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qu’on les a tirées de la carquaife, il ne faut plus pour
les mettre en état de vente que les réduire a l’épaif-
feur convenable St les p olir , ce qu’on appelle les
apprêter.
Avant que d’apprêter les glaces, on les équarrit,
■ pour s ’épargner la peine St la dépenfe de travailler
les parties qui les empêchent d’avoir la forme quar-
ré e , la feule reçue dans le commerce, St qui par-là
■ deviennent inutiles.
Il feroit fuperflu d’entrer dans le détail de la maniéré
dont on coupe les glaces pour les équarrir, ni
dans la defcription des outils qui fervent à cette opération;
on en doit être fuffifamment inftruit par ce
que nous avons dit de la façon dont on coupe les
tetes des glaces, fur le devant de la carquaife.
Pour faire un bon équarriffage, on doit avoir
deux attentions; i ° . de fe conferver le plus grand
volume ; a°. St de retrancher les défauts qui pourroient
occafipnner, ou caffe de la glace pendant le
travail, ou difficulté de vente.
Une précaution que l’on ne doit pas négliger,
c ’eft que la table fur iaquelle on pofe à plat les glaces
à équarrir foit bien de niveau & à la réglé , afin
que la glace portant fur tous fes points, éprouve le
coup de marteau fans fe caffe r.
On couvre la table d’une légère couche de fable,
pour que la glace brute y gliffe avec facilité, lorf-
qu’on veut ou la pouffer ou la retirer, ou la tourner
d’une bande à l’autre ; fans cette précaution on au-
roit beaucoup de peine, le brut étant fort pefant.
La table à équarrir doit être d’une hauteur à laquelle
on puiffe travailler avec facilité ; on la fait
ordinairement de vingt-fix pouces d’élévation. Il eft
inutile qu’ elle foit auffi longue ni auffi large que les
glaces qu’on a à équarrir, la bande qu’on coupe
étant toujours hors de la table. Une table de quatre-
vingt-dix pouces fur foixante, fuffit pour y réduire
les glaces les plus grandes à leur jufte volume.
Le moment le plus difficile de l’opération d’équar-
r i r , eft celui oit on couche la glace fur la table, fur-
tout fi elle eft grande.
On commence par la pofer de champ contre la
tab le , de maniéré qu’elle s’appuie également partout
fur le bord de celle-ci ; enfuite deux hommes
la prennent, un à chaque bout, l’enlevent d’un égal
mouvement, fans lui faire quitter la table, St tendant
à la pofer fur celle-ci. Pendant ce tems un troi-
fieme les favorife, en foutenant la bande de la glace
qui quitte la terre, St un quatrième de l’autre côté
de la table préfente fes bras à la bande qui penche
vers la table, pour la foutenir & l’ empêcher de pofer
trop vite ou inégalement, St même de vaciller.
Lorfque les glaces font équarries, c’eft le moment
de leur faire fubir le premier apprêt, connu fous le
nom général de douci, qui cependant n’appartient
proprement qu’à certains inftans de ce travail.
Les apprêts des glaces font un vrai traité de frottement,
c’eft par lui que tout s’y fait.
On commence par marquer les défauts que l’on
remarque dans la glace à travailler, & que l’on croit
pouvoir être emportés avec la partie qu’on eft obligé
d’u fe r, pour réduire le morceau à fon épaiffeur;
enfuite on fcelle la glace fur une pierre bien droite
& bien unie ; nous allons raifonnèr comme fi c’étoit
une petite glace, ou au-moins une glace de moyen
volume.
La pierre fur laquelle on fcelle, doit être proportionnée
au volume de la glace que l’on fcelle, & fi
elle déborde elle doit le faire à-peu-près de la même
quantité de toutes parts.
Cette pierre eft ordinairement placée dans une
caiffe de bois, qui la déborde de quatre ou cinq pouces
fur toutes les faces, au-deflus des bords de laquelle
elle eft- élevée par deux ou trois travelots fur
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lefquels elle pofe : la caiffe eft toujours pleine d’eau,
parce que l’ eau eft néceffaire à ce travail ; le tout
eft pofe fur des piliers de pierre, à une hauteur telle,
que l’ouvrier puiffe atteindre avec les bras’ à toutes
les parties de la glace, dans la fuppofition que nous
avons déjà faite, qu’ elle étoit de moyen volume.
La pierre avec fa caiffe prennent le nom de banc,
St les bancs fervant à fceller les moyens volumes fe
nomment bancs de motions, parce que l’outil employé
par l’ouvrier dans ce cas eft connu fous le
nom de motion, comme nous le dirons par la fuite.
Le fcellage confifte Amplement à tamifer fur la
pierre du plâtre cuit avec un tamis bien fin, & le
paîtrir avec de l’eau propre, ce qu’on appelle le gâcher.
