tions des bêtes qu’on ne puiffe expliquer par les lois
de la méchanique, il n’y a de même rien dans les of-
cillations, les déterminations 6c les aftes de l’homme
dont on ne puiffe rendre raifon par les mêmes
lois,Q
u’ainficeux qui, à l’exemple de Defcartes, ont
prétendu que les animaux étoient de pures machines,
& qui ont fait tous leurs efforts pour le prouver, ont
démontré en même tems que l’homme n’étoit rien autre
chofe. yoyc[ Instinct.
Que c’ eft la conféquence qu’ils laiffent tirer à leurs
leéteurs , foit qu’ils l’aient fait à deffein , foit qu ils
n’aient pas connu les dépendances inévitables du
fyftème qu’ils vouloient établir. |
Que la perfectibilité n’eft pas même une faculté
que nous ayons de plus que les bêtes, puil'qu’on
voit que leur inftinét, leur adreffe , 6c leurs rufes
augmentent toujours à-proportion de celles qu’on
emploie pour les détruire ou pour les perfectionner.
Que réduire tout ce qui fe paffe dans l’homme à
la feule fenfibilité phyfique , ou à la fimple perception,
c’eft tout un pour les conféquences. Voye{ S e n -
s ib il it é .
' Que ces opinions font toutes deux vraies, & ne
different que dans les mots qui les expriment, dont
le premier touche de très - près au corps, & le
fécond appartient plus à l’ame. Voyt{ Perception,
Sensation, Idée.
Que point de fens, point d’idées.
Que point de m émoire, point d’idées.
Que la liberté çonfidérée comme le pouvoir de
faire ou de ne faire pas eft une chimere.
- ' Qu’à la vérité on peut ce qu’on veut, mais qu’on
eft déterminé invinciblement à vouloir. V ty e { Volonté.
En un mot, qu’il n’y a point d’aûions libres, proprement
dites, mais feulement fpontanées. V y e^ L ibertés
Si on leur objeCte que nous fommes libres d’une
liberté d’indifférence, 6c que le chriftianifmesenfei-
gne qtie nôus avons cette liberté, ils repondent par
ce raifonnement emprunté des ftoïciens: « La liberté,
» difent ces philofophfes , n’exifte pas. Faute de con-
» noître les motifs, deraffembler les circonftances
» qui nous déterminent à agir d’unè certaine manie-
» r e , nous nous croyons libres. Peut-on penfer que
» l’homme ait véritablement le pouvoir de fe déter-
» miner ? Ne font-ce pas plutôt les objets extérieurs,
» combinés de mille façons differentes , qui le pouf-
» fent 6c le déterminent ? Sa volonté eft-elle une fa-
» culté vague 6c indépendante, qui agiffe fans choix
» & p a r caprice ? Elle agit, foit en conféquence d’un
» jugement, d’un a&e de l’entendement, qui lui re-
» préfente que telle chofe eft plus avantageufe à fes
» intérêts que toute autre, foit qu’indépendamment
» de cet a£te les circonftances où un homme fe trou-
» v e , l’inclinent, le forcent à fe tourner d’un cer-
» tain côté : & il fe flatte alors qu’il s’y eft tourné
w librement, quoiqu’il n’ait pu, vouloir fe tourner
» d’un autr-e ». &c-
Après avoir ainfi établi une fuite de principes aufli
finguiiers qu’hétérodoxês ; les Unitaires tâchent de
prouver qu’ils s’ accordent avec les phénomènes, 6c
qu’iis ont de plus l’avantage de donner la folution
des problèmes les plus obfcurs 6c les plus compliqués
de la métaphyfique 6c de la théologie ; ils paffent
de-1 à à la difcuflion des objections qu’on pourroit
leur faire, & après y avoir répondu ae! leur m ieux,
ils examinent de nouveau les deux principes qui fervent
de bafe à leur fyftème. Ces deux principes font,
comme on l’a pu voir c i-d e ffu s, la corporeité de
D ieu , & l’exiftence étemelle 6c néceffaire de la matière
, & de fes propriétés infinies : nos feCtaires s’attachent
à faire v o ir , que ces deux propositions une
fois admifes, toutes les difficultés difparoiffent.
