„ Difons plus 1 fi ce qu’on appelle & injufîe,
» vertu & vice, çtoit tel par fa nature, & ne dépendoit
pas des inftitutions arbitraires des hommes,
» il pourroit y avoir un bien & un mal moral pro-
» prement d its, fondés fur des rapports immuables
» & éternels d’équité & de bonté antérieurs aux lois
» politiques, & p a r conféquent des êtres bons de mé-
» chans moralement : de tels êtres feroient alors de
» droit fous la jurifdiôion de D ie u , & pouvant me-
» riter ou démériter vis-à-vis de* lu i , il pourroit les
» punir ou les récompenfer dans fa cité particulière.
» Mais comme les termes de jufie & d’injufie , de
» vertu & de vice , font des mots abftraits & méta-
» phyfiques abfolument inintelligibles, fi on ne les
», applique à des êtres phyfiques, fenfibles, unis
h eniemble par un a&e exprès ou tacite d’affocia-
» tion , il s’enfuit que tout ce qui eft utile ou nuifi-
» ble au bien général & particulier d’une fociété ;
» tout ce qui ell ordonné ou défendu par les lois
» pofitivés de cette fociété, eft pour elle la vraie &
», unique mefure du jufie & de Yinjufie , de la vertu
» & du vice , & par conféquent qu’il n’y a réelle-
„ ment de bons & de méchans r de vertueux & de
» vicieux, que ceux qui font le bien ou le mal des
» corps politiques dont ils font membres, & qui en
» enfreignent ou qui en obfervent les lois. Il n’y a
» donc, à parler exa&ement, aucune moralité dans
» les aâions humaines ; ce n’ eft donc point à Dieu
», à punir , ni à récompenfer, mais aux lois civiles :
vt car que diroit-on d’un fouverain qui s’arrogeroit
» le droit de faire torturer dans fes états les infrac-
» leurs des lois établies dans ceux de fes voifins?
», D’ailleurs pourquoi Dieu puniroit-il les, méchans ?
» Pourquoi même les haïroit-il ? Qu’eft-ce que le
» méchant, finon une machine organifée qui agit
„ par l’effort irréfiftible, de certains relforts qui la
» meuvent dans telle & telle dire&ion , & qui la
» déterminent néceffairement au mal? Mais fi une
„ montre eft mal réglée, l’horloger qui l’a faite eft-
„ il en droit de fe plaindre de l’irrégularité de fes
» mouvemens ? & n’y auroit-il pas de l’injuftiee ou
», plutôt de la folie à lui d’exiger qu’il y eût plus de
» perfeôion dans l’effet qu’il n’y en a eu dans la
» caufe ? Ici l’horloger eft D ieu , ou la nature, dont
» tous les hommes, bons ou méchans, font l’ou-
» vra«e. Il eft vrai que faint Paul ne veut pas que
» le vafe dife au potier, pourquoi m'as-tu ainji
» fait ? Mais , comme le remarque judicieusement
» un (c) philofophe illuftre, cela eft fort bien, fi le
» potier n’exige du vafe que des feryices qu’il l’a
» mis en état de lui rendre ; mais s’il s’en prenoit
» au vafe de n’être pas propre à un ufage pour le-
» quel il ne l’auroit pas fa it, le vafe auroit-il tort de
»> lui dire, pourquoi m’as-tu fait a inji ?
» Pour nous nous croyons fermement que s’ il y
», a une vie à v enir, tous les hommes, fans êxcep-
„ tio n , y jouiront de la fuprème béatitude , félon
» ces paroles expreffes de l’apôtre : Dieu veut que
» tous les hommesfoient fauves. S i , par impoffible , il
„ y en avoit un feul de malheureux , l’objeélion
», contre l’ exiftence de Dieu feroitaufli forte pour ce
» feul être, que pour tout le genre humain. Com-
» ment ces théologiens impitoyables qui tordent avec
» tant de mauvaife foi les écritures pour y trouver
», des preuves de l’éternité des peines , & par çon-
» féquent de l’injuftice de D ieu , ne voient-ils pas
» que tout ce que Jefus-Chrift ,& fes apôtres ont
» dit des tourmens de l’enfer, n’eft qu’allégorique &
„ femblable à ce.qu’ont écrit les (d) poètes d’Ixion ,
», de Syfiphe, de Tantale » &'c. & qu’en parlant de
1 (c) J e ne fai point quel eft l’auteur que les Sociniens ont ici
en(<f) C’eft ce que les Sociniens difenc expreffément dans les
'aftes de la conférence de Racovie.
