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confiances militaires qu’ils ont obfervées ; trop heureux
d’entendre leurs d édiions,on doit fe contenter
de ce qu’ils prefcrivent de fa ire , fans les obliger de
rendre de leurs décifions un compte à la portée des
efprits ordinaires ; il faut feulement efpérer qu’ils
voudront bien concourir à la perfection de la théorie
de leur art, par les objections rationnées que leur
expérience réfléchie pourra leur fournir contre les
calculs 6c les démonftrations que le zele d’un efprit
géométrique peut ici leur fournir. Cette fcience de la
guerre ne peut fe perpétuer, & s'établit folidement fans
une étude réfléchie..... Ce n e fi que par des gens de lettres
aidés des lumières des officiers habiles.%... qu'on peut efpérer
de la tranfmettre à lapofiérité y art. 5. dern. chap.
de l'art de la guerre, du maréchal de Puyfégur.
Différentes façons dont l'infanterie fa it ou peut faire
feu. i° . Feu roulant par rang fuccelfif , il ne part
qu’un coup de fufil à-la-fois, 6c chaque foldat du
même rang tire fucceflîvement d’une extrémité à
l ’autre, 6c le feu fe continue par l’extrémité d’un
autre rang du même cô té , où le premier qui a tiré
a fini de faire feu.
20. Feu roulant par rangs , c’eft le même feu que
le précédent, mais exécuté par tous les rangs à-la-
fois ; 6c chaque file tirant fùccefîivement, il part
autant de coups de fufil à - la - fo i s qu’il y a de
rangs.
3 ° . Feu par rangs. T ous les rangs font feu fucceflî-
vement l’un après l’autre , 6c les premiers mettent
genou en terre quand les derniers font feu , il part
à-la-fois autant de coups de fufil qu’il y a d’hommes
dans chaque rang que l’on fait tirer. Les foldats des
premiers rangs ne peuvent charger leurs fufils dans
le tems que les derniers rangs font feu ; Ou s’ ils les
chargent à genoux, ils font plus long-tems à les charger
que s’ils étoient debout. Ces feux ne s’exécutent
que de pié-ferme.
40. Feu roulant par files. Il part autant de coups
de fufil qu’il y a de couples de files, & chaque foldat
h ït fe p lorfqu’il fe trouve au premier rang. Voye^
au mot Marche contre-marche par file s , 6clts ordonnances
& infractions de 1763 & 17^4. Ce feu peut
être le plus fu iv i, c ’eft-à-dire durer le plus long-
tems , il s’exécute ou en avançant, ou en reculant,
ou fans changer de terrein.
50. Feu de rempart fe prend quelquefois pour ce
que j’appelle ici feu roulant par files làns quitter fon
terrein, il vaudroit mieux entendre par feu de rempart
un feu qui ne doit s’exécuter exactement que
derrière un rempart ; c’ efi de faire faire feu au premier
rang avec tous les fiifils de chaque file ; il peut
partir par ce feu autant de coups de fufil à-la fois
qu’il y a de file s, ou du moins autant qu’il y a de
créneaux ou meurtrières d’où l’on peut faire feu ; ce
■ feu doit s’exécuter, fur* tout lorfque l’on ne peut
derrière un parapet ou muraille crenelée exécuter
le feu roulant par files, à caufe de l’irrégularité de
la conftruCtion des remparts ou banquettes.
6 °. Feu de chauffée par rangs. On peut tirer par ce
feu autant de coups de fufil à-la-fois qu’il peut contenir
de files de front fur la, chauffée à deux piés , fi le
rang qui a fait feu défile à côté des autres ; 6c alors
-plus le front eft étendu , moins le feu eft v i f , parce
:qu’il faut que le rang qui a fait feu défile devant le
rang qui va tirer.
7 0. Feu de chauffée par divifion. Ce feu peut s’exécuter
par un front de vingt-quatre hommes fur une
chauffée à contenir trente-deux hommes de front,
alors les divifions qui ont fait fe u , foit fur trois , foit
fur quatre rangs , défilent par le vuide des quatre
files qui font fur les flancs ; toutes les divifions font
feu fucceflîvement ; 6c moins le front eft étendu, plus
le feu eft v i f : mais pour que le nombre des coups
de fufil foit en proportion avec la vîteffe avec la-
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quelle la divifion peut défiler, il faut faire un calcul
félon cette vîteffe 6c le front de la divifion. Voye{ ci-
après.
