diterranéen, croissait abondamment où ce qui restait d’eau trouble dans
le canal demeurait en contact avec la lumière. La route traverse bientôt un
étroit ravin au moyen d’un petit pont en pierres où commence un pavé
vénitien, en tout pareil à celui du col de Saint-Nicolo et en aussi mauvais
état; nous suivîmes ce pavé fatigant, ayant la mer à gauche, souvent
presque sous nos pas, et les flancs arides, jaunâtres et taillés a pic des
montagnes un peu plus loin à droite : il avait traversé l’aqueduc, qu?il
longeait en le laissant du côté de la rade; il le recoupa à quelque distance
près des restes d’une vieille tour à peine reconnaissable, et qui dut servir
pour des signaux. Nous y étions à une demi-lieue environ de la ville.
Le Vallon d’une petite rivière, qu’on nous dit s’appeler Navàrinitza, et
qui, dans le plan de M. Smytlr, est nommé Pesili, s’ouvre alors au
nord, et c’est en ce point que la marine^française avait établi son
hôpital parallèlement à l’une des sinuosités du conduit d’eau et dans une
excellente exposition. Ce bâtiment, construit en planches et doiltda
toiture était recouverte de cette grosse toile goudronnée dont on fait
les prélats, présentait extérieurement à peu près la forcrie qu’on donne
à l’arche de Noé dans les images où sont représentés les principaux traits
de la Bible; au dedans on eût dit l’entrepont d’un vaisseau de ligne
bien aéré et bien tenu. Les malades qu’on y envoyait se rétablissaient
promptement, et du,petit jardin qu’on avait planté ën terrasse Sur le
devant, on apercevait vers le nord-ouest, dans l’étendue basse et marécageuse
de la côte, les traces de ce camp de malheur, où quelques mois
auparavant tant de soldats français étaient morts victimes du mauvais
choix d’un emplacement, dont personne dès-lors ne voulait convenir
avoir eu la funeste idée. L’embranchement de la route que nous laissâmes
a l’est sur la droite, entre le mur de l’aqueduc et les parois de
l’hôpital, conduisait à Koubeh; c’était proprement le grand chemin de
Tripolitza : nous marchâmes au nord devant nous par celui dit de
Patras, qui longe, en passant à Gargaliano et Arcadia, la côte ouest
de Messénie, jusqu’au point où, arrivant en Elide, après le passage de
l’Alphée, il traverse les campagnes de l’intérieur. Nous descendîmes
par une pente assez douce-, à partir d’une fontaine semblable à celle de
l’entrée,de la plaine de Modon (p. 57), et qui alors était pareillement
sans eau; ceux qui les élevèrent eurent toujours soin de réserver dans
l’épaisseur de leur maçonnerie une niche, où j’ignore si du temps de
la domination des Turcs on souffrait que les Grecs consacrassent leurs
images de la Panagie, mais que l’antiquité dut certainement orner d’une
statue de quelque nymphe : maintenant on y trouve d’ordinaire à la
place de divinités quelconques des écuelles en bois, ou faites avec des
morceaux.de cette espèce de Courge qui imite la forme d’une bouteille;
au moyen de cette substitution les passans peuvent s’y désaltérer commodément
quand le courant n’en a pas été détourné.
En arrivant dans la plaine, nous trouvâmes les ruines d’une maison
semblable à nos grandes fermes de France; elle dépendait d’un village
dont il reste à peine quelques débris. Ce fut celui de Zonchio ou Zunkio *,
dont le nom se trouve à tort, et je ne sais pourquoi, donné ordinairement
dans les cartes et dans les livres à Paléokastron ou Vieux-Navarin.
Smyth est le seul qui ne soit pas tombé dans cette erreur, et qui ait
placé ce Zunkio ou Zonchio en son véritable lieu. A partir de la maison
ruinée, le pays est plat, composé d’une terre entraînée des hauteurs
voisines, grasse, forte, et qui paraît être très-fertile. Les environs sont
maintenant incultes et couverts d’une végétation empreinte d’un caractère
semi-maritime; des Soudes, des Statices à feuille de Limon, des
Joncs surtout, s’y mêlant à des buissons aromatiques semblables à ceux
de l’intérieur du pays. Bientôt, laissant à droite une chaumière où
s’étaient mis en ménage, avec une Grecque, des cantiniers provençaux,
nous passâmes la petite rivière de Navarinitza ou Pesili sur un pont de
pierres très-étroit, construit d’une seule arche tellement élevée, que la
montée et la descente n’en sont pas sans difficulté. Le sol devint alors
de plus en plus marécageux; un autre pont, pareil au précédent, se
i : Ce nom de Zonchio,‘que Coronelli mentionna des premiers, est d’éljmologie vénitienne •
il indique un lieu bas, humide, herbeux et aquatique, et Tient de juncosus, coufert de joncs *
comme Canada en espagnol s’applique à plusieurs villages où croissent des Cannevères ( Arundo
Donax, L .), appelées Canas. Il fut probablement donné dans l’origine à toute la région marécageuse
et couverte dè Roseaux confondus avec des Joncs du fond de la baie de Navarin, puis restreint
à l’endroit où nous le retrouvons, et ne put jamais convenir au site escarpé pour.lequel nous
sommes surprisse le voir reproduit dans les ouvrages les plus modernes. Il est d’autres lieux en
Grèce appelés Zonchio, lesquels sont tous dans une situation analogue à celle du Zonchio qui
vient de nous arrêter. | 18