
on ne peut douter que les planètes du premier ordre
ne fe meuvent autour du foleil par la même caufe.
En comparant enfuite les périodes des diverfes planètes
avec leur diftance du foie,il, il trouva, que li
une force telle que la pefanteur les retient dans leurs
cours, cette aftion doit diminuer dans la raifon in-
verfe des quarrés des diftançes. Il fuppofa dans ce
cas*, qu’elles fe meuvent dans des cercles parfaits ,
concentriques au fo le il, 8c les orbites de la plupart
ne different pas effeâivement beaucoup du cercle.
$uppofant donc- que l’ aôion de la pefanteur, étendue
jufqu’à la lune, décroît dans la même proportion
, il calcula fi cette aélion feroit fuffifante pour
rete nir la lune dans fon orbite.
Comme il n’avoit point de livres avec lu i, il
adopta dans fon calcul celui qui étoit en ufage parmi
] e s Géographes 8c parmi nos mariniers, avant que
jvjorwood eût mefuré la terre; c’eft que foixante
m illes anglois font un degré de latitude farda farface
du glohe. Mais comme cette fuppofition eft fauffe ,
c haque degré contenant environ 69 demi-milles,
fo n calcul ne répondit pas à fon attente ; d’où il conclut
qu’il falloit du-moins qu’il y eût quelque autre
caufe , outre l’aâipn de la pefanteur fur la lune ; ce
qui le'fit réfoudre à ne pouffer pas plus loin dans ce
tems-là , fes réflexions fur cette matière.
Mais,quelques années après, une lettre du do-
élêur Hooke l’engagea à rechercher, félon quelle
ligne un corps qui tombe d’un lieu é le vé , defcend,
en faifant attention au mouvement delà terre autour
de fon axe. Comme un tel corps a le même mouvement
que le lieu d’où il tombe par une révolution de
la te r re , il eft confidéré comme projetté en-avant,
& en même tems attiré vers le centre de la terre.
Ceci donna occafion à M. Newton, de revenir à fes
anciennes méditations fur la lune.
Picart venoit de mefurer en France la terre , 8c
en adoptant fes mefares, il parut à M. Newton que
la lune n’ étoit retenue dans fon orbite , que par la
force de la pefanteur ; 8c par conféquent, que cette
force en s’éloignant du centre de la terre, décroît
dans la proportion qu’il ,avoit auparavant conjecturée.
Sur ce principe, il trouva que la ligne que décrit
un corps qui tombe, eft une ellipfe, dont le centre
de l,a terre eft un des foyers. Et comme les planètes
du premier ordre tournent autour du foleil
dans des orbites elliptiques, il eut la fatisfa&ion de
voir qu’une recherche qu’il n’avoit entreprife que
par pure curiofité, pouvoit être d’ufage pour les
plus grands deffeins. C’eft ce qui l’engagea à établir
une douzaine de propofitions relatives au mouvement
des planètes du premier ordre autour du fo-
ieîl.
Enfin, en 1.6,87 » M- Newton révéla ce qu’il étoit;
8c fes principes de philofophie virent le jour à Londres
, in-40. fous le titre de philofophia naturalis
principia mathimatica. Il en parut une fécondé édition
à Cambridge en 17 1 3 , in-4®. avec des additions
8c des corrections de.l’auteur, & M . Cotes eut
foin de cette édition. On en donna une troifieme
édition à Amfterdam, en 1 7 14 , i/2-40; La derniere
beaucoup meilleure,que les précédentes, a été faite
à Londres en 17 26 , in 40. fous la direction du docteur
Pemberton. .
Cet ouvrage, dit M. de Fontenelle, oii la plus
profonde géométrie fe.rt de bafe à une phyfique toute
nouvelle, n’eut;pa$,d^bord tout l’éclat qu’ il méri-
to it, 8c qu’il dey.oit .^voir un jour. Comme il eft
'écrit très-favamment, que les paroles y font fort
épargnées, qu’affez.fouvent les conféquençes y naif-
ient rapidement des .principes, & qu’on eft obligé à
fuppléër de foi-mêtne tout l’entre deux ; il falloit que
le public eût le l’pifir de l ’entendre, Les grands geo-
metres n’y parvinrent qii’en l’etudiant avec foin ;
les médiocres ne s’y embarquèrent qu’excites par
le témoignage des grands ; mais enfin , quand le li-
yre fut faffilamment connu, tous ces ftiffrages qu’il
avoit gagnés fi lentement, éclatèrent de toutes parts
8c ne formèrent qu’un cri d’admiration. Tout le
monde fat frappé de l’efprit original qui brille dans
l’ouvrage de cet efprit créateur, qui dans tout l’ef-
pace du fiecle le plus heureux, ne tombe guere en
partage qu’à trois ou quatre hommes pris dans toute
l’étendue des pays favans. Aufli M. le marquis de
' l’Hôpital difqit que c’étoit la production d’une intelligence
célefte, plutôt que celle d’un homme.
