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les uns, comme ceux de Provence, contiennent une
grande quantité de tartre groflier, 8Ç les autres ,
comme celui du Rhin , un tartre plus délié ; quelques
uns j .comme ceux de Marleille, contiennent
un tartre mtrevix légèrement amer : ce qui les rend
laxatifs 8c diurétiques.
La couleur.des v in s dépenddu principe oléagineux
8c fuTphùrèuX qui fe réfout & le mêle intimement
avec leurs parties., à l’aide du mouvement fermen-
tatif înteftin ; d’où il fuit qu’elle doit être d’autant
plus foncée , que le v in contient une plus grande
quantité d’huile.
Tous les vins rouges en général ont un goût 8c une
vertu aftringente, npn-leulement à caule qu’on les
laiffe long-tems infufer avec les pellicules rouges du
raifin , mais encore avec leurs pépins, dont le goût
eft manifeftemënt aftringent ; auffi extraient-ils le
principe aûringerit de ces deux fobftances pour fe
l’approprier.
D u climat ^ fole il & autres caufes qui contribuent à la
bonté des vins. Les pays fitués entre le 40 & le 50 degré
de latitude, comme la Hongrie , l’Efpagne , le
Portugal, l’ Italie , la France , une grande partie de
l ’Allemagne, T Autriche , la Traniÿlvanie, 8c une
grande partie de la Grèce’, produilènt les meilleurs
v in s , parce que ces régions font beaucoup plus ex-
poféës au fôleil que les autres. f . ,
L’expérience prouve encore que les w w qui croxf-
fentfurdes montagnes fxtuQ.es. fur les bords des rivières
, font les meilleurs ; car la bonté dés v in s ne
dépend pas feulement de l’influence du foleil, mais
aulîi de la nourriture que les raifins reçoivent. Or
comme les montagnes Xonf expofées à la roiée qui
eft beaucoup plus abondante aux environs des rivières
que par-tout ailleurs , 8c que celle-ci renferme
une eau fubtile 8c un principe éthéré, il n’eft pas
étonnant qu’elle fournifle une nourriture convenable
pour les vignes. Les vignes ont ençorë befoin
de pluie ; car les roféës ne fuffiient pas pour les
nourrir.
La'nature du terroir contribue beaucoup à la bonté
An v in ; l’on obferve que lesmeilleurs ne croiffent
point dans les terres grades, argilleufes , giroflier es
& noirâtres , mais dans celles qui abondent en pierre
s , en fable , en craie; car ces dernieres, quoique
Rériles en apparence , confervent long-tems la chaleur
du foleil ,, qui échauffe les racines des vignes,
& donne moyen a la nourriture de fe diftribuer dans
toutes les parties de la plante.. ‘ ,
: Ajoutez à cela que les eaux qui circulent dans ces
fortes de terréins, s’atténuent, fe filtrent, 8c fe dé-
barraffent de leurs parties les plus groffieres., au
moyen de quoi le fuc nourricier de la plante devient
plus pur.
On ne. doit donc pas douter que la nature du foleil
ne contribue infiniment à varier les goûts du v i n ,
& à lui donner une qualité bonne ou malfaifante,
puifque des cantons fitués fur la même montagne,
également expofés au fo le il, 8c qui portent des v ignes
de même efpece , produifent des v in s tout-à-fait
différens par rapport à la falubrité, au goût & à la
qualité. La falubrité des vûwde.Tokai 8c de Hongrie
dépend de la fubtilité de la nourriture que les vignes
reçoivent, auffi bien que le principe aerien 8c éthéré
qui fe'mêle avec leur fuc.......
D e s effe ts d u v in p u s immodérément 6* modérément.
