alors celai de tous les chefs de Sparte dont le pouvoir fût le moins
bravé par les Kakovouniotes. Les vents ayant été favorables, tant que
nous en eûmes besoin, dès la pointe du jour nous étions rendus à
cette extrémité méridionale de l’Europe qui, par une singularité digne
qu’on la signale, se trouve exactement sous le même méridien que le
cap Nord dans la presqu’île Scandinave. Par un autre hasard la mer
étant devenue parfaitement calme et aussi unie qu’une glace, je fis
armer le canot et nous pûmes descendre sans le moindre danger sur les
effroyables rochers qu’assiègent des vagues furieuses, pour peu que le
caressant zéphire lui-même ne retienne point son haleine. Le Meisseiani
nous assura n’avoir jamais vu semblable bonace; il s extasiait sur la
fortune de ces Français, aux plus légères fantaisies desquels semblaient
s’accommoder jusqu’aux élémens. «Qui a jamais eu, disait-il, envie de
| poser le pied en u§ tel endroit ? Qu’y prétèndez-vous trouver ; peut-être
n’y a-t-il pas une place à la base de ces noirs déchiremens de pierres où
« vous puissiez marcher. J’ai passé cent fois à deux encablures de ce cap,
« et je n’ai jamais eu occasion de reconnaître si l’on peut seulement s’y
« tenir; je profiterai donc de votre descente pour connaître ce qui en
« est, et pouvoir dire, j’y suis aile.” Ayant pris la barre, le capitaine
gouverna sim la pointe même, qui semblait être acore; il s’y trouva
heureusement ça et là dés saillies en corniches, sur lesquelles il n’était
pas aussi difficile de circuler que nous l’avions imaginé. Nous y pûmes
même assez aisément recueillir de beaux Hydrophytes, avec de rares
Polypiers, et observer la nature des pierres qui appartenaient à ce Calcaire
âpre, dont la surface est déjà si dure à parcourir, quand des érosions
, causées par la mer, ne le rendent point complètement intraitable;
la meilleure chaussure n’y saurait long-temps résister. Quelques Câpriers
(n.° 665), avec une petite Immortelle (n.° 1152), étaient les seuls végétaux
terrestres qui fleurissaient comme à regret dans quelques fentes
des rochers, contre lesquels nous parvînmes à grimper jusqu’à vingt
ou trente pieds, trouvant toujours leur surface couverte de cette substance
vernissée, dont Boblaye attribue la cause à l’Aura marina M
et que j’ai fait représenter dans la planche IX, fig. 2, de la seconde serie
i . Voyez lome U du présent ouvrage, a.® partie, p. 337 et suiy.
de notre atlas. Nous rapportâmes aussi de beaux échantillons d’un
Albâtre rubané fort commun à l’extrémité du cap, où nous ne parvînmes
point à découvrir un endroit où pût jamais avoir été situé le
moindre temple; c’est en vain que nous cherchâmes celui du dieu de
la mer, ainsi que la fontaine au fond de laquelle on apercevait des
vaisseaux quand on y regardait. Il faut, pour trouver des ruines et
quelques gouttes d’eau douce, les aller chercher en un site moins tourmenté
, et je pense avoir rencontré un peu plus vers le Nord les merveilles
que les anciens nous disent avoir existé à Ténarium, lequel, pour
eux, n’était pas seulement le cap Matapan des modernes, mais la pointe
entière de Laconie, à partir de ce qu’on nomme aujourd’hui Porto-
Quaillo où je n’hésite point à reconnaître le Psammatus mentionné
dans Pausanias1, et qui, d’après Scylax, était adossé au port Àchilléus;
celui-ci se retrouve alors tout naturellement dans l’anse maintenant
appelée Marinari. La contiguïté de ces enfoncemens de deux côtes adossés
comme les deux ports que signale le périple, forme un isthme escarpé
et sépare du reste de la chaîne du Taygète, une presqu’île élevée à
son sommet de 500 mètres au moins; on peut étendre à celle-ci tout
ce que les anciens attribuaient à leur Toenarium promontorium, qu’on
doit soigneusement distinguer de leur Toenarus urbs. Par cette manière
de voir ce temple de Neptune, dont nous avons vainement cherché les
traces sur la pointe même du cap Matapan, se retrouve sans la moindre,
diificulté à Kisternès, autre port composé de deux petits bassins, dont
l’oriental fut évidemment taillé de main d’homme en carré long; ce lieu
est situé dans la partie Nord-Est de la presqu’île de Ténarium, et nous
parvînmes à gagner ses ruines, avec des peines infinies, à travers les
âpres rochers d’un rivage affreux. Il peut y avoir une demi-lieue tout au
plus de l’extrémité du redoutable promontoire à Kisternès, où le canot
avait ordre de nous joindre; il nous fallut plus d’une heure pour faire
le trajet, durant lequel nous rencontrâmes, entre les récifs, des
femmes kakovouniotes, que de loin nous prîmes pour des brigands,
parce qu’elles portaient des fusils en bandoulière. Leur tête était couverte
du féci national : une sorte de tunique composée d’une étoffe de