Deux théories principales dominent dans les principes
mathématiques, celle des forces centrales, 8c
celle dé la réfiftance des milieux au mouvement •
toutes deux prefque entièrement neuves , 8c traitées
félon la litblime géométrie de l’auteur.
Kepler avoit trouvé par les obfervations céleftes
de Ticho Brahé 1. que les mêmes planètes décrivent
autour du fole il, des aires égales en des tems égaux;
2. que leurs orbites font des ellipfes, le foleil étant
dans le foyer commun ; 3. qu’en différentes planètes
les quarrés des tems périodiques , font en raifon des
cubés des axes tranfverfes de leurs orbites. Par le
premier de ces phénomènes., M. Newton démontra
que les planètes font attirées vers le foleil au
centre ; il déduifit du fécond, que la force de l’at-
traâibn eft en raifon inverfe des quarrés des. di-
ftances des planètes de leur centre ; 8c du troifieme,
que la même force centripète agit fur'toutes les
planètes.
En 1696 , M. Newton fut créé garde des mon-
noies, à la follicitation du comte d’Hallifax, protecteur
des favans, 8c favant lui-même, comme le font
ordinairement la plûpart des feigneurs anglois. Dans
cette charge, Newton rendit des ferviçes important
à l’occafion de la grande refonte, qui fe fit en ce
tems-là. Trois années après, il fat nommé maître
de la monnoie , emploi d’un revenu très-confidéra-
ble , & qu’il a polfédé jufqu’à fa mort. On pourroit
croire que fa charge de la monnoie ne lui conyenoit
que parce qu’il étoit excellent phyficien ; en effet,
cette matière demande fouvent des calculs difficile
s, outre quantité d’expériences chimiques, & il
a donné des preuves de ce qu’il pouvoit en ce genre,
par fa table des effais des monnoies étrangères , im?
primée à la fin du livre du doâeur Arbuthnot. Mais
il falloit encore que fon génie s’étendît jufqu’aux
affaires purement politiques, 8c où il n’entroit nul
mélange des fciences fpéGùlatives.
En 16 9 9 , il fut nommé de l’académie royale des
Sciences de Paris. En 17 0 1 , ijfu t pour la fécondé
fois choifi membre du parlement pour l’univerfité
de Cambridge. En 1703 , il fut élu préfident de la
fociété ro y a le , & l’a été fans interruption jufqu’à fa
mort pendant vingt-trois ans. Il a eu le bonheur,
comme le dit M. de Fontenelle , de jouir pendant fa
v ie de tout ce qu’il méritoit. Les Anglois n’en hor
norent pas moins les grands talens, pour être nés
chez eux ; loin de chercher à les rabaiffer par des
critiques injurieufes ; loin d’applaudir à l’envie qui
les attaque, ils font tous de concert à les élever; 8c
cette grande liberté qui les divife fur des objets c!i#
gouvernement c iv il, ne les empêche point de iç
réunir fur celuirlà. Ils (entent tous, combien la gloire
de l’efprit doit être précieufe à un é ta t, 8c celui qui
peut la procurer à leur patrie, leur devient infiniment
cher.
« Tous les favans dfan pays qui en produit tant;
» mirent M. Newton à leur tête par une efpece d’acr
;3> clamation unanime, 8c le reconnurent pour, leur
» chef. Sa.phil.ofQphie domine dans tous les excel»
» lens ouvrages qui font fortis d’Angleterre, comme
V O L
» fi elle étoit déjà confacrée par le refpeft d’une lon-
„ gue fuite de fiecles. Enfin, il a été révéré au point
» que la mort ne pouvoit plus lui produire de nou-
,, veaux honneurs; il a vu fon apothéofe.
