grande que Sapience, et les rochers qui la composent paraissent être
groupés en trois portions principales; l’eau y manque absolument, Ce
qui n’empêche pas les habitans de Gargaliano, qui s’imaginent en être
les propriétaires, d’y avoir des vignobles et des jardins, qu’ils assurent
être assez productifs. Ces bonnes gens ne se doutent pas que Prodano
est réputée île Ionienne, et qu’en cette qualité elle ne leur appartient
point, puisqu’elle est une dépendance de l’empire britannique.
Après trois quarts d’heure de marche dans le bas pays vers le sud,
toute culture cessa, le sol devenant ingrat et aride; il ne se composait
plus que d’un détritus de brèche, pareille à celle du Saint-Nicolo et du
Vieux-Navarin, dont les cailloux étaient désagrégés, et le ciment réduit
en terre rougeâtre. Il fallut traverser successivement le lit de deux tor-
rens ou ravins à sec et sillonnant peu profondément un terrain qu’ont
envahi diverses espèces de Cystes frutescens, aux racines desquels des
Hypocystes ( n.° 1 250) assez communs étaient en pleine floraison. On
trouvait aussi çà et là des pieds de Bruyère arborescente, moins élevés
que ceux dont les panaches d’ivoire ornaient les sites moins brûlés où
nous avons herborisé les jours précédens; plusieurs des Ophris à corolles
en forme d’insectes, représentés dans notre Pl. XXXII, et le Limo-
dore, Limodorum abortivum ( n.° 1240), croissaient sous la protection
de ces arbustes, qui donnent généralement peu d’ombre.
La physionomie générale du canton n’avait aucun rapport avec nos
Landes, elle rappelait plutôt celle de ces espaces secs, quoique buissonneux
et dépourvus d’arbres, que dans les colonies on nomme Haliers
ouHasiers. C’est ce qu’on appelle Chaparales dans le midi de l’Espagne,
parce qu’il y croît aussi des Câpriers appelés Chaparas. Des Gaîniers et
l’Aubépine, que l’odeur de ses bouquets nous avait annoncée d’une
certaine distance, se retrouvèrent avèc les Arbousiers quand nous arrivâmes
au Brisoméro, qu’il fallut traverser; et vers midi, ayant laissé
derrière nous lé pont du Boumano, nous fîmes halte pour déjeûner
dans la plaine à l’ombrage de petits arbres couverts de Clématites, de
Salsepareilles et de Vignes sauvages, qui croissaient sur un espace humide
arrosé par un cours d’eau qu’on me nomma Nérolagada; ce fluviole, qui
se divisait en plusieurs petits bras, dont l’eau était fort bonne et alors
assez abondante, demeure à sec pendant l’été; il vient de la montagne de
Mànglava, en passant par le village de Niklena. Près du lieu où nous
nous arrêtâmes était un puits desséché dont les rebords, s’étant écroulés
en dedans, prêtaient dans leurs décombres un abri à des Couleuvres,
qui s’y précipitèrent plutôt qu’elles ny descendirent lorsque nous en
approchâmes. Ces animaux, roulés sur eux-mêmes, se chauffaient au
soleil à quelque distance de leur retraite; d’une extrême agilité, ils se
développèrent sans que nous en pussions surprendre aucun, et glissant
avec une étonnante vélocité sur la terre plutôt qu’ils n’y rampaient,
ils descendirent le long des moellons qui formaient les parois du puits,
qui n’a pas moins de huit à dix pieds de profondeur-, et d’ôh je ne
conçois point comment ils pouvaient ressortir. Nous ne sommes jamais
parvenus à nous procurer un seul individu de cette espèce, que pourtant
nous avons cru revoir en plusieurs endroits; elle appartient probablement
au sous- genre des Dendrophyles, étant extrêmement mince et
alongée, avec la tête fort, petite; sa taille est de deux pieds et demi à
trois pieds; son diamètre n’a pas trois pouces; elle nous a paru d’une
couleur claire de vert d’olive, tirant au bistre en dessus, et d’un blanc
jaunâtre en dessous.
Comme je n’avais quitté Modon que pour décider la question de la
célèbre Pylos de Nestor, je n’y voulus pas rentrer que je n’eusse visité
le petit village de Pyla, ou M. Pouqueville, qui d’abord avait reconnu
la ville de Nélée dans le Vieux-Navarin, la transporta plus tard1. Nos
gens furent conséquemment expédiés en droiture sur ce lieu ou je voulais
passer la nuit : accompagné seulement de MM. Brullé et Baccuet,
je me jetai sur la gauche et m’enfonçai le long de la Djalova, en suivant
i . « J’avais autrefois (Voyage en Morée, tom. I , i 8o5) , d’après de fausses notions, dit M. Pou-
« queville (Voyage de la Grèce, tom. VI, liv. 18, chap. 5 , pag. 7 2 ) , déterminé l ’emplacement
« de Pylos où sont les restes du château de Zonchio ; mais une connaissance plus exacte des localités
« m’a fait connaître que cette ville exista au village de ce nom, qu’on trouve à l’orient du port,
« vis-à-vis de Sphactérie; Quoique situé sur la montagne, il domine un beau plateau arrosé jftr
« une rivière, cultivé ét abondant en pâturages. Si on n’y trouve plus que les débris consistant en
« grands polygones de l’acropole construite par Pylos, chef des Léléges, sans nulle trace des rem-
« parts, ouvrage des Pélasges, dont Nélée fut le chef? si on ignore où se trouve le souterrain dans
« lequel Nestor renfermait ses troupeaux, on y voit encore la même source que Bacchus avait,
« dit-on, fait jaillir de la terre en la frappant de son thyrse. G’est à celte fontaine que les Turcs