Peupliers blancs (n.° 4312 ), fort élevés, y forment une masse carrée
de verdure grisâtre, qui se fait remarquer de très-loin.
Nous partîmes ensuite pour la ville nouvelle de messire Guillaume,
second du nom ,IÉlont Baccuet prit une vue (pl. XXIX), du haut des
murs de Sparte auxquels nos tentes étaient adossées1 ; une demi -heure
après, ayant marché à travers des Oliviers, ou des cultures de Concombres
et de Pastèques, on arrive à Magoula. Cent familles y vivent au
milieu de jardins plantés d’Orangers et de Grenadiers, que couvrent des
Clématites : il y avait de jolies maisons, que s’étaient appropriées des
Maniotes descendus de la montagne et qui en avaient chassé les anciens
propriétaires turcs; un pont, assez pittoresque, traverse le cours d’eau
qui roule entre de jolis massifs d’arbustes et de Caneveres, alors ornees
de leurs fleurs disposées en panaches flexibles. Sur la gauche du village
et à quelque distance, sont encore beaucoup de restes de l’antique Lacé-
démonie; là fut incontestablement l’une des bourgades dont se formait
cette capitale. Il en subsiste, entre autres témoignages, une chapelle,
dans un mur de laquelle est encastrée une statue assez bonne, qui
paraît avoir été celle d’une Muse, mais ou manquent la tete et les
bras; de vieux Micocouliers ombragent ce monument de la piété des
païens et du christianisme. Des coteaux cultivés nous restaient a droite;
on y distinguait une chapelle, probablement élevée sur quelque hiéron.
On traverse peu après un autre affluent de l’Iri, appelé Pantélimonia,
sur les rives duquel sont des briqueries considérables : ce torrent vient
des hauteurs où Mistra est adossé, et traverse la ville, laissant du coté
du Nord le vieux quartier dominé par le château, et au Sud, la ville
actuelle, composée de trois populations distinctes, Mistra proprement
dite, Tristella et Parori. Lors de la révolution de 1770, Mistra, chef-lieu
delà province, appelée au temps des "Vénitiens JBracio di JM.ain.ci, comptait
46,200 habitans, dont plus de 44,000 étaient Grecs. Ce nombre
s’était encore accru lorsque la guerre de l’independance éclata : on 1 evai
. On trouve dans le Vojagc de M. de Stackelberg une vue encore plus étendue, prise à peu
près du même point, et qui ne laisse rien à désirer. Ce savant a aussi donné la plaine de Sparte
dans le sens opposé, et son magnifique dessin nous rappelle,beaucoup mieux le canton que la vue
de M. Blouet dans sa planche 44, qui n’offre guère de caractère ou d’accident qu’on ne retrouve dans
toute autre solitude de la Morée.
luait à près de 20,000 ; mais Ibrahim et ses Egyptiens en avaient causé
la dispersion, quand, sous le commandement de Panajotaki-Yatrakos,
les légitimes possesseurs y rentrèrent. Ce général, dont il a déjà été parlé,
et qui avait conduit ses Laconiens au siège de Tripolitza, venait d’être
nommé par le Président au commandement du pays, où il était déjà considéré,
à plus d’un titre, avant qu’il s’y fût illustré par les armes : d’une
famille dont l’origine se perd dans la nuit des temps, et chez laquelle l’art
de guérir fut toujours héréditaire, il tirait son nom de la profession même
qui s’exercait dans sa maison de père en fils. L’érudit primat de Malta nous
avait assuré que les Médicis de Florence appartenaient à une branche
cadette de la noble race du capitaine de Mistra, laquelle, s’étant transplantée
en Toscane dans le moyen âge, y avait traduit son nom dans la
Jangue de sa nouvelle patrie; «il existe, ajouta-t-il, une multitude d’exem-
« pies de tels changemens, dont celui des Kaloméros ne fut pas le moins
* remarquable.| Peu s’en fallait toujours, selon Mavriko-Poulo, que les
Yatrakos et conséquemment les Médicis, originaires de Zarnate, c’est-
à-dire de la Gérénie des temps héroïques, où régnèrent et furent révérés
Podalyre et Machaon, enfans d’Esculape, ne descendissent directement,
de médecins en médecins, du dieu même de la médecine. Les Mavromi-
chalis ont aussi la prétention d’appartenir aux Médicis, dont la noblesse,
comme on le voit, remonterait bien au delà des siècles d’où les généalogistes
ont coutume de la compter, et se trouverait consignée dans
les écrits d’Homère.
L’archevêque et le préfet de Mistra accompagnaient le général dans
la visite qu’il me fit (pl. XXX); ils voulurent bien prendre part avec lui
au festin que j’avais fait préparer sous nos tentes; festin qui nous fut
rendu au château, puis au palais métropolitain, dont l’église, la grande
cour à colonnades, avec la chambre à cheminée du prélat, n’étaient
pas sans dignité. De ce château presque inaccessible, élevé de 035
mètres, et d’où par miracle nous descendions de nuit sans nous casser
le cou, au son de violons, qui ne cessèrent un instant de racler pour
égayer l’épaisseur des ténèbres, on jouit de l’une des plus belles vues qui
se puissent imaginer. Je n’essayerai point de la peindre poétiquement
« depuis Sparte jusqu’à la mer, avec une plaine qui se roule unie et