» la forte, JçfusChrift & fes difciples s’accomm^
» doient aux opinions reçues de leur tems parmi I
» peuple à qui la crainte de l’enfer peut quelque,
» fois fervir de frein au défaut d’une bonne légifla]
» tion » ? Voye[ la collecl. des freres Polon.
On peut voir fous le mot Enfer ce qu’on opp0fe'\
ces idées des Sociniens. Difons feulement ici qUe ^
qui rend leur converfion impoffible, c’eft qu’ils COm_
battent nos dogmes par des raifonnemens philofophi-
ques , lorfqu’ils ne devroient faire que fe foumettre
humblement , & impofer filence à leur raifon, nujf.
qu’enfin nous cheminons par foi & .non point par
v u e , comme le dit très-bien S. Paul.
Quoi qu’il en foit , voyons ce qu’ils ont penfé de
la rcfurreclion. Ils difent donc ,
Qu’il eft aifé de voir, pour peu qu’on y réfléchiflè
attentivement, qu’il eft métaphyfiquement impoffi.
ble que les particules d’un corps humain,que la mort
& le tems ont difperfées en mille endroits de l’uni.
vers,puiffent jamais être raffemblées même par l’efficace
de la puiffance divine.
Qu’un auteur anglois j auffi profond théologien
que bon phyficien , & auquel on n’a jamais reproché
de favorifer en rien leurs fentimens, paroît avoir
été frappé du poids & de l’importance de cette ob-
je&ion ; & qu’il n’a rien négligé pour la mettre dans
toute fa force. Ils citent enfuite le paffage de cet auteur
, dont voici la traduftion.
« On fçait & on voit tous' les jours de fes propres
», yeux que les cendres & les particules des cada-
» vres font en mille maniérés difperfées par mer &
», par terre ; & non-feulement par toute la terre,
» mais qu’étant élevées dans la région de l’air, par
>, la chaleur & l’attra&ion du fole il, elles font jet-
» tées & diffipées en mille différens climats ; & elles
>» ne font pas feulement difperfées, mais elles font
», auffi comme inférées dans les corps des animaux,
„ des arbres & autres chofes d’oii elles ne peuvent
» être retirées facilement. Enfin dans la tranl’migra-
» tion de ces corpufcules dans d’autres corps, ces
» parties ou particules prennent de nouvelles for-
» mes & figures , & ne retiennent pas les mêmes
» qualités & la même nature.
- », Cette difficulté fe faifant fentir vivement à ceux
» qui font capables de réflexion & *à ceux qui ne
», donnent pas tête baiffée dans les erreurs populai-
», res , on demande fi ce miracle dont nous venons
», de parler , fi cette récolleâion de toutes ces cen-
», dres , de toutes ces particules difperfées en un
», million de lieux , & métamorphofées en mille
» fortes de différens corps, eft dans l’ordre des cho-
» fes poffibles.
», II y a plufieursperfonnes qui en doutent, & qui»
»» pour appuyer leur incrédulité fur ce fiujet, alle-
», guent la voracité de certaines nations, de certains
» antropophages qui fe mangent les uns les autres,
»> & qui fe nourriflent de la chair humaine : celafup-
», pôle , voici comme ils raifonnent : c’eft qu’en ce
», cas il fera impoffible que cette même chair qui a
»» contribué à faire de la chair à tant de différens corps
», alternativement puiffe être rendue numériquement
»> & fpécifiquement à divers corps en même tems.
» Mais pourquoi nous retrancher fur ce petit nom-
»» bre d’antrophages ? Nous le fommes tous, &tous
»> tant que nous fommes nous nous repftiffons des
»» dépouilles & des cadavres des autres hommes,
», non pas immédiatement , mais après quelque
»» tranfmutations en herbes, & dans ces animaux
»» nous mangeons nos ancêtres ou quelques-unes de
»» leurs parties. Si les cendres .île chaque homme
», avoient été ferrées & confervées dans des urnes
», depuis la création du monde , ou plutôt fi les ca-
», davres de tous les hommes avoient été convffM
» en momies, & qu’ils fuffent reliés entiers ou prei-
», qu’entiers,
» qu’ entiers, il yauroitquelqu’dpérance de raffem-
» blet toutes les parties ■ du corps, n’ayant pas été
„ confondues ni mélangées dans "d’autrès corps :
„ mais puifqueiles cadavres.font prefque tous dif-
„ fous Se dimpés , que leurs parties font mélangées
„ dans d’autres corps', qu’elles s’exhalent en A i r
„ qu’ élles refombent en pluie & en rolee, qu’elleé
» font imbibées par les racines, qu’elles concourent
* 4 *» produffipn des graines, des blés & desfruits-
„ J ’oii par une circulation continuelle elles rentrrnt
,, dans .des corps humains , & redeviennent corps
>.• huniainÿiil le peut taire que par ce. circuit pref.
