dinairedans ceprodige, il faifok fes obfervations, &
les diâoit.
Déjà fur ces vaiffeanx vol dît la cendre plus ëpaifTe
& plus chaude, à mefure qu’ils approchoient. Déjà
'tomboienit autour d’:eux des pierres calcinées &c des
'Cailloux tout-noirs,-tout b rûlé s, tout pitivérifés par
la violence du feu. -Déjà la mer fembkfit refluer, &
le rivage devenir macoeffible par des »morceaux entie
rs de montagnes dont il étoit couvert ; lorfqu’a-
près s’être arrêté quelques momens, incertain s’il re-
tourneroit, il dit à fon pilote, qui lui confeilloit de
gagner la plaine mer ; la fortcine favorifeie courage.
Tournez du coté dePomponianus.
Pomponianus étoit à Stabie, en ;uft endroit féparé
par un petit golfe , que forme inièrafiblement la mer
fur ces rivages qui fe courbent. L à , à la vue du pér
il qui étoit encore »éloigné, mais qui fembloit s’approcher
toujours, il avoit retiré tous fes meubles
dans fes vaifleaux , 6c n’attendoit, pour s’éloigner ,
qu’un vent moins contraire. Mon o n d e , à qui ce
inéme vent avoit été très-favorable., l’aborde, le
trouvé -tout tremblant, l’embraffe, le rafïure, l’encourage
; &pourdi(liper parfafécurité la crainte de
fon ami, ii-fe fait porter au bain.
Après s’être baigné, il fe met à table , & foupe
■ avec toute fa g a ie té , ou ( c e qui n’eft pas moins
grand) avec toutes les apparences de fa gaieté ordinaire.
Cependant on vo yo it luire-de plulieurs en-
-droits du mont Véfuv.e de grandes flammes & des
Cmbrafemens , dont les ténèbres augmentoient l’éclat
.M
on ond e , pour raflurer ceux qui l’accompa-
:gnoient, leur d ifo it, que ce qu’ils voyoient brûler,
c’étokdes villages que-les payfans allarmés avoient
-abandonnés, 6c qui étoient demeurés fans fecours.
En fuite il fe coucha, &C dormit d’un profondfommeil;
c a r comme il étoit puiflant, on l’entendoit ronfler de
d’antichambre.
Mais enfin la cour par où l’on entroit dans fon ap-
-.partement , cpmmençoit à fe remplir fi fort de cendres,
que pour peu qu’il eût refté plus long-tems , il
ne lui atiroit plus été libre de fortir. On l’eveille. U
fort 6c va fe joindre à Pomponianus, & les autres qui
•avoient veillé. Ils tiennent confeil, & délibèrent s’ils
fe renfermeront dans la maifon, ou s’ils tiendront la
campagne : car les maifons étoient tellement ébranlées
par les fréquens tremblemens de te r re , que l’on
auroit dit qu’elles étoient arrachées de leurs fonde-
mens, & jettées tantôt d’un cô té , tantôt de l’autre,
6c puis remifes à leurs places. Hors de la ville la
chute des pierres, quoique légères 6c defféchées par
le feu, étoit à craindre.
Entre ces périls on choifit la rafe campagne. Chez
ceu x de fa fuite, une crainte furmonta l’autre ; chez
lu i, la raifon la plus forte l’emporta lur la plus foi-
ble. Ils fortent donc, 6c fe couvrent la tête d’oreillers
attachés avec des mouchoirs : ce fut toute la
précaution qn’ils prirent contre ce qui tomboit d’en-
haut.
Le jour recommençoit ailleurs : mais dans le lieu
c ii ils étoient, continuoit une nuit la plus fombre &
la plus affreufe de toutes les nuits, 6c qui n’étoit un
peu diffipée que par la lueur d’un grand nombre de
flambeaux, & d’autres lumières. On trouva bon de
s ’approcher du rivage, 6c d’examiner de près ce que
fa mer permettoit de tenter ; mais on la trouva fort
grofîe 6c fort agitée d’un vent contraire. Là , mon
oncle ayant demandé de l’eau , 6c bû deux fois , fe
coucha fur un drap qu’il fit étendre. Enfuite des flammes
qui parurent plus grandes, 6c une odeur de fouf-
f r e , qui annonçoit leur approche , mirent tout le
monde en fuite. U fe leve appuyé fur deux valets,
dans le moment tombe mort. Je m’imagine qu’-
pne fumée trop épaifiè le fuflbqua d’autant plus aifément
qu’ il avoit la poitrine foible, & fou vent la f expiration
embarraffée.
