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■ die, & qui a un rapport évident à ces facrifices.'
Carthage, colonie phénicienne, avoit adopté l’u-
fage de facrifier des victimes humaines, & elle ne le
conferv-a que trop long-tems. Platon, Sophocle &
Diodore de Sicile le déclarent en termes formels.
N’auroit-il pas mieux valu pour les Carthaginois,
dit Plutarque j de fuperftitione , avoir Gritias ou Dia-
goras pour légiflateurs, que de faire à Saturne les fa*
crifices de leurs propres enfans , par lêfqùels ils prétendent
l’honorer? La fuperftition, continue-t-il, af-
moit le pere contre fön fils, &c lui mettoit en main
le couteau dont il de voit l’égorger. Ceux qui étoient
fans enfans, achetoient d’une mere pauvre la victime
dufàcrificè ; la mere de l’enfant qu’on immoloit, de-
voit foutenir la vue d’un fi affreux fpeftaele fans ver-
fer de larmes; fi la douleur lui enarrachoit, elleper-
doit le prix dont on étoit convenu, & l’enfant n’en
étoit pas plus épargné. Pendant ce tems tout réten-
tifloit du bruit des inftrumens & des tambours ; ils
craighôient que les lamentations de ces fêtes ne fuf*
fient entendues*
Gélon, foi de Syracufe , apres la défaite des Car*
thaginois en Sicile , ne leur accorda la paix qu’à condition
qu’ils renonceroient à ces facrifices odieux de
leurs enfans. Voyeç le recueil de M. Barbeyrac, art.
u z . G’eft-là fans doute le plus beau traité de paix
dont l’hiftoire ait parlé. Chofe admirable ! dit M. de
Montefquieu. Après avoir défait trois cens mille car*
thaginois, il exigeoit une condition qui n’étoit utile
qu’à eux, ou plutôt il ftipuloit pour le genrë humain,
Remarquons cependant que cet article du traité
ne pouvoit regarder que les carthaginois établis dans
l’île , & maîtres de la partie occidentale du pays ;
car les facrifices humains fubiiftoient toujours à Car*
thage. Comme ils faifoient partie de la religion phénicienne
, les lois romainesqui les profcrivirent long-
tems après, nepurentles abolir entièrement. En vain
Tibere fit périr dans les fupplices les miniftres inhumains
de ces barbares cérémonies, Saturne continua
d’avoir des adorateurs en Afrique ; & tant qu’il en
eu t , le fang des hommes coula fecrettement fur fes
autels.
Enfin les témoignages pofîtifs de Cé fâ t, de Pline,
de Tacite & de plufieurs autres écrivains exafts ne
permettent pas de douter que les Germains & les
Gaulois n’aient immolé des victimes humaines, non*
feulement dans des facrifices publics , mais encore
dans ceux qui s’offroient pour la guérifon des particuliers.
C’eft inutilement que nous voudrions laver
nos ancêtres d’un crime, dont trop de monumens
s’accordent à les charger. La néceluté de ces facrifices
étoit un des dogmes établis parles Druides, fondés
fur ce principe, qu’on ne pouvoit fatisfaire les
dieux que par un échange, & que la vie d’un homme
étoit le feul prix capable de racheter celle d’un
autre. Dans les facrifices publics, au défaut des malfaiteurs
, on immoloit des innocens; dans lesfàcri-
fices particuliers on égorgeoit fouvent des hommes
qui s’étoient dévoués volontairement à ce genre de
mort.
Il eft vrai que les payens ouvrirent enfin les yeux'
fur l ’inhumanité des pareils facrifices. Un o racle, dit
Plutarque, ayant ordonné aux Lacédémoniens d’immoler
une v ierge, & le fort étant tombé fur une jeune
fille nommée Hélène, un aigle enleva le couteau
fâ c ré , & le pofa fur la tête d’une géniffe qui fut fa-
crifiée à fa place.
