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& avec leffuccès le plus côïiftant font les acides, &
en particulier le tartre. M. Rouelle m’a affuré avoir
fait des expériences particulières fur ce fel avec
excès d’acide,d’avoir donné fréquemment à des per-
fonnès y v r e s , & avoir toujours obfervé que YyvreJ-
j'e fe dilîipoit très-promptement, quelquefois même
-dan-s moins de demi-heure.
Tçmres ces confédérations fi décifives contre les
prétentions de ceux qui plaçoient dans l’acide du
vin fa faculté enny vrante, ont fait conclure à nos
chimiatres-modernes que cette vertu réfidoit dans
la partie fpiritueufe , dans l'efprit ardent inflammable,
produit effentiel 8c caraélériftique de la première
•efpece -de fermentation. De fentiment eft conforme
à -toutes les expériences •& obfervations qu on â
faites fiir cette matière, il fe plie avec beaucoup de
facilité à 'tous les phénomènes chimiques 8c pratiques
; mais l’efprit dé vin ne fetoit-il pas aide dans
cet effet par les autres parties, par l’eau même qui
•entre dans la' eompofitron des liqueurs fermentées ?
Cette idée paroît tirer quelque vraiffemblance de
robfervation de Vigénaire ; cette auteur affure (trac-
tat. de aq. & f i l .) qu’une quantité donnée d’efprit-de*
vin , une once eny vré moins que la quantité de vin
qui auroi-t pu fournir cette once d’ efprit. En fuppo-
fant le fait bien obfervé , on peut y répondre, i ° .
«qu’on n’a fait cette expérience que fur des allemands
plus accoutumés à l’efprit-de-vin, 8c par-là même
difpofés à être , fuivant la remarque d’Hippocrate,
moins affeftés par fon aftion ; i ° . qu’ il fe diffipe
beaucoup de parties fpiritueufes dans la diftillation
d e Pefprit-de- vin, qui fouvent enyvrent les ouvriers
peu circonfpeâs; 3 0. que dans les rétifications
il s’en évapore, & s’en décompofe toujours
quelque partie; 40. enfin que Vyvrejje qui eft produite
par une certaine quantité de v in , fuppofe toujours
une diftention 8c une gène dans l’eftomac, qui
peut en impofer pour Vyvrejje, ou en rendre les effets
plus fenfibles.
La partie fpiritueufe des liqueurs fermentées étant
reconnue pour caufe de Vyvrejje , quelques chimif-
te s , entr’autres Vanhelmont 8c Becher ont pouffé
leurs recherches plus loin ; convaincus que cette
partie n’étoit pas fimple, qu’elle étoit compoféé
d’autres parties, ils ont tâché de déterminer quelle
■ étoit proprement celle qui enyvrojt, & ils fe font
accordés à reconnoître cette vertu dans la partie
qu’ ils appellent fulphurcuje , 8c qui n’eft autre chofe
que ce que Stahl 8c les chimiftes qui ont adopté
fes principes, défignent fous le nom $ huile très-
atténuée, à laquelle l’efprit-de-vin doit fon inflammabilité
; ce fentiment eft très-probable, 8c paroît
d’ autant plus fondé que l’éther, qui n’eft vraifembla-
blemènt que cette huile, a la faculté d’enyvrer dans
un degré éminent ; il y a cependant lieu de penfer
que les autres parties de l’efprit de vin concourent
à reftraindre cet effet dans les bornes de Vyvrejje ;
du-refte le rapport qu’on admet entre ce foufre du
v in , & le foufre qu’on dit retirer des fubftances
narcotiques j ne paroît pas trop e x a ft, & l’explication
des phénomènes de Vyvrejje fondée fur ces principes
, n’ eft point du tout fatisfaifante.