Tout v in eft compofé de fé l, de foufre , d’efprit inflammable,
d’eau , de terre, & ce n’eft qu’aux diver-
fés proportions 8c aux divers mélanges de ces principes
qu’il faut attribuer les différentes qualités des
v in s . Ceux de ces principes qui dominent le plus dans
tous les v i n s , font le fel & l’efprit; l’ efprit qui eft le
principe le plus a ftif, fait la 'principale vertu des
y i n s : c’eft ce qui les rend capables de donner de la
V I N
vigueur, d’aider à la digeftion, de réjouir le cervèaii
de ranimer le,s fo c sm a i s comme; le, propreté cet
efprit eft de fe raréfier dans lesv;différeptes pàrti§sbii
il fe porte, 8c d’y faire raréfier.,les liqueu rs .qu’il y
trouve , il arrive que lorfqu’il, eft en. trop, grande
abondance, il dilate les parties;outre mefure: cequi
fait qu’elles n’ agiffentplus avec la même aifance qu’-
auparavant ; enlorte que, l’équilibre qui régné entre
les folides 6c les fluides,..doit. fe.déranger ; e’efte;e
qu’on voit arriver à ceux qui boivent trop de. vjgv>.
leur tête appesantie, leu.rs yevix troubles , leurs jambes
chancelantes, leurs délires.ne .prouvent que trop
ce défordre ; mais fans boire du v//?. jufqu’à s’expo-
fer à ces accidens, il arrive toujours lorfqufpn en
boit beaucoup, que les membranes 6c les conduits
du cerveau plus tendus qu’ils ne doivent être , tombent
enfin par cet effort réitéré dans un relâchement
qui ne leur permet plus d e . reprendre, d’eux-mêmes
leur première aéiion : ;,ce qui doit néceffairement interrompre
les fecrétions,-6c porter beaucoup de
dommage au corps 6c à l’elprit. Mais le vi/z pris avec
modération eft une boiffon très-convenable à.l'homme
fait. Il aide à la digeftion des alimens, répare la
diffipation des efprits , réfoût les humeurs pituitaires
, ouvre les paffages des-urines, corrige la bile,
augmente la tranfpiration 6c la chaleur naturelletrop
languiflante.
Le grand froid gele les vins. Tout le monde fait qu’il
n’y a point de-vi/z qui ne gele par l’âpreté-du froid.
Sans parler de l’année 17 0 9 , dçnt quelques perfon7
nés peuvent encore fe fouyenir., l’hiftoire des tems
antérieurs nous en fournit bien d’autres exemples. ,
En 1543 Charles V . voulant reprendre Luxembourg
que François I. lui avoit enlevé, le fit affiéger
dans le fort de l’hiver, qui étoit, dit Martin du Bellay
, l. X . fo l. 478. le plus. extrême qu’il fut 5;vingt
ans au précédent. Le roi ne voulant en façon quel?
conque perdre rien de (a.conquête, dépêcha le prince
de Melphes pour aller lever lefiege. Les gelées,
ajoute-t-il, furent fi fortes tout le voyage, qu’on départait
le vin de munition à coups de coignée, ôc le
débitait au poids, puis les foldats leportaient,dans
des papiers.,.
Philippe de Comines, l. I I . c. xiv. parlant d’un par
réil froid arrivé de fon tems, en'1469 , dans,1e pays
de Liege , dit expreflement,:que par-trois'jours;fit
départi le vi/z, qu’on donnoit chez le duc pour les
gens de ,bien qui en demandôient, à coups de coi;
gnée, car il étoit gelé dedans les pipes, 6c falloit
rompre le glaçon qui était entier, 6c en faire des pièces
que les gens mettaient en un chapeau ou en un
panier, ainfi qu’ils voulbient.
O vide parlé d’un femblable événement de fon tems:
voici fes^termes.
Nudaque conjîflunt formam fervantia teflce
V in a , nec haujla meri, fed datâ frufta bibunt.
Trift. I. I I I . éleg. x. vers 23.
Le vin glacé retient la forme du tonneau, 6c ne.
fe boit pas liquide, mais diftribué en morceaux.
On ne favoit pas alors qu’un jour la Chimie ten-
teroit de perfe&ionner les vins, par le moyen de la
gelée ; c’eft une expérience rrès-curieufe, imaginée
par Stahl, 6c for laquelle Voye^ V iN , Chimie. {I*
chevalier DE J AU COURT f)
V in , (Chimie.') Méthode pour faire des vins artificiels.
La chimie enfeigne l’art de changer en vi/z le luc
naturel des végétaux.
