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 les premiers  pleuvent des  fentes d’un  plafond  composé  de planchettes  
 assez  artistement  ajustées,  et  les  seconds  s’élancent  des  fentes  d’un  
 plancher  mal  joint.«Les  puces,  particulièrement  les  femelles,  sont  
 beaucoup  plus  grosses  en  Grèce  que  partout; ailleurs ;  elles  ne  vous  
 y   assiègent  pas  seulement  dans  leS  chambres, mais  encore  dans  les  
 champs et parmi les broussailles, où le voyageur s’en trouve incessamment  
 assailli. Les antres les plus mystérieux, qu’on croirait devoir être  
 des  retraites  de  Nymphes,  et  les  abords  des  plus  vénérables  ruines,  
 leur  sont1 des  sites de  prédilection,. pour  peu  que  des pâtres  s’y  viennent  
 reposer de temps  à  autre.  On  ne pénètre  pas dans  les  cavernes  
 sépulcrales des environs de Modon ou de Milo,  dans  le vestibule de la  
 célèbre grotte d’Antiparos, dans le tombeau ou trésor d’Agamemnon à  
 Mycène, sous  une voûte cyclopéenne conservée  au coeur des remparts  
 de l’antique  Thirynthe,  enfin  dans  ce  que je  regarde a Délos  comme  
 le  berceau  de: Diane  et d’Apollon,  qu’on n’en  soit à l’instant  couvert  
 au  poiut d’en avoir les jambes  surtout  entièrement  noircies. On  peut  
 même  avancer,  saiis  exagération,  qu’il  est  des  lieux  où  la multitude  
 des  puces  doit  produire  un  bruissement  perceptible  quand,  depuis  
 long-temps  privées  de  nourriture,  elles  s’élancent  à  la  fois  sur  tout  
 être  vivant  qui  vient  à  tomber  au  milieu  d’elles  comme  pour  leur  
 fournir une  curée. Les innombrables plis d.e la  fustanelle du palikar le  
 mieux doré n’en sont pas moins infectés  que la chemise d’un Grec du  
 commun, qui est ce que j’ai rencontré de plus  sale au monde après un  
 Juif de Pologne. Les femmes,  comme  accoutumées aux  piqûres,  ne se  
 donnent guère la peine d’en poursuivre les  causes à travers leur linge,  et  
 nous  en avons remarqué plusieurs, appartenant aux  premières classes  
 de la société, qui, sous le velours, les étoffes de soie, les riches broderies  
 et les coûteuses fourrures dont se composaient leurs somptueux atours,  
 avaient la peau aussi criblée de petits points rouges, que si elles eussent  
 été affligées d’une  éruption miliaire  très-intense. De plus ignobles parasites  
 ne  pullulent, pas moins  sur le  corps  des  Grecs  sans  qu’ils  paraissent  
 en  être  trop  incommodés*  C’est  à  la  présence  de  ces  hôtes  
 incommodes  qu’il  faut  attribuer le genre de mouvement habituel que  
 la  plupart  d’entre  eux  sé  donnent  comme  pour  se  frotter  dans  leurs 
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 vêtemens; mouvement  qu’en  France  les mendians  du  coin  de  la  rue  
 ne font pas sans une expression de vergogne, mais que le divin Homère,  
 dans  son immortelle  Odyssée,  ifè manque  pas  d’exprimer naïvement*  
 quand  il nous représente le grand Ulisse déguisé en mendiant et insulté  
 par un pâtre qui lui reproche d’user les portes à force de les frotter avec  
 ses  épaules.  On  pourrait  citer  d’illustres  philhellènes  qui,  dans  leur  
 enthousiasme pour le pays dont ils avaient embrassé la défense,  ayant  
 adopté le costume national, poussèyentd’exactitude de l’imitation jusque-  
 là, qu’en cessant de se gêner pour*assa»sonner leur conversation  de  ce  
 qu’en Grèce on ne distingue pas d’un simple hoquet, ils ne se gênaient  
 pas  davantage toutes les  fois  qu’ils se sentaient piqués, pour saisir sur  
 leur peau ce qui les piquait, comme fit Sancho-Pança lorsqu’il voulut  
 donner à son maître une preuve matérielle, qu’en se laissant entraîner  
 dans  un esquif au  courant de l’Ebre,  ils' n’avaient pas  encore passé  la  
 ligne équinoxiale1. Je n’abandonnerai point ce triste Chapitre des, humiliations  
 humaines sans remarquer que la tête d’un Grec,-moins négligée  
 que le  reste  de  sa personne;  est ordinairement  exëmpte de  ce  quï*dé-  
 grade son corps. Les maladies de la peau m’ont même paru se rencontrer  
 plus  rarement  en Morée  que  partout  ailleurs;  la  gale,  puisqu’il  faut  
 1 appeler par son nom, n’y est certainement pas  aussi  commune qu’en  
 Espagne,  par  exemple,  où  cette incommodité  est tellement répandue,  
 surtout dans  les provinces Centrales,  qu’on  l’y  croirait être.l’état normal  
 des hommes  et  des  femmes  de toutes  les  conditions. 
 Les  environs du  châtgàu de Modon,  dans les appartemens  duquel,  
 comme je l’ai dit plus haut, le général en chef avait remplacé Ibrahim,  
 se  trouvaient  un  peu mieux déblayés  que le  reste de  la  ville;  on  en  
 avait fait disparaître un magasin à poudre dangereusement situé, ainsi  
 qu’un  cimetière  turc,  aux  dépens  duquel  s’était  élargi  la  place  longitudinale, 
   à  l’entrée  de  laquelle,  uif peu  vers  la  gauche,  s’élève  une  
 colonne remarquable par la matière qui la compose, et par le mauvais  
 goût de ses proportions. Cette colonne, en beau granit rouge d’Égypjfce,  
 est évidemment une oeuvre desVénitiens, qui, pour la construire, emi 
 .  Cervantes,  part.  II, cliap.  29;  èd.  de Pellicer,  part.  II,  t.  I ,   p. Ijjfe