8°. Feu par ficelions, pelotons , divifions, marches j
voyez ces mots. Ce feu , foit qu’il fe falfe avec trois
ou quatre rangs, eft plus ou moins v i f , félon qu’il y
a une plus grande partie de fron t, qui tire en même
tems jufqu'au nombre de divifion qui fe trouve en
proportion avec la vîteffe avec laquelle tout foldat
peut tire r , 6c ce nombre eft celui des coups de fufil
que chaque foldat peut tirer dans une minute. Ces
trois derniers feux peuvent s’exécuter en avançant,
ou reculant, ou failànt retraite , 6c fans changer de
terrein.
90. Feu de tout le bataillon. Ce feu pourroit s’ap-
peller feu plein ; c’eft le feu qui peut le plus facilement
être le plus v i f , 6c en même tems le plus nourri
fur un terrein uni. Ce feu ne peut s’exécuter que
de pié-ferme.
io°. Feu de bille-baude, appellé aufll fiu à la fran*
çoije, parce que la nation n’en exécutoit pas d’autre,
c’eft torique chaque foldat tire le plus vite qu’il peur,
6c fans en recevoir l’ordre à chaque coup de fufil ;
ce feu peut être aufli v i f que 1 e feu plein, mais il ne
peut l'être davantage ; il ne pourroit être pratiqua-
ble par préférence que lorfqu’une troupe fe trouve-
roit poitée en amphithéâtre, comme fur des marches
d’elcalier, alors huit, dix rangs, & p lu s même
peuvent faire feu en même tems ; on pourroit donc
le nommer feu d'amphithéâtre, C’eft le feu qui peut
être le plu* ple in, parce qu’il fe peut faire avec
plus de rangs. Ce feu ne peut s’exécuter que de pié-
terme.
Pour connoître l’ufage qu’il convient de faire des
différens f iu x , il faudroit déterminer les queftions
ci-après.
Quelle eft la plus grande vîteffe dont peut m archer
une troupe d’intanterie pour charger l’ennemi, dont
elle eflÜie un feu v i f , 6c tiré de pié-ferme ? Voyeç
M a r c h e . .
Quelle étendue peut parcourir une troupe avec le
plus de vîteffe qu’il eft poflible ? Voye^ M a r c h e &.
P a s .
A quelle diftance une troupe commence-t-elle
à perdre du monde par un feu v i f qu’elle effuie }
i ° . Etant fur un terrein u n i, 20. fous une hauteur,
30. plus élevée que celle qui fait feu. Voyeç Fu s il ,
f a portée.
En terrein u n i, en plaine, combien porte-il de
coups de fufil fur l’ennemi à telle diftance ; combien
à telle autre , &c. combien dans les différentes pofi-
tions ; combien derrière un retranchement ? Voye*
Fusil , moyens de faire des épreuves fu r les différentes
façons de faire feu.
A combien de rangs peut-on faire faire feu à-la-
fois ?
A l’égard du nombre des rangs qui peuvent tirer
.à-la-fois fur un terrein uni, il ne peut être de plus
de quatre avec les armes qui font en ufage ; il n’eft
pas douteux qu’il peut être de ce nombre dans les
exercices, l ’expérience en a été fouvent faite en
tirant à la vérité fans balles : ce qui pourroit empêcher
que l’infanterie ne fit ce feu devant l’ennemi,
c’eft que des foldats des derniers rangs qui ne feroient
pas bien exercés, pourroient bleffer ceux des
premiers , fur-tout fi les premiers ne mettoient pas
les genoux en terre ; fi l’on ne peut faire que quatre
rangs , defquels les deux premiers ou un feul met-
troit genoux en te rre , tirent aufli vite que trois rangs
debout ; le feu des quatre rangs feroit dès le premier
moment un quart plus plein que cèlui fait par trois
rangs , par conféquent l’avantage augmenteroit à
meiure que le feu dureroit , 6c il viendroit à être
double ; puifque la. troupe fur quatre rangs ne pérdroït
pas tant de monde que fi le feu ëiiriémi étôit
égal au lien , & que l’ennemi perdroit davantage
que s’il effuyôit feulement un feu é g a l.S i le feu fur
quatre rangs s’ èxécutoit avec un quart moins de
vîteffe que le feu fur trois , les deux feux feroient
égaux ,1 a perte en nombre feroit égale, m ais moindre
en proportion du côté de la troupe qui feroit fur
quatre rangs :■ donc s’il; eft poflible de faire tirer les
quatre rangs àdà-fois , de façon que la différence de
la vîteffe du feu des quatre rangs foit moindre que
le quart de là vîteffe qu’emploieroient les trois rangs ;
il eft nécèffaire de faire feu fur quatre rangs , autrement
d it à quatre de hauteur.