» Tacite qui a reproché aux Romains leur extrè-
» me indifférence pour les grands hommes de leur
» nation, eût donné aux Anglois la louange toute
y, oppofée. En vain, les Romains fe feroient-ils ex-
» culés fur ce que le grand mérite leur étoit devenu
» familier; Tacite leur eût répondu , que le grand
» mérite n’étoit jamais commun ; ou que même il
» fau droit, s’il étoit poffible, le rendre commun par
» la gloire qui y feroit attachéè ».
En même tems que M. Newton travailloit à fon
grand ouvrage des principes , il en avoit un autre entre
les mains, aufli original, aufli neuf, moins général
par fon titre, mais aufli étendu par la maniéré
dont il devoit traiter un fujet particulier. C’eft fon
Optique , ou Traité des réflexions , réfractions, inflexions
, 6* couleurs de la lumière. Cet ouvrage pour lequel
il avoit fait pendant le cours de 30 années, les
expériences qui lui étoient néceffaires, parut à Londres
pour la première fois en 1 7 0 4 , in-40. La fécondé
édition augmentée, eft celle de 1 7 1 8 , in-8°.
& la troifieme de 1 7 2 1 , aufli in-8°. Le doâeur Samuel
Clarke en donna une traduâion latine fur la
première édition , en 1706 , in-40. & far la fécondé
édition en 17 19 aufli in-40. La traduction françoife
de M. Cofte , faite fur la fécondé édition, a été imprimée
à Amfterdam en 17 2 0 , en 2 vol. in-12 ,
L’objet perpétuel de l’optique de M. Newton , eft
l’anatomie de la lumière , comme le dit M. de Fontenelle.
L’expreflion n’eft point trop hardie, ce n’eft
que la chofe même : un très-petit rayon de lumière
qu’on laiffe entrer dans une chambre parfaitement
obfcure , mais qui ne peut être fi p e tit, qu’il ne foit
encore un faifeeau d’une infinité de rayons, eft di-
vifé, difféqué, de façon que l’on a les rayons élémentaires
qui le compofoient féparés les uns des autres,
& teints chacun d’une couleur particulière, qui
après cette féparation ne peut plus être altérée. Le
blanc dont étoit le rayon total avant la diffeâion,
réfultoit du mélange de toutes les couleurs particulières
des rayons primitifs.
« On ne fépareroit jamais ces rayons primitifs 8c
» colorés, s’ils n’étoient de leur nature tels qu’en
» paffant par le même milieu, par le même prifme
» de verre, ils fe rompent fous différens angles, 8c
» par-là fe démêlent quand ils font reçus à des dif-
» tances convenables. Cette différente réfrangibili-
»> té des rayons rouges, jaunes, ve r ts, bleus, vio-
» lets, 8c de toutes les couleurs intermédiaires en
» nombre infini (propriété qu’on n’avoit jamais
» foupçonnée, 8c à laquelle on ne pouvoit guere
# être conduit par aucune conjeâure ) , eft la décou-
» verte fondamentale du traité de M. Newton. La
» différente réfrangibilité amene la différente réfle-
» xibilité.
» Il y a plus, les rayons qui tombent foiis le mê-
» me angle fur une farface, s’y rompent, 8c reflé-
» chiffent alternativement ; efpece de jeu qui n’a pu
» être apperçu qu’avec des yeux extrêmement fins,
» 8c bien aidés par l’efprit. Enfin, 8c fur ce point
» feul, la première idée n’appartient pas à M. New-
» ton ; les rayons qui paffent près des extrémités
» d’un corps, fans le toucher, ne laiffent pâs de s’y
» détourner de la ligne droite, ce qu’on appelle
» inflexion. Tout cela enfemble forme un corps
» d’optique fi neuf, qu’on peut déformais regarder
» cette fcience comme entièrement dûe à l’auteur ».
M. Newton mit d’abord à.la fin de fon optique,
deux traités de pure géométrie ; l’un de la quadra-
ture des courbes, l’autre un dénombrement des lignes,
qu’il appelle du troifleme ordre. Il les en a retranchés
Tome X F l l ,
V O L 633
depuis, parce que le fujet en étoit trop différent de
celui de l’optique, 8c on les a imprimés à-part quelques
années après. Ce ne feroit plus rien dire, que
d’ajouter ic i, qu’il brille dans tous fes ouvrages une
haute & fine géométrie qui appartenoit entièrement
à M. Newton.