Que l’origine du mal phyfique & mal moral, ce
phénomène fi difficile à concilier avec les attributs
moraux de la divinité, à moins de recourir à l’hy-
pothèfe de Manès, ceffe dès ce moment d’être une
queftion embarraffante , puifqu’alors l’homme n’a
plus perfonne à accufer, il n’ y a ni ma l, ni bien
abfolus, 6c tout eft comme il devoit néceflairement
être.
Qu’on fait de même à quoi s’ en tenir fur les quef-
tiont tant de fois agitées, de l’imputation prétendue
du péché d’Adam à toute fa poftérité ; de la providence
6c de la prefcience de Dieu ; de la nature 6c
de l’immortalité de l’ame ; d’un état futur de récom-
penfes 6c de peines, &c. &c. &c.
Que l’homme n’a plus à fe plaindre de fon exiftence.
Qu’il fait qu’elle eft leréfultat déterminé & infaillible
d’un méchanifme fecret & univerfel.
Qu’à l’egard delà liberté 6c des évenemens heureux
ou malheureux qu’on éprouve pendant la vie, il voit
que tout étantlie dans la nature,il n’y a riendecontin-
gent dans les déterminations de nos volontésjmaisque
toutes les aérions des êtres fenfibles, ainfi que tout
ce qui arrive dans les deux ordres, a fon principe
dans un enchaînement immuable, 6c une coordination
fatale de caufes 6c d’effets néceffaires.
En un mot, qu’il y a peu de vérités importantes,
foit en philofoplue, loit en phyfique ou en morale,
qu’on ne puiffe déduire du principe de l’éternité de
la matière 6c de fon coefficient.
« Il eft v r a i , ajoutent-ils, que pour appliquer
» cette théorie aux phénomènes du monde materiel
» 6c intelligent, 6c trouver avec cette donnée les
» inconnues de ces problèmes , il faut joindre à un
» efprit libre 6c fans préjugés, une fagacité 6c une
» pénétration peu communes : car il s’agit non-feu-
» le ment de rejetter les erreurs reçues , mais d’ap-
» percevoir d’un coup d’oeil les rapports 6c la liaifon
» de la propofition fondamentale avec les coofé-
» quences prochaines ou éloignées qui en émanent,
» 6c de fuppléer enfuite par une efpece d’analyfe
» géométrique les idées intermédiaires qui féparent
» cette même propofition de fes réfultats, 6c qui en
» font fentir en même tems la connexion ».
Ce qu’on vient de lire fuffiroit pour donner une
idée générale de laphilofophie des Sociniens,fila doctrine
de ces feCtaires étoit confiante & uniforme :
mais ils ont cela de commun avec toutes les autres
feétes chrétiennes, qu’ils ont varié dans leur croyance
6c dans leur culte. Ce n’eft donc pas-là le fyftème
philofophique reçu & adopté unanimement par ces
hérétiques, mais feulement l’opinion particulière de
plufieurs favans unitaires anciens 6c modernes.
Obfervons cependant que ceux de cette feCte qui
fe font le plus éloignés des principes expofés ci-deffus
, n’ont fait feulement que les reftreindre, les modifier
, 6c rejetter quelques conféquences qui en de-
couloient immédiatement,foit qu’elles leur panifient
trop hardies 6c trop hétérodoxes, foit qu’ils ne les
cruffent pas néceflairement inhérentes aux principes
qu’ils admettoient : mais s’ilm ’eft permis de dire mon
fentiment fur cette matière délicate, il me femWe
que le fyftème de ces derniers eft bien moins lie»
6c qu’il eft fujet à des difficultés très-facheufes.
En effet que gagnent-ils à ne donner à Dieu qu’une
étendue bornée ? N’eft ce pas fuppofer que la fub*
fiance divine eft divifible ? C’eft donc errer inconfejuemment.
Ils ne peuvent pas dire qu’une étendue
mie foit un être effentiellement fimple, 6c exempt
le compofition, fous prétexte que fes parties n’etant
jioint actuellement divifées , elles ne font point véritablement
diffinCtes les unes des autres. Car dès
qu’elles n’occupent pas toutes le même lieu , ell^
ont des relations locales à d’autres corps qui les dif-
férentient ; elles font-donc aufli |éellement diftinc-
tès indépendantes 6c défunies , quoiqu’ elles n.e
foient féparées qu’intelligiblement, que fi leurs p i tiés
étoient à des diftances infinies les unes des au-
tres, puifque l’on peut affirmer que l’une n’eft pas
l’autre , & ne la pénétré pas.