„ qu’infîni la même matièrë aura fubi plus de ciiîé-
„ rentes métamorphpfos , & aura habité plus de
,, corps y le ne le .fit l’amp de Pythagore. Or elle ne
n p e * être rendue à chacun de ces corps dans la
„ réfurreaioiÿj car fi elle eft. rendue'aux premiers.
» hommes qui,ont e x iiié , comme il paraît' jufte que
„ cela .font, il n’y en aura plus pour ceux qui font
,, venus après, eux ; & f i on la rend à ce|i|erriiers ce
•» f« » alors aüipréjndicende leurs ancêtresr S u p p p i
u Ions , par exehipie , que les premiers defoéndàns
„ d’Adam ou les hommes des premiers liecles re-
„ demandent leurs corps , & qu’enfuite les peuples
» de. chaque fiecle fuccefiîf recherchent auflpîés
» leurs -,î*il arrivera que les neveux d’Adam les plus
» recules: ou les derniers habitans de la terre au-
» roiit A peine affez de matière pour faire des demi-
» corÿs j y ) ». »fotyrc R é s u r r e c t io n , . . .
V. Ct^qmemt pas. Nous. voici.afrivés au myftere
incomprchcnhblc, mais d ivin, de la7r«foé cet éter-
| sel *llier ûe feandaie des Sociniens, cette caufe de
I leur divifisn .d’avec les,Proteftans , ce dogme enfin
K qu ils ont attaqué avec,tant d’acharnement qu’ils en
I ont mente le flirnqm d’aniiVinhair«. : -
IllSommencprent par renouveller les anciennes"’
herefies de Paul de Samofate & d’Arius:, mais bien-’
I îU! F c f n-<liant-,<!re / f5 Aricns so ie n t trop donné à
I Wus-Chnft plsie d,eclarerent.nettement Photiniens
I & fur-tout Sabelhens ; mais ils donnèrent aux ob-
I Ie™ ” f .« ? ® .S : héréfiarques une toute autre force
& en ajoutèrent même dé. nouvelles qui leur font
I particulières : enfin ils n’omirent aucune des raifons
I qu ils crurent propres à déraciner du coeur des fidc- '
I ® “ n dogme auffi néceffaire au falut, & auffi effen-
j fiel a la foi & aux bonnes moeurs.
PojHjfaire connoître leurs fentimens,ferce domine,
il fuffit de dire qu’ils foutiennent que.rien n’e°ft
«es .contraire à la droite raifon que ce que l’on en-
l , 'Shéparnn les Chrétiens touchan t la Trinité des per-
j tonnes,dans,;une lenle effencè divine dont la fe-
Irü' j .i cnge,ldrée Par ■ première, & la troifieme
piocede des deux autres.
Que cette dofirine inintelligible ne fe. trouve dans
aucun endroit de 1 Ecriture.
H U M un feul paffage qui rauto-
facon d B M M ° " ne puiffe, {afts s’écarter en aucune,
Plus l u , H du teX' e >danner plus clair
Xr a ,re ,plus conforme aux notions .communes,
aux ventes primitives & immuables.
v W Ë Ê m '°mme font leu?s adv.erfaires,'qu’il'
ne fieurs H B diftméles dans Peffence ffivi-
, & que ce n eft pas l’éternel .qui eft le feul vrai
c’eft ;’n?dlî 1 1 7 “ ut )oindre ]e FiIs & le S. E fprit,
■ — dana W M J - 1 l’erreur laplus
f e ouve , la P u,s danBereufe ; puifque c’ eft fovori-
' 0° « “ ‘ ?m:ent le Polythéifme.
q u S n ™ plli?Ue contraiJ i# o n de dire qu’il n’y a
chaciiu.j“/ & Sue néanmoins >1 y a trois I W B
n “ d' % 3es véritablement Dieu. I H
- tttte diftinéiion, un tn tjfenu, èc trois in perijiaitri
WSsBM ?“rnet ’ docteur en Théologie, &
»0,-/C,..,,,, ’ ï Slt|eqfe de Londres , dans fon traité 4c flou
- , . . , , - ' -r
J o n n t s , n a jamais eté.dans l’Ecriture.
