753 B
refiis de cette efpece ; que l’on juge dè ce qui doit
arriver à des gens de lettrés de moindre confidé-
ration.
Mais en général, il y a des pays oii cette dureté
eft rare. En France , par exemple, où l’on a plusieurs
bibliothèques pour la commodité du public,
on y eft toujours parfaitement bien reçu , 6c les
étrangers ont tout lieu de fe louer de la politeffe
qu’on a pour eux. Gronovius mandoit au jeune
Heinfius , que fon ami Vincent Fabricius lui avoit
écrit de Paris , que rien n’égaloit l’humeur obligeante
des François à cet égard.
Voflius éprouva tout le contraire en Italie. Ce
n’ eft pas feulement à Rome que l ’entrée des bibliothèques
eft difficile, c’eft la même chofe dans les autres
villes. La bibliothèque de S. Marc à Venife eft
impénétrable. Dom Bernard de Montfaucon raconte
que le religieux Auguftin du couvent de la Carbon-
naria à N aples, qui lui avoit ouvert la bibliothèque
de ce monaftere , avoit été mis en pénitence pour
récompenfe de cette aftion.
M. Menchen eft un des modernes qui a déclamé
avec le'plus d’indignation contre les bibliotaphes ;
c ’eft ce qui paroît par fa préface à la tête de l’édition
qu’il a procurée du traité de Bartholin , de llbris le-
gendis. Ceux qui font en état de former des bibliothèques
, ne feront pas mal de le confulter 6c de fui-
vre les maximes qu’il y donne , pour s’en fervir utilement
; la principale eft d’en faire ufage pour foi, &
pour les autres , tant en leur fourniffant de bonne
grâce les recueils qu’on peut avoir fur les matières
qui font l’objet de leur travail, qu’en leur prêtant
tous les livres dont ils ontbefoin. Difons à l’honneur
des lettres & des lettrés, que la plus grande partie
des gens à bibliothèques font de cette humeur bien-
faifante , 6c que pour un Saldierre on compte plu-
fieursPinelli,Peirefc&de Cordes. Ce dernier pouffa
l’envie de rendre fa bibliothèque utile jufqu’à ordonner
par fon teftament qu’ elle ne fût pas vendue
en d étail, mais en gros, 6c mife en un lieu où le public
fut à portée de la confulter.
M. Bigot avoit pris la précaution d’ordonner la
même chofe ; mais il a été moins heureux que M. de
Cordes , dont la bibliothèque paflà toute entière à
M. le cardinal Mazarin , qui n’épargna pas lés dé-
penfes pour y mettre tous les bons livres qui y man-
quoient. Naudé, qui étoit chargé du détail de cette
bibliothèque , fit exprès plufieurs voyages en Allemagne
6c en Italie pour y acheter ce qu’il y avoit
de plus ra re , & il eft aifé de concevoir qu’elle reçut
dans fes mains des accroiffemens conüdérables.
Tant de foins devinrent cependant inutiles par les
guerrts de la fronde pendant la minorité de Louis
X IV . Le parlement qui ne cherchoit qu’à fignaler fa
colere contre le premier miniftre , fit faifir là bibliothèque
, 6c ordonna par un arrêt du 8 Février 165 2
qu’elle fût vendue à l’encan. Naudé au défefpoir de
voir toutes fes peines perdues, repréfenta vainement
à la cour le tort que caufoit aux lettres le démembrement
de cette bibliothèque. Le parlement refta inflexible
, 6c fes ordres furent exécutés.
Les favans ont peint avec de vives couleurs le
procédé du parlement. L’abbé de Marolles en dit ce
<ju’il,en penfe dans les remarques qu’il joignit à la
traduction de V irg ile , mais la violence des tems
l ’obligea de fupprimer fes réflexions chagrines. « Ce-
» la n’empêcha pas néanmoins, ajoute-t-il, que dans
*» l’une de mes épîtres dédicatoires ( à M. le duc de
j» Valois) je ne difl'e que S. A. étant un jour touchée
» de cet efprit délicat des mules, qui produit dans
» Famé tant de douceurs, elle aimeroit un jour nos
9* ouvrages auxquels1 elle deftineroit de grandes bi-
bliotheques en la place de celles qui. yenoient
B
» d’être détruites ; 6c certes les Van dales & les Goths
» n’ont rien fait autrefois de plus barbare ; ce qui
» devroit porter quelque rougeur fur le front de
» ceux qui y donnèrent leurs luffrages ».
