624 W I N
D a v id , roi d’Ecoffe, fit démolir l’ancien palais de
Windfor, pour en élever un nouveau plus luperbe.
Wickam (Guillaume ) profondément verfé dans l’ar-
chite âure , ayant été chargé de ce foin , s’ en acquitta
glorieufement, & n’y employa que trois années;
il mit fur ce palais l’infcription fuivante: this
made Wickam ; comme les paroles de cette inscription
font équivoques, &: qu’elles fignifient également
Wickam a fa it ceci, ou ceci a fait Wickam , fes
ennemis donnèrent un tour malin à l’ infcription , 8c
firent entendre à Edouard, que l’intendant de cet
édifice s’ en attribuoit infolemment toute la gloire. Le
roi irrité reprocha cette audace à Wickam , qui lui
répondit d’un air gai, que fes délateurs étoient bien
odieux, ou bien ignoransdans la langue angloife,
puifque le vraifens de l’infcription qu’il avoit mife
exprès à la gloire de fon ro i, vouloit dire ceci, ce palais
m’a procuré les bontés de mon prince , & m’a. fait ce
que je fuis. Edouard fe mit à rire , & la délation des
envieux de Wickam ne fervit qu’à l’augmentation
de fon crédit. Edouard le fit fon premier fecrétaire,
garde du fceau p r iv é , évêque de Winchefter , 8c
grand chancelier du royaume.
La reine Elifabeth 8c Charles II. ont embelli le
château de Windfor , qui paffe aujourd’hui pour la
plus belle maifon royale qu’il y ait en Angleterre ;
cependant ce château n’a ni jardins, ni fontaines , ni
avenues, 8c fon unique ornement extérieur fe réduit
à un grand parc rempli de bêtes fauves ; mais on
jouit dans ce château d’une vue raviffante, qui s’étend
de tous côtés fur une belle campagne, oh l’oeil
découvre à perte de vue le cours de la Thamife, des
champs couverts d’épics , des prairies émaillées de
fleurs, 8c des collines ombragées de forêts ; de forte
que ce palais eft un des plus beaux féjours qu’on
puifle trouver. Pavillon dit qu’il a été bâti 8c embelli
par les Fées , pour la demeure ordinaire des G râ c es,
& la retraite des plus tendres Amours ; plus beau
fans comparaifon que la gloire de Niquée ; que quant
aux dehors ils font faits , comme il plaît à Dieu, q u i.
en fait bien plus que M. le N oftre; il ajoute :
La nature , en ce lieu , de mille attraits pourvue ,
Pour fe faire admirer,
Semble tout exprès fe parer
E n s’expofdnt à notre vue.
Incejfamment te ciel y rit,
E t la terre qu il embellit
D ’un vtrd qui peint fes prés, fes coteaux, fes bocages
,
Tout vous enchante ; & l'art humain ,
ReJ'peclant de j i beaux ouvrages ,
N ’ofe pas y mettre la main.
Edouard III. naquit dans ce beau château, en 1 3 32.
Sa vie & fes exploits font connus de tout le monde ;
on fait que c’eft l’ un des plus grands 8c des plus célébrés
rois d’Angleterre. Il fut modefte dans fes vic^-
to ire s, & ferme dans fes traverfes. Etroitement uni
avec fon parlement,il donna d’excellens ftatutspour
le bonheur de fa nation ; enfin la gloire du prince
de Galles fon fils concourut à jetter un nouveau
luftre fur la fientie ; c’eft dommage qu’il ait terni ce
luftre en rompant par pure ambition la glorieuse
paix qu’il avoit faite avec le roi d’Ecoffe. Je ne lui
reproche point lapaflion qu’il prit fur fes vieux jours
pour la belle A lix Pierce ; n’ayant pas connu l’amour
dans fa jeuneffe, il n’eut pas affez de force pour s’en
défendre dans un âge avancé. Il mourut en 1 3 7 7 , à
65 ans, après avoir joui d’un fi grand bonheur juf-
qu’à l’an 13 6 9 , qu’ à peine dans l’hiftoire trouve-
rpit-on des exemples d’un régné fi fortuné. Mais depuis
ce tems-là, le fort fe laffa de le favorifer, 8c
le dépouilla de fes illuftres conquêtes ; cependant
l’Angleterre fe dédommagea fous fon régné, avec
W I N
ufure, des tréfors que lui coûtèrent les entreprifes
de fon monarque : elle vendit fes laines , étendit fon
commerce, 8c forma des manufactures qu’elle ne con*
noiffoit point auparavant.