Lorfque l ’on commença à revoir la lumière (ce-qui
n’arriva que trois jours après) on retrouva au même
endroit fon corps entier , couvert de la même
robe qu’il portoit, quand il mourut, & dans la pof-
ture plutôt d’un »homme qui repofe, que d’un homme
qui ell mort. Pendant ce tems marnere & moi
nous étions à Mifene: mais cela ne regarde plus votre
hifloire. Vous ne voulez .être informé que de la
mort de mon onde. Je finis donc, 8t je n’ajoute plus
qu’un mot. G’eft que je ne vous ai rien d it , ou que
.je n’aye vu,ou que je n’aye appris dans ces momens,
où la vérité de l’adion qui vient de fe palier n’a pu
encore être altérée. C’eft à vous de choifir ce qui
vous paroîtra plus important.
Il y a bien de la différence entre écrire une lettre,
ou («ne h ifloire; entre écrire poux un ami, ou pour
la poftérité. Adieu.
De tous les écrits de Pline l’ancien, il ne nous
relie que fon hifloire naturelle, ouvrage immenfe
par fon ob je t, 6c par fon exécution ; mais l’auteur
efl encore plus eilimable par la beauté de fon efprit,
par fa maniéré de penfer grande & forte , & par les
traits lumineux qui brillent dans cet ouvrage. Le coloris
de fon pinceau ne palfera jamais dans aucune
tradudion.
Cependant la deftinée de ce grand écrivain, efl
que tout le monde l’admire , 6c que perfonne n’ajoute
foi à fes récits ; mais pour le juftifier en deux
mots , il n’a eu aucun intérêt à s’abufer lui-même ,
6c à tromper fon fie c le , ni les fiecles fuivans. J ’ajoute
qu’on découvre tous les jours des faits que l’on
regardoit dans fes écrits comme d’agréables imaginations
qu’il avoit rapportées tout-au-plus fur la foi
de gens auxquels il avoit trop déféré.
L ’édition que le p. Hardouin a donnée de ce bel
ouvrage, efl le fruit d’un grand travail, d’un don de
conjedur.es fouvent heureux, d’une ledure prodi-
gieufe, 6c .d’une fidélité de mémoire furprenante.
( Le chevalier D E J A U COU R T . )
VÉRONE , ( Géog. mod. ) en latin Verona. Voyeç
ce mot.
On fait que Péroné efl une ville d’Italie dans l’état
de V en ife , capitale du Véronèfe, fur l’Adige ,
à 15 lieues à l’oueft de Venife, à 8 au nord-eft de
Mantoue, 6c à 16 au midi de Trente. Longït. 2 8 . 3 o.
latit. 4S. 2 3 ,
Vérone efl une des fortes places d’Italie; fes murailles
font garnies de battions, outre trois châteaux
qui les défendent. Son évêché eftfuffragantd’Udine;
l’air de cette ville efl très d ou x , & les vivres y font
à bon marché; mais elle efl dépeuplée , les maifons
mal bâties, les rues étroites, & les habitans fort
pauvres.
Cette ville cependant conferve encore quelques
relies d’antiquité, théâtre, amphithéâtre, étuves ,
bains, aqueducs, colonnes, & arcs de triomphes ,
qui font autant de monumens de fon ancienne fplen-
deur , & des ravages des Barbares.
L ’amphithéatre de Vérone efl le plus entier de tous
ceux qu’on connoiffe en Europe ; on prétend qu’il
a été bâti fous Augufte. Il efl déformé ovale, de
moyenne grandeur, 6c fait de pierres quarrées ; on
voit à la face du dehors plulieurs colonnes , quelques
relies de llatues, 6c autres pièces de marbre ,
dont les portiques étoient revêtus en ouvrage dorique
, ionique , corinthien, le tout d’une hauteur ex-
ceffive. On comptoit dans cet amphithéâtre quatre
rangées de portiques & de colonnes entremêlées
de ftatues de nymphes. Dix-huit grandes portes y
donnoient entrée, & il y avoit quarante-deux rangs
de degrés, où vingt-quatre mille perfonnes pou-
voient demeurer aM e s , pour y voir lesfpeétacles.