A l’égard de l’origine du m al, que leur fert-il d’ô-
ter à Dieu la prévifion des futurs contingens , & de
dire qu’il ne connoît l ’avenir dans les agens libres
que par des conjectures qui peuvent quelquefois le
tromper ? Croyent-ils par cette hypothèfe juftifier la
providence, & fe difculper de l’accufation de faire
pieu auteur du péché? C’eft envain qu’ils s ’en flatte
roient , car fi Dieu n’a pas prévu certainement les
évenemens qui dépendoient de la liberté de l’homme
, il a pu au-moins', comme le remarque une fameux
théologien , les deviner par conjecture. « Il a
» bien foupçonné que les créatures libres fe pour-
» roient dérégler par le mauvais ufagé de leur li-
)) berté. Il a dû prendre fes fûretés pour empêcher
» les defordres. Au-moins il a pu favoir les chofes
» quand il lésa vues arrivées. 11 n’a pu ignorer^quand
» ilavuAdam tomber 6c pécher, qu’il alloit faire une
v race d’hommes médians. li a dû employer toutes
» fortes de moyens pour mettre des digues à cette
» malice, 6c pour l’empêcher de fe multiplier autant
» qu’elle a fait. Au-lieu de cela on voit un Dieu qui
» laiffe courir pendant 4000 ans tous les hommes
» dans leurs voies , qui ne leur envoie ni conduc-
» teurs, ni prophètes, & qui les abandonne entie-
» rement à l’ignorance, à l’erreur & à l’idolâtrie;
» n’exceptant de cela que deux ou trois millions d’a-
» mes cachées dans un petit coin de la terre. Les
» Sociniens pourroient-ils bien répondre à cela 6c
» fatisfaire parfaitement les incrédules ?
Je fais bien que les Unitaires dont nous parlons,
objeftent que la prefcience divine détruiroit la liberté
de la créature ; voici à-peu-près comment ils rai-
fonnent fur ce fujet. « Si une chofe , difent-ils, eft
» contingente en elle-même, & petit aufli-bien n’ar-
» river pas, comme a rr iv e r , comment la prévoir
». avec certitude ? Pouf connoître une chofe parfài-
» tement, il la faut connoître telle qu’elle eft en
» elle-même; & f i elle eft indéterminée par fa propre
» nature, comment la peut-on regarder Comme dë-
» terminée * & comme devant a rriver? Neferoit-ce
» pas en avoir une fauffe idée ? 6c c’eft ce qu’il fem-
» ble qu’on attribue à D ieu , lorfqu ’on dit qu’il pré-
» voit néceffaireftient une chofe, qui en élle-même
» n eft pas plus déterminée à arriver, qu’à n’arriver
» Pas ».
lis concluent delà qu’il eft impoflible que Dieu
puiffé prévoir les évenemens qui dépendent dés cailles
libres,»parce que s’il les.prévoit, ils arriveront
ncceftairement & infailliblement; 6c s’il eft infaillible
qu’ils arriveront, il n’y a plus de contingence,
. Par conféqüent plus de liberté. Ils pouffent les ob-
jeftions fur cette matierfe beaucoup plus loin , 6c
prétendent réfuter folidemënt la réponfe de quelques
théologiens, qui difent que lès chofes n’arri-
ent pas parce que Dieu les a prévues, mais que
p ieu les a prévues parce qu’elles arrivent. Voyt{
Rescience, Co n t in g e n t , L ib e r t é , Fa t a l i-
*É ,& c . • “ .
Leur fèntiment fiir la providencè va nous fournir
autre preuvè dé l’incohérence de leurs princi-
bert - tP 0llVant concilier cè dogme avec notre li- 1
v è '' • a V e e l i Laine infiniè qite Dieu a pour le
01 ■” é,i^S à cet être fuprème là providence
aiU d 6 ^ g0uverne les chofes en détail. Mais il eft
e e V0iEj pour peu qu’on y rëfléchiffe, que c’eft
^ imettre toutes les chofes hum aînés aux lois d’un
m néceffuant & irréfiftiblè, & par .côîifëqueiït
introduire le fatalifme. Ainfi s’ils veulent fe fuiv re,
ils ne doivent rendre aucune efpece de culte à la divinité
: leur Lhypothèfe rend abfolument inutiles
es voeuxyles pneres, les fecrifices, en un mot, tous
les attes intérieurs 6c extérieurs de religion. Elle détruit
même invinciblement la doârine de i’immortâ^
lité de l’ame, & , ce qui en eft une fuite, celle dés
peines & des récompenfes après la m ort; hypothè-
fes qui ne font fondées que lûr celle d!une providence
particulière & immédiate, & qui s’écroulent avec
elle.