Après avoir déterminé quelle eft dans les liqueurs
fermentées la partie ftricfement enyvrante , ii nous
refte à examiner la maniéré dont elle agit fur le corps
pour produire fes effets; mais dans cet examen nous
tommes privés du témoignage des fens, & par confé-
quent du fecours de l’expérience & de l’oblèrvation,
& réduirs à n’ avoir pour guide que l’imagination ,
8c our flambeau que le raifonnement ; ainfi nous
ne pouvons pas efpérer de parvenir à quelque chofe
de bien certain & de bien conffaté. Toutes les théories
qu’on a effayé-de nous donner de cette adrion,
prouvent encore mieux combien il eft difficile d’atteindre
même le vraifemblable ; parmi les mêdecirtS
qui fè font occupés de çès recherches, les tins ont
avec Tachenius 8c Beckius, fuppofé qu’il y avoit
des efprits animaux , 8c que ces efprits animaux
étoient, comme nous l’avons déjà d it, d’une nature
a-lkaline, que la partie du vin qui enyvroit, étoit
acide , & qu’ il fe failbit une effefvefcence entre ces
fubftances oppofées ; les autres qui ont avec Becher
8c Vanhelmont, placé là vertu enyvrante dans ce
foufre du v in , ont exprimé fon aôion par la vif-
cofité 8c la ténacité dés parties du fouffre qui arro-
fo it, embourboit & erièhaînoit pour-ainfi-dire les
efprits animaux, & lesreridoit incapables d’exercer
leurs fondions. Ceux-ci ont cru que lés vapeurs du
vin montaient de l’ eftomac à la tête, comme elles
montent du fond d’un alambic dans le chapiteau ,
qu’ elles affedoient lè principe des nerfs, & en en-
gourdiffoient les efprits ; ceux-là plus inftruits ont
penfé que toute l’adion des corps eny vrans avoit
lieu dans l’eftomac, 8c que les nerfs de ce vifeere
tranfmettoient au cerveau l’impreflîon qu’ils rece-
voient par une fuite de la correfpondance mutuelle
de toutes les parties du corps, 8c de la fympathie
plus particulière qu’il y a entre la tête & l’eftomac;
ils ont en conféquènce voulu qu’on regardât Vyvrejje
comme une efpece d’indigeftion qui étoit luivie 8c
terminée par une purgation; cette aitiologie eft la
feule qui foit dans quelques points conforme à i’ob-
fervation , & qui fatisfaffe à une partie des phénomènes
; nous remarquerons cependant qu elle ne
fauroit être généralement adoptée : nous ne nous
arrêterons pas aux autres, qui plus ou moins éloignées
de la vraiffemblance, ne valent pas la peine
d’être réfutées. Lorfque Vyvrejje eft excitée par une
grande quantité de liqueurs, il n’eft pas douteux
qu’il n’y ait alors une véritable indigéftion ; mais
peut-on foupçonner cette caufe , lorfque Vyvrejje
fera Occafionriée par un feul verre.dé vin fpiritue'ux,
d’eau de-yie , ou d’efprit de-vin ? je coftviérid'rai éri-
core que dans ce cas là les caufes tfyvrejfieottt fait
leur principal effet fur l’eftomac, & n’ont affeftë que
fympathiquementle cerveau; mais cette façon d’agir
ne pourra avoir lieu, fi l’on prend le vin en lavement,
8c que VyvùJJe furvienne, comme l’a obfervé
Borellus, cap. j . objerv. â<? ; encore môins
pourra-t-on la faire valoir pour lès yvrejès qù’excite
l’odeur dès liqueurs fermentées. Le fÿftême ingénieux
de Mead fur l’âdtion dés narcôti'qlv'eS , 'qui eft
le fondement de celui - c i , tombe par le mérite argument
, qui eft fans réplique ; on vôit des per'fonnés
s’endormir en paflant' dans des endrbits ott il y a
beaucoup de plantes fop'oriféres: eh réfpïraht l’odeur
de l’opium, 8c par côüféquéht ïàtis éprouver ce
chatouillement délicieux dans l’ éftomac, qrii fixant
l’attention de 1’ame, 8c l’affe&ant auffi agréablement
qu'elle Je croit tranjpôrtée en paradisjVtm^èdhe de
veiller à l ’état des organes, & à l’éxerck è de leurs
fondrions. Je fuis très-porté à croire que les corps
eny vrans, comme les narcotiquês, agiffentfiir les
nerfs, que pris intérieurement ils portent leurs effets
immédiats fur ceux du ventricule ; mais comment
agiffént-ils ? c’eft ce qu’il ne nous eft pas encore
poffible dé décider ; l’état de nos CohnoiffanceS
aâuelles fuffit pour nous faire appercevoir le faux
8c le ridicule dés opinions ; mais il ne nous permét
pas d’y fubftituer la vérité : confoloris-nous du pêU
de fuccès de ces rechèrehes théoriques, en fahant
attention qu’unicjüeffient propres à exciter , 8c à
flatter notre curiofité, elles n’apporteroierit àiicitne
utilité réelle dans la pratique.
En reprenant la vpie de l’obfervation, nous avons
deux queftions iritéreffantes à refoudre par fon lé-
cours; fa voir , dans quelles occafioris Vyvrejje exige
l’attention du médetin ytc par quels remedes on petit
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en prévenir ou en dilfiper les mauvais effets ; i° .
