentiment le plus voifm .du plaifir.
L ’art trouve les mêmes refiources dans là chaleur
dont les nuances depuis la plus légère fievre jufqu’au
feu deftruûif, forment une férié fies mêmes remedes.
La douleur & la chaleur font des modifications
du grand principe qui a fon fiege dans les nerfs dont
il eft l’élément fenfitif, comme les autres particules
de matières en font les élémens phyfiques. La’dou-
.leur & la chaleur fe produifent & fe détruifent mutuellement.
Les vèficatoires ne font que les agens
excitatifs du grand principe ; car la caufe efficiente
fie la chaleur 6c de la douleur eft en nous comme le
fentiment des couleurs eft en nous ; au moyen de
cette vertu communicative , l’aéiion de la chaleur
6c de la douleur peut s’étendre d’un point de la fur-
rfaçe du. corps à tout le grand principe, comme l’em-
bralement peut arriver à toute une maffe combufi-
. tible par une étincelle. C’eft encore une fois fous
cet affemblage d’idées fublimes qu’on peut fe repré-
fenter le génie d’Hippocrate occupé de la médecine
èpifpaflique , en dirigeant toutes les branches & en
mouvant tous les refforts. Maintenant avec l’avance
de ces préceptes élémentaires , il eft bien facile de
concevoir que l’aélion des.yéficatoires.fur,les corps,