d’Ithome, et que, s’y étant défendus vaillamment pendant dix ans, ils
finirent par obtenir une capitulation qui leur permettait de se retirer
ou bon leur semblerait; la plupart choisirent Naupacte.1
Il n’existait point alors de cité appelée Messène: ce fut long-temps
après, qu’ayant par sa victoire de Leuctres humilié l’orgueil de Lacé-
démone, Epaminondas, qui voulait lui donner un contre-poids dans
le Péloponnèse, fonda la ville à laquelle on imposa le nom de cette fille
de Triopas, qui passait pour avoir régné la première chez les Messéniens
des temps héroïques. Ce grand homme ne voulut point rétablir
Andanie, parce que trop de malheurs, arrivés durant l’existence de cette
ville, en avaient fait en quelque sorte un lieu de malédiction; mais ayant
reconnu que le site où se trouve maintenant Mavromati, était le mieux
fait pour la fondation d’une bonne place, il ordonna aux devins de savoir
si la volonté des dieux était d’accord avec ses projets : les augures
ayant assuré que tout promettait un heureux succès, le général thébain
réunit les matériaux nécessaires et des architectes, dont les travaux
se faisaient, au milieu des sacrifices et au son de la flûte, vers l’année
369 avant Jésus-Ghrist. Ce fut ainsi que les Messéniens revirent
leur patrie cent quatre-vingt-dix-sept ans après la chute d’Ira, et que
l’Ithome redevint leur plus formidable boulevard; ils recommencent
dès-lors à jouer un rôle respectable dans l’histoire de la Grèce : ligués aux
Athéniens contre les Eléens unis aux Spartiates, ils empruntent du poète
Homère le stratagème qui les rend maîtres de la capitale de leurs ennemis
; ils demeurent d’abord neutres dans les affaires qui déterminent la
formation de la ligue achéenne; mais y étant entrés, ils s’y distinguent
et repoussent les Macédoniens qui étaient venus les attaquer à l’impro-
viste. Nous emprunterons à Pausanias le récit de ce fait d’armes, parce
qu’avec notre plan sous les yeux on pourra s’en rendre parfaitement
compte.
«Philippe, ayant absolument besoin d’argent, et voulant s’en pro-
« curer, envoya Démétrius avec des vaisseaux dans le Péloponnèse; celui-
« ci, étant débarqué dans l’un des ports les moins fréquentés de l’Ar-
« golide, conduisit sans perdre un instant ses troupes à Messène, par
i . Pausanias, lib. V, cap. 24.
« les chemins les plus courts, et marcha droit à l’Ithome, dont il con-
« naissait bien la topographie» Le jour commençait à peine qu’il avait
4 déjà escaladé, sans qu’on s’en fût aperçu, le mur qui existait entre la
« ville et le sommet de la montagne : le lever du soleil découvrit aux
« Messéniens le danger qu’ils couraient; imaginant d’abord que c’étaient
« des Lacédémoniens qui étaient entrés par surprise dans la place, ils
« fondirent sur les assaillans avec toute la fureur que pouvait inspirer
« une haine invétérée; mais ayant reconnu, à leurs armes ainsi qu’à
« leur langage, des Macédoniens et Démétrius fils de Philippe, l’idée qu’ils
« avaient de la supériorité de celui-ci dans l’art militaire leur inspira
« d’abord de la consternation. Cependant l’imminence du péril leur rendit
« le courage; ceux de la ville marchèrent résolument à l’ennemi, tandis
« que ceux de la citadelle le pressaient avec tout l’avantage que leur
« -donnait la situation des lieux: toutefois les Macédoniens résistèrent
« d’abord très-vaillamment; mais fatigués de la route, pressés par les
« hommes, en même temps qu’ils étaient accablés de pierres et de tuiles
« par les femmes, ils furent réduits à la fuite, et se précipitèrent en
« désordre et en jetant leurs armes par les parties les plus escarpées
« "de l’Ithome.‘ | Ce passage prouve d’abord qu’il fallait que Messène
passât pour une ville fort riche en numéraire et autres valeurs qui
peuvent s'emporter facilement, puisqu’un prince nécessiteux avait songé
à la mettre à contribution si loin de ses Etats; secondement, que dans
les forteresses dont les approches et les murailles passaient pour inaccessibles,
on se gardait très-négligemment, s’en remettant pour la sûreté
intérieure aux obstacles naturels et multipliés par l’art : s’il y eût eu
seulement quelques sentinelles du côté par lequel s’introduisit l’ennemi,
et qui doit avoir été entre la porte de Laconie et l’extrémité sud-est de
l’acropole, l’attaque eût été facilement déjouée, et nul pillard n’eût
impunément gravi les rochers qui regardent l’Orient. Le combat dut
se donner sur les petits plateaux et les pentes ou se trouvait situé notre
camp. « Peu de temps après l’association de Messène aux Achéens, con-
« tinue Pausanias, Cléomènes, fils de Léonidas, fils de Cléonymus, prit
« Mégalopolis, ville des Arcadiens, contre la foi des traités, en massa-
1. Lib. IV, cap. 29.
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