Prenez une ’centaine de grappes de raifin de Mala-
ga non écrâfé, avec environ 28 pintes d’eau de four*
ce froide; mettez le tout dans un vaifleau de bois,
ou dans un tonneau à moitié couvert, placé dans un
lieu chaud, afin que ce qu’il contient puiffe y fomenter
pendant quelques femaines. Après quoi vous
' V I N
trouverez.que Peau qui aura p'énétfé à travers la
neau dés raifins, aura diffout leur fubftance intérieure
douce 6c liiçrée, 6ç s’enTera chargée comme un
menfoue ;.vous verrez auffi un mouvement intérieur
chîns les parties de la liqueur, qui fe manifeftera par
\innombre, infini de petites, bulles, qui s’élèveront
à la furfaeë. avec un fixement confidérable. Quand
la fermentation fera finie, cette liqueur deviendra
du vin effectif, dont on pourra juger aifément par
fon goût, fon odeur 6c fes effets. Elle dépofera au
fond du tonneau une grande quantité: de fédiment
groffier 6c terreftre, connu fous le nom de lie , différent
de l’ enveloppe ou de la peau, 6c des fables quife
trouvent,autour des raifins.
Cette expérience eft imiverfelle, 6c indique la
méthode générale pour faire , par la fermentation ,
des vins de toute elpece, 6c toutes les autres liqueurs
ou boiflons fpiritueiifes.
En effet, avec un léger changement dans les cir-
conftances , on peut l’appliquer à la brafferie de la
biere faite avec le malt; à l’hydromel fait avec le
miel ; au cidre 6c au poiré qu’on fait avec des pommes
ôc des poires.
On fait auffi de la même maniéré des vins qu’on
appelle artificiels, avec des cerifes, des grofeilles,
des raifins de Corinthe, des baies de fureau, des.mûres
fauvages, des oranges, 6c plufieurs autres’fruits ;
des fucs de certains arbres, comme le bouleau, l’érable
, le fycomore, &c. 6c de meilleur encore, du
jus de canne de fucre, de fon firop , ou du fucre même
avec de l’eau. Tous les fucs de ces végétaux,
après avoir bien fermenté, fourniflënt conformément
à leurs différentes natures,du vin auffi pur que
les grappes les plus abondantes des meilleurs yigno-
bleS.. . . ./ ‘ .
Pour former de ces différens fucs un vin parfait,
la réglé eft de les faire évaporer, s’ ils font naturellement
trop clairs 6c trop légers, jufqu’à ce qu’ils
deviennent femblables au foc des raifins; on peut
faire cette expérience très-aifément, par le moyen
du pefe-liqueur ordinaire. Cet inftrument montre
évidemment la force de la diflblution ; car en général,
tout fuc ou diflblution végétale eft regardée
1 comme fuffifamment chargée pour faire un vin très-
I fort, quand elle foutient un oeuf frais à fa furface.
La chimie nous enfeigne à imiter les marchands
I de vin, en ôtant au fuc du raifin prefque toute fa
douceur, ou fon acidité, pour réndre les vins d’une
meilleure qualité ; ceux même de Canarie, des montagnes
d’Andaloufie ou d’Oporto : on falfifïe fou-
vent ces vins dans le tranfport, quoique la bafe de
I tous foit le fuc du raifin.
Ce fuc examiné 6c confidéré chimiquement, n’eft I c®Pendant autre chofe qu’une grande quantité de fuc
I réel, diflbus dans l’eau avec un certain montant
| propre .au fuc du raifin, conformement à la nature
du vin. Cette obfervation nous fert à établir comme
un axiome, 6c le réfultat d’un examen exa& 6c fui-
vx, qu’une fubftance fucrée eft la bafe de tous les
vins; car je fucre n’eft pas particulier à la canne de
lucre, puifqu’on en retire auffi du raifin : on en trouve
même fouvent des grains affez gros dans les rai-
ms fecs, particulièrement dans ceux de Malaga
joiiqu’iis ont été quelque tems enfermés, 6c preffés
çs uns contre les autres ; on y trouve auffi du fucre
candi une efflorefcence fucrée, 6c des grains de fucre
effeaifs. 6
On fait en France une confiture connue fous le
^ m r eref n é , en évaporant Amplement le fuc du rai-
1 f ce ‘P ’rl foit capable de fe coaguler par
rntd ; 6c lorfqu’il eft dans cet état, on en ufe com-
c 6 fucre mollaffe. Il en eft de même du malt,
moût de biere qu’on peut employer de la même
Ç°n, axnfi que les focs doux de tous les végétaux,
V I N ^29 3
qui fournirent du vin par la fermentation.:
Nous pouvons tirer de ces expériences, des réglés
pour obtenir la matière effentielle des vins fous une
forme concrète, foit en la faifant bouillir, foit par
quelqu’autre moyen, de maniéré qu’on la conferve
fans qu’elle s’aigriffe, pendant plufieurs années. D e
cette façon on pourroit faire des vz//3,des vinaigres
6c des ;eaux-de-vie de routé efpece, même dans les
pays où l’on ne cultive point de vignes. Cette découverte
nous éclaire auffi fur la nature réelle 6c les
ufages de la fermentation fpirituëufe 6c acide.