Vyvrejje dans le premier , & le plus fouvent dans le
fécond degré, le termine naturellement fans le fecours
de l’art ; les fymptômes qui la carattérifent
alors , quoiqu’el&ayans au premier afped, n’ont rien
de dangereux ; il eft même des cas oit le trouble excité
pour lors dans la machine eft avantageux ; par
exemple, dans des petits accès de mélancholie, dans
l’inertie de l’eftomac, la pareffe des inteftins , la dil-
tenfion des hypochondres , pourvu qu’il n’y ait
point de maladie confidérable, dans quelques affections
chroniques, 8c enfin lorfque fans être malade,
la fanté paroît languir, il eft bon de la reveiller un
peu , & une legere yvrejje produit admirablement
bien cet effet : les médecins les plus éclairés font
toujours convenus qu’il falloit, de tems-en-tems, ranimer
, 8c remonter, pour ainfi dire, la machine par
quelque excès; o n s’eft auffi quelquefois très-bien
trouvé de faire ennyvrer des perfonnes qui ne pou-
voient pas dormir, & auxquelles on n’avoit pu faire
revenir le fommeil par aucun des fecours qui paffent
pour les plus appropriés ; le troifieme degré d*y-
vrejje eft toujours un état fâcheux accompagné d’un
danger preffant, les accidens qui le conftituent indiquent
des remedes prompts & efficaces; cependant,
comme nous l’avons déjà marqué, quoiqu’ils foient
très 1 grands, il y a beaucoup plus d’efpérance de
guérifon , que s’ils étoient produits par une autre
caufe : ce n’eft gueres que dans ce cas qu’on emprunte
contre Vyvrejje le fecours de la médecine;
dans les autres, on laiffe aux perfonnes yvres le foin
de cuver leur v in , 8c de fe défaire eux-mêmes par le
fommeil & quelques évacuations naturelles , de leur
yvrejje, on pourroit cependant en faciliter la ceffa-
tion.
20. Les remedes que la médecine fournit, peuvent
, fuivant quelques auteurs , remplir deux indications
, ou d’empecher Vyvrejje, ou de la guérir ; le
meilleur moyen pour l’empêcher, feroit ians doute
de s’en tenir à un ufage très-modéré des liqueurs fermentées
; mais les buveurs peu fatisfaits de cet expédient
, voudroient avoir le plaifir de boire du v in ,
fans rifquer d’en reffentir les mauvais effets : l’on a
en conféquence imaginé des remedes qui puffent châtrer
fa vertu enyvrante, qui pris avant de boire des
liqueurs fermentées, puffent détourner leur aérion ;
& l’on a cru parvenir à ce but en faifant prendre les
huileux qui défendiffent l ’eftomac des imprefïïons
du v in, & qui la chaffaffent doucement du ventre, ou
des diurétiques qui le déterminaffent promptement
par les urines ; l’on a célébré fur tout les vertus de
l’huile d’olives : Nicolas Pifon prétend qu’après en
avoir p ris, on pourroit boire , .fans s’enyvrer, un
tonneau de vin. Dominicus Leoni-Lucencis recommande
pour cet effet les olives confites avec du fel;
plufieurs auteurs vantent l’efficacité du chou mangé
au commencement du repas ; Craton vouloit qu’on
le mangeât crud ; il y en a qui attribuent la même
propriété aux petites raves & radis, qu’on fert dans
ces pays en hors-d’oeuvre ; le lait a auffi été ordonné
dans la même v u e , 8c enfin les pilules de Glafius,
qu on a appellees pilules contre Vyvrejje, paffent pour
avôir très-bien réuffi dans ce cas. Plater aflure s’.être
toujours préfervé de Vyvrejje, quoiqu’il bût beaucoup
de liqueurs fermentées, ayant feulement attention
de ne pas boire dans les repas qui durent
long-tems, jufqu’à ce qu’il eût beaucoup mangé pendant
une ou deux heures. Objerv. I. l . p . 4 1.
Si on peut parvenir à empêcher Vyvrejje, & à détourner
les hommes par les fecours moraux de s’ex-
pofej* aux caufes qui l’excitent; quelques auteurs
promettent d’infpirer du dégoût pour le v in , en y
mêlant quelques remedes ( Fafchius a fait le recueil
,4e,cepx dont on vante l’efficacité dans ce cas, am-
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M S 9 § de ce nombre font les renettes
& 1 anguille étouffées dans le v in , les oeufs de
chouette, les pleurs de la vign e, les raifins de m er,
£«. d autres ont ajoute le brochet, les rougets les
tortues, les lézards étouffés dans le v in , la fiente de
lion les femences de chou ,6 c . infufées dans la blême
loueur; il eft peu néceffaire.d’ayemr combien
tous ces remedes font fautifs ic ridicules.
