4i$ V O I
toient pas, fi par le mot de pavées on entend une con-
ftructiôh dé quelqueslits de pierres fur la fiirface. On
avoir loin que celles qui ri’étoient point pavées fufi-
Lent dégarnies de tout ce qui les pouvoit priver du
'foleil & du vent ; & dans lès forêts qui étoiept fur
' ces fortes de voies, on àbattoit des arbres à droite Sc
à gauche, afin de donner un libre paffage à l’air ; on
y faifoit de chaque côté un foffé en' bordure pour
.l’écoulement des eaux ; & d’ailleurs pour n’être point
pavées, il falloit qu’elles fuffent d’ une terre préparée,
& qu’on réndôit' très-dure.
Tous lès voies militaires étôient pavées fans exception.,.
mais 'différemment^ félon le pays,. Il ÿ avoit
'en quelques endroits quatre couches l’uhe fur l’autre.
La première 9flâtumen , étôit comme le fondement
qui. devoit porter toute la malle. .C’eft pourquoi
avant .que d'e la p ofer, on enleyoit tout ce qu’il y
avoit de fable ou de terre molle.
La fécondé , nommée en latin ruderatio , étoit un
l i t de refis de p o li, de tuiles, de briques caffées, liées
enfemble avec du ciment.
La troiiiëme, nucléus 9 ou le noyau , étoit un lit
de mortier que lés Romains appelloient du même
nom que labôüillie,/n//j, parce qu’on le mettôitaf-
fez mou. pour lui donner la forme qu’on vouloit,
après quoi On couvrôit le dos de toute cette malfe
*oh de cailloux, ou dé pierres plates, ou de groffes
briques,Ou de pierrailles de différentes fortes, félon
le pays. Cette dërniere couche étoit nomméefumma
crufla9oufummumdorjum. Ces couches n’étoient pas
les mêmes partout, on en changeoit l’ordre ou le
nombre, félon la nature du terrein.
Bergier qui a épuifé dans un favant traité tout ce
qui regarde cette matière, a fait creufer une ancienne
voie romaine de la province de Champagne , près de
Rheims, pour en examiner'lâ conftruûion. Il y trouv
a premièrement une douche de l’épaiffeur d’un
pouce d’un mortier mêlé de fable & de chaux. Secondement
, dix pouces de pierres larges & plates
qui formoiént une efpece de maçonnerie faite en bain
de ciment très-dur, oii les pierres étoient pofées les
unes fur les autres. En troifieme lieu , huit pouces
de maçonnerie de pierres à-peu-près rondes & mêlées
avec des morceaux de briques, le tout lié fi fortement,
que le meilleur ouvrier n’en pouvoit rompre
fa charge en une heure'. En quatrième lieu , une
autre couche d’un ciment blanchâtre & d u r , quiref-
fembloit à de la craie gluante ; & enfin une couche
de cailloux de fix pouces d’épaiffeur.
On eft furpris quand on lit dans Vitruve, les lits
de pavés qui étoient rangés l’un fur l’autre dans les
appartemens de Rome. Si on bâtiffoit fi folidement
le plancher d’une chambre qui n’avoit à porter qu’un
poids léger, quelles précautions ne prenoit-on pas
pour des voies expofées jour & nuit à toutes lés injures
de l’a ir , & qui dévoient être continuellement
ébranlées par la pefanteur & la rapidité des voitures?
Tout ce maçonnage étoit pour le milieu delà voie,
& c’eft proprement la chauffée , aggsr. Il y avoit
de chaque côté une lifiere , margo, faite des plus
groffes pierres & de biocailles , pour empêcher la
chauffée de s’ébouler ou de s’affaiffer , en s’étendant
par le pié. Dans quelques endroits, comme dans la
voie appienne, les bordages étoient de deux piés de
largeur , faits de pierres de taille , de maniéré que
les voyageurs pouvoient y marcher en tout tems &
à pié fec ; & de dix piés en dix piés , joignant les
bordages, il y avoit des pierres qui fervoient à monter
à cheval ou en chariot.
On plaçoit de mille en mille des pierres qui mar-
quoient la diftance du lieu où elles étoient placées',
à la ville d’où on venoit, ou à la ville où l’on alloit.
C ’étoit une invention utile de Caius Gracchus, que
l’on imita dans la fuite.