Pour confirmer encore davantage cette découvert
e , prenez 250 livres de fucre ro y a l; mettez-leS
dans une cuve tenant deux muids ; rempliffez-lâ
d’eàu de fource, jufqu’à 16 pintes ou environ du
bord ; mettez-la enfuite dans un lieu chaud , ou dans
un cellier ; ajoutez-y 3 ou 4 livres de levure de biere
fraîche * faite fans houblon, ou plutôt .d’écume de
vin nouveau: la liqueur en peu de mois fermentera,
6c produira de fort bon vm f'ans couleur 6c fans
odeur ; mais fufceptible de prendre l’unë ou l’autre
telle qu’on voudra la lui donner. Par exemple , avec
la teinture de tôurnefol on en fera An vin rouge, 6c
avec un peu d’huile effentielle;on lui donnera l’odeur
qu on jugera à-propos. Cette, expérience a été tentée
avec fuccès, & peut férvir dé méthode pour faire
desyins dans les colonies de l’Amérique, 6c partout
ailleurs où il croît beaucoup de fucre. Ces vins pour-
roientle difputer.en bonté aux vins Ae France d’Italie
6c d’Efpàgiie, fx la nature de la fermentation étoit
parfaitement connue ; on pourroit même abréger ce
procédé avec le tems, 6c l’on en retireroit encore d’au-
très avantages;! -.. —
L’ufage de cette expérience peut devenir utile au
commerce, 8c aux befoins ordinaires de la vie. Elle
nous apprend d’abord que la fubftance qui fermente
dans chaque matière fufceptible de fermentation eft
très-peu de chofe en comparaifon de la quantité dé
vin qu’elle fournit. Nous voyons, par exemple, que
quatre livres de raifins peuvent être délayées dans
huit pintes d’e u , y fermenter, 8c faire encore un
vin affez fort. Cependant les raifins eux-mêmes con-
txennent une grande quantité d’eau, outre leur fubftance
fucrée ; cette fubftance devient du fucre effect
i f, lorfqu’elle eft réduite fous une forme feche. Si
on veut connoître exa&ement la nature, les ufages
& les moyens de perfe&ionner la fermentation fpi-
ritueufe 6c acide, on ne faurok mieux faire que de
choifir le fucre pour la matière de fes expériences.
Son analyfe démontre évidemment les principes ef-
fentiels à cette opération. Ces principes paroiffent
être un fel acide, une huile 6c de la tèrre, unis fi intimement
enfemble, qu’ils font capables de fe diffou-
dre parfaitement dans l’eau.
Recompojitionduvin. Comme on peut recompofer
le vinaigre avec font réfidu, on peut pareillement
faire la reeompofition du vin après qu’il a perdu fon
efprit par la diflblution. On exécute l’une 6c l’autre
récompofition par le moyen d’un nouveau bouillonnement,
ou d’une légère fermentation. Si l’opération
dans ces deux cas, eft faite par un artifte habile,
la reeompofition doit être exa&e. Pour la bien faire
dans Tune ou l’autre de ces circonftances, il faut
avoir foin d’employer une fubftance intermédiaire
qui leur foit propre, c’eft-à-dire que cette fubftance
doit être fufceptible de fermentation, ou même dans
un état de fermentation a&uelle. Par exemple, un
peu du vin nouveau, du fucre, le jus des grappes de
raifins, &c. parce que ces matières venant à travailler
dans la liqueur, fàififfent fes parties aqueufes ,
fpiritueufes 6c falines, de maniéré a les mêler enfemble
, félon l’ordre ou l’arrangement qui leur convient:
c’eft de ces circonftances que dépend Ia -perfeâion
des vins 6c vinaigres. On n’a pas encore examiné