Un autre roi d’Angleterre né à Windfor, eft Henri
V I. appellé communément Henri ^ e Windfor. Il ne
reffembla point à fon illuftre pere Henri V. auquel
il fuccéda, en 1 4 1 1 . On trouve dans fa vie une inaction
naturelle au bien comme au mal ; aufli fut-il
le jouet perpétuel de la fortune. Au-bout d’un régné
de 38 ans, Edouard IV. le dépofféda du trône, 8c
neuf ans après, le comte deWarvick, que l’onappel-
loit/e faifeur de rois, en débufqua celui-ci pour y rétablir
Henri V I. Enfin fept mois étoient jt peine écoulés
, qu’Edouard rentra triomphant dans Londres,
remonta fur le trône , 8c renferma Henri dans la
to u r , oh il fut égorgé par le duc de Glocefter , en
1 4 7 1 , à 5 1 ans.
Il y a deux chapelles à Windfor, l’une neuve , au
bout de la galerie du château, 8c l’autre v ie ille , beaucoup
plus belle, oh les rois tiennent le chapitre de
l’ordre de la jarretière. Cette vieille chapelle eft encore
mémorable , pour avoir fervi de fépulture à
Edouard IV. à Henri VIII. 6c à Charles I.
Edouard IV. fils de Richard duc d’Y o r c k , difputa
la couronne au malheureux Henri V I. qui étoit de la
maifon de Lancaftre , remonta fur le trône , 8c le
garda jufqu’à la mort. Ce qu’il y a de plus étonnant
dans la v ie de ce prince, c’ eft fon bonheur, qui fem-
ble tenir du prodige ; il fut élevé fur le trône après
deux batailles perdues, l’une par le duc d’Yorck fon
p e re , l’autre par le comte de Warwick. La tête du
pere étoit encore fanglante fur la muraille d’Y o r ck ,
lorfqu’on proclamoit le fils à Londres. Il échappa,
comme par miracle, de la prifon de Médelham. 11
fut reçu dans la capitale à bras ouverts à fon retour de
Hollande, avant que d’avoir vaincu, 8c pendant que
fon fort dépendoit de celui d’un combat que le comte
de W arwick alloit lui livrer. Enfin après avoir été
vi&orieux dans toutes les batailles oh il fe trouva,
il mourut en 14 8 3 , âgé de 4 1 ans.
Lorfque ce prince gagna la couronne , c’ étoit un
des hommes des mieux faits de l’Europe. 'Philippe
de Comines affure , qu’il fut redevable du trône à
; l’inclination que les principales dames de Londres
avoient pour lui ; mais ç’auroit été peu de chofe s’il
n’eût pas eu en même tems l’affe&ion de leurs maris,
8ç en général celle de la plupart' des Anglois ; cependant
on a raifon de lui reprocher fon libertinage, &
ce qui eft bien p is, fa cruauté 8c fes parjures. Il fit
périr fur l’échafaut plufieurs grands feigneurs qu’il
avoit pris dans des batailles. Il eft coupable de la
mort du duc de Clarence fon propre fre re , de celle
d’Henri V I. 8c du prince de Galles ; enfin la mau-
vaife foi de ce roi parut dans l’injufte fupplice du
comte de Wells qu’il tira de fon afile par un fauf-
conduit, 8c dans celui du bâtard de Falconbridge,
après lui avoir pardonné fon crime.
Henri VIII. fils 8c fucceffeur d’Henri V II. en 1509,'
âgé de 18 ans , avoit pris du goût pour l’étude dans
fa première jeuneffe. Il étoit libéral, adroit, ouvert,
8c brave. Il défit les François à la bataille des Epc‘
rons, en 1 5 1 3 , 8c prit Térouane 8c Tournay. De
retour en Angleterre, il marcha contre les Ecoffois,
8c les vainquit à la bataille de Floden, oh Jacques IV.
leur roi fut tué.
Voluptueux , fougueux, capricieux , cruel, oC
fur-tout opiniâtre dans fes.defirs, il ne laiffe pas que
d’avoir fa place entre les rois célébrés, 8c par la révolution
qu’il fit dans les efprits de fes peuples, oC
par la balance que l ’Angleterre apprit fous lui à tenir
entre les fouverains. Il prit pour devife un guerrier
tendant fon arc, avec, ces mots, qui je défends
ejî maître, devife que fa nation a rendu quelquefois
W I N
véritable, fur-tout depuis fon régné.
