teur et au sortir dë la porte par la route de Modon, en avait cent trente,
tôüs Grecs. « Cette population, calculée, ajoute'M. Pouqueville, avec
« celle de trente-six villages, dont se composait le canton, donnait un
« totaDde cinq mille quatre-vingt-quinze individus. * Tel était encore
le triste état de ces lieux si mal peuplés, quand la révolution de l’indépendance
éclata. Navarin fut aussitôt investi et attaqué par divers
capitaines de troupes irrégulières, aussi aniihéès contre leurs oppresseurs
qu’avaientpu l’être contre leurs maîtres, en 4 792, les esclaves de Saint-
Domingue. On distinguait entre les chefs des assiégeans, Papas-Fletche
Dikes, l’Aristomène des temps modernes, celui qui a été tué dans une
bataille contre Ibrahim, en un lieu oii nous conduirons bientôt nos
lecteurs, vers les racines du Maiîglava; un seigneur mainote, que nous
visiterons plus tard dans son pyrgo formidable, et l’évêque Grégorio,
qui, chassé de son siège de Modon par les Musulmans, demeurés possesseurs
de la ville, portait aux sectateurs de Mahomet une haine furieuse.
Ce prélat, avec des versets des saintes écritures, oii le .dieu des armées
ordonne au peuple selon son coeur d’exterminër ses ennemis et de faire
jaillir la cervelle des petits enfans, en leur écrasant la tête contre la
pierre exaspérant les soldats, ne négligeait aucun moyen pour leur faire
adopter ses projets de vengeance : ceux-ci n’y étaient que trop disposés.
Le gouvernement informe que s’était donné en 4821 l’insurrection, et
que présidait le prince Ipsilanti, siégeait devant Tripolitza, dont Colo-
cotroni et Yatracos formaient l’investissement, on apprit au camp les
prédications atroces de l’évêque de Modon, et pour essayer d’en neutraliser
les effets, quelques officiers furent députés vers l’armée que fanatisait
ce prêtre fougueux ; ils venaient conseiller une généreuse modération.
Monambasie ayant capitulé depuis une douzaine de jours, la garnison
de Navarin offrait de se rendre aux conditions qu’avait obtenues celle
de cette ville ; mais elle appréhendait la mauvaise foi et l’exaspération
des vainqueurs. Cependant, « décimés par la famine, les Turcs, dit
« M. Reybaud9, se déterminèrent à capituler avec qui voulût les rece-
Josué, chap. VIII, v. 18 à 29 ; Rois, liv .I, chap. XXVII, t . 9 et 11 j Psaume CXXXV, y. 19;
Isaïc , cliap. XIII, etc.
a. Mémoires sur la Grèce, t. I , p, 426.
« voir. I On leur promit la vie sauve, et qu’ils seraient transportés par
mer sur une terre dë la domination du grand-seigneur. Dès que les
Grecs tinrent ces infortunés en leur pouvoir, on les jeta sur Ruloneski,
écueil de quelques cents pas de longueur, aplati, peu élevé au-dessus
des flots, dépouillé de verdure, entièrement privé d’eau, situé précisément
au milieu de la baie de Navarin, et qui, sous son autre nom
de Marathonisi, figure dans la liste des îles soumises à l’Angleterre,
comme Ioniennes (p. 82). L’évêque de Modon, qui commanda cette
violation de la foi jurée, pensait la justifier, en disant : « Ruloneski
« n’est-il pas une terre de l’obéissance du grand-seigneur , puisqu’elle
« est remplie de Turcs, dont nous avons respecté; les jours et .quënous
« y avons transportés par mer? * Lesprisonniers, au nombre de plus de
quatre cents, moururent de faim et de soif sur la pierre aride. Lorsque
je me suis fait descendre sur cette roche quelques années après, conduit
par un canot, que Bougainville, un jour oii j’avais déjeûné à bord de
son vaisseau, voulut bien mettre à ma disposition, pour me promener
dans la rade, j'e la trouvai comme un ossuaire, où se distinguaient,
à leur blancheur indicatrice de plus de vétusté, les squelettes des victimes
de la trahison, de ceux de quelques blessés de la bataille navale
de Navarin. Ces derniers présentaient souvent des traces de fractures et
des teintes ensanglantées ; plusieurs étaient encore environnés d’afïreux
haillons, dont on pouvait reconnaître l’étoffe, tant est conservateur le
climat dans tout l’Orient. L’officier qui m’accompagnait ramassa la tête
d’un enfant d’enyiron dix à douze ans. U paraît cependant, quoi qu’on
en ait dit et imprimé, que les Turcs en état de porter les armes, avaient
été seuls abandonnés sur la roche homicide. Les femmes et les adolescens
furent distribués comme esclaves aux Grecs qui en voulurent prendre.
J’en ai retrouvé plusieurs dans la Magne, particulièrement au canton
de Zamate, dont le capitaine avait été l’un des principaux chefs à la prise
de Navarin. On doit cette justice aux Mainotes tant décriés, que ces
esclaves ne furent jamais maltraités par eux, et nous n’avons pas remarqué
qu’ils se plaignissent beaucoup de leur sorff tout à l’heure nous
verrons le respectable Mavrico-Poiilo, l’un des primats du pays , en racheter
un grand nombre de ses propres deniers, et les faire conduire