836 T
avec les autres nations que ce qui doit être commun
à toutes les bonnes troupes, le zele 6c l’obéiflance ;
pourquoi leur a-t-on fait prendre en ce moment les
couleurs en ufage „chez les Allemands, 6c affeéle-
t-on de leur en donner en tout l’habillement jufqu’à
des talons qui les font marcher de fi mauvaife grâce ?
Il y a en Allemagne des ufages bons à imiter ; mais
je crois que ceux-là ne font pas de ce nombre, 6c je
dirois avec Molierë i. non cen'eji point du tout la
prendre pour modèle , ma fceur , que de toujfer 6* de
cracher comme elle.
Nous prenons trop de ces allemands; letton des
officiers généraux ôc dès chefs des corps n eft plus
avec des lubalternes ce qu’il doit être ; la fubordination
peut s’établir fans employer la hauteur 6c la dure
té; on peut être févere avec politeffe ,6 c fériéux
fans dédain ; de plus on peut attacher de la honte au
manquement de fubordination ; on peut fufpendre
les fondions de l’officier peu fournis 6c peu exad ,
le mettre aux a rrêts, &c. Corrigeons notre ignorance
6c notre indocilité préfomptueufes, mais ref-
tons françois. Nous fommes vains, qu’on nous conduire
par notre vanité ; vos ordonnances militaires
font remplies de ce que le foldat doit à l’officier ;
pourquoi ne pas parler un peu plus de ce que l’officier
doit au foldat ; fi celui-ci eft obligé au re fp éd ,
pourquoi l’autre ne l’eft-il pas à quelque politeflè ?
ce foldat qui s’arrête pour faluer l’officier, eft bleffé
qu’il ne lui rende pas fon falut ; craint- on que le foldat
traité plus poliment ne devienne infolent? voit-
on que les Efpàgnols' le foient devenus depuis que
leurs officiers les ont appellésfennotésfoldados? pourquoi
ne pas punir l’officier qui le permet de dire des
injures à Un foldat, & quelquefois de le frapper ?
L ’exemption des corvées , quelques honneurs dans
leurs villages, dans leurs paroifles, accordés aux
foldats qui fe feront retirés dans leurs paroifles avec
l ’approbation de leurs corps, releveroient leur état,
& contribueroient à vous donner des recrues d’une
' meilleure efpece.
Il regnoit, il n’y a pas long-tems, une forte de
familiarité 6c d’égalité entre les officiers de tous les
grades, qui s’étendoit quelquefois jufqu’au foldat ;
elle regnoit du-moins entre le foldat 6c les bas-officiers
; elle avoit fans doute de très-grands inconvé-
niens pour la difcipline,& c’ eft bien fait de placer des
barrières , 6c de marquer les diftances entre des
hommes dont les uns doivent dépendre des autres.
Mais cette forte d’égalité , de familiarité répandue
dans tous les corps militaires étoit très-agréable au
fubalterne 6c au foldat ; elle le dédommageoient en
quelque forte de fa mauvaife paie 6c de fon méchant
habit ; aujourd’hui qu’il eft traité avec la févérité fé-
rieufe des Allemands 6c autres, 6c que les exercices,
l’exattitude, &c. font les mêmes ; il n’y a plus de
différence que celle de la paye 6c de l’habit ; il n’a
donc qu’à gagner en paffant à ce fervice étranger, &
c’ eft ce qu’ont fait nos meilleurs foldats ; le roi de
Sardaigne a levé quatre mille hommes fur les feuls
régimens qui étoient en Dauphiné & en Provence ;
on peut aflurer que la défertion continuera encore
jufqu’à ce qu’ il fe faffe deux changemens, l’un dans
les ‘troupes qui finiront par n’être plus çompofées
que de nouveaux foldats, la lie de la nation ; l’autre
dans la nation même , qui doit perdre peu-à-peü fon
carâôere ; il a fans doute des défauts 6c des incon-
véniens ce cara&ere ; mais ces défauts tiennent à des
qualités fi éminentes , fi brillantes, qu’il ne faut pas
l ’altérer ; je fais qu’il faut de l’efprit & de l’argent
pour conduire les François tels qu’ils font, 6c qu’ il
ne faut être que defpote pour les changer ; aufli fuis-
je perfuadé qu’un miniftre aufli éclairé que' celui-ci
n’en formera pas le projet ; il verra fans doute lané-
çeflité d’augmenter la paie de l’infanterie, 6c d’en
T
relever l’état par mille moyens qu’il imaginera, &
qui vaudront mieux que ceux que j’ai propofés ; il
me refte à parler de la maniéré de punir la défertion.