Lorfque le plâtre eft bien gâché, qu’on le fent
par-tout également délayé, St qu’on l’a répandu fur
toute da furface de la pierre, on y pofe d’abord une
bande de la g la ce , St on laiffe bailler peu-à-peu l’autre
bande, jufqu’à ce que la glace foit à plat fur la
pierre, après quoi on remue un peu la glace fur le
‘plâtre, pour en infinuer également fous toutes fes
parties, St pour qu’il n’y en ait aucune qui porte à
faux ; enfuite on la place , on la laiffe en repos, le
plâtre feche, fe prend, St la glace eft ferme St foli-
de ; on fait des bords de plâtre autour de la glace
pour conferver ceux de cette derniere St la fixer
encore plus fermement en fa place ; on nettoye le
refte du banc, ainfi que la furface de la glace, qui
eft alors en état bien convenable pour être travail-
Une affez bonne précaution à prendre pour la perfection
du fcellage, c’eft dès que la glace eft pofée
fur le plâtre, d’y monter St de piétiner deffus, c’eft-
à-dire marcher fur toutes fes parties, en failant glif-
fer fes piés à côté l’un de l’autre. Par cette manoeuvre
on chaffè les particules d’air qui pourroient être
reftées entre la glace &c la p ierre, & on contribue
encore à diftribuer également le plâtre fous la glace.
Dès que la glace eft fcellée, l’ouvrier commence
à difpofer les outils qui lui font néceffaires pour la
travailler ; ils font en très-petit nombre.
Il fcelle une petite glace fur une pierre mince,
place cette glace fur celle de fon banc ( à ) , & pofe
deffus une molette qui s’y applique bien immédiatement.
La molette. Ce n’eft qu’une petite pierre quarrée
fort mince , encadrée dans un cadre de bois d'environ
trois ou quatre pouces de hauteur, qu’on remplit
de plâtre. A chaque coin de la molette & à fa fur-
face fupérieure eft une pomme de bois. L ’ouvrier
prend fucceffivement ces pommes, St par cette manoeuvre
fait tourner la molette, St conféquemment
la petite glace à laquelle elle eft immédiatement appliquée,
St qui pôle fur la levée. ( / )
Les figures donneront fur les formes des outils St
fur la maniéré de les employer, les éclairciffemens
qu’on pourroit delirer.
L ’ouvrier répand du fable à gros grains, ou pour
parler plus fimplement, du gros fable fur fa le v é e ,
avec une palette, petit outil de bois, plat, défigné
affez par ion nom. Il mouille un peu l’on fable, St
fait tourner fa molette fur tous lés endroits de la
levée. Les parties du fable ufent les parties de la glace
, St diminuent les inégalités. Lorfque le fable eft
ufé lui-même, on effaye la le vé e , St on remet de
nouveau fable, ce qu’on appelle donner une nouvelle
touche.
Si la levée eft ufée par le fable, la glace qui roule
deffus, & qui par cette raifon eft appel!èe defius,
s’ufe auffi, St s’apprête en même tems. Le deffus
s’ufe même plutôt que la levée, étant moins grand ;
car il doit toujours etre tel qu’il puiffe tourner entre
(A) Surface contre furface.
(/) Levée, glace lcell'ée lur le banc.
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ïa main de l’ouvrier, & fon corps : auffi emploie* b-
onplufieurs deffus pour apprêter une feule levée.
On doit avoir toujours attention de ne pas.travail-
ler brut contre brut ; les inégalités feroient trop
confidérables, St pourroient occafionner des caffes.
La molette du douciffeur, dont nous venons de
donner l’ufage, eft l’inftrument le plus léger qu’on
mette fur une le vé e , S t il fert feulement à acheminer
la le v é e , c’eft-à-dire, à ôter les inégalités les plus
confidérables. Lorfque l’ouvrier s ’apperçoit que fon
deffus roule bien St uniment fur la le v é e , à la molette
il fubftitue le moilon (m'), qui ne différé du premier
outil que par fa grandeur St par fon poids. On
place le moilon fur de plus grands deffus, & on le
fait travailler , .comme la molette, conduifant le
deffus fur toute la levée , effuyant la levée avec une
éponge, dès que la touche de fable eft ufé e , St re*
mettant une nouvelle touche.
Lorfque l’on n’apperçoit plus'aucun endroit brut
fur la le vé e , on dit qu’elle eft débrutie, St lorfqu’elle
eft à la réglé, on la dit drejfèe.
Lorfque le deffus eft allez diminué d’épaiffeur, on
le change, St on a toujours attention de travailler
les premiers les deffus les moins grands.
Quand la levée eft atteinte d’un c ô té , c’eft-à-dire
qu’on a fait difparoître les défauts auxquels on s’ap-
pliquoit, & qu’on la juge affez diminuée d’épaiffeur,
on la defcelle , c’eft-à-dire qu’on la décolle de deffus
le plâtre.
Avant que de defceller, on ufe la derniere touche
de gros faSle plus que les autres, dans la vue de rendre
égale par-tout la piquure que le gros fable laiffe
fur la glace.
Pour parvenir au défcellage , on commence par
défaire les bords. On infinue la lame de deux couteaux
entre la pierre St la glace, de telle forte que
les couteaux foient du même côté , & ne foient pas
affez diftans entr’eux pour fe contredire dans leur action.