BIBLIOTHEQUE de Bâle , ( H i(i. Liuérat. ) nous
avons la defcription moderne de cette bibliothèque
par un homme bien capable d’en juger , le favant
M. de la Croze ; voici ce qu’il nous en dit.
« La bibliothèque publique de Bâle eft belle pour
» le pays ; mais elle ne peut pas être comparée à un
» grand nombre de bibliothèques de Paris , pour le
» nombre & pour la rareté des livres. On n’a prefque
» rien à Bâle que des éditions du fiecle paffé (le feizie-
» me) , les éditions des peres d’Angleterre 6c de Paris
» n’y font point ; 6c fi l’on excepte la bibliothèque des
» peres de Lyon, les conciles du Louvre, & quelques
» éditions deFroben, il n’y arien dont on puiffe faire
» une grande eftime. Il n’en eft pas de même des
» manufcrits , il y en a de fort beaux & de fort an-
» ciens.
» J ’y ai vu entr’ autres une bible du neuvième
» fiecle en trois volumes in-folio. Elle eft belle, mais
» elle a été négligée , 6c il y manque quelques M
» vres de l’Ecriture, entr’autres les pfeaumes. Le
» fameux paffage de la Trinité dans l’épître de faint
» Jean ne s’y trouve point, non plus que dans la
» plupart des autres manufcrits grecs 6c latins de ce
» tems-là. Il y a auffi deux volumes in-40. du même
» fiecle , dont chacun comprend les quatre évangé-
» liftes en latin, avec les canons d’Eul'ebe 6c la pré-
» face de S. Jérôme. On ne peut rien voir de mieux
» écrit que ces deux livres , l’un eft entier 6c affez
» bien confervé, 6c l’autre fort défeâueux , quel-
» qu’un ayant coupé les feuilles par où commencé
» chacun des évangéliftes.
» Je ferois trop long fi je parlois de tous les ma-
» nuferits qui font dans cette bibliothèque ; mais com-
»' me il n’y a guere eu d’étrangers qui les ait tant
» vus que m o i, 6c que même les gens du pays les
» cônnoiffent peu j ' j’ajouterai encore quelques li-
» gnes à ce que j ’ai dit. M. Patin qui a vifite autre-
» fois cette bibliotheqiie, n’ en ayant parlé que fuper-
» ficiellement, & n’y ayant prefque remarqué que
» ce qui étoit le moins digne de l’être.
» On ne peut rien voir de fi beau qu’un S. Au-
» guftin, forma quadratoe. Il eft écrit par verfets ,
» ce qui faifoit autrefois toute fa diftinûion , mais
h depuis on y a ajouté des points 6c des virgules.
» Ce manufcrit eft du v iij. fiecle. Il y en a d’Ifidore
» de Séville du ix. fiecle, & de quelques peres moins
>> çonfidérables par leur rareté , que par leur anti-
» quité. Le texte grec des évangiles in-40. dont parle
» M . Patin, eft fans doute beau , mais il a eu tort
» de le faire de la même antiquité que les épîtres de
» S. Paul de l’abbaye de S. Germain ; il eft plus ré-
» cent de cent ans pour le moins , 6c eft peut- être
» du viij. fiecle.
» Il y a un manufcrit dans la même bibliothèque,
» qui contient tout le nouveau Teftament dans un
» ordre différent de celui qu’on fuit d’ordinaire. Ce
» manufcrit eft moins ancien que celui dont je viens
» de parler. Le jugement de la femme adultéré n’ eft
» point dans le texte , quoique le copifte l’ait ren-
» vo y é à la fin du manufcrit où il fe trouve avec
» cette remarque , qu’on ne le trouvoit que dans
» peu de manufcrits. Il eft néanmoins tout entier
» dans l’autre manufcrit qui eft plus ancien ; mais
» le copifte y a ajouté de gros aftériques à la marge,
» à-peu-près de cette forme *. Le 7e verfet du Chd-
» pitre v . de la I. épître de S. Jean ne s’y rencontre
» point. Il y a plufieurs manufcrits grecs de S. Jean-
» Chryfoftôme, de S. Athanafe , des commentaire»
» fur
M fur la, Genèfe tirés des .anciens pères qu’ on
» nomme ordinairement entente.
