
ils font compofés de pièces & de poutrelles de fix
pouces de groffeur, & des plus grandes longueurs
qu’on a pu trouver, bien droites» dreffées à la bifai-
guë, & affemblées à mi-bois dans tous leurs abouts ;
ces pièces font placées horifontalement les unes fur
les autres, bien chevillées entre elles , & pofées à
l’affleurement du parement extérieur du premier
cours de longuerives; elles font en outre reliées dans
l’intérieur feulement par des doubles montans places
à diftances égales, & des pièces en écharpe entre
les montans fur toute la hauteur des bords.
Devant chacun de ces montans font des courroies
au nombre de trente - f ix , tant pour l’intérieur que
pour l’extérieur du caiffon, lefquelles fervent à faire
féparer les bords du fond lorfqu’on le juge néceffaire.
Ces courroies font affemblées dans le chapeau pour
l’extérieur & dans le fécond cours de longuerives
pour l’intérieur; leurs affemblages dans ces pièces
èft te l, que la mortaife qui les reçoit a l’un de ces
côtés coupé en demi-queue d’hironde, & l’autre à-
plomb, le long duquel fe place un coin de bois de
la même hauteur que les bords ; ces courroies portant
par des mentonets fur les bords fupérieurs du
caiffon, relient ainfi fufpendues en laiffantun vuide
de deux pouces dans le fond des mortaifes, & tiennent
leur principale a&ion de la force avec laquelle
elles font ferrées par le coin.
Toutes ces courroies, de l’intérieur & de l’exté-
j-ieur, -étant direélement oppofées & fur la même
ligne, ont enfuite été retirées par des entretoifes de
huit pouces de groffeur fur toute la longueur du cai£
fon au moyen du mentonet dont on a parlé, qui
repofe fur la derniere poutrelle des bords , & d’un
tenon qui s’embreve dans l’entretoife.
Les faces des parties triangulaires du caiffon ont
cté folidement réunies à celles du corps quarré par
trois rangs de courbes pofées les unes îur les autres
dans les angles d’ épaulement, & les poutrelles enca-
ftrées à mi - bois à leur rencontre dans lefdits angles,
pour ne former qu’une feule & même piece, & pouv
o ir , ainfi qu’on la fa it, détacher du fond ces bords
en deux pièces feulement, en les mettant à flot fur
le corps quarré, les deux pointes en l’air.
Ce caiffon ainfi conftriiit, le fond, les bords bien
garnis de fériés & de chaînes avec anneaux de fer,
tant en-dedans qu’eri-déHors ; pour 'plus grande facilité
de la manoeuvre , ons’eft occupé des moyens de
le lancer à l’eau fur le travers & non par la pointe;
il pefoit alors environ 180000 livres.
Nous avons dit qu’ il étoit établi au bord de la rivière
fur un appontement difpofé à cet effet ; cet
àppontément étoit compofé de trois files de pieux
parallèles , deux fous les bords fuivant fa longueur,
l’autre au milieu ; la file du côté des terres étoit coëf-
fée d’un chapeau placé à trois piés fur l’étang, ainfi
que celui du milieu, arrondi en forme de gènouil ;
celui du côté de l’ eau étoit pofé trois pies quatre
pouces plus bas, & le caiffon foutenu de niveau par
des étais de pareille hauteur, étoit difpofé de maniéré
que la ligne du centre de gravite fe trouvoit
d’environ fix pouces plus du côté des terres que celui
de l’eau, ce qui donnoit à tout ce côté une charge
excédente d’environ 15000 livres ; für les chapeaux
étoient de longues pièces d’un pié de grof-
îeu r, fervant de chantiers ou couliffes au caiffon, &
que pour cet effet on avoit eu foin d’enduire de fuif.
Sur le chapeau placé à l’affleurement de l’eau
étoient chevillés dix autres grands chantiers de douze
& quinze pouces d’épaiffeur, placés dans la riviere
en prolongation de la pente que devoit prendre le
caiffon qui, fuivant ce qui a été dit précédemment,
étoit du tiers de fa bafe ou largeur.