Je voudrons qu’on diftinguât les déferteurs en plu-
"fieurs claffes différemment coupables., il ne doivent
pas être également punis ; je voudrois qu’ils fuffent
prefque tous condamnés à réparer ou bâtir des fortifications
; je voudrois qu’ils biffent enchaînés comme
des galériens,, avec des chaînes plus ou moins
pefanfes , feuls ou deux à deux , félon le genre de
leur défertion. Ils auroient un uniforme à-peu-près
femblable à celui des galériens ; en les traitant avec
humanité, ils ne couteroient pas fix fols par jour ;
on les diftribueroit dans les principales places , telles
que Lille, D ou a i, Metz, Strasbourg, Briançon,
Perpignan , &c. Ils feroient logés d’abord dans des
cafernes, & peu-à-peu on leur conftruiroit des
logemens auxquels ils travailleroient eux-mêmes. Le
foin de leur fubfiftance , de leur entretien 6c de
leur difcipline, feroit confié aux intendans ou à des
.’Commiffaires des guerres, aux états majors des places
, fi l’on v eu t, & ils en rendroient compte aux
officiers généraux commandans dans la province. Ils
feroient veillés 6c commandés par quelques fergens,
tirés de l’hôtel des invalides 6c payés par l’hôtel ;
leur garde pourroit être confiée à des foldats invalides
, payés aufli par l’hôtel. Quand le befoin des travaux
l’exigeroit, ils feroient conduits d’une place à
l’autre par la maréchaufl’ée. Leur dépenfe feroit
payée fur les fonds deftinés aux fortifications , 6c
, cette maniéré de réparer les places feroit un épargne
pour le r o i , qui paye vingt 6c trente fois aux
ouvriers ordinaires ; il eft bien difficile de dire pré-
cifément quel feroit le nombre des déferteurs affem-
blés ainfi dans les premières années de cet établiffe-
ment. Pendant l’autre paix, il défertoit à-peu-près
deux ou trois cens hommes par an; depuis cette dernière
pa ix , il en eft déferté plus de deux mille dans
le.même efpace de tems, mais il eft à croire que cette
fureur de défertion nè durera pas ; d’ailleurs on
arrête fort peu de déferteurs, on ne peut guere compter
que de long-tems il y en ait plus de mille aflem-
blés ; ils ne couteroient guere que iooooo liv. par
a n , ils travailleroient mieux que mille ouvriers Ordinaires
qui couteroient'plus de 4 à 50,0000 liv.
J ’ai dit que les déferteurs travailleroient mieux que
ces ouvriers, 6c on en fera convaincu ,lorfque j ’aurai
parlé de la police 6c des lois de cet établiffement.
Il faut à préfent les diftribuer par claffes, 6c dire
comment 6c combien de tems il feront punis dans
chacune des claffes.
Ceux qui défertent dans le royaume fans voler , ni
leurs armes, ni leurs camarades, & fans être en faction,
condamnés pour deux ans à la chaîne 6c aux travaux,
réhabillés , enfuite 6c obligés de fervir dix ans.
Ceux de cette efpece qui reviendraient à leurs corps dans
lefpace de trois mois; condamnés à trois mois de pri*
fo n , 6c à fervir trois ans de plus que leurs engage-
mens, perdent leur rang.
Ceux qui déferlent en faction, ou volant leurs camarades
y ou emportant leurs armes ; condamnés pour leur
vie aux travaux publics, 6c enchaînés deux à deux,
ou quatre à quatre.
Ceux y qui en tems de guerre, défertent à L'ennemifans
voler, fa n s , & c . condamnés aux travaux publics ,
enfuke réhabillés, obligés de fervir vingt ans, fans
pou^îpr prétendre auxrécompenfes accordées à ces
long^e rvice s, à moins qu’ils ne le méritent par des
a&ions ou une excellente conduite.
Ceux qui défertent à l 'ennemi & ont vole ; paffés par
les armes , mais on ne réputeroit pas pour vol quelque
argent dû au roi ou à leurs camarades.