V O I
Toutes les voies militaires du coeur de l’Italie
fe terminoient pas aux portes de Rome , mais au marché
forum, au milieu duquel étoit la çolôiirie mil"
liaire qui étoit dorée , d’où lui venoit le nomde mil.
liariutn aureum. Pline , & les autres écrivains de la
bon ne antiquité » prennent' de cette colonne le ter-
mè"& l’origine de toutes les voies. Pline, i. ///, C v
dit : ejufdern fpatii menfura currente à milliario in Capite
fo ri Romani jlatuto. C’eft de là que fe comptoientles
milles ; & comme' ces milles étoient diftingués par
despiçrres, il s’en forma l’habitude de dire adtinium.
lapident , ad duodicirnum , ad vigejimum , &c. pqllr
dire à trois milles, à douze milles, à vingt milles, &c.
On ne voit point que les Romains aient compté au-
delà de cent, ad centefimum, lorfqu’il s’agifloit de
donner à quelque lieu un nom pris de fa diftance.
.Bergier croit que ç’efl parce que la jurifciiclion du
vicaire de la ville né s’ étendoit pas plus.loin.
Quoi qu’il en foit, il y avoit de ces colonnes mil-
liaires dans toute l’étendue de l’empire romain, &
-fans parier d’un grand nombre d’autres, on en voit
encore une debout à Une lieue de la Haye , avec le
nom de l’empereur Antonin. Les colonnes, fousles
empereurs, portoient d’ordinaire les noms desem-
pereurs, des Ç éfars, des ville s, ou des particuliers
qui avoient fait faire ou réparer les voies ; quelquefois
auffi l’étendue du travail qu’on y avoit fait ; &
enfin la diftance du lieu où elle étôit à l’endroit du
départ, ou au terme auquel cette Voie menoit.
Tout ce que jè yiéns dé marquer, ne regarde que
les voies militaires. Les Romains avoient encore des
voies d’une autre efpece ; leur mot iter, qui eft générique
, comprenoit fous lui diverfes efpeces,
comme le fentier, feniita , pour les hommes à pié ;
le fentier pour un homme à che va l, callis ; les tra-
ve rfe s, tramites ; les voies particulières , par exemple
, avoient. huit piés de largeur pour deux chariots
venant l’un contre l’autre. La voie pour un fimple char
io t , actus, n’avoit que quatre piés ; la voie nommée
proprement iter 9 pour le paffage d’un homme à pié
ou à cheval, n’en avoit que deux ; le fentier qui n’avoit
qu’un pié , femita, femble être comme fi on
difoit femi-iter ; le fentier pour les animaux , callist
n’avoit qu’un demi-pié ; la largeur des voies militaires
étoit de foixante piés romains , favoir vingt pour
le milieu de la chauffée, & vingt pour la pente de
chaque côté.
Toutes les voies militaires, & même quelques-unes
des voies vicinales ont été confervées dans un détail
très précieux, dans l’itinéraire d’Antonin, ouvrage
commencé dès le tems de la république romaine,
continué fous les empereurs, Ôc malheureufemcnt
altéré en quelques endroits par l’ignorance, ou par
la hardieffe des copiftes. L ’autre eft la table théodo-
fienne, faite du tems de l’ émpereur Théodofe, plus
connue fous le nom de table de Peutinger, ou table
d’Augsbourg, parce qu’elle a appartenu aux Peutin-
gers d’Ausbourg ; Velfer a travaillé à l’éclaircir, mais
il a laiffé une matière à fupplément & à correction.
Les voies militaires étoient droites & uniformes
dans tout l’empire, je veux dire qu’elles avoient
cinq piés pour un pas , mille pas pour un mille, une
colonne ou une pierre avec une infeription à chaque
mille. Les altérations arrivées naturellement dans
l’efpace de plufieurs fiecles, &C, les* réparations modernes
que l’on a faites en divers endroits, n’ont pu
empêcher qu’il ne reftât des indications propres à
nous faire reconnoître les voies romaines. Elles font
élevées, plus ordinairement conftruites de fable établi
fur des lits de cailloux, toujours bordées par des
foffés de chaque côté , au point même que quelque
coupées qu’elles fuffent fur le talus d’une montagne»
elles étoient féparées de cette même montagne pat
un foffé dëftine à les rendre féches, en donnant aux
y o i
têfres & .aux eaux entraînées par la pente naturelle,'
un dégagement qui n’embarraflbit jamais la voie. Cette
précaution, la feule qui pôuvoit rendre îc-s ouvragesfolides
& durables , eft un des'moyens qui fert
le plus à reconnoître les voies: romaines y c’eft du
moins ce que l’on remarque dans plufieurs de ces
voies de la Gaule -, qui plus étroites , & n’ayant pas
la magnificence de celles que cette même nation
avoit conftruites pour travérfer l’Italie, ou pour aborder
les villes principales de fon empire -9 n’avoient
pour objet que la communication & la fureté de
leurs conquêtes -, par la marche facile & commode
de leurs troupes , & des bagages indifpenfablement
néceffaires. "
Il faut à'préfent paffer eh revue les principales
voies romaines , dont les noms font fi fréqUens dans
l’hiftoire , & dont la connoiffance répand un grand
jour fur la géographie ; cependant pour n’être pas
trop long , je dois en borner le détail à une fimple
nomenclature des principales.
