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les enveloppèr dans des draps qui ont été imbibes
•d’huile (te ls font ceux qui ont fervi à ferrer les olives
avant de les porter au moulin ) , parce qu’elles
s’engraiffent, & deviennent peu propres à l’opération
que nous allons décrire ; comme aufli on ne doit
point employer des vaiflèaux de terre qui ont contenu
quelque corps gras ou huileux ; ils s’engrail-
fent aufli-bien que les grappes. La fécondé préparation
confifte à fouler ces grappes de v in , comme on
va l’expofer fur le champ.
Procédé dont on fefert aujourd'hui pour faire le verd-
de-gris. On prend une certaine quantité de grappes
bien féchéesau foleil, U on les fait tremper pendant
huit ou dix jours dans.de la vinaffe, par cette macération
, elles acquièrent environ le double de leur
poids,: au défaut de vinaffe, on peut les faire macérer
dans du vin. Cette première opération , & toutes
celles qui fuivent fê font à la cave ; quelques particuliers
en petit nombre les font au rez-de-chauffée,
ÔC en d’autres lieux plus élevés. Voyez mémoires de
l'acad. royale des Scierie, année pag. 6z6.
Les grappes étant bien pénétrées de vinaffe ou de
vin , on les laiffe égoutter un moment fur une cor-
beillè ; enfuite en les mêlant bien, on en forme un,
peloton qu’on met dans le vafe de terre ; chaque
peloton contient environ deux livres de grappes fé-
ches , qui imbibées pefent environ quatre liv. onver-
fe par-deffus trois pots de vin qui équivalent à quatre
pintes de Paris. On appelle cette manoeuvre dans
le pays , aviner ; on a foin de retourner ces grappes
fens-defîus-deffous, pour qu’elles foient bien humectées
par le vin ; on couvre enfuite le vafe d’un couvercle
, qui eft fait avec les ronces & la paille de
feigle, qui a un pouce d’épaiffeur, & autour duquel il
y a un rebord, afin qu’il ferme exactement le vaiffeau.
J ’ajouterai, que quand on ne met pas les grappes
tout-à-la-fois dans le v a fe , on les remue mieux, &:
que lorfqu’on fait le mélange de vin ôc des grappes,
ilia u t les bien battre enfemble , jufqu’à faire écii-
mer le vin ; mais on ne peut bien faire cette manoeuvre
qu’avec la moitié de grappes qui entrent dans
chaque vafe. Dès qu’on a battu dans un vaiffeau la
moitié du vin & des grappes fuffifant• pour le charger.:
on agite de même l’autre moitié de vin & de
rafles dans un fécond; après quoi on met les grappes
de ce fécond dans le premier pour achever de le
charger.
Toutes les grappes qui entrent dans un vafe ayant
été bien pénétrées par le v in , la fermentation fe
fait beaucoup mieux ; cette agitation rapide, communiquée
au v in , favorifant fa decompofition.
Plufieurs particuliers qui font du verdet, remuent
les grappes au bout de deux, trois , quatre , cinq
6 fix jours , fuivant que la faifon plus ou moins
froide, & le vin plus ou moins fpiritueux les pref-
fent : c’eft pour empêcher qu’elles ne s’échauffent
trop ; la fermentation acide commençant a lors, la
chaleur dénote que le vin fe décompofe. Ils obfer-
vent de tenir les pots bien bouchés, afin que la fermentation
ne fe faffe pas trop vite : d’autres au contraire
, trouvent cette manoeuvre défeCtueufe, parce
qu’ elle interrompt le mouvement inteftin qui s’excite
dans le vin par le moyen des grappes y & fait perdre
ce premier efprit qui s’ eft développé par ce mouvement:
c’eft par cette feule raifon qüe la plupart
ne remuent plus les grappes après avoir aviné ; la
fermentation n?étant point troublée & fe faifant par
degrés-,Ion ne perd rien de l’ efprit & dê l’acide le
plus volatil qui eft le véritable diffolvant du cuivre.