Amoureux d’Anne de Boulen, il fe propofa de l’é-
poufer, 8c de faire un divorce avec fa femme Catherine.
Il follicita par fon argent les univerfités de
l’Europe d’être favorables à fon amour. Muni des
approbations théologiques qu’il a voit achetées, preflé
par fa maitreffe , lafié des fubterfuges du pape , fou-
tenu de fon clergé, maître de fon parlement, 8c de
plus encouragé par François I. il fit caffer fon mariage
, en 15 3 3 , par une fentence de Cranmer , archevêque
de Cantorbery.
Le pape Clément VII, enorgueilli des prérogatives
du làint fiege, 8c fortement animé par Charle-
Quint, s’avifa de fulminer contre Henri VIII. une
bulle, par laquelle il perdit le royaume d’Angleterre.
Henri le fit déclarer par fon clergé chef fuprême de
l’églife angloife. Le parlement lui confirma ce titre,
& abolit toute l’autorité du pape, fes annates , fon
denier de faint Pierre, 8c les provifions des bénéfices.
La volonté d’Henri VIII. fit toutes les lois , 8c
Londres fut tranquille , tant ce prince terrible trouva
l’art de fe rendre abfolu. Tyran dans le gouvernement
, dans la religion, 8c dans fa famille, il mourut
tranquillement dans fon lit, en 15 4 7 , à 57 ans,
après en avoir régné 37.
On vit dans fa derniere maladie , dit M. de V oltaire
, un effet fingulier du pouvoir qu’ont les lois en
Angleterre, jufau’à ce qu’elles foient abrogées ; 8c
combien on s’eu tenu dans tous les tems à la lettre
plutôt qu’à l’efprit de ces lois. Perfonne n’ofoit avertir
Henri de fa fin prochaine, parce qu’il avoit fait
ila tu e r, quelques années auparavant par le parlement
, que c’étoit un crime de haute-trahifon de prédire
la mort du fouverain. Cette lo i , auffi cruelle
qu’inepte, ne pouvoit être fondée fur les troubles
que la fucceffion entraîneroit, puifque cette fuccef-
fion étoit réglée en faveur du prince Edouard : elle
n’étoit que le fruit de la tyrannie de Henri VIII. dé
fa crainte de la m ort, & de l’opinion oh les peuples
étoient encore, qu’il y a un art de connoitre l’a-
Vénir.
La groffeur des doigts de ce prince étoit devenue
fi confidérable, quelque tems avant fon décès, qu’il
ne put ligner l ’arrêt de mort contre le duc de Nor-
folck ; par bonheur pour ce d uc, le roi mourut la
nuit qui précéda le jour qu’il devoit avoir la tête
tranchée ; & le confeil ne jugea pas à-propos de procéder
à l’exécutiond’un des plus grands feigneurs du
royaume.
Henri V III. avoit eu fix femmes ; Catherine d’A-
ragon, répudiée ; Anne de Boulen , décapitée ; Jeanne
Seymour, morte en couches ; Anne de Glèves
répudiée ; Catherine Howard, décapitée ; 8c Catherine
Pa re , qui époufa Thomas Seymour , grand-
amiral. François I. lui fit faire un fervice à Notre
Dame, fuivant l’ufage, dit M. de Th ou, établi par j
les ro is, quoi qu’il fût mort féparé de l’églife.
Je trouve qu’ il s’eft paffé fous le régné d’Henri I
VIII. plufieurs événemens qui méritoient d’entrer I
dans l’hiftoire de M. de Rapin : j ’en citerai quel- j
ques-uns pour exemples.
En 15 2 7 ; lë roi étant à la chaffe de l’oifeau, & ;
voulant fauter un foffé avec une perche, tomba fur
la tête, 8c fi un deifes valets - de-pié ; nommé £</- ;
mond Moody, n’étoit accouru, & ne lui avoit pas •
levé la tête qui tenoit ferme dans Pareile, il y auroit
étouffé. , ? , ,v
La 24e année du régné dë ce prince, on bâtit fon !
palais de Saint-James. Dans la 25e , on inftitua la j
■ prëfidénce pour le gouvernement du nord d’Angle- ‘
terre. Dans la 28e , le pays de.Galles, qui-avoit été j
province de la nation angloife , devint un membre S
de la monarchie, 8c fut fournis aux mêmes lois fon- :
-danientales.