Voies de la ville de Rome, en latin vice urbis ; c’eft
ainfi qu’on appelloit les rués de Rome ; elles étoient
pavées de grands cailloux durs , qui n’étoient tailles
qu’en deffus, mais dont les côtés étoient joints enfemble
par un ciment inaltérable. Ces rues dans leur
origine étoient étroites, courbes & tortues ; mais
quand fous Néron les trois quarts de la ville furent
ruinés par un incendie, cet empereur fit tracer les
rues incendiées, larges, droites & régulières. -
Voie oemilienne. Elle fut çonftruite l’an de Rome
«67 , par M. Æmilius Lepidus , lorfqu’il étoit con-
lulavec C . Flaminius ; elle alloit de Rimini jufqü’à
Bologne, & de - là tout autour des marais jufqu’à
Aquiléïa. Ellecommençôit du lieu où finiffoit la voie
flarninia , favoir du pont de R imini, & elle eft encore
le chemin ordinaire de Rimini par Savignano,
Céfene, F o r li, Imola, & Faendza à Bologne, ce
qui peut faire une étendue de vingt lieueS d’Allemagne
, &. il faut qu’elle ait eu un grand nombre de
ponts confidérables. C’eft de cette voie que le pays
entre Rimini & Bologne s’appelloit Æmilia ; il étoit
la feptième des onze régions dans lefquelles Augufte
divifa l’Italie.
Il y avoit une autre voie oemilienne qui alloit de Pife
jufqu’à Tortonne ; ce fut M. Æmilius Scaurus qui la
fit conftruire étant cenfeur, du butin qu’il avoit pris
furies Liguriens dans le tems de fon cônfulat.
Voie d'Albe, en latin via Albana. Elle commençoit
à laporte Cælimontana, & alloit jùfqu’à Albe la longue.
M. Meffalay fit faire les réparations néceffaires
du tems d’Augufte ; elle ne peut pas avoir été plus
longue que, dix-fept milles d’Italie, parce qu’il n’y
a que cette diftance. entre Rome & Albano.
VoiedlAmérie, en latin via amerina. Elle partoit
fehiVoieflaminienne , & conduifoit jufqu’à Améria,
ville de l’Umbrie, aujourd’hui Amelia, petite ville
du duché de Spolette ; mais comme on ne fait point
d’où cette voie partoit de la flaminienne , on n’en
fauroit déterminer la longueur
y oie appienne , en latin via appia ; comme c’étoit
«plus célébré voie romaine par la beauté de fon ou-
vrage, & le premier chemin public'qu’ils fe foient
avnes de p ave r, il mérite auffi plus de détails que
les autres.
Cette voie fut çonftruite par Appius Claudius Cæ-
cus , étant cenfeür, l’an de Rome 4 4 1 , elle commen-
5°'t en fortant de Rome , de la porte Capene , au^
jourdhuirfi San Sebaßiano, & elle alloit jufqu’àCa-
P0ue , ce - qui fait environ vingt-quatre lieues d’Al-
emagne ; Appius ne la conduifitpas alors plus loin,
parce que de fon tems les provinces plus éloignées
_appartenoient pas encore lu x Romains. Deux cha-
*10rs pouvoient y paffer de front ; chaque pierre du
pavé etoit grande d’un pié &demi en quarré , épaiffe
Tome XV II,
V O I 4 ï$
de dix k douzê p'oucëS, poiïeTuï du fable & d’auti-eS
grandes pierres, polir que le pavé ne pût s’affaiffer
tous aucun po'ids de Chariot*^ toutes ces pierres
étoient affemblées auffi èxa&emeht que celles qui
forment les murs de nosmaifons ; la largeur de cette
voie doit avoir été anciennement de vingt-cinq piés ;
fés bords étôient hauts de deux piés, & compofés
des mêmes pierres, que le pavé ; à chaque diftance
de dix à douze pas, il y avoit une pierre plus élevée
que lés autres, fur laquelle on pôuvoit s’affeoir pour
fe répofer , ou pour monter commodément à cheval
; exemple qui fut imité par toutes les autres
voies romaines. Lès auberges & les cabarets fourmil-
loient fur cette route , comme nous l’apprenons
d’Horace.