• Quelle èft là plus grande vîteffe avec laquelle l’infanterie
peut fairtfeu,y ôteombien peut-elle tirer de
coups de fuite/? Le fiifil's’ échauffe au point de n’être
point-maniabléquelquefois avant le douzième coup
de fufil.'Si l’on a tiré ces douze coups de'fufil en
trois oUquàtrêminutes, il ne s’échauffe pas davantage;
quand Ces douze coups font tirés'dans deux
minutes, quand on a fait feu vingt-cinq ou- trente
fo i s , il arrive àffez fouvent que-l’intérieur du canon
de fufil èft fàle, gras , & que la cartouche ne peut
plus y defeendrè ; ou f i elle y dëfcend', elle pouffé
vers la culaffe affez de fuie ou de craffe pour boucher
là'lumieré.
- Suppofant-âuë l’oR tire quatre coups par minutej,
une trôùpe qui'feroit le feu plein fur une autre , né
pourroit pas lej continuer plus de trois minutes; fi
une troupe ne parcourt que quatre piés par fécondé,
( voyëç ordonnances & infractions de i y i j & 17/4 )
élite fera trois minutes à parcourir cent vingt toifes',
■ diftance à laquelle tout le monde convient qu’elle
peut perdre du monde. Vôye^ ci-après f u f i l , f a po r-
■ tée.\ Donc la tfoiipë qui (é- mettra en marche pour
aller charger l’ennemi à l’arme blanche, effuierâ
to ut le- feu qu’il eft poflible, 6c cela - fans avoir ri-
polté d’un feul ; en forte que fans rien faire perdre
à . fon ennemi, elle-aura perdu autant que cet ■ ennemi
auroit perdu luiamême, fi elle avoit répondu par
un fe u égal.
~ Suppolànt que de; cent coups de fufil, un porte,
•elle aura perdit1 plus d’un huitième ; 6c par confé-
-qtienf, fit? attaquant dans un ordre femblablej elle aura
un defavantage à l’arme blanche , de la même proportion
;m a isc e defavantage fera-t-il compenfé par
•l’audace qu’aura pu luiinfpirer la marche qu’elle a
fait pour attaquer }
Il paroît. certain qu’ à ordre femblable, - courage
jou valeur égale, pofition égale de terrein, 6c per-
fuafion égale de la force de leurs ordres, la troupe
■ plus nombreufe d’un huitième, & qui n’a pas perdu
•aucun officier, doit repouffer & battre celle qui n’a
point faitfeu ; donc en faifant 1 efeu le plus v i f , 6c
plein , dès que l’ennemi marche à vous pour charge
r à l’arme blanche, on doit être sûr de le battre.
■ Si le feu au lieu d’être de douze coups par homme
dans trois minutés 3 a été de dix-huit, l’avantage fera
de plus d’un tiers.
Süla troupe qui a marché à employé plus de
trois minutes à parcourir lçs cent vingt toifes, l’avantage
fera encore plus grand ; mais fi elle a employé
quatre minutes ou quatre minutes 6c demie,
,elle aura perdu la moitié de fon monde ©u plus,
l ’autre ayant pu tirer vingt-quatre ou vingt-fept
coups.
Mais comment faire tirer vingt-quatre coups de
fuite , les fufils n’en pouvant tirer que douze ? C ’eft
en faifant remplacer les rangs qui auroient tiré douze
coups par un même nombre d’autres rangs ; les
-fù fils auroient alors autant de tems à fe rafraîchir,
iqu’on auroit été de tems à s’en fe rvir, & fucceflîvement
lefeu feroit continuel, jufqu’à ce que les fufils
fuffent trop faleSi. • :
Tome X V I I .