Lorfque Vyncfli eft bien décidée, & qù’ils’agit de
la diilïper, il n y a point de remede plus aflùré & '
plusvprompt que les acides ; ils font, dit Plater, l’antidote
lpécihque de l > r«/e;dans cette claffe fe trouvent
compris les vinaigres, l’oxicrat, les focs de citron de
grenade, d epine-vtnette , le lait acide , les eaux minérales
acidulés, & fur-tout le tartre du v in ; je fois
tres-perfuadé que des remedes qui guériffent en très-
peu de tems lyrnffe, en pourroient être,pris avant de
boire,des préfervatifs efficaces ; fi l’yvreffi eft parve-:
nue au troifieme degré, & fi tes accidens font graves,
il faut foire vomir tout-de-foite, foit par l ’émétique
fott en irritant le gofier ; la nature excitant fouvent
d elle-même le vomiffement nous montre cette voie '
que le; raifonnement le plus fimple aurpit indiqué!
Languis corneille de ne pas laifer dormir les personnes
yvres avant de les avoir fait vomir. On peut auffi
employer dans les cas djymÿèayèc apoplexie , les
differentes efpeces d’imtans , les lavemens forts ;
purgatifs, les fternutatoires, les odeurs fortes les
fria io n s , &c. Henri de Heers dit avoir reveillé’ d’u-
neyvrejje en lui tirant les poils de Ja mouftache, un
homme qui etoit depuis quatre jours.dans ühè efpece
d apoplexie., & qu’ enfin après avoir éprouvé inutilement
toutes fortes de remedes on alloit trépaner*
Lés pallions d’ame vives. & fubites, telles que la joie,
la crainte , la frayeur , fpnt très - propres, à calm a
fur le champ le déliré de l’yt;refe ; on peut voir plufieurs
exemples qui le prouyent, rapportés par Salomon
Reizelius ,mifcêU, naeitr. curiof. ann, ij. obfervé
ii% Cet auteur dit, qu’étant à Ottenvïlle , un homme
yvre étant tombé dans un fumier, & craignant
de paroître dans cet état devant fon époufe , defeen-
dit’dans un fleuve pour fé laver ; il flit fi vivement
faifi pàr la fraîcheur fubite de l’eau , qu’il rentra tout-
de-fuite dans fon boii fens. Un autre éprouva auffi
dans l’inftant le même effet pâ-peine toucha-t-il l’eau
d’un fleuvé oii il étoit défeendu, que,foit la fraîcheur
de l ’eau, foit la crainte .qu’il eut de fè noyer , l’y - .
vrejfe fut entièrement diffipée : un troifieme , dont’
parle le même auteur, ayant bleffé en badinant un
de fes amis, fut fi effrayé de voir couler fon fang avec
abondance, qufil recouvra fur le champ i’ufage de la
railon. (m)
T t s e s s b , {C rià p * f« u iti)o e mot ne fe prend pas
toujours dans 1 Ecriture pour une yvrejje réelle ; très-
fouvent il ne défigne que boire julqu’à la gaieté dans
un repas d’amis ; ainfi, quand il eft dit dans la G enè-
fe ,* / i!> . 3 4 . que les freres de Jofeph s’enyvrcrcnt
avec lui la fécondé fois qu’ils le virent en Egypte -
ces paroles ne doivent point offrir à l’imagination
une yvriffe réelle ; ceMes-ci, q u i imbriat ipfe quoque
^ b n q b itu r ,pm ,u j.u% o e \ \ ii qui foit b o ire , boira
femblablement, font des paroles proverbiales qui
lignifient que l’homme libéral fera librement récom-
penfe. De même ce pàflage ‘du Deuter. x x ix . in .
abfumet ebriusJîtienum , la perfonne qui a b û , l’em!
porta for celle qui a foif; eft une maniéré de proverbe
dont fe fert Moïfé, pour dire quele fort accablera
le foibie. Quand faint Paul dit aux Corinth. x j. n i.
dans vos repas l’un a faim & l’autre eft yvre , K St
/e.Bvst, cela lignifie tout-au-plus, bon largement j c’eft
le fens du verbe /ttBvuv, ou plutôt il faut traduire ejl
rajjajii-, car enyvrer dans le ftyle des Hébreux, eft
combler de biens. EccléJ. j . 24. ( D J )
YV RO G N E R IE , f. £ (Gram,& ju r ifp ru ij nous