L ’agrandiffemént de la république, & fur-tôut la
COnquete de la Grece & de l’Afie , engagèrent les
Romains à pouffer cette voie jufqu’aux extrémités de
l’ Italie, fur lésbords de la mer Ionienne , c’eft-à-dire
à l’étendre jufqu’à 350 milles. Jule-Céfar ayant été
établi commiffaire de cette grande voie , la p ro lo n gea
le premier après Appius, & y fit des dépenfes.
prodigieufes. On croit que les pierres qu’il y employa
furent tirées de trois carrières de la Campanie
, dont l’une eft près dé l’ancienne ville deSinuef-,
fe , l’autre près de la mer entre Pouzzol & Naples
& la derhiere proche de Terracine. Cette voie a auffi
ète noïtimèzvia trajana9 après que Trajan l’eut fait
réparer de nouveau. Gracchus y avoit fait pofer les
thermes, & On l’appeila toujours pour fon antiquité,
fa folidité, & fa longueur, regina viarum.
Autant cette voie étoit entière & unie autrefois
âutant eft-elle délabrée aujourd’hui ; ce ne font que
morceaux détachés qu’on trouve de lieu à autre dans
dés vallées perdues ; il eft difficile dans plufieurs endroits
de la pratiquer à cheval ni en voiture, tant à
câufe du gliffant dés pierres, que pour la profondeur
des ornières ; lés bords du pavé qui fubfiftertt encore
çà & là, ont vingt palmes romaines , ou quatotftê
piés moins quatre pouces , mefure d’Angleterre.
Voie ardéatine. Quelques-uns lui font prendre foii
Origine dans Rome même, au-deffous du mont Aven-
tin , près les thermes d’Antonius Caracalla, d’où ils
la font fortir par Une porte du même nom , &c la conr
duifent dans la ville d’Ardea, entre la voie appienne
& Ia voie oftienfe ; c’eft le fentiment d’Onuphrius ,
qui dit, hoec (.Ardeatina) intraurbemfub Aventino ju x -
ta thermas antonianasprincipium habebat-. Cependant
le plus grand nombre de favans font partir la voie ar-
déatine de celle d’Appius , hors de Rome , au-tra-
veirs des champs à main droitei Quoi qu’il en foit ,
cette routé n’avoit que trois milles & demi de lon->
gueur, puifque la ville d’Ardeà étoit fituée à cette dif-
tânee de Rome.
Voie àurélienne, en latin via aurelia. Ellé prit fon
nom d’Aurélius Cotta , ancien conful, qui fut fait
cenfeur l’an de Rome 5 i z. Cette voie alloit le long
des côtes en Tofcane, jufqu’à Pife ; elle étoit double,
favoir via aurelia vêtus , oc via aurelia nova, qu’on
nomma de fon reftaurateur, via trajana ; elle tou*
choit aux endroits Lorium, Aljium, Pyrgos, Cajlrum
novùm , & Centum celloe. On conjecture que la voit
nouvelle àurélienne fut l’ouvrage d’A.urélius Anto4
nin , Sc Von croit qu’elle étoit jointe à l’ancienne.
Voie cajjîenne, en latin via cajjia. Elle alloit entré
la voie flaminienne j & la voie àurélienne, au-travers
de l’Etrurie. L ’On prétend en avoir vu les veftiges entre
Sutrio , aquoepajferoe , & près de Vülfinio jufqu’à
Clufium ; & l’on conjecture qu’elle fut l’ouvrage de
Caffius Longinus, qui fut cenfeur l’an de Rome 600,'
avec Valérius Meffala.
Voie ciminia, en latin ciminia via ; elle traverfoit
en Etrurie, la montagne & la forêt de ce nom , &
paffoit à l’orient du lac aujourd’hui nommé lago ai
G g g >i