» Je^ne .dois-point oublier ici un beau pfeautier
, w ln~4 • écrit en 'grec par un latin qui y a ajouté
» une traduction latine interlinéaire,: le latin eft écrit
« correctement, mais le grec qui eft écrit .fans ,ac-
f » cens eft plem de fautes . . . . . . Après cela île que
» J ai vu dé plus curieux eft un manufcrit fort ré-
.» cent,contenant un.traité,:du patriarche Photius,,
é . , qui n’eft point, imprimé, à-moins qu’il
" e e tpi1 tiaus fes épîtres ; 'plufieurs difeours. &
- ? >erm°a s 'd’Euftâthe „ archevêque de Theffaloni-
» que, forment un .autre manufcrit plus-ancien écrit
■ " (aJ “ u papier, & fort difficile-à-lire. J ’y ai VU en-
i ™ ltres un "difeours qui porte ,ce titre , sén aM i
» n i ni
•?c Pfifoye.-qu’Euflatbe a .fait des commèé-
» foires fur Pinclare, dontjen’ai point ouï dire'qu’on
. » eut de connoiffan.ee. On trouve dans le même ma-
.» nuferit-des oraifons fhnebres. de quelques em-
.» pei-eiirs de Çqnftantinople, & plufieurs difeours
.» q u i .pourraient peut-être .fervir à I’hiftûire de ces
» tems-là: :
j y> m Y a dans la même bibliothèque divers auteürs
» claffiques manufcrits, comme Thucydide grec
.» avec les fcholies anciennes , ; duquel Camérarius
.» s’ eft fervi pour l’ édition latine qu’il a donnée de
.» cet auteyr ; un Sallufte in-4 0. du ix. fiecle d’une
» beauté admirable. Quelques Virgiles, & quel-
” ques O vides anciens : deux Horaces manufcrits
» vieux de cinq à fix cens ans. Ils font tous remplis
de fcholies marginales & interlinéaires , de peu de
.» valeur-. 8 . . M. Patin parle d’un V irgile ; c’eft un
» manufcrit moderne, qui n’eft Confidérable que
.» par la bea.ute de l’ecriture 6ç des ornemens qu’on
» y a prodigués,.^
» Ceux qui y chercheront l’aleoran écrit fur du
» papier-de-la Chine , dont Miffon parle dans fes
.» voyage s, perdront leurs peinés. L ’alcoran .dont
,-» il s'agit eft écrit fur du papier oriental comme
>> tous-les autres, 6c ce n’eft pas une piece rare . . . .
» Entre le s manufcrits modernes que j ’y ai vus eft
» une hiftoire,^de. Saladin in fol. écrite en arabe &
» traduite 'en latin par un favant de Bâle, qui fe nom-
:>y moit M. Harder. . . . . Le cabinet d’Amerbach fe
*> conferve dans la même bibliothèque.
I ” W y a pliifieurs médailles 6c plufieurs tableaux
h d’HOlbein dans le même lieu , &e. J ’y ai vu une
» traduction d ’un traité de Plutatque de la main
» d’Erafme : fon teftament écrit auffi de fa main ; &
» une permiffion qu’il avoit obtenue de manger de
» la viande toute fa vie.
» Entre les ouvrages de la nature & de l’art que
» l’on garde dans ce cabinet, ce qui m’a frappé da-
» vantäge eft une groffe piece de plomb que l’on a
» trouvée depuis, quelques années dans un pré , en
>> un endroit où-l’herbe necroiffoit point, & où l’on
>> fouilla pour en dccouvrir la raifon. C’eft, félon
» les apparences, un poids ancien : il y a deffus cette
» infeription, Societat. S . T. Luc. Ret. Ce morceau
» de plomb pefe prodigieufement, & beaucoup plus
» que ne doit pefer une piece d’un volume égal à
» celui-là ». Hifioire de U vie & des ouvrages de M de
la Cro{e. (D . J . ) 6
BIBLIOTHEQUE de Vienne. ( Hiß. Littéraire. )
Lambecius ^(Pierre) né à HambbUrg en r6x8, &
mort en-i68o, nousa donné le Vafte catalogue de la
Bibliothèque de-Vienne.
. Cet ouvrage eft en huit volumes in-folio- ,îqui ont
paru fucceffivement depuis l’-année 166:5 jufqu’en
9 > f ° us le titre de commenturiortan de aupittifRmâ
libliothccd Ooefarcâ Vindobonenfi, lib. I . 1 1 . & c . i,e
premier contient I’hiftoire générale de la bibliothèque;
il eft divifé en deux, parties; dans la première
Tome X V I I . ■ ‘
non julqu'au tems ah ifé e n t - ; & i l parie-de tous
ceux qui font précédé dans-la "garde de Cette biblio-
■ E M H g ! Jt dpnnejdUffi une idéègénérale dés mé-
',d ad le sd on tilfp e c lfie ïesp lu sïare s;& il fait ladef-
cription d un tombeau frês-âneien qu’on découvrit'à
vienne en i66x. Dans la fecon'de pàrtie il-traite de
' iept-manufents quiTanr Artis'h-bibliothèque de ’Vien-
ne, d un, ouvrage de'Grégoire de Nice id e creatione
.ç 'u 'e i* ’ ildotine-trois’ le tt ré sId é |% Holftenius’-à
Scbaflien Teiignagel ;tbibliothét}uaire d e l’empérëur
' en “ 3 ° , o u i on trouvee'ntie-atitres-chofes ünë noti-
-ce des hvres-arabes & fyridqttes imprimés à Rome.