Ceux des déferteurs, qui en tems de guerre, reviennent
à leurs corps ; fix femaines de prifon, fervent dix ans
V St reprennent leur rang ; s’ils ont volé , perdent leur
ran g, 6c fervent jufqu’à ce qu’ils aient payé ce qu’ils
pnt pris.
Ceux qui ramènent un dlferteur, ou feulement reviennent
plufieurs enfemble; engagés pour trois ans de plus,
deux mois de prifon, 6c reprennent leur ran g, . s’ils
font revenus dans l’année dé leur defertion.
Ceux qui déferteroient pour la fécondé fois fans vol ;
condamnés aux travaux trois ans, 6c fervent vingt
ans.
Avec vol une des deux fois; aux travaux pour leur vie.
Qui défertent pour la troifieme fois ; pendus.
Dans la clafle de ceux qui feroient condamnés
pour leur v i e , je voudrois que dans quelques occa-
fions , comme la naiffance d’un prince , le mariage
de l’héritier préfomptif, une grande victoire , &c. le
roi fît grâce à un certain nornore qui feroit choifi fur
c eu x , qui depuis leur défertion, aurpient marque
du zele dans le travail, 6c des moeurs, c’eft - là ce
qui les engageroit à travailler, 6c les rendroit plus
faciles à conduire ; de plus , par cet ufage fi humain,
il n’y auroit que les plus mauvais fujets privés d’ef-
pérance.
Je fuis perfuadé que cette maniéré de punir la
défertion , feroit plus efficace que la loi qui punit de
mort ; le foldat elpéreroit moins échapper à ce châtiment
, auquel les officiers, la maréchauffée, le peuple
même ne chercheroient plus à le dérober, parce
que la pitié qui parle en faÿeur même du coupable ,
iorfqu’il eft condamné au dernier fupplice, ne fe fait
point entendre pour un coupable, qui ne doit liibir
qu’un châtiment modéré : j’ajouterai que le fupplice
d’un homme qu’on pend ou à qui l’on pâlie la tete, ne
frappe qu’un moment ceux qui en font les témoins ;
les impreflions que ce fpeéfacle fait fur des hommes
peu attachés à la vie , ne tardent pas à s’effacer ;
mais le foldat qui verroit tous les jours ces délerteurs
enchaînés , mal vêtus , mal nourris , avilis 61 condamnés
à des travaux, en feroit vivement 6c profondément
affefté ; quel effet ne produiroit pas ce
fpe&acle fur des hommes feniibles à la honte ; ennemis
du trava il, 6c amoureux de la liberté? je fuis
perfuadé qu’il leur donneroit de l’horreur pour le
crime dont ils verroient le châtiment, fur-tout u on re-
levoit Famé du foldat par les moyens que j ’ai propofé
s, fi on l’attachoità fon état par un meilleur fort ;
& enfin , fi on lui ©toit des motifs de défertion qu’il
eftpoffible de lui ôter. Je crois du-moins,après ce que
je vieps dire , qu’on peut être convaincu que la juf-
lice exige que la défertion foit punie chez-nous avec
moins de févérité , 6c que l’intérêt de l’état veut
qu’on ne caffe point la tête à des hommes qui peuvent
encore fervir l’état je crois avoir plaidé ici la
caufe de l’humanité , mais ce n’eft point en lui facri-
fiant la difcipline qui a fans doute des rigueurs né-
ceffaires.
J ’ai paffé plus d’une fois dans ma vie autour des
corps de malheureux auxquels on venoit de caffer
la tête, parce qu’ils avoient quitté un état qu’on leur
avoit fait prendre par force ou par fupercherie , 6c
dans lequel ôn les avoit maltraités ; j’ai été bleffé
de la loi de fang, d’après laquelle il avoit fallu les
condamner , j’ en ai fenti l’injuftice & l’atroçité ; je
me fuis propofé de les démontrer.