Le
Le mur extérieur efl tout défolé ; il n’en relie qiiè
fept trémeaux ; Panvinus rapporte qu’il fut abattu
par un tremblement de terre en 1583; mais on a un
peu réparé les bancs, à mefure que le tems les a
voulu détruirev
Il ÿ en avoit du tems de Millon quarante-qUatre >
& il ajoute qu’il a compté cinq cens trente pas dans
le tour du plus élevé, & deux cens cinquante au
plus bas. Antoine Delgodetz architeéle, a écrit que
le diamètre de l’arène fur la longueur, efl de deux
cens trente-trois piés, mefure de France; que l’autre
diamètre fur la largeur ell de cent trente-fix piés
huit pouces i que l’épaiffeur du bâtiment, fans le
èorridor extérieur, efl de cent piés quatre pouces ;
& qu’avec chaque épaiffeur du mur 6c du corridor
aux. deux, bouts de l’amphithéatre, il efl de cent-
vingt pies dix ponces ; de forte que la longueur du
tout efl de quatre cens foixante ôc quatorze piés,
huit pouces. Chaque degré a près d’un pié & demi
de haut, & à-peu-près vingt-fix pouces de large ; l’élévation
du tout, ell de quatre-vingt-treize piés,
fept pouces & demi.
On voit encore à Vérone les vçlliges dun arc de
triomphe , érigé en l’honneur de Marius, après la
viêloire qu’il remporta dans le territoire de cette
ville. C’eft en cet endroit, félon la commune opinion
, que palfoit la voie Emihenne qui conduifoit
d’Arimini à Vérone, & à Aquilée. Il y relie un arc
de marbre qui fut autrefois confacré à Jupiter, &
tout proche, font les débris d’un temple ; mais les
curieux de tout ce qui concerne cette ville , trou-,
veront de quoi fe fatisfaire dans l’hiftoire de Vérone
parMuratori, Venife, 1731, in-fol.&cin-8°.en 4 vol;,
avec figures, ainfi que dans la chronica délia cita di
Verona , deferitta da Pietro Zagujla , in Verona ,
, 1745 , in-40. 2, vol.
I Cette ville fe glorifie d’avoir ; produit fous l’an-
! tienne Rome, Pline le naturalifte, Vitruve, Catulle,
| & Cornélius Nepos , dont j’ai parlé fous le mot Ve- I roua; elle n’a pas été flérile en favans depuis le re-
intour des Belles-Lettres. J ’en vais nommer quelques-
I uns dont elle efl la patrie; Bianchini, Boffus, Fra-
I caftor, Guarini, Panvini, Noris ,.Scaiiger, & Paul
I Emile.
i Bianchini ( François ) phyficien & mathématicien,
naquit dans cette ville en 1661, & mourut en
1729, à 67 ans..On a de lui une édition d’Anaftafe
le bibliothécaire , & quelques differtations de phy-
fique.
BoJ/ùs ^ Matthieu ) mérite un rang parmi les hommes
illuflres en vertu & en favoir, du xv. fiecle. Il
naquit à Vérone l’an 1427, & mourut à Padoue en
i5°2,à 75 ans;il compofa plufieurs livres de morale
& de piete, entre autres celui de immoderato mulie-
rurn, cultu, imprimé à Strasbourg , en 1509 , in-40.
mais on répondit à fon ouvrage , & les dames trQu-
verent un apologifte qui plaida leur caufe avec autant
d efprit que de favoir. Les femmes aimeront
toujours d’etre parees; S. Jérome appelle le beau
iexe philocofmon, le fexe amateur de la parure; &
il ajoute qu’il favoit beaucoup de femmes de la plus
grande vertu qui fe paroient pour leur feule fatisfa-
vra* avo^r deflein de plaire à aucun homme.
« L affection des femmes, dit-il à Démétrias,' efl fort
» imparfaite; car lorfque vous étiez dans le fiecle,
»> vous aimiez les chofes du fiecle ; comme de blan-
» chir votre vifage, de relever votre teint avec du
» vermillon, de firifer vos cheveux, & d’orner vo-
» tre tete de cheveux étrangers. L’objet de la paf-
! ll?.n folie des dames de qualité , continue-
I m ’ de rechercher k richeffe des diamans, la
» blancheur des perles pêchées au fond de la mer
*> rouge ,1e beau verd des émeraudes, & l’éclat des
* A^7/ntSJéromesdifent 1 uec’efltoujours
la meine chôfe -, & nous avons vit dans quelque au-
tre article , que ce goût naturel au fexe efl fort ex-
culable.