Le même Plutarque rapporte que Pélopidas, chef
des Thébains', ayant été averti en fonge, la' Veille
d’une bataille contre les Spartiates, d’immoler une
vierge blonde aux mânes des filles de Scedafus, qui
avoient été violées & maflacrées dans ce même lieu;
ce commandement lui parut cruel & barbare ; la plû-
part des officiers de l’armée en jugèrent de même,
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oc foutinrent qu’une pareille oblation ne poitvoît
être agréable au pere des dieux & des hommes &
que s’il y avoit dès intelligences qui priffent plaifir i
l’effiifion du fang humain, c’étoierit des efprits malins
qui neméritoient aucun égard. Une jeune cava*
le ronfle s’étant alors offerte à éüx, lé devin Théo-
crite décida que c’ëtoit-là l’hoftie que lès dieux dé-
mandoient» Elle fut immolée, & lefacrifice futfuivi
d’une vi&oire coxhplette.
En Egypte, Amafis ordonna qu’au lieu d’hommes
on offrît feulement des figures humainés. Dans fîle
de Chypre Diphilus fubftitua dés facrifices de boeufs
aux facrifices d’hommes.
Hercule étant en Ita lie , & entendant parler de
l’oracle d’Apollon, qui difoit:
K a; KOpetXaC , u<tl tS nurpt çu-ra.
fit entendre au peuple & aux prêtres, que les termes
équivoques de l’oracle ne dévoient pas les abufer,
que KtpoL\àc déftgnôient des têtes de cire connues depuis
fous le nom d’ofcilla , & tpard des flambeaux
qui devinrent enfuite un des principaux ôrnemens
de la fête des faturnales»
Au rèfte , Cette coutume de l’immolation dès vie-
times humaines, qui fublifta fi loh'g-teffis, né doit pas
plus nous étonner de la part des anciens payens, que
de la part des peuples d’Amérique, 6h les Efpàgnols
la trouvèrent établie. Dans cette partie de la Floride
Voifine de la V irginie, les habitans de cette contrée
ôffroientau Soleil des enfans en facrifice.
Quelques peuples du Mexique ayant été' battus
par Fernand Cortès , lui envoyèrent dés députés
àvéc trois fortes de préfens, pour obtenir la paix.
Seigneur, lui dirent ces trois députés, Voilà cinq
efclaves que nous t’offrons ; fi tu es un dieu qui te
nourriffes de chair & de fang , facrifie-lès ; fi tu es
un dieu débonnaire, voilà de Pencens & des plumes;
fi tu es un homme, prens ces oifeaùx & ces fruits.
Les Voyageurs nous affûtent que les facrificeshu-
mains fubfinent encore en quelques endroits de l’A-
fie. Il y a des infulaires dans la mer orientale , dit le
p.du Halde, qui vonttous les ans pendant la feptie-
me lune, noyer une jeune vierge en l’honneur de
leur principale idole.
L’Europe ne connoit aujourd’hui d’autres facrifices
humains que ceux que rinquifition ordonne de
tems en tems, & qui font frémir là nature ; mais il
faut fe flatter que fi quelque jour l’Angleterre fe
trouve en guerre avec l’Efpagne, fon amour du bien
public lui di&era d’imiter G élon, & dé ftijhilër pôut
première condition du traité de paix, « que les auto-
» da-fé feront abolis dans toutes les pùffeflïons ef-
» pagnoles du vieux & du nouveau inondé »: Il fera
plus facile encore au roi delà grande Bretagne'd’inférer
la même claufe dans le premier traité d’alliance
de commerce qu’il pourra renouveller avec fa
riiajefté portugaife. ( Le chevalier D E J a u c ô ü r t . )
V ic t im e , ( Antiq. rom. ) en latin viclhna, parce
que virtüla ptrcuffa cadebat, ou parce que vinita adoras
ducebatur.
La victime étoit la principale partie des facrifices
payens; voici quelques légers détails fur ce fujet.
Lorfque toutes les cérémonies du facrifice étoient
faites, oh amenoit la victime (ans être liée', parce qu’il
falloit que l’on crût du’elle alloit librement & fans
contrainte à la mort. Le' facrificateur Commençoit à
faire l’épreuve de la victime, en ldi verfant de l’eaa
lufirale fur la tête, & en lui frottant'le front avec du
v in , félon la remarque de Virgile.
Frontiqüt injungit vinufacerdos.
Ort égorgeoit enfuite l ’animal ; on en examinoiî
toutes les parties ; on les' coiivroit d’un gâteau fa}*
avec de la farine ou du fel : ce que Servius a eXpri-
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mé fur le yj- livre 4? l’JÉftéide.pàf eés filets : maüatxs ■
ejl ïauras vino, motâque fedfâ.