Quant aux réfléxiqns de toutes les efpeces dont
j’ ai rempli ce mémoire, je n’aùrois point eu la témérité
de les écrire, fi je n’avois pas vu qu’elles étoient
conformes aux idées de quelques officiers généraux,
dont les lumières 6c le zele pour la difcipline nè
font point conteftés ; s’ il y a dans cet écrit quelques
vérités utiles, elles leur appartiennent plus qu’à moi.
v
V ÉN U S , ’ (Aflronom.y fatellites de Vénus. Depuis
V § 3 7
la découverte des fatellites de Jupiter 6c de Saturne*
qui ne font que des lunes femblables à celle qui tourne
autour de la planete que nous habitons, l ’analo-1
gie a dû faire fou'pçonner l’exiftence de pareils aftres
autour des autres corps. Pourquoi ce préfent n’au-
roit-il été fait qu’à certaines planètes,tandis qu’il s’en
trouve d’intermédiaires, qui par leur éloignement
fembloient devoir jouir des mêmes avantages, 6c
qui ne font pas moins importans dans le fyftème des
corps affujettis à notre foleil : tels font Mercure, Vénus
6c Mars?Ces fortes d’in durions prennent une nouvelle
force, fi on confidere attentivement les phénomènes
de ces planètes fecondaires à l’égard de la pla-
nette principale dont ils dépendent. Soumifes aux
mêmes lois générales, leurs révolutions périodiques
font déterminées par leurs diftances au centre du
mouvement qui leur eft commun,
Mais fans chercher des raifons pouf expliquer les
variétés que nous offrent les produ&ions de l’Etré
fuprème , contentons-nous de rapporter les faits. Il
vaut mieux arrêter l’efprit qui ne court que trop vite
au fyftème.
Toutes les obfervations faites fur Mars nous mettent
en droit de conclure qu’ il eft dépourvu de fatel*
lite. Cette planete eft trop voifine de la nôtre pour
que nous ayons pu tarder jufqu’à cette époque à le
découvrir, les circonftances dans lefqueiles il fe préfente
à nos yeux font d’ailleurs trop favorables pour
qu’il, ait pu échapper à l’époque de l’invention des
lunettes. La phafe ronde qu’il auroit toujours eu à
notre égard le rendoit trop 1 enfible pour n’être pas
apperçu de Galilée.
Il n’en, étoit pas ainfi de Vénus : placée entre le foleil
6c nous, les obfervations faites fur cette planete
ont été plus délicates , plus rares, plusfujetes à des
variations, que des circonftances de toute nature
rendent très-difficiles à faifir, la perfeâion des inf-
trumens , l’habileté des obfervateurs , des travaux
fans nombre entrepris pour le progrès de l’aftrono-
mie ; tous ces efforts fùffifent à peine pour nous inf-
truire de la révolution de Çette planete fur fon axe.
Qu’on ne foit donc pas furpris fi les obfervations
que nous allons rapporter ont été fi peu répétées malgré
les veilles 6c les peines de nos aftronomes les plus
infatigables.
La première obfervation du fatellitp de Vénus eft
dûe à M. Caffini : il s’exprime en ces termes dans fa
découverte de la lumière zodiacale, in-fol. I CSS. Paris,
Seb. Cramoifi, p . 4S. « A 4 heures 15 minutes , iB
» Août 1686 , en regardant Vénus par la lunette de
» 34 pies, je vis à f de fon diamètre vers l’orient une
» lumière informe , qui fembloit imiter la phafe de
» Vénus, dont la rondeur étoit diminuée du côté de
» l’ occident. Le diamètre de ce phénomène étoit à-
» peu-près égale à la quatrième partie du diamètre de
» Vénus : je l’obfervai attentivement pendant un
« quart-d’heure , 6c après avoir interrompu l’obfer-
» vation l’efpace de 4 ou f je ne la vis plus, mais le
» jour étoit grand ».
M. Caffini avoit vu une lumière femblable qui im-
toit la phafe de Vénus, le 25 Janvier 16 7 2 , pendant
10' depuis 6 h. 5 1 ! du matin, jufqu’à 7 h. vers
les 7 h. du matin, que la charte du crépufcule fit
difparoître cette lumière. La plûpart des aftronomes
cherchèrent inutilement ce fatellite, aucun ne
s’apperçut jufqu’à M. Short, qui le revit 54 ans après,
pendant qu’il obfervoit Vénus avec un télefeope de
16*.
Cette obfervation étant une de celles qui conftate
le plus l’exiftance du fatellite de Vénus, par l’impof-
fibilité d’y fuppofer que l’obfervateur ait été trompé
par des iilufiôns optiques, mérite une attention particulière
; c’eft pourquoi je la rapporterai telle qu’elle
W*^3gB83ij
j