gésde poiffon à leurs tentes, où leurs femmes dou:
ces & pures, qui tout le jour ont vaqué à des foins
utiles, allument du feu pour les recevoir. Race trois
fois heureufe ! A l’abri, par la pauvreté du pillage
des lois ôc du pouvoir rapace , l’intérêt ne jette jamais
parmi vous la femence du v ic e , ô c vos bergers
innocens n’ont point été ternis par le foufïle de l’amour
infidèle i
Si l’on s’avance au-delà du lac de Tornéa ôc jufqu’au
mont Hécla, on y v o i t , chofe étonnante , les
flammes percer à-travers les neiges. Enfuite s’offre
le Groenland, pays le plus reculé ôc jufqu’au pôle
lui-même , terme fatal où la vie décline graduellement
ôc s’éteint enfin. Là nos yeux fufpendus fur la
feène fauvage ôc prodigieufe confiderent dé nouvelles
mers fous un autre firmament. Ici l’hiver aflis fur
un trône azuré tient dans fon palais fa terrible cour ;
dans fon empire aerien, on entend à jamais la con-
fufion ôc les tempêtes. C’eft-là que le froid , fombre
ty ran , médite fa rage ; c’eft-là qu’il arme les vents
d’une gelée qui fubjùgue tou t, qu’il forme la fiere
grele , Ôc qu’il ramafle en tréfors. les neiges dont il
accable la moitié du globe.
De-là tournant à l’eft jufqu’à la côte de Tartarie,
on parcourt trânli le bord mugiflant de la mer, où
des neiges entaffées fur des neiges réfident depuis
les premiers tems, ôc femblenc menacer les deux.'
Là des montagnes de glaces amoncelées pendant des
fiecles paroiffent de loin au matelot tremblant, un
atmofphere de nuages blancs ôc fans forme. Des al-
pes énormes Ôc horribles à la vue fe menacent réciproquement
, ôc penchent fur la vague, ou fe précipitant
avec un bruit affreux, qui femble annoncer
le retour du cahos, fendent l’abyme , ôc ébranlent
lé pôle même. L’Océan , tout puilfant qu’il e ft , ne
peut réfifter à la fureur* qui lie tout ; accable jufqu’au
fond defes entrailles par l’effort vi&orieux de
la gelée , il eft enchaîné lui-même, ôt il lui eft ordonné
de ne plus rugir. Tout enfin n’eft qu’une
étendue glacée, couverte de rochers.; trilles plages
dépourvues de tous les habifaris , qui s’ enfuient au
fûd par un inftinft naturel dans ces mois terribles.
Combien font malheureux ceux qui , embarrafles
dans les amas de glacé, reçoivent en ces lieux le dernier
regard du foleil couchant, tandis que la très-
longue n u i t n u i t de mort ôc d’une gelée dure ôc
dix fois redoublée, tombé avec horreur fur leurs
têtes. Elle les glace en un clin-d’oe il, les rend ftupi-
dement immobiles , ôc lés gele comme des ftatues
qui blanchiffent au foufïle du nord.
A h , que les licentieux ÔC les orgueilleux, qui
vivent dans la, puinancé Ôc dans l’abondance , reflé-
chiffent peu à ces malheurs ! Ceux qui nagent dans
la volupté ne penfent pas ; tandis qu’ils fe plongent
dans les plaifirs, combien il en eft qui éprouvent les
douleurs de la mort, ÔC les différens maux de la vie ;
cbmbien périffent dans les mers , dans les forêts,
dans les fables ou par le feii ; combien verfent leur
fang dans des. difputes honteufes entre l’homme ôc
l’homme ; combien languiflént dans le befoin ôc dans
l’oblcurité des prifons, privés de l’air commun à
tous, ôc de l’ufage commun àuflï de leurs propres
membres ; combien mangent le pain amer de là rni-
fere , ôc boivent le calice de la douleur ; combien
n’ont d’autre demeure que la chétive cabane dé la
trifte pauvreté, ouverte aux injures de l’hiver !