En 1*705 , la reine Anne le fit chevalier. Il publia
en 17 07 à Cambridge, in-8°. fon Arithmetica univer-
Ja li s , five de compofltione 6* refolutione arithmetica,
liber. En 1 7 1 1 fon Analyjis per quantitatum fcries0
fluxiones & dijferentias, cum enumeratione linearum
tertii ordinis , parut à Londres, in-40. par les foins de
M. Guillaume Jon es, membre de la fociété royale,
qui avoit trouvé le premier de ces ouvrages parmi
les papiers de M. Jean Collins, qui l’avoit eu du doâeur
Barrow en 1669. En 1 7 1 2 on imprima plu-
fieurs lettres de M. Newton dans le Corftmercium epif-
tolicum D . Joannis Collins, & aliotum de analyfipromot
â , juffu focietatis regiaeditum. Londres, ôz-,40.
Il fut plus connu que jamais à la cour, fous le roi
Georgesl. La princeffe de Galles, depuis reine d’Angleterre
, a dit fouvent en public qu’elle fe tenoit hefa
reufe de vivre de fon tems, 8c de le connoître. Il
avoit compofé un ouvrage de chronologie ancienne,
qu’il ne fongeoit point à publier ; mais cette princeffe
à qui il en confia les vues principales, les trouv
a fi neuves 8c fi ingénieufes, qu’elle voulut avoir
un précis de tout l’ouvrage, qui ne fortiroit jamais
de fes mains, 8c qu’elle pofledèroit feule. Il s’en
échappa cependant une copie, qui fut apportée en
France par l’abbé Conti, noble vénitien ; elle y fut
traduite, & imprimée à Paris, fous le titre d’Abrégé
de chronologie de M. le chevalier Newton, fait par lui-
même y & traduit fu rie manuferit anglois, avec quelques
obfervations. Cette chronologie abrégée n’avoit jamais
été deftinée à vo irie jour; mais en 17 28 l’ouvrage
entier parut à Londres, in-40. fous ce titre, la chronologie
des anciens royaumes, corrigée par le chevalier
Ifaac Newton, 6' dédié à la reine pap M. Conduit.
Le point principal de ce fyftème chronologique 1
eft de rechercher (en fuivant avec beaucoup de fab-
tilité, quelques traces.affez faibles de la plus ancienne
aftronomie grecque) , quelle étoit au tems de
Chiron le centaure, la pofition du colure des équinoxes
, par rapport aux étoiles fixes. Comme on fait
aujourd’hui que ces étoiles ont un mouvement en
longitude, d’un degré en foixante-douze ans ; fi on
fait une fois qu’aux tems de Chiron, le colure p-af-
foit par certaines étoiles fixes, on faura, en prenant
leur diftance à celles par où il paffe aujourd’hui,
combien de tems s’eft écoulé depuis Chiron jufqu’à
nous. Chiron étoit du fameux voyage des Argonautes,
ce qui en fixera l’époque, & néceffairement en-
fuite celle:de la guerre de T ro ie , deux grands évé-
nemens, d’où dépend toute ^ancienne chronologie.
M. Newton les met de 500 ans plus proche de l’ere
chrétienne, que ne le font ordinairement les autres
chronologiftes.
Ce fyftème fut attaqué peu de tem$ après en France
par le P. Souciet en Angleterre par M. Shuck-
ford. M. Newton trouva en France même un illuftre
défenfêur, M. la Nauze, qui répondit au P .Sou-
ciet dans la continuation des mémoires de littérature
8c d’hiftoire. Halley, premier aftronome du roi de
la grande-Bretagne, répondit àM . Shuckford , dans
les Tranfact. philofoph. n°. 3 ç)y, 8c foutint tout l’af-
tronomique du fyftème ; fon amitié pour l’illuftre
mort, & fes grandes connoiffances dans la matière
dont il s’agit, tournèrent de fon côté les regards attentifs
des gens de lettres les plus habiles, qui n’ont
point encore ofé prononcer ; 8c quand il arriveroit
que les plus fortes raifons fuffent d’un côté, 8c de
l’autre le nom feul de Newton , peut-être le pu«
blic reft,eroit-il encore auelquetems en fufpens.
L L 11 ij