L’Arbousier abonde dans le canton; il y compose des bosquets assez
considérables, mais qui finiront par disparaître, si la nouvelle administration
n’interdit pas la coutume qu’ont les bergers de brûler partout les
arbustes et les buissons, pensant que lés cendres qui résultent de leurs
incendies promettent pour la saison suivante des pâturages plus fournis.
Gell ayant remarqué dans le voisinage cette abondance d’Arbousiers 9 la
signala probablement dans son Itinéraire par le nom qu’on donne en
botanique à l’arbre dont il est question; son traducteur a pris,ce nom
pour celui d’un village, et l’excellente carte de 1826 a marqué un Arbutus,
qui n’a jamais existé sur la route de Navarin à Gargaliano, par un autre
village de Romanos> qui n’exista pas davantage. L’erreur est remontée
à sa source, et l’on retrouve l’imaginâire Arbutus dans la carte même de
Gell , où celle de M. Lapiefut évidemment copiée en plusieurs endroits.
Le 7, dès la pointe du jour, le camp de Goryphasium fut levé; nous
nous mîmes en route en suivant, par le pied de l’escarpement de Paléo-
kastron ou Pylos, le bord occidental de l’étang. U a fallu, en plusieurs
points, attaquer le roc pour rendre praticable le cbemin, qui est fort
étroit, où l’on reconnaît les restes d’un pavé à la manière vénitienne,
et que des éboulemens menacent sans cesse. Il suffit de quelque bloc
de pierre détaché du rempart dont il est flanqué d?un côté, pour l’intercepter,
et de tels accidens ont eu lieu plus d’une fois, si l’on en juge par
les pierres considérables éparses au bord de l’eau, où elles proviennent
du déblaiement de la route qui fut, dit-on, obstruée en entier à la suite
du tremblement de terre dont le village de Leukos fut ébranlé avant sa
totale destruction par Ibrahim (page 159). Au sortir du défilé, on
débouche sur les amas de sable mobile par lesquels l’étang d’Osman-Aga
est séparé du Yentre-de-boeuf; nous côtoyâmes une dernière fois celui-ci,
laissant ensuite à gauche la chaîne de rochers de Pétrokhori et la plaine
à droite. Après avoir traversé le Roumano, nous remontâmes encore à
Mouzousta par le joli vallon du fluviole, que nous supposons être le Briso-
méro, et nous y fîmes halte; ce village est situé sur un plateau capable de
supporter les plus riches cultures; quelques maisons s’y rétablissaient; ce
qui restait de vingt-sept familles qu’on y avait comptées naguère, ne tarda
point à se réunir autour de nous et nous fit le plus gracieux accueil.
Jusqu’ici nous n’avions vu aucune population réellement grecque,
celle de Modon et de Navarin ne se composant alors que de vagabonds
et d’une peste de petits industriels de tous les pays, comme il ne tarde
point à s’en accumuler partout où sont réunies des troupes, leur quartier-
général et le nombreux personnel de leur suite. Nous pûmes ici commencer
à nous faire une idée des véritables Moréotes, que l’amour du
sol natal y rappelle toujours, et que les mauvais traitemens des Turcs,
avant la révolution, n’avaient pas suffi pour en éloigner, quelle qu’eût
été la pesanteur du joug. C’est à Gargaliano que nous allions achever
de faire complètement connaissance avec les indigènes, et que nous
ne devions pas tarder à revenir de la mauvaise opinion que nous avions
été tentés d’en prendre à force de les entendre calomnier, surtout quand
nous n’avions encore guère rencontré que des mendians importuns et
mal-propres. Dès Mouzousta nous reconnûmes qu’il existait des restes
intéressans d’un peuple illustre, dans lesquels persistent les germes de
toutes les qualités brillantes qui rendirent leurs aïeux si justement
célèbres et chers à notre jeune âge. C’est dans l’église de Mouzousta ,
toute ruinée, et dont la toiture s’était affaissée, que nous commençâmes
à trouver de ces petites bougies que la superstition allume devant quelque
figure de Yierge ou de saint grossièrement barbouillée sur des morceaux
de planches. Les autels ayant été profanés par les Musulmans, qui ne
permettaient point aux Grecs de réparer- les lieux saints, les iconoclastes
en ayant auparavant détruit les statues et les peintures vénéréesf;vil ne
restait plus depuis long-temps dans les églises de campagne le moindre
ornement servant au culte qui fût digne d’attention; les moins dégradés
conservaient tout au plus divers misérables restes de fresques grossières
sur leurs murs; il ne s’y trouvait même pas de sièges : tout y portait le
cachet de la misère et de l’abandon. Il n’était pas rare que les passans
et jusques aux troupeaux n’y entrassent pour se reposer et dormir aux
heures où les Papas et leurs paroissiens ne s’y réunissaient plus pour
prier.
Les églises et les chapelles de l’Orient, notamment dans la Morée et
les Cyclades, s’élèvent presque toujours sur l’emplacement de temples
ou hyérons antiques; chaque lieu que l’idolâtrie consacra une fois au