Parmi ceux qui manoeuvrent dé cette maniéré, les
uns quand ils apperçoivenf que la fermentation eft
en bon train, les autres quand elle tire vers fa fin ,
mettent les grappes fur deux morceaux de bois, dont
chacun ordinairement eft un parallélépipède de 10
pouces de longueur, d’un pouce 3 lignes de largeur
, & de 7 lignes d’épaiffeur. Ils placent ces deux
morceaux de bois en forme de c ro ix , à 1 ou 2 pouces
de diftance de la fuperficie du vin changé en vinaffe
: la plupart attendent que la grande chaleur des
arappes foit paffée ; ils les laiffent dans cette fitua-
tion trois ou quatre jours pour faire, difent-ils, monter
l’efprit ; au bout de ce tems ils couvent, c’eft-à-
qu’ils regardent les grappes de raifins comme prêtes
à recevoir les lames de cu iv re , &: ont foin d’ôterdu
vafe la vinafl'e & les morceaux de bois.
Les perfonnes qui s’adonnent à cette préparation
reconnoiffent de plufieurs maniérés le point de la
fermentation, & je vais donner celles qui me paroif-
fent le plus effentielles. Ce font des femmes qui font
toute la manoeuvre de cette opération ; elles difent
que quand il y aune efpece de rofée qui ne recouvre
que les grappes, placées vers le milieu de la couche
fupérieure, & qui ne paroît point fur les autres grappes
de la même couche qui font autour de la paroi du
vafe ; cette rofée eft une marque que la fermentation
eft au point defifée , & qu’on doit faifir cet in»
liant pour ranger les lames de cuivre ; car ce tems
manqué, l’acide & l’efprit le plus pénétrant,&: le plus
volatil, qui eft le principal agent de la diffolution de
ce métal, fe diflipent.
Mais quoique ces attentions fuffifent pour con-
noître le point de fermentation néceflaire à- l’opération
que nous décrivons , ce que je vais dire
des moyens employés pour connoître mieux
le point requis de la fermentation acide , de maniéré
à ne pas s’y tromper , eft d’une extrême
importance, puifqu’il ne s’agit pas moins que de
déterminer avec précifion le moment auquel on
doit mettre les grappes avec les lames de cuivre.
On reconnoit que la fermentation eft au degré
requis & qu’il faut couver, à une pellicule extrêmement
mince qui fe forme à la furface du vin
changé en vinaffe ( l’on dit alors que le vin eft couvert
). Je ne puis mieux comparer cette pellicule qu’à
celles qui fe forment dans les fources d’eaux minera-:
les vitridliques ferrugineufes ; tous les chimiftes fa-
vent qu’il s’enferme dans toutes les liqueurs qui font
fujettes à paffer à la fermentation acide. On ne peut
bien appercevoir cette pellicule que quand les grappes
font fufpendues fur des morceaux de bois ; pouf
i la bien v o ir , il faut d’abord plonger la main dans lç
vafe, Sé lé faire jour par un de fes côtés, après quoi
l’on prend doucement les dernieres grappes qui font
les plus voifines de la fuperficie du v in , & avec le
fecours d’une chandelle allumée on diftingue très-
bien la pellicule lorfqu’elle eft formée ; autrement les
! grappes étant mêlées avec le v in , pour peu qu’on
: les remue, elles la détruifent ; il eft prefque inir
poflible de l ’appercevoir. La méthode que je viens
de rapporter, eft plus exaCte qu’aucune autre; ç’eft
par elle qu’on s’affure que le vin ne donne plus de
1 cet acide uni à la partie inflammable qui s’élève &
i; s’attache aux grappes , & qui étant le premier diffolvant
du cuivre, influe effentiellement fur la réuffite
de l’opération.
. Voici un autre moyen pour reconnoître quand la
fermentation eft finie on va vifiter de tems-en-tems
les pots de verdet, on, ôte le couvercle ; & fi on ap-
perçoit que le deffous eft mouillé, c’eft une marque
que le vin fe décompofe , & qu’il fe fait alors une
vraie diftillation ; l’humidité du couvercle augmente
par degrés, & dure plus ou moins de tems,, proportion
de la bonté du vin & dit degré de chaleur
qui le preffe. Dès que Je deffous du couvercle eft fec,
âpfès-cette grande humidité j on peut êtreaflïiréque
le vin a ceffé de fournir, en fe décompofant, le dif-
•Tôlvant volatil du cuivre , & que les grappes foflt
. prêtespour le. .couvage.