11 corrige auffi le catalogue que Poffevin apùblié-dés
manutents. grecs-de la bibliothèque’ impériale. Il
-parle du feul manufcrit -qb’dn'ait de l’hiftoir-è'eeclé-
-fmftique de-NicephoreiCatlîfte ; il "donne Un catald-
-gue.'des ’manufcrits hébreux, arabes & turcs qui s’y
trouvent.Ce.'premiertome.pafctfénfiéfe. ’ ■
■ -Lq fécond nit publié-Vn 166p. I.’auteur y fait'des
■ recherches,fin le'noiii. de-la ville dé Vienne. Il y
.parle de’quidques manufcrits concefnànt-cefte villë"
■ des livres,delà bibliotheque désarchiddes au-Tyrd!
,qiu avoient été tranffiorüés'dans w lte de Vienne.
, , Je neffais oiife'p. Niceron a pris-les livres de la bi-
bliarhejue de Bude, tranfportés ;dès-iorsd Vienne;
quoiqiiüls n’y aient été remis que près de dîx-fept
ans après;’ mais cet auteur a confondir la rélaWoti
que .Lambecius a faite ddns-le-chapitre IX . de de 'ti-
cond livre ce ton Voyage de Bude. Le-tfoifiémè iiv
r e parut en .*670,; le qiiwriemé eh 16 7 1 & le ciücuieme
en 16 7 1 . Il siigit dans ces trois- livres des
'manufcrits.grecs.de théologie,- dont Lambecius donne
unenotice e x a a e '& ’-detaillée. Il marqbe lès ouvrages
qui,font véritablement des autèùrs dont ils
portent le nom, & ceux quiîfont fuppolës ; cérfxqui
ont etc imprimes &l ceux qui »’ont pas encore parut
tout cela accompagne de remarcues'fur les auteurs
.fur les éditeurs, fur l’tlfage qu’b'n peut tirer dés ma-
ntiferits dont il parle. - .
L e f i x i o n s l i v r e q u ’i l p u b lia en ïS'73 , t r a it e d e i
m a n a fç r it s 'g r e c s d e ju r ifp r iid ê ijc e & d è m é d e c in e .
O n ÿ t r o u v e d o u z e le t t r e s d e L ib a n iu s à A rrft'é lïè ïfe ,"
q u e L u c l lo î f t e n iu s lu i a v o i t a u t r e fo is e n v o y é e s c o p
ié e s fu r Un m a n u fc r it d u V a tic a n v in g t -d e u x ’lé t -
t r e s q u e l e m êm e H o ift e n iu s a v o i t é c r i t e s à L am b e -
•c iu s ’d àn s f a je ü n e f fe i'C é t a i -C i y à a jo u t é d e s r em a r q
u e s . 1 :
, Le feptieme livre partit êSi 16 7 ? ; il y eft qitè'fi
tion des manufcrits grecs de 'pbilofophîe. Parmi lés
additions on trouve un 'ouvrage du p. Profpèr In-
tercetta, jéfoitè & pfocüréitr dés miflïohs à la Chiné
en 1667 , tk h Goa en 1669. Le huitième livre qui
parut en 16 7 9 , traite des manufcrits-gréés fur l’hifi
toire eccléflaltique.
Voici le plan de ceî immenfe ouvrage tel que
Lambeciuslui-même l’a donné. Dans la fécondé iiai'-
-tie du livre VIII. il devoit parler des manufcrits
fr e c s fo r l’hiftoire prôfàhe. Dans lé breuvieme", déS
.manufcrits-grecs de philologie. Il deibnoit les fix K,
vres luivans aux manufori'ts-'latins; italiens, efpa-
gnols , françois & allemands, fur toutes les fciences
dont il avoit produit les manufcrits grecs. Le feizie-
me étoit,pouV tes manufcrits oriéhtanx ; ’è>è ft-à ,à re
hébreux,-fyriaqttes, arabes, turcs, perfa'ns, Chinois’
fur toutes fortes de'matières. Dans lè dix-fèptiemêî
IVnteur-devoit,donner une lifte de trois mille méî
'd'aines & d’autres raretés ou antiqunés qui embellift
fent la bibliothèque de Vienne. L e dix-buitieme étoit
pour un recüeil de mille tettres choifies, écrites pendant
le Xvj. & iv i j. fiecle, foit aux bïbliothéqùaireS
de l’emperem-., foit par ceux-ci à diversfavâns. Les
fix livres fuivans étoiem deftinés à donner le cata-
logue des bvres imprimés én toutes le'sfei'eitcês, Eu-
D D d d d