Dans le vallon paifible où lafàgeffe aime à demeurer
avec l’amitié, la paix ôc la méditation, combien
en eft-il q u i, remplis de fentimens vertueux, lan-
guiffent.dans des malheurs fecrets ôc profonds, qui,
panchés. fur le lit de mort de leurs plus chers amis,
marquent ôc reçoivent leur dernier foupir ! Hommes
livrés au délire des pallions , retracez-vous de
telles idées ; fongez à tous ces m aux, ôc à mille autrès
qui ne fe peuvent nommer , ôc qui font de la
vie une feène de travail, de fouffrancep ôc de cruelles
peines. Si vous vous, en occupiez, le vice qui vous
domine paroîtroit effrayé dans fa carrière , vos mou-
vemens guidés au hafard ÔC intercadens deviendroient
des penlees utiles, votre coeur pénétré s’échaufferoit
de charité, la bienfaifance dilateroit en vous fes defirs,
vous apprendriez à foupirer , à mêler vos larmes à
celles des malheureux, ces mouvemens fe tourne-
roient en goûts, ôc ces goûts perfectionnés graduellement
établiroient en vous l’exercice de l’humanité
, la plus belle vertu dont les mortels puiflént être
épris. (Le chevalier DE J AU COURT.)
Z ones t em p é r é e s , ( Géog.mod. ) les deux portes
tempérées font entre la.torride ôc les glaciales , c’eft-
à-dire entre les tropiques ôc les cercles polaires ;
chacune contient 43 degrés de largeur : celle qui eft
entre le tropique de l’Ecreviffe ôc le cercle polaire
arétique ( comme celle où nous habitons ) eft ap-
pellée {one tempérée feptentrionale ; ÔC l’autre qui eft
entre le tropique du Capricorne ôc le cercle polaire
autarcique, le nomme méridionale à l’ égard de la
nôtre.
Ces deux qones font dites tempérées à caufe de leur
fituation entre la torride ôc les glaciales ; leurs extrémités
néanmoins participent beaucoup de l’excès
du froid ôc du chaud, enforte qu’il n’y a que le milieu
qui mérite à jufte titre le nom de tempéré , les
autres parties de cette {one étant ou trop froides ou
trop chaudes, à proportion qu’elles font plus ou
moins près des autres {ones.
Ceux qui habitent l’une ou l’autre des çones tempérées
n’ont jamais le foleil fur la tête , ôc les jours
y font toujours moindres que de vingt-quatre heures
, parce que l’horifon coupe tous les parallèles
du fole il, qui par conféquent fe leve ôc fe couche
chaque jour : l’équinoxe arrive deux fois l’année au
tems ordinaire, & le pôle y eft toujours plus élevé
que de vingt-trois degrés ôc demi, & moins que de
foixante-fix degrés ôc demi, ce qui fait que hors
des tems dçs équinoxes les jours font inégaux aux
nuits.
Il y a plufieurs étoiles (plus ou moins, félon l’obliquité
delafphere) qui font hors du cercle polaire,
proche du pôle é le v é , ôc qui ne fe couchent point ;
ôc d’autres qui font hors du cercle polaire oppofé,
ÔC qui ne fe lèvent jamais ; les crépufcules y font
plus grands que dans la {one torride , parce que le
foleil defeendant plus obliquement fur l’horifon n’arrive
pas fi-tôt à l’almicantarath éloigné de l’horifon
de dix-huit degrés, que s’il defeendoit perpendiculairement
: l’inégalité des jours s’augmente d’autant
plus que le pôle eft élevé fur l’horifon, ce qui fait
qu’il y a des nuits qui ne font qu’un crépufcule en
plufieurs années des {ones tempérées, comme il arrive
à Paris pendant quelques jours de l’été..; favoir
environ huit jours devant ôc après le folftice d’été ,
parce que le foleil pendant ce temsdà ne defeend
jamais dix-huit degrés fous l’horifon.
Perfonne n’ignore que la {one tempérée feptentrio^
nale comprend toute l’Europe, l’A fie , (excepté la
Cherfonefe d’or ôc les îles de la mer indienne ),une
grande partie de l’Amérique feptentrionale, de l’Océan
atlantique ôc de la mer Pacifique.
La {one tempérée méridionale contient peu de
p a y s, encore ne font-ils pas tous connus : mais il y
a beaucoup de mers, une partie de l’Afrique méridionale
, du Monomotapa, le cap de Bonne-Efpé-
rance , une bonne partie de la terre Magellanique,
une portion du Bréfil, le Chili, le détroit de Magellan
, ôc une grande partie des mers Atlantique , Indienne
ôc Pacifique.
Quoique l’approche ou l’éloignement du foleil
dirigent principalement les faifons des portes -tempérées
»
rees, il y a cependant bien d’autres caufes qui ÿp rô -
duifent le chaud ou le froid fuivam les lieux, comme
nous allons le voir.