Qu’elle eft manifeftement fauffe, puifqu’il eft cer-
foin qu .1 n y a pas moins d’e fnces que de pcrfinneS ,
p OC de perjonnes que d éjjcnces.
Que les trois ftrfonnes dé la Trinité font ou trois
. iubltances differentes, on des accidens de l’effence
divine , ou; cette effence même fans diftinaionl ’
Que dans le premier,cas on fait trois'dieu*’
Que dans le fécond on fait Dieu com'pôféd’acci-
dens, qn adore des accidens , & on métamorphofe
des accidens en des perfonnes.
Que dans ic troifieme, c’eft inutilement&fahs'fon-1
dement qu’on divife un fujet indivifible, & qu’on
difongue en r/OK ce qui n’eft point diftingué en foi
Que fi on dit que les tfois^ pcrftmnitlids ne font ni
des fubftances differentes-dans l’effence ’divine ni
des accidens dé cette effénce.on aura de là peine à
le perluader qu’elles foient quelque chofe. r
Qu’il ne faut pas croire que les les nlus
rigides & le s plus décidés . aient eux mêmes quelque
idee claire de la manière dont les ti-m/iypifUrts (n h.
fiftent en D ieu, fans divifer fa fubftance.dc par con-
féquent fans la multiplier. ■
Que S. Auguftin lui-même, après avoir avancé fur
cadujet mille raifonnemens auffi faux que téné-
breux, a été forcé d’avouer qu’on H W ris„
dire fur cela d intelligible.
Ils rapportent èqfoite le paffage de ce peré’, quï
en effet eft tres-fingnher. « Quand on ‘demande ffit-
» i l , çevquexSéft queles trois, le'Iangage Je s h o a - 1
« -mes (e trouve eburt, & l’on manque de: ternies
» pour les exprimer : ori a pourtant dit trois pcrfonJ
I W u ° n pas pouf dire quelque choie, mais ‘parce
»> qu il faut parler,. & ne pas demeurer muet».
Diclum ejl tnmen 1res perjonx, non ut tdiqtiiddictretur
fedne taceretur. De Trinit'. I. V. c. ix.
, Quedès. théologién'sùmodernes n’ont pas mieux
éclairci cette matière.
Que quand oii leur demande ce qu’ ils entendent
par ce mot de perfimne, ils ne l’expliquent qu’en di»
fant que c eft une certaine diliindion incompréhen-
iible, qui fait que 1 on diftingue dans-uné nature uni-'
que en nombre, un Pere.un Fils & un S Efprit
Que l’explication qu’ils donnent dgs termes à’en.
gendrer & de procéder, n’eft pas plus fa tisfaifante ; puif-
qu elle fe réduit à dire que ces termes marquant certaines
relations incompréhenfiblès quifont entre les
trois perfonnes de la trinité.
Que l’on peut rgcu'eiffir delà que l’état d elà quef-
tion entre les orthodoxes & eux, confifte à favoir s’il
y a en Dieu trois diftinaions dont O M a aucune
idée, & entre lefqirelles il y acertaines relations dont
on n a point d idée non-plus.
5 De tout cela ils concluent qu’il feroit plus faae d é
s’en tenir à l’autorité-des apôtres, qui n’ont jamais
parle de la trmité,&c de bannir à jamais de la religion
tous les termes qui ne font pas dans l’Ecriture, comme
ceux de trinité, de perfonne, £ effence, à’hypoka-
f e , d’union hypofiatique & perfonnelle, d’incarnation ’
de génération, de procejfion, & tant d’autres fembla-
bles, qui étant ablolument vuides de fens puifqu’ils^
n ont dans la nature aucun , être réel repréfehtatif
ne peuvent exciter dans l’entendement que des no-’
tions fauflès, vagues ,-obfcures & incomplettes, &c.
: Voyeç le mot T rinité , où ces argumens font exa-,
mines &c réduits à leur jufte valeur, & olilé m yftere
en. lui-même eft très-bien expofé. A'qyeç. aufTi dans
les Nouvelles de la république des lettres de Bayle , ann ■
ig S S , le parallèle de la Trinité avec les trois dimen-
fions de la matière.
VI. Sixième pas. Su rY incarnation & la pérfonne
de J. C. les Unitaires ne fe font pas moins écartés d ^
la foi pure & fainte de l’Eglife : comme ils avoient
détruit le myfteïe de la trinité, il falloit par une çoik
D d d