Voici
Voici encore un autre indice non moins affufé
que ceux que je viens de rapporter, pour reconnoître
le moment précis où il faut couver. On met fur
les grappes une plaque de cuivre chauffée, pofée de
plat à un des côtés du v a fe , & qu’on couvre de
grappes ; elle fe change en fix heures de tems en un
verd d’éméraude ; & au bout de deux jours on découvre
fur la partie verte de cette lame , quelques
taches blanchâtres qui indiquent fûrement, comme
je l’ai éprouvé, que la fermentation a atteint le degré
requis.
Le nombre des jours ne décide rien pour cette
fermentation ; la faifon, l’a ir , la qualité du vin l’ac-
célerent plus ou moins ; en été , elle eft parfaite dans
trois jufqu’à dix jours, tandis qu’ en hiver il faut douze
, quinze , vingt jours & quelquefois davantage.
Dans cette fermentation, les grappes fe chargent
des parties du vin qui ont la propriété de diffoudre
le cuivre. Quand elles en font bien chargées; & qu’on
le reconnoit aux fignes que nous avons donnés , on
rejette le vin qui efl devenu vinaffe ( c’ eft à-dire un
foible vinaigre ) . On laiffe égoutter un moment les
grappes fur une corbeille en les mêlant bien ; puis
on les range dans les vafes couche par couche avec
les lames de cuivre qu’on a fait chauffer, obfervant
que la première & la derniere couche foient de grappes;
enfuite on couvre le vaiffeau avec le même couvercle.
.
Lorfqu’on a ainfi rangé les lames de cuivre avec
les grappes , on les lailfe pendant trois ou quatre
jours, 6c quelquefois davantage ; on a foin cependant
de les vifiter de tems-en- tems pour reconnoître
le moment oii l’on doit retirer les lames de cuivre.
On les retire lorfqu’on apperçoit fur celles qui ont
v e rd i, des points blancs qui ne font qu’une cryftalli-
fation , comme nous le dirons. Les particuliers qui
font du verd-de-gris, difent qu’alors les lames fe co-
tonnent. Le mot cotonner eft encore un terme de l’art.
Lorfqu’on apperçoit ces points blancs , il faut tout-
de-fuite retirer du vafe les lames de cuivre ; fi on les
y laiffe plus long-tems, toute la partie verte fe détache
des lames, tombe dans le v a fe , & s’attache fi intimement
aux grappes, qu’il eft ,fort difficile de là
recueillir.»
Quand on examine attentivement les grappes qui
ont fervi à cette préparation, & que les particuliers
font fécher à caufe qu’elles font trop graffes, on y
voit des parties de verd-de-gris qui viennent de ce
qu’on a laiffé les lames trop long-tems avec les grappes
dans les vafes. &
Il faut remarquer que les grappes qui ont fe r v i,
ne demandent plus la préparation qu’on fait aux neuves
: préparation qui, comme on l’a déjà d it, confifte
à les faire tremper dans de la vinaffe ou dans du vin.
Cette préparation feroit néceflaire fi les grappes s’ é-
toient engraiffées ; dans ce c a s , après les avoir fait
fécher, on les prépare comme fi elles n’avoient jamais
fervi. Nous avons dit que les grappes s’engraif-
lent lorfqu’ elles font enduites d’une huile mucila°i-
neufe, qui eft un des plus grands obftacles de la formation
du verd-de-gris ; fur quoi je remarquerai ici
en paffant, qu’on doit être tort attentif à ne point
ferrer les grappes dans les endroits où il y a de l’huile,
& à ne les point envelopper dans les linges qui en
ont été imbibés; comme aufli il ne faut jamais mettre
des fubftances grafl'es, huileufes, dans les pots qui
doivent fervir à cette opération. -
Les femmes connoiffent fi fort le dommage que
l’huile peut pcrtgr à leur travail, qu’elles ne defeen-
dent jamais avec une lampë dans les caves où elles
préparent le verd-de-gris ; elles fg fervent de chandelle
; une feule goutte d’huile qui feroit tombée par
megarde dans le vafe leur feroit perdre le produit de
ce vafe. L ’expérience d’une dame de cette .ville I oui
T o m e X m . M
feît faire «ne grande quantité de n rd-J^grls prou,
ve inconteflablement ce fait. Un domeftique qui por-
'toit du vin à la cave dans un^rand chauderon , V
laiffa tomber une lampe pleine d’huile ; on ne s’ap-
perçut de cet accident qu’après avoir mis du vin dans
plulieurs vafes ; loriqu’on voulut juger du degré de
fermentation , on trouva les grappes & le s valès en-
grailles au point qu on fut obligé de jetter le vin 5e
les grappes, & de faire écurer les pots.