D ’abord les faifons différent dans divers endroits
de la [one tempérée, enforte que fous le même climat
il fait plus chaud ou plus fro id , plus fec ou plus humide
dans un lieu que dans Un autre ; cependant les
faifons ne different jamais de l ’hiver à l’été, ni de
l’été à l’hiver ; les variétés qui fe rencontrent dépendent
de la nature du fo l , naut oit b as, pierreux
ou marécageux, proche ou loin de la mer.
La plupart des lieux voifins du tropique font fort
chauds en é té ; quelques-uns ont une faifoh humide,
à-peu-près femblâble à celle de la {one torride. Ainfi
dans la partie du Guzarate qui eft au-delà du tropique
, il y a les mêmes mois dè féchereffe ôc d’humidité
qu’en-dedans du tropique, Ôc l’été fé changé en
un tems pluvieux. Chez nous, nous ne jugeons pas
de l’hiver ôc de l’été par la féchereffe ôc l’humidité >
biais par le chaud Ôc le froid.
Sur les côtes de Perfe & au pays d’Ormus, il y
a tant de chaleur en é té , à caufe du voifinage du
fo le il, que les habitans, hommes Ôc femmes, dorment
la nuit dans des citernes pleines d’eau. Il fait
aufli très-chaud en Arabie»
Dans prefque toute la Barbarie, (c’eft ainfi qu’on
nomme les pays d’Afrique fitués fur la Méditerranée
) , il commence à regner après le milieu d’Oéto-
bre un froid v i f & des pluies , fuivant le rapport de
Léon l’africain ; & aux mois de Décembre ôc dé Janvier
, le froid eft plus violent ( ainfi que par-tout
àilleurs fous la {one tempérée'), mais ce n’eft que le
matin ; au mois de Février, la plus grande partie de
l ’hiver eft paflee , quoique le tems refte très-in-
confiant ; au mois de Mars, les vents de nord ÔC
d’oueft fouillent fortement, & les arbres font alors
chargés de fleurs ; en A v r il, les fruits font formés,
de forte qu’à la fin de ces mois on a des cêrifes ; au
milieu de M a i, on commence à cueillir des figues
fur les arbres ; l’on trouve des raifins mûrs dans quelques
endroits à la mi-Juin. La moiffon des figues eft
én état d’être faite en Août.
Le printems terreftre commence le 15 Février ,
ôc finit le 18 Mai, dans lequel tems il y a toujours
un vent frais. S’il ne tombe pas de pluie entre le
±5 Avril ôc le 5 Mai, on eftime que c’eft un mauvais
ligne ; on compte qiié l’été dure jufqira'u 16
Août. Le tems eft alors chaud Ôc ferein. On place
l’automne entre le 17 Août & le 16 Novembre, ôc
la chaleur n’eft pas fi grande dans ces deux mois.
Cependant les anciens comptoient le tems le plus
Chaud entre le 1 5 Août ôc le 15 Septembre, parce
que c’étoit celui où les figues , les coings ôc tous les
autres fruits mûriffoient ; ÔC ils plaçoient leur hiver
depuis le 15 Novembre jufqu’au 15 F é v rie r, qu’ils
s’occupoient à labourer les plaines. Ils étoient për-
fuadés qu’il y avoit toujours dans l’année quarante
jours de grandes chaleurs qui commençoient le 1 2
Juin , ôc autant de jours de froidure , qui commençoient
le iz Décembre» Le 16 de Mars Ôc de Septembre
font les jours de leurs équinoxes, ôc ceux
de leurs folftices arrivent le 16 de Juin & de Décembre.
Sur le mont Atlas , qui eft à 30 degrés 20 minutes
de latitude-nord, on ne divife l’année qu’en deux
parties ; car on a un hiver confiant depuis Oétobre
jufqu’en A v r il, ôc l’été dure depuis A vril jufqu’en
Octobre : cependant il n’y a pas un feul jour où le
fommet des montagnes ne foit couvert de neige.
Les faifons de l*année paflent aufli fort vite en Nu-
midie ; on y recueille le blé en Mai, ôc les dattes en
Oétobre ; le froid commence au milieu de Septembre,
ôc dure jufqu’en Janvier. Quand il ne tombe pas de
pluie en Octobre, les laboureurs perdent tôutè èfpe-
Tome X F l h
rafteê À» poüvoir fèmer. Il en eft de mènie cjuand il
ne pleut pas en Avril. Léon l’Africain nous allure
qu’il y a dans le Voifinage du tropique du cancer ’
beaucoup de montagnes chargées de neiges.
