CHAPITRE VII.
D’ARCADIA AU BASSIN DE LA PIRNATZA. PALÉOKLEPHTO. ANDANIE. L’ITHOME
ET MESSÈNE. ANDROUSSA. — M. LE MARECHAL MAISON RETOURNÉ EN
FRANCE ET REMET LE COMMANDEMENT EN CHEF AU GENERAL SCHNEIDER.
Après le passage du torrent de Kartéla existe une riche fontaine revêtue
d’une forte maçonnerie, et dont la surabondance va se jeter dans la mer:
sous les arbres d’alentour était une troupe de jeunes et jolies Grecques
occupées à laver du linge; la suite de la princesse Nausicaa, parfaitement
semblable aux déesses, quand Ulysse, tout nu, la surprit faisant également
la lessive de ses robes, n’avait p r o b a b l e m e n t pas meilleur air.
Il était nuit lorsque nous campâmes au pied de la ville d’oîi nous
partîmes le lendemain pour aller à Mavromati, sur 1 emplacement de
l’antique Messène, afin de nous trouver dans un village qu’on nous assurait
être encore assez populeux, aux solennités de la Pâques des Grecs
et aux réjouissances qui accompagnent une si grande fete.
Tandis qu’on levait le camp, je conduisis M. Lenormand vers ces
jardins qui s’étendent au pied de l’acropole, et dans lesquels nous avions
déjà, reconnu des constructions helléniques. Il tint, comme moi, les
pierres taillées du massif des Lauriers (p. 240) pour les restes du
soubassement d’un temple d’Apollon, cité par Pausanias.
Ayant quitté à une demi-lieue environ d’Arcadia le chemin que nous
avions suivi précédemment pour nous rendre à Sidérokastron, et nous
dirigeant à l’Est, en abandonnant les pentes humides du Mavrolymni,
nous nous élevâmes, après avoir traversé plusieurs ruisseaux, sur les
flancs méridionaux de quelques monticules arrondis qu’on laisse sur la
gauche; la route ayant passé entre les deux derniers, nous fûmes bientôt
au milieu d’épais bosquets d’arbustes sur un petit plateau, séparé
par un encaissement large et profond des racines prolongées des revers
de la chaîne Gérénienne, dont les sommets nous restaient au loin sur
la droite. On apercevait à quelque distance dans la même direction le
hameau de Mirou, et beaucoup plus loin un village qu’on nomma
Alimachi; nous descendîmes l’escarpement en haut duquel nous nous
trouvions, par un chemin très-rapide, tracé en zigzag et d’autant plus
désagréable qu’il est tout rempli de cailloux désunis de la grosseur d’une
pêche à celle d’un melon, roulant sous les pieds et provenant de la
destruction d’un banc immense de Poudingues, à la formation desquels
appartiennent les remparts environnans1 ; parvenus, non sans avoir
couru plus d’une fois risque de nous donner des entorses, au fond du
vallon où serpente le Cyparissus, nous passâmes ce petit fleuve alors assez
rapide* sur des arbres abattus, couchés d’un bord à l’autre et qui formaient
un mauvais pont accidentel. Lorsque nous fûmes sur la rive septentrionale,
nous nous retournâmes pour admirer la bizarrerie des parois
par où nous y étions arrivés, et qui, avec leur prolongement dans l’est,
ressemblent à d’immenses fortifications du moyen âge, ayant comme
leurs tourelles et leurs créneaux construits en gros cailloutage. C’est au
confluent de la rivière qui vient directement du Sud, et qui arrose, en
le sillonnant profondément, le canton de Kondovounia, que l’aspect de
ce rempart est le plus étrange : élevé d’une centaine de pieds, coupé par
des embrasures qu’y forment d’autres petits torrens perpendiculaires, on
dirait une suite de pyrgos ou de bastions disproportionnés, mais dont
plusieurs ressemblent à des constructions de main d’homme; on y reconnaît
que le Cyparissus s’est fait jour dans l’immerise épaisseur d’un banc
de galets, dont beaucoup de parties, particulièrement aux endroits où
sont les accidens d’apparence gothique, passèrent à l’état de Poudingue.
Abandonnant le vallon au lieu où il se rétrécissait, et nous élevant
sur les pentes dont nous suivions les bases depuis le passage du fluviole,
nous traversâmes près de son embouchure l’afïluent qui, coulant du
Nord au Sud, vient de Sidérokastron, et qui passe auprès du bourg de
Mouratou; il y existe un pont en pierres d’une seule arche, plus ouverte
que ne sont celles de tous les autres ponts de la Morée; celui-ci est
aussi le mieux construit, et ce qui nous surprit, c’est qu’il était aussi
plat que l’est celui deNeuilly. Il ne coulait point d’eau par-dessous, les
i . Celle descente, arec la partie dé route que nous tenons en ce moment, a été omise dans
la feuille 3 de la grande carte en six feuilles j mais il sera facile dé l’y rétablir d'après notre
itinéraire.
ï - 3 5 ;- 4