J e reviens à la fuite de l’opération : dès qüe les lames
fe cotonnent, on les tire du v afe , & on les range
fur un de leurs côtes à un coin de la café où oit
les laiffe pendant trois ou quatre jours ( cela s’appelle
mettre au relais ). Elles fe fechent pendant ce
tems-là ; alors on les trempe par leurs côtés dans la
vinaffe ; mais la plupart les trempent aujourd’hui
avec l’eau, de maniéré qu’il n’y ait que leur extrémité
qui y foit plongée ; on les laiffe égoutter en les
tenant quelque tems fufpendues ; puis on les range
dans leur premier ordre pour les faire fécher, & on
renouvelle à trois reprifès cette manoeuvre, en obfervant
de mettre huit jours d’une trempe à l’autre.
Lorfque les lames de cuivre font feches, quelques-
uns les trempent dans du v in ; d’autres, comme je
l’ ai déjà d it, les trempent dans l’eau ; par-là ceux-ci
ont un verd-de-gris plus humide , plus pefant, moins
adhérent à la lame, & confervent même leurs lames,
qui font moins rongées par l ’acide du vin affoibli par
l ’eau. Le verd-de-gris ainfi nourri eft moins coloré 8c
inférieur à l’autre,pour les différens ufagesauxquels
on l’ emploie : c’eft ce qui a détermine M. l’intendant
de la province à défendre cette manoeuvre par
une ordonnance où il enjoint de fe fervir du vin ou
de vinaffe pour humetter les lames : c’eft ce qu’on
appelle vulgairement nourrir le verd-de-gris,
Lorfque les plaques de cuivre font au relais, plufieurs
particuliers les enveloppent d’une toile fort
claire mouillée d’un peu de vin , & d’autres les ar-
rofent de tems-en-tems, & les entourent de grappes.
Les tems du relais & de la nourriture du verd-de-
g-is eft ordinairement de 24 à 3 0 jours. Le feul couf>-
d’oeil décide de fa perfeélion, qui eft plus ou moins
avancée, félon que la diffolution du cuivre a été plus
ou moins parfaite. Cette opération dépend de tant
de circonftances, qu’il feroit trop long de les rapporter
dans cet article. Je renvoie mes leèteurs au fécond
mémoire que j’ai donné fur le verd-de-gris. Mémoires
de l'acad. royale des Sciences de Paris- année t y S j .
Au re lais, la matière diffoute fe gonfle, s’étend
& forme une efpece de moufle unie, verte, qu’on
racle foigneufement avec un couteau émouflé : cette
mouffe.s’appelle verd-de-gris ou verdet.
Dès qu’on a exactement raclé les lames , les uns
les expofent à l’air libre pour les faire fécher ; les autres
les font fécher & chauffer dans un fourneau fait
exprès qu’ils ont à leur cave, & les préparent par-là
pour une fécondé opération.
Les lames de cuivre, par les diffolutions réitérées,
perdent confidérablement de leur maffe, & deviennent
peu propres à cette opération, non qu’elles ne
foient aifées à diffoudre , mais parce qu’étant réduites
en lames extrêmement minces, elles ne peuvent
plus être raclées fans fe plier & fe rompre par quelqu’un
de leurs côtés ; alors on les vend aux Chaudronniers
qui les fondent pour leur ufage.
Nous remarquerons que quand on fait du verd-
de-gris , il ne faut pas le contenter d’avoir le nombre
de lames de cuivre qui peuvent être contenues dans
les vafes, il faut en avoir un pareil nombre de réfer-
v e ; ainfi chaque pot contenant cent lames de cuivre
, il faut, pour faire un pot de verd-de-gris, avoir
deux cens lames, pour deux pots quatre cens lames
, & de cette façon les vaiffeaux & les grappes
ne relient pas oififs, & on fait dans le même tems
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