Après avoir allumé le feu qui dé voit cortfumer la
victime, ôn la jettoit dans ce feu fur un autel. Tan*
dis qu’elle fe confunioit, le pontife & les prêtres
faifoient plufieurs effufions de vin autour de l’autel,
avec dès encenlèmens & autres cérémonies.
On n’imiholoit pas indifféremment toutes fortes
de victimes; il y en avoit d’affe&ées pour certaines
divinités. Aux unes on facrifipit un taureau, aux autres
une chevre, &c. Les victimes des dieux infernaux
étoient noires, félon le témoignage de V irgile, dans
le troifieme livre' de fon Enéide,
Quatuor hic primum nigrantes terga juvencOS
Conjiuuit.
On immoloit aux dieux les mâles, & aux déeffes
les femelles. L’âge des victimes s’obfervoit exactement
; car c’étoit une chofe effentielle pour rendre
le facrifice agréable.
Entré les victimes, les Unes étoient facrifices, pour
tâcher d’avoir par leurs entrailles la connoiffance de
l’avenir ; les autres pour expier quelque crime par
l’effiifionde leur fang, ou pour détourner quelque
grand mal dont on étoit menacé. Elles étoient auffi
diflinguées par des noms particuliers.
Victimce prateidanm, étoient celles qu’on immoloit
par avance ; air.fi dans Feftus prcecidanea porca. une
truie immolée a vant la récolte.
Bidentes, les uns veulent que l’on nomma ainfi
toutes fortes de bêtes à laine ; les autres, lés jeunes
brebis,.1 ■ '
Injuges, les bêtes qui n’a voient pas été mifes fous
le joug, comme dit Virgile, /. IV . de fes georgiques.
E t Intacta totidem cervict juvencos.
Eximice, les victimes que l’on féparôit du troupeau,
pour être plus dignes d’être immolées, agrégé exera-
ta. Le même Virgile dit, Georg. I. IV .
Quatuor eximios prccjlatiti cor pore tauros.
Succidaneoe ; ce foht les victimes qu’on immoloil
dans un fécond facrifice , pour réparer les fautes que
l’on avoit faites dans un précédent.
Ambarvales; viïtimes qu’on fàcrifioit dans les procédions
qui fe faifoient autour des champs.
. Prodigua , celles q u i, félon Feftus, étoient en**
tierement confumées.
riaadures, celles qu’ôri imiholoit pouf expier
quelque grand crime.’
Harnigie ; on appelloit ainfi, félon Feftus, les v/r-
times dont les entrailles étoient adhérentes»
, L/Ledialis yiclima, étoit une brebis noire que l’on
immoloit Paprès-diner.
Probata ; on examfnoit, comme oh l’a dit, la victime
avant que de l’immoler; & quand- elle étoit re-
çue, on la nomnroit probata ho (lia ; ôn la conduifoit
eniuite à l’autel: ce que l’on appelloit ducere ko (liant.
Ovide, éiegrr3 , v. 13 : J
Ducuntur nivece , populo plaildente, juvettea»
On lui mettoit au cou un écriteau, oh étoit le nom
e a dtvinitÉ’ à laquelle on l’allôit immoler ; & l’on
remarauoit attentivement fi elle réfiftoit, ou fi elle
marc oit fans peine ; caf l’on croyoit. que les dieux
rejettoient les victimes forcées.
■ n ^en^ t enc°re que fi la victime S’échappoit des
m-!!nS ^CS ^acr^ cateurs > & S’ ènfuyoit, C’étoit Un
v ; J aiSx,auSUre tl11* préfageoit quelque malhetir»
avoient axim.e > ^ L 'III. c. vj. obfefve que lesdieuX
.• averti Pompée par là fuite des victimis, dé
fin i ï °H.1-l COmmetTre avec Céfar. On obl’ervoit' en*
V e poufloit des cris & des mugiffemëns
T o m T x P ù aV a n t ^ r “ e^ '° ‘r
v i e m
coiip, de. ia.maiii du facriêcâiMr, ( D . jA .