Lors donc qu’il fut queftion de le lancer à l ’eau,
on commença par fixer avec des retraits fur le ehapeau
de la file des pieux du côté des terres tous les
abouts des chantiers ou couliffes qui portoient le
caiffon, & avoient été réunis entre eux par une
grande piece de bois ; on fit enfuite partir tous les
étais pofés fur le,chapeau à l’affleurement de l’eau;
cette première manoeuvre ne fit pas faire le moindre
effet au caiffon qui relia ainfi en l’air ; on lâcha
enfuite les retraits, & l’on enleva par de grands leviers
placés en abattage du côté des terres, tous les
chantiers ou couliffes ; le caiffon prit incontinent
la courfe avec rapidité en fe plongeant également
dans l’eau, oîi par fa propre charge il s’enfonça de
vingt-fept pouces.
Ce caiffon fut conduit fur-le-champ au lieu de fa
dellination, & introduit dans l’enceinte de la pile
par la partie d’aval non fermée à ce deffein ; on fit
aulfi-tôt les opérations néceffaires pour le placer
dans la direction des capitales de longueur & largeur
du pont, auxquelles il rut affujetti fans peine par de
fimples pièces de bois placées fur l’échaffaud, dont
les abouts terminés en deux cercles, entroient dans
des couliff-' fixées aux bords extérieurs du caiffon,
qui lui permettaient de defcendre à mefure qu’on
le chargeoit, fans le laiffer écarter de fes direéhons.
Le fervice de la maçonnerie, foit pour le bardage
des pierres, foit pour le tranfporî du mortier, fe fit
fans peine par des rampes pratiquées dans le caiffon
qui communiquoient aux bateaux fur lefquels on
amenoit des chantiers, la pierre, le mortier & le
moilon.
Au moment que le caiffon repofa fur la tête des
pieux à treize piés un pouce fous i’étiage, on eut la
fatisfaôion de reconnoître par difierens coups de
niveau qu’il n’y avoit rien à defirer, tant pour la
julleffe du fciage que pour toutes les autres manoeuvres
: la charge fur ces pieux étoit alors de plus de
1 200000 livres, & la hauteur de l’eau fur les bords
de treize piés fix pouces ; on les avoit foulagés à d ifférentes
hauteurs par des étais appuyés contre la
maçonnerie.
Il faut enfuite fermer l’enceinte d’aval ; pendant
le tems même de la conltruélion de la maçonnerie:
de la pile on avoit fait battre des pieux fuivant le
même plan que la pointe d’amont ; on les garnit pareillement
de greffes pierres au-dehors^
L’échaffaud d’enceinte fut incontinent démoli, les
pièces qui le portaient fciées à quatre piés fous i’é tiage
& les bords du caiffon enlevés ; cette dernière
manoeuvre fe fit fans peine en frappant les coüfj
roies, qui en entrant.de deux pouces^ -ainfi qu’on
l’a dit précédemment, dans les mortaifes inférieures*
firent îauter les coins dés bois qui les rétènoient au
fond ; ces bords furent fur lé champ I conduits à Hoc
à leur dellination entre deux grands bateaux, leS
pointes en l’air, pour paffer l’hiver dans .l’eau & pouvoir
fervir fur de nouveaux fonds aux piles qui refl
toient à fonder.
A peine ce travail fut-il exécuté qu’ on fit approcher
le long de la pile deux grands bàteàux chargés
de groffes pierres, avèc lefquelles on remplit tout
l’efpac-e reliant entre la maçonnerie d elà pile & les
pieux d’enceinte jufqu’à environ, quatre piés fous
l’étiage pour fe trouver à-peu-près - à "l’affleurement
de là digue faite à l'extérieur dont on a parlé pré*
eëdemment.
Telles font lès différentes opérations qü’on a faites
jufqu’à ce jour pour la fondation-dé -cinq piles dii
pont de Saumur fans batardeaux ni épuliemens'; il
ffuffit d’avoir mis en ufage cette façofi de fonder
pour fe convaincre de fes avantages : la eeititudë
qu’on a de réuflir dans une entreprifé-décètté cdh-*
féquence, l’avantage de defcendre lesfondationsâ
lirie double profondeur, l’emploi de taiis lès matériaux
au profit de i’ouv/sage ôc fa plus •gràhfdè foli*
dite ne font pas les moindres avantages qu’on en retire
; l’expérience de plufieurs années a fait connoître
qu’il y a la moitié moins de dépenfe qu’en faifant
ufage des batardeaux & des épuifemens.