, Les fufils ne font fàles qu’après avoir tiré vingt-
cinq coups; il fe trouveroit doncque l’ehn^mi pourroit
en effuyer cinquante de fuite ; mais fi de cent
coups un feulement porte, il faut que l’ennemi en ait
èffüyé cent pour être détruit; donc il faudroit que
les troitpies qui font placées dans des endroits où elles
ne peuvent fe défendre qu’à coups de fe u , puffent
être remplacées par un nombre égal' après qu’elles
ont tiré vingt-cinq fois : pour cela il faudroit un ordre
ou ordonnance fur quatre fois plus de hauteur
qu’on ne peut fairè tirer de rangs à-la-fois j f i trois
fur douze ; fi quatre fur feize.
Si de cênt coups ùn porté*; fi l’on peut-tirer fix
coups par minute, en quatre minutés-'ùn rangënne-
mi fera détruit ; en huit deux rangs ; 'en fetzé quatre?
rangs ; en vingt-quatre minutes fix rangs. :
Si de cinquante coups un porte, il faut là moitié
moins de tems; fi de vingt-cinq un porte; c’eft un
quart : en fix minutes Ae feu fixrangs'feroient dé-
truits, quelque ordre,ou ordonnance que prennent
les fix- ràngSi • Vyye[ ordre ou ordonnances de bataille.
Mais plus la marché eft précipitée, moins l’on p é r i
de mondé ; fi une troupe pàrcourôit tout l’èfpace
pendant lequel elle eft expofée dans lé tèms qu’elle
ne pourroit effuyer que fept bu huit coups de fufil;
elle né perdroit environ qu’un feizieme ; ce qui ne
feroit pas une différence àffez fenfible pour pérdrê
néceffaïremënt l’égalité à l ’arme blanche; mais je;
fuppofe ici que la troupe qui marché pour charger,
va jafqu’au terrein qu’océupé celle qui fait le feu Xe
plus v i f 6c le plus plein, 6c que cellè-cînè le ceffe
qu’au moment où elleëft jointe par l’autre.
Celle qui a marché fé trouve alors fes armes char-1
gées 6c préfentées ; elle arrive avec beaucoup de vîteffe
contre l’autre qui peut-être eft encore occupée
d’achever de charger fes armes : cette derniere aü-i
roit peut-être encore un defavantage de-n-’aVoir pas
été mife en mouvement en-avant auparkvànt de re-:
cevoir le choc.
Il faut donc reconnoître quël eÎHê tems tiéceffaire
pour faire charger les fiifils, & s’ébranler en-avant
de dix ou douze pas. Cette étendue doit fufRre pour
recevoir le choc, & contrebalancer toute la marche
de l’ennemi, lequel n’acqûiert pas de force-ni n’eitf
perd par la longueur de fa courfe ou marche.0
A quatre coups par minute , il faut pour charger
le fufil quinze fécondés, pour le commandement
ce(fe{ le feu deux ; pour celui marche1 en-avant, pas
pour le choc, deux;total dix-neuf fécondés ou un tiers
de minute : donc le feu doit ceffer lorfque l’ennemi
a encore à parcourir l’efpace de terrein qu’il lui eft
poflible de parcourir en moins d’une demi-minute,
ou moins encore, fi on charge le fufil en dix fécondés,
au lieu que nous lefuppofons ici en quinze.
Suppofant des troupes d’infanteriè de nombre
égal, marchant l’une contre l’autre en plaine unie,
des que l’une des deux après s’ être arrêtée , commence
à faire fe u , 6c qu’ elle eft à portée de faire
perdre du monde à l ’autre, elle a un avantage fur
celle qui marche encore ; foit que cette derniere tire
en marchant, ou ne tire pas.
Il femble donc que fi*tôt qué cette derniere voit
qu’elle perd quelques hommes, il faut qu’elle arrête
6c faffe feu de pié ferme ; & fi le feu de part & d’autre
eft aufli v if, & aufli plein, 6c aufli-bien dirigé ,'
fa partie redevient égale.
Dès que l’une des deux s’apperçoit que le feu
qu’elle' fait eft moins v i f , moins p lein, ou moins
bien dirigé que celui qu’elle effuie , il faut qu’elle
marche de la plus grande vîteffe qu’il lui eft poflible»
pour allér charger à l’arme blanche : quand celle qui
rie marche pas voit marcher l’autre , elle doit faire
toujours le feü le plus v i f qu’il lui eft poflible , ju fqu’à
ce que l’autre n’ait plus que pour une demi-mi^
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