Fracajlor (Jerome ) poète & médecin du xvj. fiec
le , mourut d’apoplexie en 1553 , à 7 1 ans ; fa pa*
trie lui fit élever une ftatue en 1559. Ses ouvrages
ont été imprimés à Padoue en 17 3 5 , 2. Vol. iti-4 \
mais fon poème intitulé Syphilis,, méritoit feul cet
honneur».
Fratta ( Je an) poète italien véronois > du xvj. fie*
cle. On a de lui deséglogues médiocres , &unpoë*.
me héroïque, intitulé la Malüïde , auquel le Taflb
donnoit fon fuffrage ; mais la poftérité ne l ’a point
confirmé.
Guarini, natif de Vérone, a été l’un des premiers
qui ont rétabli les Belles-Lettres dans l’Italie au xv.
fiecle. Il mourut à Ferrare en 1460 ; fa tradudion
d une partie de Strabon, étoit bonne pour le tems;
mais fon nom a été encore plus illuftré par fon petit*.
fils, auteur du Paflor-Fido , poëme pafloral, qu’Aubert
le Miré a mis plaifamment au nombre des li*
vres de piété, croyant que^’étoit un traité théolo-
gique des devoirs des pafteurs.
Panvini ( Onupkre ) religieux de l’ordre de faint
Auguftin, dans le xvj. fiecle, étoit faVant littérateur,
comme il paroît par fes ouvrages fur les fades con-
fulaires, les fêtes- & les triomphes des Romains;
mais il n?ofoit avouer qu’il ignoroit quelque chofe,
par fa préfomption d’avoir des lumières dont les autres
manquoient. Il inventoit des infçriptions & des
monumens dont il fer voit à autorifer fes.fentiméns
ou fes rêveries.. Cette fraude découverte , a décrié
fes ouvrages, qui auroient été eftimables, s’ il eût eu
moins d’imagination, 6c fur-tout.s’il eût eu de la
bonne fo i; il èft mort en 15 7 8 , âgé d’environ 40
ans.
Noris (Henri ) l’un des favans hommes du x ^
fie c le , s’éleva par fon mérite au cardinalat. Il dut»
cette dignité à Innocent X II. qui l’employa en 1702
à la réformation du calendrier. Il mourut à Rome
en 1794» ^ lS ans ; toutes fes oeuvres ont été recueillies,
6c imprimées k Vérone en 17 2 9 , en 5 vol*
in-foL Oneftime beaucoup fon traité fur les époques
des SyroMacédoniens, ainfi que fon hifloire péla-
gienne, dont il donna la quatrième édition en 1702 .
Quand ce dernier ouvrage parut pour la première
fo is, il fut déféré au tribunal de l’inquifition, qui
heureufement étoit tout dévoué à l’auieur ; en forte
que ce livre non-feulement fortit de l’examen fans
flétrifliire , mais le pape Clément X . honora Noris
du titre de qualificateur du faint office. Ses ennemis
revinrent à la charge en 16 9 2 , 6c attaquèrent encore
fon hifloire pélagienne, mais fans fuccès; tous
les témoignages des examinateurs lui furent fi favorables
, que fa fainteté pour marquer à l’auteur fon
eftime particulière, le nomma confulteur de l’inqui-
fition, membre de toutes les congrégations, 6c bibliothécaire
du Vatican.
Staliger ( Jules-Céfar) critique, poète, médecin,
philofophe, 6c l’un des plus habiles hommes du xvj*
fiecle, naquit en 14 8 4 , au château de Ripa, dans le
territoire de Vérone. Il fe difoit defeendu des princes
de l’Efcale fouverains de Vérone, 6c qui s’y rendirent
formidables par leurs conquêtes; mais la gloire
de la naiffance de Scaliger lui fut conteftée, 6c les
lettres de nafuralité qu’il obtint en F rance, font entièrement
contraires à fa prétention , vu qu’il n’y
efl qualifié que médecin natif de Vérone : on trouvera
ces lettres dans le dictionnaire de B a y le , au
mot VÉRONE.
Scaliger efl mort à Agen le 2 1 OClobre 15 5 8 , à
75 ans ; fon traité de l’art poétique , fon livre des
caufes de la langue latine, & fes exercitations contre
Cardan, font fes trois ouvrages les plus eflimés.
M