Tome X V 1L
W I N 6 2 5
L an 30 de ce régné, l’invention de jetter en fonte
des tuyaux de plomb pour la conduite des eaux , fut
trouvée par Robert B rook, un des aumôniers du roi;
Robert Cooper, orfevre , en fit les inftrumens, 8c
mit cette invention en pratique. L’an 2.5 du même
régné , les premières pièces de fer fondu qu’on ait
jamais fait en Angleterre, furent faites à Backftead
dans le comté de Suffex, par Rodolphe Paye 8c
Pierre Baude.
Sur la fin de ce régné , on fupprima les lieux publics
de débauches , qui avoient été permis par l ’état.
C ’étoit un rang entier de maifons tout le long
de la Thamife , au fauxbourg de Southwarck , au
nombre do feize, diftinguées par des enfeignes. Sous
le régné de Henri, II. on avoit fait au fujet de ces maifons
divers réglemens de police, qu’on peut voir
dans la defeription de Londres par S:ow. Cambden
croit qu’on nommoit ces maifons fiew s , à caufe des
viviers qui en étoient proche,oh l’on nourriffoit des
brochets 8c des tanches.
Le corps de Henri VIII. eft enfeveli à Windfor2
fous un tombeau magnifique de cuivre doré mais
qui n’eft pas encore fini.
^ Charles I. (dit M. Hume, dont je vais emprunter le
pinceau), étoit de belle figure, d’une phyfionomie
douce, mais mélancolique. Il avoit le teint beau,
le corps fain, bien proportionné, 8c la taille de grandeur
moyenne. Il étoit capable de fupporter la fatigue
, excelloit à monter à cheval, 8c dans tous les
autres exercices. On convient qu’il étoit mari tendre
, pere indulgent, maître facile, en un mot, diâ
gne d’amour 8c de refpeft. A ces qualités domefti-
ques ,' il .en .joignoit d’autres qui auroient fait hon*
neur à tout particulier. Il avoit reçu de la nature du
goût pour les beaux arts, & celui de la peintnre fai-
foit fa paillon favorite.
Son caraftere , comme celui de la plupart des
hommes:, étèit mêlé; mais fes vertus l’emportoient
fur fes vices , ou pour mieux dire fur fes imperfections;
car parmi fes fautes, ©n en trouveroit peu qui
méritalîent juftement le nom de vice.
Ceux qui l’envifagent en qualité de monarque, 8c
fous le point de vue le plus favorable, agirent que
fa dignité étoit fans orgueil, fa douceur fans foiblef-
fe , fa bravourèfans témérité, fa tempérance fans
auftérité, fon économie fans avarice. Ceux o u i1
veulent lui rendre une juftice plus févere, prétendent
que plufieurs de fes bonnes qualités étoient accompagnées
de quelque défaut, qui leur faifoit perdre
toute la force'naturelle de leur influence. Son inclination
ibienfaifante étoit. obfcurcie par des maniérés
peu gracieufes. ; fa piété avoit une bonne teinture de
luperftitian.- Il déféroit trop aux perfonnes de médiocre
capacité, & fa modération le garantiffoit ra-
r menthes réfolutions brufques 8c précipitées. Il n.e
favoit ni céder aux emportemens d’une affemblée populaire
, ni les.réprimer à-propos ; la foupleffe & l’habileté
lui: manqupient pour l’un , 8c la vigueur pour,
.l’autre.
Màlheureufement fon .fort le mit fur le trône dans
fin tems oh les exemples de plufieurs régnés favori-
-foient lé pouvoir arbitraire, 8c oh le cours du génie
de la nation tendoit violemment à la liberté. Dans
.un.aûtrerfiëcle, cè monarque auroit été fur d’un régné
tranquille; mais les hautes idées de fon. pouvoir
dans lesquelles il avoit été nourri, le rendirent inca*
pable d’une foumiflion prudente à cet efprit de liberté
qui prévaloit fi fortement parmi fes fujets. Sa
politique, ne fut pas foutënue de la vigueur 8c de la
prévoyancehéceffaires pour maintenir faprérogati-
-ve aupdint oh il l’a voit, élevée. Enfin, expoféfans
ceffe aux affauts d’une multitude de faisions furieuses
, implacables, fanatiques $ fes méprifes & fes fautes
eurent les plus fatales conféquences. Trop ri-
K K k k i j