Dtfcription de la machine à Jcier les pieux. Cette
machine ell compofée d’un grand chalîîs de fe r , qui
porte une feie horifontale; à 14 piés environ au-def-
fus de ce chaffls, ell un affemblage ou échaffaud de
charpente, fur lequel fe fait la manoeuvre du lc iage ,
& auquel ell fufpendu le chaffls par quatre montans
de fer de 18 piés de hauteur, portant chacun un
cric dans le haut, pour élever & baiffer ce chaffls fuivant
le befoin.
Ce premier échaffaud ell porté fur un des cylindres
qui roulent fur un autre grand échaffaud, traverfant
toutç la largeur de la p ile , d’un côté à l’autre de celui
d’enceinte; ce grand échaffaud porte lui-même
fur des .rouleaux, qui fervent à le faire avancer ou
reculer àihéfiire qu’on feie les pieux, fans qu’il foit
befoin de le biaifer en cas d’obliquité de quelques
p ieux, lé petit échaffaud auquel ell fufpendu la machine,
rempliffant aifément cet objet au moyen d’un
plancher mobile que l’on fait au befoin fur le grand
échaffaud. Vjye^ la figure de cette machine en perf-
p e â iv è , P l. de Charp.
On doit diftinguer dans cette machine deux mou-
vemens principaux; le premier qu’on nomme latéral
, ell celui du fciage ; le -fécond, qui fe porte en
avant à mefure qu’on feie le pieu, & peut néanmoins
revenir fur lui-même, ell celui de ckajfe & de
rappel. ; ;
Le mouvement latéral s’exécute par deux leviers
de fer , un peu coudés fur leur longueur, portant à
une de leurs extrémités un demi-cercle de fer recourbe,
auquel ell adaptée une feie horifontale ; les
poirits-d’appui de,ces leviers font deux pivots reliés
par une doublé entretoife, dillans l’un de l’autre de
20 pouces, lefquels ont leur extrémité inférieure en-
caftrés dans une rainure ou couliffe,qui facilite le
mouvement de chaffe & de rappel, ainfi qu’on l’exprimera
ci-après. Ils font foutenus au-deffus du chaf-
fis de fer par une embafe de 2 pouces de hauteur, &
déchargés à leurs extrémités par quatre rouleaux de
cuivre.
_ Çês leviers font mus du deffus de l’échaffaud fupé-
rieur par quatre hommes, appliqués à des bras de
force attaches à des leviers inclinés, dont lé bas ell
arrêté fur le plateau, & fur lefquels ell fixée la bafe
d’un triangle équilatéral, dont le fommet ell arrêté au
milieu d’une traverfe horifontale.
Cette traverfe qui embraffe les extrémités des bras
de levier de la fe ie , s’embreve dans une couliffe de
fer pratiquée dans le chaffls, où portant fur des rouleaux
, elle va & vient, & procure ainfi à la feie le
mouvement latéral, au moyen des ouvertures ovales
formées à l’autre extrémité defdits bras de levier
qui leur permettent de s’alonger & de fe raccourcir
alternativement, fuivant leur diltance du centre de
mouvement ; ces ouvertures ovales embraffent des
pivots fixés fur le demi-cercle de la feie dont nous
avons parlé, & portent dans le haut au moyen de
plufieurs rondelles de cuivre intermédiaires, les extrémités
d’un fécond demi-cercle adhérent par des
renvois à deux tourillons roulans, ainfi qu’un troi-
fieme placé au milieu du cercle dans une grande couliffe
qui reçoit le mouvement de chaffe & de rappel.