On donne par-là paffage à l’air au-deffous de la
glace, St on continue la même manoeuvre tout-autour
de la le v é e , jufqu’à ce que l’on la voie abfolu-
ment détachée de la pierre. Il fuffit, fur-tout quand
une glace eft grande, de la décoller de la pierre en
un grand nombre d’endroits , St alors l’ouvrier, en
la tirant ou en la pouffant avec force , achevé de l’arracher
de deffus le plâtre.
Lorfque la glace eft defcellée, on l’enleve de deffus
la pierre, St on nettoie bien la levée St la pierre.
Enfuite on la refcelle de la maniéré que nous avons
indiquée, mettant fur le plâtre le côté atteint, & on
travaille à fon tour" le côté brut, en manoeuvrant
comme on a fait pour le premier côté.
A ce fécond fcellage il eft inutile de piétiner fur
la levée'; la furface qui touche le plâtre, étant affez
unie pour le toucher également par-tout fans cette
précaution..
Apres que le fécond côté a été paffé au gros fable,
b glace eft à l’épaiffeur qui convient à fon volume,
& en meme tems elle eft autant exempte de défauts
que le travail peut la rendre. Il ne s’agit plus que
d enlever la piquure groffiere que le gros fable a laif-
fee fur les furfaces.
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Ôn la corrige en paffant au lieu de fable dou*, dê
1 emeril groffier.
r m •c^re Sue l’on a continuellement lé
loin d effiiyer la levee avec une éponge propre .
avant que/, de mettre une nouvelle touche, foit de
labié doux, foit d’emeril.
Lorfque l’on ne reconnoît plus à la glace de p i.
quure de fable doux-, on deucit l’émeril .comme l’on
a fait le fable doux,
On corrige la piqiiürè, ;du premier éméril en en
palfant d une fécondé efpece plus fine que la première
, qu’oil doucit auffi lorfqu’elle a abiolument effa-
ce la piçjuure du premier émeril. Enfin on reSifie lé
fécond emeril par un trmfieme encore plus fin que lé
fécond j que l’on travaille comme les deux premiers.
Alors ce côté a reçu toutes les préparations qui dé^
pendent du douciffeur.
On defcelle la le v é e , pour paffer au fable dou^
6c aux emerils, le côté qui étoit fur le plâtre & qui
n’avoit.encore reçu que i|ii ,gros fable. Lorfque les
deux côtés ont été ainfi travaillés, il eft queftion da
les polir.
On connoit affez l’émerit, pour que je me difpen-
fe d en parler fort au long ; je dirai feulement un mot
de la maniéré dont on en obtiènt de plus ou moins
fin. 1 On le met dans un vafe oli on le délaie dahs de
1 eau; on laiffe enfuite repofer l’eau quelque tems.
Les parties les plus groffieres St les plus pefantes
tombent au fond, & celles qui font plus fines, font
encore retenues par l’eau. On tranfvafe celle-ci dans
un autre vaiffeau, oh l’on la laiffe repofér plus long*
tems. Alors les parties plus fines fe dépolent à leur
tour, & l’on a de l’emeril de deux efpeces. Si l’on en
veut d’une troifieme, on délaie le fécond , St en
agiffant, comme l’on a déjà fait, on a encore un nouvel
emeril plus fin cjue les deux premiers.
Pendant que ies emerils font encore humides, on
les façonne en boules communément nommées pelotes
, dont on frotte fur les levées, lorfqu’on s’en
fert.
g Je ne me fuis étendu fur la defcription d’aucun ou*
til, n’y en ayant aucun affe.z compliqué pour que
l’infpeétion de la figure ne fuffife.
On conduit le travail des deffiis comme celui des
levees, ne les employant à paffer du fable doux que
lorfqu’ils ont affez paffé au gros fable, &c<
Il y a quelque différence entre la travail des grandes
glaces & celui des petites. Les premières felcel*
lent fur de très-grandes pierres, fur léfquelleson peut
en affembler plufieurs. Deux ouvriers travaillent fur
ces bancs.
Le fcellage eft de même ; il demande feulement
des précautions plus exactes, parce qu’on a à manier
des morceaux plus confidérables. Les moilons ne
Servent qu’à paffer quelques touches de gros fable
fur les joints des glaces, qu’on a fcellées enfemble
pour les égalifer St les unir. On fubftitue au moilon
une table fur laquelle on fcelle le deffus ; mais comme
les deffus de ces fortes de levées font fort grands,
St confequemment difficiles à manier, on pofe le def*
fus fur la levée, St on fcelle la table fur le deffus, au
lieu de fceller le deffus fur la table. On a attention
que ladite table ne déborde pas le deffus plus d’un
côté que de l’autre.
Les planches qui forment la table, font réunies
par des trawïots fur lefquels elles font clouées. A
chaque extrémité de ladite table font deux chevilles
par lefquelles les ouvriers la prennent, tant pouf
l’enlever de deffus la levée , que pour defceller le
deffus ; St vers chaque bout de la table font deux
courbes de bois percées chacune d’un trou. Sur cette
table eft pofée une roue de bois léger, qui a ordinairement
104 pouces de diamètre,St eft compose