La partie feptentrionale de la Chine, eft à-peu-
près à la même latitude que l’ Italie, puifqu’elle s’é-
ènd depuis le 30e degré jufqu’au 42* degré de latit.
cependant le froid qui vient félon les apparences des
montagnes nêigéules de Tartarie, s’y fait fentir fi
vivement, que les grandes rivières Ôc les lacs fe gèlent.
. °
La nouvelle Albion, quoique fituée à 4 1 degrés de
latitude-nord , ôc aufli proche de l’équateur que l’ Italie
, eft cependant fi froide au mois de Juin ,'q ue
quand l ’amiral Drake y a lla, il fut forcé de retourner
au fud , parce que les montagnes étoient alors
couvertes de neiges.
Profper Alpin dit. dans fon livre dé la Médecïnè
égyptienne, que le printems de l’année en Egypte
arrive en Janvier ôc Février ; que l’été y commence
en Av ril, Ôc dure en Ju in , Juillet ôc Août ; que l’automne
arrive en Septembre ôc Octobre ; ôc l’hivër
en Novembre Ôc Décembre. On coupe le blé en
A v r il, & on le bat auffi-tôt ; de forte qu’on ne voit
pas un épi dans la campagne au 10 de M ai, ni aucun
fruit fur les arbres» .
Au détroit de Magellan & dans les pays voifins
qui font à 5 z degrés latitude ; l’été eft froid, car les
Hollandois trouvèrent dans une baie de ce détroit
un morceau de glace en Janvier, qui devroit être le
mois le plus chaud ; ôc fur les montagnes de la côte
on voit de la neige pendant tout l’été. On remarqué
en général que dans les pays de la {one temperée méridionale
, le froid eft plus grand, les pluies plus fortes
, & la chaleur moindre en été que fous la {one
tempérée feptentrionale. Seroit-cé que le foleil ref-
teroit plus long-tems dans la partie feptentrionale de
1 écliptique, ôc q u il s y meut plus lentement que
dans la parue méridionale } a
Aux environs de la ville du Pérou, dans là province
du Potofi, il fait fi froid, que rien ne peut croître
à 4 milles à la ronde. Au royaume dû Chili, qui s ’étend
depuis le 30 jufqu’au 50e degré dè latitùde-fud,
le printems commence au mois d’Août, plutôt qu’ il
ne devroit, iuivânt le cours du foleil, ÔC finit au milieu
de Novembre. Enfuite vient l’été qui duré jttf-
qu’au milieu de Février; l’automne fuccede jufqu’au
milieu de Mai. Alors commence l’h iv e r, qui eft humide
ôc fort neigeux fur les montagnes. Le froid eft
aufli confidérable dans les vallées, à caufe d’un vent
v i f ôc piquant qui l’accompagne.
Au Japon , l’hiver eft neigeux, humide, & plus
froid que dans d’autres pays qui ont la même latitu-
d e , parce que ce royaume eft entrecoupé de détroits,
ôc qu’il eft entouré de la mer. :
Enfin , il n’eft point fur la terre de température
plus heureufe ôc plus favorable que celle d’une partie
de l’Efpagne , de l’Italie, & fur-tout de la France
» C’eft ici que les gelées de l’hiver préparent fans
horreur leur nitre ôc leur fécondité. I c i , le printems
varié ôc fleuri, modéré par des pluies douces
& fertiles, le feu de la nature agiflante. I c i , 1$ fo-
l.eil éclairant les nuages, produit une chaleur v ivifiante
, darde fes influences fur l’homme, fur les animaux
, fur les végétaux, couvre la terre de fruits *
ôc les amene à leur maturité. Ic i, l’automne couronnée
d’épis qui s’agitent fur nos champs dorés , met
fa faulx dans la main du cultivateur, pour qu’il recueille
avec reconnoiflance, la moiflon abondante
des préfens de C e rè s, de Pomone, & du fils aimable
de la crédule Sémélé» Telles font les faifons de
ilotre {one : mais ma voix trop foible pour chanter,
leurs délices , veut que j’emprunte de nouveau les
peintures brillantes ôc fpirituelles qu’en a fait M»
A A a a a