. y iCT?^î.E ARTÏFreiELLE ( Lutènit. ) c’étoic ürië
7 ' « de pâte cuite S imitant la flaird
d un animal, & qu on offroit aux dieux, quand bti
n avoit point de victimes naturelles, ou qu’on né
pouvoit leur en offrir «Kautrts. G’ell ainfi que, felori
Porphyre, Pythagore .offrit un boeuf de pâte en fau
ü ü l Athenée rapporte de même, qti’Empédo-i
cle dnciple de Pythagore, ayant été courondé aux
jeux olympiques , diftribua à ceux qui étoient pré-
lens , un boeuf fait de myrrhe, d’encens, & de toutes
lortes d’aromates. Pythagore avoit tiré cette coutume
d’Egypte , oh elle étoit fort ancienne, & oh
elle fe prariquoit encore du tems d’Hérodote. CD. J i 1
V IC TO IR E , fi f. ( Art milit. ) c’eft l’événement
heureux d un combat, ou le gain d’une bataille-;
c eft 1 aéhon la plus brillante d’un général, lorfqu’elle
eft le fruit de fes difpofitions & de fes manoeuvres,
& qu il peut dire comme Epaminondas j ’ai vaincu
Les ennemis. Voye^ TACTIQUE.
Ce qui .fait le prix & la gloire d’une victoire, eê
font les obftacles qu’il a fallu furmonter pour l’ob-'
tenir. Ce ne font pas -toujours,- dit M. Defolard , Us
victoires du plus grand éclat, qui produifent Les grandes
gloire? , <£ qui illujircnt le plus la réputation dès grands
capitaines , mais la maniéré de vaincre , é’eft-à-dire •
l’art avec lequel on a fait combattre les troupes, lé
nombre,. & ja valeur de celles de l’ennemi, & les
talens du general que l’on a vaincu* Lorlque la victoire
n’eft due qu’à la fupériorité du nombre des
troupes , à leur bravoure, & au peu d’art & d’intelligence
du general oppofe, elle ne peut produirai
qu’une gloire médiocre; à vaincre fans p é ril, on
. triomphe fans gloire. Il faut donc que la victoire, pour
illuftrer véritablement le général, fqit attribuée à
fes bonnes difpofitions, à la fcience de fes manoeuvres
, à la maniéré dont il a fu employer fes troupes,
& que d’ailleurs il ait eu en tête un général habile .^
à-peu-près égal en force. Comme ces circohftances
concourent rarement enfemble , il s’enfuit que tourtes
les victoires ne font pas également glGrieufes.
Aufîx n’eft-ce point le gain d’iuie feule bataille qui
fait là réputation des généraux; mais la continuité
des fuccès heureux ; parce qu’on fuppofe qu’ils font
le fruit des talens & de la fcience militaire,. Il y a
eu des généraux, tels que le fameux amiral de Co-
ligny & le prince d’Orange, Guillaume III» roi d’Angleterre
, qui, fans avoit gagné de batailles, n’en
ont pas moins été regardés comme de grands capitaines,
& qui l’étoient effectivement. Ils comman-
doierit, au-moins le premier, des troupes dont ils n’é-
toient point absolument les maîtres ; ils avoient dif-
férens intérêts à concilier, différens chefs avec lesquels
il falloit fe concerter ; ce qui eft lufeeptible
de bien des înconvénlens dans le commandement
des armées ; mais la maniéré dont ils fe tiroient de
leurs défaites, mettoit leurs talens militaires dans le
plus grand jour; de-là cette réputation juftement ac-
quife & méritée de grands capitaines.
Noiis avons obfervé, article B a t a i l l e , que M . le
maréchal de Puyfegurpenfoit que les batailles étoient
affez fouvent la reflouree des généraux peu intelli-
gens, qui fe fentant incapables de fuivre un projet
de guerre fans combattre, rifquoient cet événement
àu hafard de ce qui pouvoit en arriver* De s généraux
de cette efpeee peuvent gagner des batailles,
fans que leur gloire en foit plus grande»
Le gain d’une bataille ou la viiîoïre étànt toujours
Incertaine, & la perte des hommes toujours très-
confidérable, la prudence l’humanité ne permettent
de fe livrer à ces fortes d’aClions que dans le
cas de néeeflîté abfolue, & lorfqu’il eft impoffibia
de faire autrement fans s’expofer à quelque inconvénient
fâcheux, Lorfqu’on le peut, on n’eft poinj; ex