Leurs défenfeûrs répondent à ce la, qu’il eft inï-
poflîhle d’admettre le dogme d’une providence uni-»
verfelle, fans donner atteinte à l’idée de l’être infiniment
parfait. « Concevez-vous, difent-ils , que
» fous l’empire d’un Dieu tout-puiffant, aufli bien-
» faifant que jufte, il puiffe y avoir des vafes à hon-
» neur, & des vafés à deshonneur ? Cela ne répu-
» gne-t-il pas aux idées que nous avons de l’ordre &
» de la fageffe ? le bonheur continuel des êtres in»
» tëlligens ne doit-il pas être le premier des foins
I d elà providence, & l’objet principal de fa bont'é
» infinie? Pourquoi donc fouffrons-nous, 6c pour-
» quoi y a-t-il des méchâns ? Examinez tous les fyf-
» ternes que. les théologiens de toutes les commu-
» nions ont inventés pour répondre aux obje£HonS
» fur l’origine du mal phyfique 6c du mal moral, &
» vous n’en trouverez aucun qui vous fatisfafîë me»
» me à quelques égards. Il en réfulte toujours poui^
» quiconque- fait juger dès chofes, que Dieu pou-
» vant empecher très-facilement quel’homme ne fût
» criminel ni malheureux, l’a néanmoins laiffétom-
» ber dans le crime & dans la mifere. Concluons
» donc qu’il faut néceflairement faire Dieu auteur
» du péché, ou être fatalifte. Or puifqu’il n’y a que
» ce feul moyen de difciiiper pleinement la divini-
» t é , & d’expliquer les phénomènes, il s’ehfuit qu’il
» n’y a pas à balancer entre ces deux folutions >>.
Telles font en partie, les raifons dont les fauteurs
du Socianifme fe fervent pour juftifier l’opinion dé
nos unitaires fur la providence : raifons qu’ils fortifient
divdilemme d’Epicure, & de toutes les obj ections
que l’on peut faire contre le fyftème orthodoxe.
Mais nous n’avons pas prétendu nier que ce fyftème
n’eût aufli fes difficultés ; tout ce que nous avons
voulu prouver, c’eft premièrement que ces feflai-
res n’ont point connu les dépendances inévitables
du principe fur lequel ils Ont bâti toute leur philo-
fophie, puifque l’ idée d’une providence quelle qu’ elle
fo it, eft incompatible avec la fuppofition d’urié
matière éternelle & néceffaire.
Secondement, qu’en excluant la providence divi*
ne de ce qui fe paflè ici bas, &en reftreignant fes opérations
feulement aux grandes chofes, ces Socinieni
ne font pas moins hétérodoxes que ceux dont ils ohé
mutilé le fyftème, foit en en altérant les principes ,
foit en y intercalant plufieurs opinions tout à fait
difeordantes. J ’en ai donné, ce me femble, des preuves
fenfibles, auxquelles on peut ajouter ce qu’ ils
difent de l’ame des bêtes.
Ils remarquent d’abord (A ) que l’hommeèftle
feul de tous les animaux auquel On puiffe attribuer
une raifon, 6c une volonté proprement dites, St
dont les aérions font réellement fufceptib'Ies de.m:é-
rite & de démérite , de punition 6c de récompenfe.
Mais s’ils ne donnent point aux bêtes Une Volonté,
ni un franc-arbitre proprement dits ; s’ils ne les font
pas capables dè la vertu & du vice , ni dèS peinés
des récompenfes proprement parlant. ils ne laiffent
pas de dire que la raifon , la liberté St la vertu fe
trouvent èri elles imparfaitement 6c analogiquement,
& qu’elles fe rendent dignes de peines & dè récom-
6 ^ 6 6 ^-Lellius, £thica chrijiiana , l.b II- eay. j . pag»
L