Ce fécond mouvement oonfifte dans l’effet d’un
cric horifontal, placé à-peu-près aux deux tiers du
chaffls, dont les deux branches font folidement attachées
fur la couliffe dont nous venons de parler;
c’eft par le moyen de ces deux branches, dont la partie
dentelée s’engrene dans deux roues dentées que
la feie, lors de fon mouvement latéral, conferve Ion
parallélifme avec la couliffe, preffe par fon mouve-
Tomç x n u
ment lent & -uniforme, le pieu à mefure qu’elle le
feie, & revient dans fa place par un mouvement contraire
lorfqu’elle l'a fciê ; tout le mouvement de ce
cric s’opère du deffus de l’échafiud Aipérieur & m0_
iule, par un levier horHonf.il qui s’emboîte quarré-
ment dans 1 extrémité d’un arbre placé au centre da
la roue de commande du criç,, qui eft le régulateur
de toute la machine. ,
Le chaffls horifontal a environ 8 piés de longueur
lur 5 pies 9 pouces de largeur; il eft compofé de
fortes barres de fer plat, dilpofées de maniéré à le
rendre le plus folide & le moins pefant qu’il eftpof-
fible. 1
manière que la foie ,eff recouverte par ladite piece
lo.rfqu elle ne manoeuvre, pas ; fiir. deux fortes barres
de 1er qui port eut en pairie çejte piece de.garde en
faillie, font plages deux montans de fer qui les traverfeot,
& font retenus deffus;par des embafes.j.ees
montans arrondis pour tourner facilement dans leurs
fuppqrts,,ontà leur éxfréijiité;, fous le ehaffis un
quarré propie à recevoii deux efpeces de demi cei-
cles pu grappins de ,1 p pqiicés.dè longueur*' aucuél
ils font hxés folidement par des clavettes ou ccroux-
ils s’ele;vent, jufqn’au-deffus'ffti petit-échauffaudifu-
peneur ,. oit .on leur .adapte , deux clés ,dé 4 ipiés de
;|M g , qui les faifeftt, tourner fur leurs;,axes font
ouvrir & fermer ;les grappins qui faififfent le pieu
qu.on tcie, gvec pne. forée propoàionneéià la lon-
gûcur. des clés que l’on ferre autant qu'Viflie juge
l ,§ïPj°Pos 0 n compiend fatalement que ces grappins
embraffant le pieu,a:ifedeffous de laifeaion de la feie
d o n n e n t -m a c h in e toute :la,‘^ l j d i * néceffaire
pour ne point fauffrir des.élyanleniens préjudiciables;
comme la grande hauteur, des montàns pourront
neanuviins occafionucr des vüirarions trop for-
tes„on Xiremédie.taiféoeent & de maniéré à, rendre
la macliine immobile , .en appliquant fur le l mon-
taP;s. fosi4ersiergjt t e x . grands, leviers qui preffent
fur le;chalîîs aux piés rleltlits montans, ;& font ferrés
pfes dés crics furd’éehaffaud fupérieur.par des coins
de bois.
Il peut ;auflî arriver,lau triangle de, mouvement
quelques ^ r a t io r is , fiir-tOLit lorfqu-on foie à une
grande profondeur; on jé remédie fahspeine parime
potence de,fer fîxee aux deux montans à une hauteurçpnvenable,
laquelle porte une couliffe qui affu.
jettit le triangle de mouvement.
Pour faire ufage de cette foie, il fout fe rappeller
ce qu’on a dit des différ.ens échaffaudsiqui la cômpô^
fent. Lors donc qu’on voudra feier un p ieu, on com-
mencera par déterminer avec précîfion la profondeur
à laquelle il faudra,le ftier fous l’étiagé ; on placera
en conféquence àd ’autre extrémité de la pile
deux grandes mires fixes.&invariables f à s îen, foiré
une glande verge ou fonde de fe r, de fo longuenr
prêche du point de mir,e> à la foaion ; pour pouvoir
s’en fervir fans inquiétude à chaque opération du
fciage:, on fera enfuitSé^Ejiid re, au moyen des
crics dont chaque dent ne haùffe ou baiffe que d’tiné
demi-ligne le ehaffis portant la foie, jufqu’à ce qu’en
faifant repofrr ia fonde fur la foie elle-même ( c e
dont on jugera aifément par l’effet defon élafticité) -
le deffus de ladite fonde fe trouve exaûement de ni-
yegds aveéjléS'.deux mires dont on a parlé, ainfi que
le deffus des quatre montans ,.fou de quatre points
repaires fiiriceux pour s’aflùrer du niveau du chalîîs
& de la feie.
Toutes ces opérations faites avec la précifion re-
quife , on faifira le pieu avec les grappins ; on vérifiera
de nouveau avec la fonde, le point de leélion
de la fe ie , & après s’en être affuré, on ferrera les
grappins à demeure; le maitre ferrurier prendra la
K K k k k ij