pruntèrent d’un plus ancien monument, dont on ne saurait retrouver
aucune trace dans les environs, deux puissans débris, lesquels, assez
mal ajustés l’un sur liautre, sont coùîonnés par un chapiteau disproportionné,
ne se rattachant à aucun ordre d’architecture, et sur la face
occidentale duquel M. Dubois ne parvint qu’avec beaucoup de peine à
déchiffrer ces derniers "mots d’une inscription latine fort mal gravée :
HIC I tÇ O S V P E R R E S P IC IT .............
La base du monument est un hlqcsdémesuré, dont les angles furent
tellement usés tout autour qu’il.semblc avoir dû être long-temps exposé
au choc des vagues; on serait tenté d’y voir un énorme galet, bien
mieux qu’un socle taillé par la main de l’homme. Le mur du château,
avec sa porte de style oriental, forme le côté septentrional de4a place.
On a déjà fait graver le même lieu, mais comme dans la représentation
qui en fut donnée on pourrait croire que la colonne, dont la place
enmrunte.son principal caractère, est d’un seul fût, et mieux proportionnée
qu'elle ne l’est réellement, j’ai cru devoir reproduire cette
entree de Modon dans la figure 1." de la planche XIX, d’après un
excellent dessin M. Baccuet. C’est en cet endroit qu’on trouvait tout
sellés les chevaux de louage sur lesquels on se rendait de Modon à
Navarin. M. de Chateaubriand a parfaitement décrit1 l’équipement de
ce genre de montures, et nous renverrons eonséquemment le lecteur à
ce qu’il en dit; on y prendra une idée exacte de lajaam de chevaucher
en Morée, aux temps de galop pfès, d<jnt il parle si souvent, et qui,
tout officier de cavalerie et casse-cou que i’aip; été, m’ont paru devoir
être au moins périlleux, sinon impossibles,,par les chemins où j’eus
occasion de passer après le rapide écrivain.
Il ne restait que des traces»du faubourg df- ModonI tel qu’il dut être
au temps de M. Pouqùeville. Les baraques qui s’y construisaient de
mon temps ne s’élevaient même plus à la place des anciennes maisons;
celles-ci, dont plusieurs cependant se réparaient, se voient à l’entrée
de la route de Navarin; les nouvelles, au contraire, s’alignent en rue
sur le chemin de Coron. Les alentours présentaient quelques murs de
i . Itinéraire, OEuvres complètes, t. VIII, p. 27.
clôture en assez bon état; plusieurs officiers en profitèrent pour abriter
les jardins qu’ils se divertissaient à cultiver, et dont ils tiraient de
grandes ressources pour leur ordinaire. M. le Maréchal avait-surtout
fait mettre en très-bon état celui qui jadis appartint au commandant
turc; il fournissait en abondance ces légumes d’excellente qualité qui
ajoutaient à la délicatesse toute parisienne de sa table. De vieux cactes
mutilés, des troncs de palmiers, coupés à hauteur d’appui dans un
pur esprit de destruction, se rencontraient çà et là dans les enclos
abandonnés. Un peu plus loin quelques arbres fruitiers, échappés à la
fureur musulmane, produisaient quelque,peu d’ombrage; partout des<
chrysanthèmes et des malvâcées d’une prodigieuse hauteur avaient envahi
les terrains précédemment défrichés : ces végétaux, quand ils sont
très-pressés et de vigoureuse croissance, dénotent toujours cn°Mt>rée
les endroits qui furent cultivés au pourtour de quelque ancien vffiage;
partout où l’on en rencontre abondamment, on peut être sûr qu’il exi,sfa
des jardins. Us atteignent alors àtdeux ou trois pieds et plus de hauteur,
en prenant un aspect frutescent qu’on ne leur trouve nuUe part dans
nos contrées, lors même qu’ils y poussent sur le meilleur terreau. Ils
se pressent et se lient tellement par leurs branches, qu’il est parfois
difficile de traverser les espaces qu’ils usurpèrent, et sur lesquels toute
autre plante se trouve étouffée. Ces espaces paraissent au printemps!",'
lorsqu’on les regarde gune certaine distance, colorés en violet pâle quand
les malvacées y dominent, ou en jaune quand ce sont les chrysanthèmes.1
Le magasin des fourrages de l’armée, et des hangars servant d’écurie
pour un détachement de la triste cavalerie régulière des Grees, étaient
situés extérieurement à l’entrée de la ville, sur un spacieux vacant, vers
le milieu duquel, contre le pavé de la route de Navarin, se voit un
grand puits dont l’eau n’est pas très-bonne; sa qualité Saumâtre et
fétide y fit reconnaître par quelques-uns celle que Pausanias comparaît
a du baume de Cyzique (p. 99); d’autres pensaient qu’il fallait chercher
ailleurs la source bitumineuse de Mothone, non parce que le
i . Ces malvactes sont : les malva ylv'stril et lavaUra çnüca; le chrysanthème’ est le çhrjsan-
ihtmum coronarium. i I 14